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Le vol du vautour

- J'me fais chier...

   Et pas qu'un peu. Ça fait trois heures que je suis dans mon bureau et personne ne vient me voir. Pas un client, même pas une petite vieille à la vue basse, rien ! Après c'est pas comme si ça n'arrivait jamais. Je me retrouve des fois à attendre pour rien toute la journée. Mais bon sang que c'est désagréable ! J'ai même pris la peine de bien nettoyer pour une fois !
    Je me retrouve à lire la gazette du jour, fournie par les fouineurs locaux. Des petits jeunots qui n'ont rien d'autre à foutre que de fourrer leur nez un peu partout sur Rokade pour y dénicher toutes les merdes possibles, histoire de salir la réputation déjà pas mirobolante de certains conn... Hé ! Mais je le connais celui-là : Vlad Urab, un gros enfoiré, au sens littéral, originaire du royaume de Drum. Il fout quoi sur l'île ? Ah... Apparemment, il vient vendre son nouveau vaccin contre l'excès. Faudrait qu'il pense à le tester sur lui tiens, ça lui éviterait de se resservir de la crème à chaque bouchée. Un escroc que tout le monde connaît déjà ici.

    Je soupire et finit par reposer le journal sur la table. Les pieds croisés à côté de ma lampe à huile, je regarde le plafond d'un air las. La dernière demande que j'ai eu était celle d'un collectionneur d'os de phalanges d'orteils... Si, je vous le jure. Sur la tête de ma m... de qui vous voulez. Il tenait à ce que je lui rapporte les orteils d'une jeune femme qu'il avait rencontrée au bord de l'eau. Une petite beauté d'ailleurs, après vérification. Dommage qu'il ait fallu la tuer : ses cris et ses griffes m'empêchaient de faire le boulot convenablement. Bon, évidemment j'ai fait la gueule lorsque mon client est venu régler, mais lui s'est contenté de me déblatérer ses sornettes sur la rareté du pied carré de nos jours... Qu'est-ce qu'on en a à foutre ?
    Il y a vraiment des malades, je vous le dis !

    Toc. Toc. Toc.
    On frappe à la porte. Je regarde celle-ci d'un air étonné puis dis :

- Entrez !

     Une guenon rentre. Genre la cinquantaine, un chignon simple avec quelques cheveux gris, des yeux mi-clos scrutateurs et la lèvre inférieure épaisse, lui donnant presque l'air de faire la moue. Elle porte un manteau brun et des chaussures bleus : une faute. Avec des talons : double-faute. C'est moche et c'est pas pratique sur les routes pavées ou rocailleuses de la ville.
    Elle se colle devant mon bureau et se penche vers moi :

- Vous êtes bien Dorian, le mercenaire ?

    Triple-faute.

- Auto-entrepreneur.
- Je vous demande pardon ?
- Je ne suis pas vraiment mercenaire, je suis auto-entrepreneur. Je ne fais pas que jouer les gros bras, j'aide aussi la veuve et l'orphelin, j'arrange les désaccords commerciaux, j'espionne, j'informe et je fais la cuisine.
- On vous achète quand on a un besoin particulier, en somme.
- Tout à fait.
- Un gigolo, donc...

    Connasse.
    Mais c'est le seul client venu et je ne peux pas faire le difficile si je ne veux pas réduire encore mon salaire mensuel. Donc :

- Tout dépend des points de vue... Que puis-je faire pour vous, madame...
- Parks. Je viens vous voir pour vous embaucher en tant que responsable de la sécurité, la journée de vendredi, c'est possible ?
- Attendez, je vérifie mon agenda.

    Et je fais semblant de lire un papier griffonné dans le premier tiroir. Que voulez-vous, il faut savoir vendre son image : si elle croit que je suis quelqu'un de très demandé, elle aura davantage confiance et parlera peut-être de moi à son entourage, ou elle refera appel à mes services. Je pourrai même la faire payer plus cher que ce à quoi elle s'attendait !

- Vous avez de la chance, je n'ai rien ce jour-là ! Alors racontez-moi tout : quelles horaires ? Que ou qui faut-il protéger ? Quelles circonstances ?
- C'est très simple. J'ai récemment fait l'acquisition d'une pièce d'art importante : la sculpture emblématique du célèbre Jan Permémo, le Vautour de Rhétalia !
- …
- …
- Mouais et donc ?
- Donc ! Je compte le faire vendre par un commissaire priseur lors d'une vente aux enchères samedi. Hors l’œuvre m'est apportée par mes excavateurs vendredi, par bateau. Ce qui signifie que pendant une journée entière, elle sera probablement sujette à des tentatives de vol.
- Et qu'est-ce qui vous fait croire ça ?
- Nous sommes sur Rokade, monsieur Dorian. Non seulement les gens sont au courant pour la vente aux enchères, mais en plus cette pièce-là sera attendue, étant donné qu'il s'agit de la mieux estimée en terme de valeur brute. Croyez bien que les amateurs d'art se feront une joie de l'acquérir par tous les moyens envisageables. On est jamais trop prudent. Enfin ! Je ne suis pas là pour vous apprendre votre métier, n'est-ce pas ?

    Le ton est clairement dédaigneux. Le travail n'a même pas encore commencé qu'elle me gave déjà, la miss Parks. Je sers les dents pour mieux encaisser et je réponds :

- Très bien, j'accepte le boulot. Dîtes-moi où me rendre et je verrai pour les détails vendredi matin.
- Vous acceptez ? Mais évidemment que vous acceptez, puisque je vous fait la demande ! Je suis votre cliente, je...
- Alors permettez-moi d'utiliser vos propos, madame Parks : on est sur Rokade. Ici, personne ne demande de l'aide. Soit on ordonne, soit on se débrouille. Le client n'est pas roi, il est endetté. Et d'ailleurs : à combien s'élève la valeur de la sculpture ?
- Dix millions, mais...
- Pour ce travail, vous me devrez sept millions.
- SEPT ?! C'est absolument hors de...
- Votre Vautour de je-ne-sais-où va être vendu à une vente aux enchères. Si le prix de base est de dix millions, alors il y a de fortes chances pour que, je vous cite encore, les amateurs d'art se l'arrachent en offrant des sommes exorbitantes. Je ne doute pas une seconde qu'il sera vendu le double. Donc je ne vois pas en quoi cela dérange, surtout si je me retrouve à protéger quelque chose d'aussi précieux contre une bande de brigands. Et j'imagine que vous vous êtes un peu renseignée avant de venir me voir, sinon vous auriez simplement pris des mercenaires quelconques, payés misérablement, pour effrayer les petites frappes de par le nombre. Je suis votre meilleur parti sur cette île et vous le savez. Si vous n'êtes pas contente, vous pouvez toujours aller voir ailleurs, je ne vous en empêcherai pas. Mais il n'est pas dit que je n'agirai pas contre vous par la suite.
- Vous... Vous me menacez ?
- Non, je vous donne un conseil. N'accordez pas votre confiance à n'importe qui. Alors ? Nous faisons affaire ?

    Je souris d'un air mauvais, toutes dents dehors, la main tendue. Madame Parks me regarde d'un air scandalisé, comme si je l'avais frappée. Puis à la manière d'une femme indécise, pour enfin baisser la tête, résignée. Elle attrape ma main :

- Nous faisons affaire.
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Vendredi matin, à La Pierre Précieuse, un hôtel construit dans un renfoncement rocheux, je vais à la rencontre de mon employeur.
    J'ai beaucoup réfléchi à la conversation que j'ai eue avec madame Parks. Mais plus encore, j'ai songé à la sculpture de ce Jan Permémo et à ce qu'elle pouvait représenter... Bon un vautour, d'accord, mais à côté de ça : qu'est-ce qui fait qu'elle vaut dix millions ? La matière ? La main d’œuvre unique ? Le temps passé dessus ? Peut-être est-il en train de ronger l'os d'une carcasse... Tout ça pour dire que j'ai bien fait d'augmenter mes prix pour cette histoire. Pas question de m'occuper d'une éventuelle bande de cambrioleurs toute une journée sans prime de risque. J'aurais limite dû demander plus.

    L'hôtel est en pierre grise là où la roche est presque noire. Deux poutres en bois supportent le mur de face à chaque extrémité. Une autre, à l'horizontale, est apparente sous le balcon du premier étage. Tout autour de l'édifice, cela ressemble à l'entrée d'une grotte. Je rentre à l'intérieur et atterris dans un grand hall où se trouve un guichetier minuscule derrière son comptoir, sur la gauche. A droite, une armoire contenant de multiples animaux empaillés... Pour le reste, rien qui permette de comprendre la raison de l'appellation de cet endroit... Ah ! Je n'avais pas vu leurs yeux ! Mon intérêt à leur égard croît d'un coup.

- Monsieur, puis-je vous aider ?
- Oui, je viens voir une certaine madame Parks. Elle m'a dit que je pourrais la trouver ici.
- Oh ! Tout à fait ! Je l'appelle.

    Et il décroche un escargophone posé à côté de lui. Il triture la coquille et attend. Deux « pulu pulu » plus tard, une voix s'élève :

- Oui ?
- Madame Parks, votre responsable est arrivé.
- Parfait ! Faîtes-le monter.
- Tout de suite.

    Le petit bonhomme m'invite à le suivre. Au fond du hall, nous montons les escaliers en bois sombre jusqu'au deuxième étage. Je note que la troisième marche du premier grince. Arrivé là, nous empruntons un grand couloir à droite de la cage et nous arrêtons devant le numéro 27. Le groom frappe. Une femme répond. Nous entrons.
    Madame Parks est assise devant une table de salon, entourée par deux gros balèzes en smoking. Elle se tient là en signe d'attente, les jambes croisées, tandis que ses hommes gardent leurs mains cachées dans leur dos. En tournant la tête, je constate l'élégance de la pièce, avec ses rideaux blancs en dentelle, son armoire en if gravé, son chandelier doré, son immense tapis rouge et son lit à baldaquin du même ton, un peu plus au fond, derrière une ouverture dans le mur, départageant le salon de la chambre à coucher. J'aperçois même l'escargophone sur sa table de chevet.

- Tséhéhé...

    Je ris en l'imaginant nous répondre au bout du fil, puis raccrocher et foncer sur sa chaise en se préparant à nous accueillir, rameutant ses gorilles au passage... Toute une mise en scène pour bien se faire voir quoi !

- Un souci, monsieur Dorian ?
- Nan, j'vois juste qu'on se refuse rien ici.
- Rien de bien extraordinaire, quand on a la vie que j'ai.

    Toujours arrogante malgré notre entretien. Ça ne durera pas.

- Parlons plutôt de ce qui vous amène. Vous pouvez sortir, vous.
- Bien madame.
- Bon... Alors nous y voilà ! Je vais bientôt devoir me rendre au lieu de la vente pour les derniers préparatifs. Puis nous dînerons entre commissaire, gérant et entreposeurs. Ce qui explique mes craintes : je ne peux me dérober à eux de toute la journée, puisque j'ai été appelée à apporter mon aide durant la totalité de la mise en place. Et parmi tous ces... Euh...
- Vautours ?
- …
- Pas d'attaque personnelle hein.
- Hum... Parmi eux se trouvent sûrement quelques crapules désireuses de s'en prendre aux trésors exposés. Des avares ignorant le véritable amour que l'on peut avoir pour ce genre d'événement ! J'ai donc besoin que quelqu'un reste ici pour surveiller ma petite pépite jusqu'au matin suivant.
- Et vos deux gars, là ? Ils en sont incapables ?
- J'en emmène un avec moi, pour ma sécurité. Mais je ne peux pas me permettre de laisser l'autre seul pour sécuriser le Vautour de Rhétalia. Pas que je ne lui fasse pas confiance, mais il pourrait arriver des tas de choses ! Qu'il s'endorme, qu'on le submerge par le nombre, qu'on lui tende un piège, qu'il veuille lui-même voler la sculpture, qu'il...
- J'ai compris l'idée. Vous avez besoin d'être rassurée.
- J'ai besoin de quelqu'un capable de faire ce travail. Et de bien le faire. Vous l'êtes ?

    Elle me transperce du regard. Les deux armoires à glace suivent l'exemple. Je me gratte la tête machinalement puis pose le poing sur la table, d'un geste presque doux. Je souris :

- Madame Parks. Avec moi, votre sculpture est en sécurité.

    Avec moi, oui.
    Après quelques instants, elle finit par sourire, visiblement soulagée. Elle annonce son départ et aussitôt la suit l'un des deux gorilles, celui qui est chauve. L'autre, brun et barbu, reste planté là à me regarder bêtement. Je l'examine de haut en bas, admirant sa musculature et espérant qu'elle n'était pas seulement là pour l'esthétique.
    Non, parce que c'était clairement raté pour le coup.

- Bon. On va pas y aller par quatre chemins : tant que ta maîtresse était à l'intérieur, on ne risquait rien pour votre statue. Mais dès qu'elle aura mis un pied dehors, on peut s'attendre à être visité sans interruption jusqu'au matin. Donc nous allons nous préparer ainsi : tu vas descendre et tu vas grimper les escaliers du premier jusqu'à cet étage en marchant discrètement, puis en courant. Je calculerai le temps que tu mets à chaque fois. Puis nous établirons un tour de garde, car puisque nous sommes amenés à veiller longtemps, autant que nous puissions nous reposer un minimum jusqu'à l'heure de la vente. D'ailleurs, où est la statue ?

   L'autre tend son index en direction de l'armoire face au lit à baldaquin.

- Pas très causant, hein ?

   L'autre fait non de la tête.

- Eh ben ça promet d'être long...
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Le temps passe depuis que nous avons laissé partir madame Parks et son homme de main. Je mange tranquillement mon déjeuner à côté du deuxième gorille et du groom, lequel me regarde faire, gêné. Je lui demande ce qu'il se passe et il me répond :

- Le patron risque de ne pas apprécier de vous voir piocher les mets dans notre cuisine sans y avoir été invité.
- Écoute-moi bien : je suis sous les ordres de madame Parks. Je suis contraint de surveiller cet endroit jusqu'à son retour, alors puisque le repas est compris dans sa formule, il serait idiot de gâcher son argent ! Si ça ne vous convient pas, vous n'aurez qu'à mettre le tout sur sa note ! Elle me doit bien ça...
- Mais elle ne vous paie pas pour ce travail ?
- Bien sûr que si !
- Mais alors ?
- Oh elle est plus à mille berrys près, crois-moi.

     Et je continue de manger dans le salon de la chambre de mon employeur. J'ai fait venir le petit bonhomme pour qu'il me parle de tout ce qu'il savait sur l'hôtel : des secrets de sa création, s'il y en avait, à la géographie des lieux dans leur ensemble, en passant par le nom de tous les clients.

- C'est illégal...
- C'que j'vais te faire aussi sera illégal si tu refuses de joindre tes efforts aux miens !

    Plus conciliant, il s'exécute et je me retrouve fin prêt à accueillir d'éventuels invités. Pourtant un détail m'intrigue depuis le début : personne n'est venu suite au départ de madame Parks. Dès sa sortie, je prévoyais une première tentative de vol, pourtant il est déjà une heure de l'après-midi et personne ne s'est pointé... Quelqu'un aurait dû tenter sa chance...
    Je me suis installé à la place du groom derrière le comptoir de réception. Je vois ainsi défiler devant mes yeux tous les clients, certains sortant profiter de l'extérieur, d'autres retournant dans leur chambre, ainsi que les nouveaux arrivants :

- Bonjour, nous voudrions une chambre pour deux. Lits séparés je vous prie.

   Je lève les yeux et vois un duo de binoclards, un piercing à l'oreille et une veste en cuir noir. Chacun. L'un d'eux a une crête rougeâtre... Et c'est lui qui me demande poliment de les héberger. Délit de faciès mis à part, je remarque le pistolet qu'ils portent à leur ceinturon, à moitié caché par un pan de veste. Mais le plus dérangeant reste la chemise qu'ils portent en dessous. Un mélange de style bien trop suspect pour le paranoïaque que je suis. Je me permets donc de poser la question :

- Quel est le motif de votre venue ?
- Ça ne vous regarde pas.

    Réponse rapide. Trop rapide. Sèche et un tantinet menaçante. Les deux compères me fixent avec insistance, comme si leur simple regard avait le pouvoir de me faire plier sans poser de questions.

- Désolé, mais ici nous n'acceptons pas le moindre problème.
- Quoi ? Mais nous ne voulons pas de problème, nous voulons être hébergés pour la nuit !
- Et ces armes ? Désolé si je peux paraître curieux mais c'est mon métier de vérifier si le client est une menace pour cet hôtel ou non.

   Ils perdent patience. Heureusement, l'armoire à glace qui me sert de compagnon est juste derrière eux. Il s'est approché lorsque j'ai prononcé le mot « problème ».
   Après un moment, je soupire :

- Bon. Si c'est pour la nuit... Ça fera deux-cent-cinquante-mille berrys chacun.
- Très bien, donnez-nous les clés, nous vous réglerons à la sortie demain matin.
- Non.

   La tension remonte d'un cran. Eux me dévisagent comme si j'étais fou. Je les observe en faisant le compte de toutes les erreurs qu'ils viennent de commettre.
   Parmi elles, la plus intrigante : ils ne m'ont même pas demandé le numéro de la chambre avant de réclamer les clés ! Peut-être un simple oubli mais... On ne se rend pas seul dans un endroit sans le minimum d'informations requis. En l'occurrence, ils auraient dû s'attendre à ce que je les accompagne jusqu'à la chambre que je leur ais trouvée, afin de la leur présenter. Ou au moins me demander les disponibilités... Ce genre de détails insignifiants qui, une fois couplés à l'apparence douteuse de mon duo, deviennent les preuves subtiles de leur culpabilité.
   Les menteurs sortent leurs armes :

- Ne nous fais pas perdre notre temps l'ami, si tu ne veux pas mourir inutilement.
- « Inutilement » vous dîtes ? Dois-je en conclure que vous aviez un objectif précis en venant ici ?
- Espèce de...
- Hé ! C'est à toi de jouer !

   Aussitôt, mon serviteur muet du jour attrape les deux rustres par la peau du cou et les jette à terre. Surpris, ils n'ont pas le temps de tirer. Je saute par dessus le comptoir de la réception et nous leur décochons ensemble un coup de pied pour les désarmer. Ceci fait, nous les redressons en les enserrant au niveau du cou et les mettons à la porte.

- Et que je ne vous vois plus traîner par ici !

   Il a intérêt à me remercier, le petit groom. Je le débarrasse de tous les indésirables ! Ça risque de faire de la bonne publicité. Par contre, je ne peux m'empêcher d'être inquiet par rapport à ce que j'imaginais plus tôt. Pas possible à mes yeux que ce soient les seuls voleurs de statue de la journée. Il y en a forcément d'autres... Je m'y connais assez pour que cela me paraisse anormal. Je me mets donc à la place d'un cambrioleur cherchant à s'introduire dans un hôtel de la sorte. Que fais-je alors pour connaître l'emplacement de la sculpture ? Je commence par chercher la chambre et, de ce fait, d'éventuels gardes restés en retrait. Ensuite il ne me reste plus qu'à...
   Je frémis.

   Le garde sur mes talons, je monte les escaliers menant au deuxième étage quatre à quatre pour ensuite prendre le couloir. J'ouvre la porte de la chambre de madame Parks et fonce en direction de la cachette où se trouve...
   Le Vautour de Rhétalia ! Toujours en place... La tension redescend petit à petit. Personne n'a tenté quoi que ce soit pendant notre courte absence. Ou plutôt : personne n'a tenté quoi que ce soit pour l'instant, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a aucun individu en ces murs susceptible de nous jouer un tour.
   Je pense en effet que quelqu'un est entré ici depuis ce matin. Au moment où madame Parks est sortie. Mais cela voudrait dire qu'il a réservé une chambre, le hall ne permettant pas de rentrer sans être aperçu par le réceptionniste. Si tel est le cas, un nom doit figurer sur les registres.

- Reste ici, veux-tu ? Je dois vérifier quelque chose dans les arrivées de ce matin...
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- Vous n'avez pas pensé à le faire plus tôt ?
- Oh toi : ta gueule !
- Si le patron l'apprend... Vous verrez le nombre de vigiles prêts à vous tomber dessus...
- Pardon ? T'as dit quoi là ?!
- Euh je... Rien.
- Si ! T'as parlé de vigiles !

   Mais quel boulet ! Quand j'ai une idée en tête, impossible de m'en détourner. Et je réfléchis de plus en plus mal... Faudra que je pense à me trouver quelqu'un pour penser à ma place, un de ces jours... Je ne peux pas tout faire tout seul !
   Evidemment qu'il y a des vigiles dans cet établissement, indépendants des hommes de madame Parks : on ne tient pas un hôtel appelé La Pierre Précieuse, avec des bestioles aux yeux qui brillent dans une armoire de l'entrée, sans personne pour monter la garde ! Le pire, c'est que j'ai dû en croiser deux ou trois... Je me plaque la main sur le visage, honteux.
   Seulement je n'ai pas le temps de ruminer de la sorte : je me reprend assez vite et imagine de quelle manière je pourrai utiliser les employés de l'hôtel. D'après le groom, ils sont six... Deux qui tournent à l'entrée, un à chaque étage, dont le rez-de-chaussée, et un pour le relais dans les bureaux à l'arrière.

   Pour en revenir à nos moutons, je farfouille dans les documents du guichetier et me rend compte qu'il n'y a eu qu'une seule personne à être arrivée dans la matinée... Et elle est partie en ville juste après avoir posé ses bagages. Totalement incohérent. Je me retrouve à nouveau devant une impasse.
   Pourquoi je n'arrive pas à le trouver ? Je suis certain qu'il y a quelqu'un qui s'est introduit dans le bâtiment à mauvais escient... Peut-être que...
   Je regarde à nouveau, tournant la page pour me retrouver devant les arrivées de la semaine précédente : si vente aux enchères il y a, possible que l'annonce a été faite à l'avance et que certains ont pu espionner leurs pairs au moment de leur arrivée. Je vérifie maintenant si quelqu'un est arrivé au même moment que ma cliente, voire un à deux jours plus tard. Mais cette fois, rien. Juste... Personne.

- Mais comment fait cet hôtel pour tourner, sérieusement ?!
- La drogue et les pierres.
- De quoi ?
- Le décor et la bière.

   J'ai envie de croire qu'il ne se fout pas de ma gueule de son plein gré, mais c'est difficile. Dès que je m'en vais, je me débarrasse de lui. C'est une promesse.
   Pour l'instant je tourne en rond.
   C'est chiant de se répéter.

   Je reste là, les yeux posés sur une liste de noms et de chiffres qui ne veulent plus rien dire, dénués d'intérêt. Mais je suis absent : mon esprit est obnubilé par l'inconnu, cet élément que j'ai forcément raté. Et je repasse en revue une nouvelle fois les documents. Bloc-notes, calepins, porte-vues, listings... J'en viens même à sortir de son tiroir un cahier sur lequel est inscrit : "Recrutements". Je le feuillette machinalement sans y porter réellement attention.
  Puis je tilte.
  Je fais défiler les pages usagées jusqu'à la dernière, celle de ce mois-ci. Je découvre quelque chose :

- Un vigile a été recruté cette semaine !
- Oui monsieur.
- Et on ne m'a rien dit ?!
- Pourquoi l'aurais-je fait ? De toute manière, vous ne me l'avez pas demandé.
- Mais... PUTAIN ! IL EST OU ?!
- Dans les bureaux, mais...

  Je ne l'écoute plus. Je fonce en direction de la porte de derrière, celle où sont situés les fameux bureaux. L'un des gardiens cherche à me bloquer :

- DÉGAGE !

   Je le repousse d'un revers en pleine figure. L'autre muet derrière moi, nous arrivons dans un corridor avec trois accès : l'un au bureau du directeur, l'un à la salle des gardes, le dernier à la cave. Nous passons devant le premier : aucun bruit. Le chef de l'établissement n'est pas là. Où est-il quand on a besoin de lui ? Ça, je vous le demande !
   J'ouvre la porte de la salle des gardes. Là encore : personne.
   Ça sent pas bon... Mais alors pas du tout.

   Il ne reste qu'une porte et le sentiment de ne pas être maître de la situation continue de grandir en moi. Plus prudent que jamais, je me retourne vers le gorille taciturne :

- Passe devant, avec un peu de chance l'intrus à l'intérieur prendra peur en voyant ta gueule.
- ...
- Rhoo ça va ! Ta mère te l'a certainement dit aussi ! Maintenant cesse de faire ta mijaurée et descend !

  Il s'exécute. Pas rapidement mais bon, il est pas trop bête donc il y va sans discuter. Enfin ça... Bref, j'attend quoi.
   Grand bien me prit ! A peine a-t-il disparu que j'entend un bruit sourd d'objet brisé suivi d'une chute et d'un petit rire narquois. Allons bon ! Il a dû m'entendre gueuler, le planqué ! Je soupire et commence à approch...
BAM !

  Trois vigiles arrivent en trombe derrière moi et commencent à me pointer du doigt d'un geste accusateur :

- Wow ! Doucement les filles ! On a un connard en bas qui doit être neutralisé !

   Pensez-vous qu'ils m'écouteraient ? Bien sûr que non ! Tous des crétins ! Du coup je descend.
   Ce que je vois en touchant le sol humide me pétrifie. Les gardes à ma suite s'arrêtent également : mon gros pion à terre avec une jolie bosse, des morceaux de planche éparpillés autour de lui, un mec louche en habit noir près d'un mur sombre, le sourire aux lèvres, et à ses pieds...
   
   Une bombe.
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L'autre en face est habillé comme les vigiles derrière, et il tire une gueule pas possible. Il a pas dû prévoir l'arrivée de tout un groupe. De notre côté, on est pas tout à fait serein non plus : le bidule qu'il a posé juste à côté du réservoir de gaz de l'hôtel peut s'avérer particulièrement dangereux.
   Par contre... Je ne comprend pas trop l'intérêt. Un détail doit m'échapper :

- C'est quoi ce bordel ?!
- V-vous... Vous n'pouvez plus rien faire ! Il est trop tard !

  Bonjour la phrase clichée tiens.

- Attend un peu mon gars... Pourquoi t'as foutu une bombe, là ?
- Je sais qui t'es toi : t'es le mec qui protège le Vautour de Rhétalia pour le compte de madame Parks.
- Et alors ?
- Alors à l'heure où je te parle, les autres sont certainement parvenus jusqu'à la sculpture et s'apprêtent à quitter les lieux !
- Et comment ils ont fait ? J'ai vérifié partout.
- Je les ai fait rentrer de nuit, lorsque j'étais de tour de garde à l'entrée. La surveillance est plus restreinte une fois le soleil couché.
- Evidemment...
- Maintenant il est trop tard ! Je n'ai plus qu'à appuyer sur un bouton et tout le bâtiment explosera d'ici deux minutes !
- ... T'es con ou tu le fais exprès ?
- Je... Quoi ?

  Sans prévenir, je dégaine bâton et couteau et fais volte-face : le premier garde se fait assommer, le second égorger. Le troisième me colle une droite, j'encaisse. Un pas en arrière plus tard, j'esquive un deuxième coup et réplique en lui plantant ma lame dans la main, dans le bras et dans le gosier. L'imposteur a regardé la scène d'un air stupéfait. Je le fixe à nouveau :

- Tu révèles ton plan à l'ennemi comme ça, avant la fin... J'ai même pas eu à te torturer ! Et mon plaisir dans tout ça ?! T'y as pensé ?
- Euh...
- Et puis d'ailleurs : comment tu sauras si tes compagnons sont sortis avant d'appuyer sur le bouton ?
- ... Je n'dirai rien !

   Bon. Il est pas si con. Juste trop confiant. Et impatient. Ce qui peut se comprendre lorsqu'on est proche de réaliser son objectif après une semaine de préparation. Malheureusement pour lui, tout le monde finit par faire une erreur. L'empressement n'a jamais rien donné de bon, couplé à la frustration d'avoir été pris sur le fait.
  Je souris : l'attention du mec est toute entière portée sur moi, et il en oublie de cacher ce qu'il tient en main. Un escargophone. Tout s'explique.

- Tu sais quoi ? Je retire ce que j'ai dit : t'es pas con. T'es carrément stupide.
- De quoi ?!
- T'es là, seul avec ta bombe et ton escargophone, à attendre que tes... "complices" quittent les lieux avec l'oeuvre. Et tu t'aies pas demandé pourquoi ils avaient besoin d'une bombe ?
- A l'origine, c'était pour faire sauter le coffre si jamais il y en avait un. Après vérification, on en a conclu qu'il serait difficile de sortir sans se faire remarquer : une statue, passe encore, mais une bombe... Du coup je l'ai améliorée et placée là.
- Selon leur demande ?
- Selon leur demande. J'suis pas un bon voleur, mais j'suis un bon sapeur. Alors faire des explosifs, c'est un peu ma spécialité... Pourquoi je raconte ça moi ?!
- Parce que tu sais comme moi que ce que tu fais est idiot. T'as envie que j'te dise que les autres se sont foutus de ta gueule.
- Comment ça... Non...
- Si ! Ils ont prévu de te laisser là !
- Mais il y a un minuteur...
- De deux minutes ! En courant tu pourrais arriver à l'entrée en à peine trente secondes ! Y a pas un truc qui cloche d'après toi ?
- C'est au cas où...
- Au cas où tu les rattraperais ! Avec juste un escargophone... Tu te doutes bien qu'ils pourront s'enfuir avec la sculpture et te prévenir une fois à l'extérieur ! Peut-être jusqu'à la limite de liaison radio ! Et lorsque tout aura sauté, qui sera soupçonné, si témoins et survivants il y a ? Bah le connard qui s'est fait recruté récemment et qui s'est barré juste avant ! Personne ne connaît les autres puisque tu les as fait rentrer de nuit !

  L'autre a un doute. C'est juste ce qu'il me faut pour l'entuber :

- Bon écoute... On est pas du même bord, c'est vrai. Mais j'aime pas trop mon employeur. Je cherchais justement un moyen de lui jouer un tour et tu viens me le donner.
- Que veux-tu dire ?
- Tant que tes copains ont pas appelé, c'est qu'ils sont peut-être toujours en train de fouiller la chambre. Donc je vais y aller, récupérer la sculpture et revenir ici. Si tu n'as pas confiance, accompagne-moi. Nous n'aurons plus qu'à attendre le retour de madame Parks et BOUM ! On fait tout sauter, avec les preuves et tout le reste. Surtout que nous aurons d'autant plus de chances de fuir sans se faire pincer en étant deux : l'un pour couvrir l'autre. Et... Combien t'as de partenaires là ?
- Deux.
- Donc : trois parts du butin. Mais s'il ne reste que nous : on fait moitié-moitié ! C'est quand même mieux, tu crois pas ?

  Ça y est, ça commence à venir. Le sapeur réfléchit à ce que je viens de lui dire d'un air très sérieux. Pesant le pour et le contre, il prend son temps. J'entend mon ancien partenaire grogner à mes pieds. Je lui décoche un coup pour le rendormir.
   Finalement, il se résigne.

   Nous courrons tous les deux jusqu'au deuxième étage, passant devant le groom :

- Y a urgence ! Préviens madame Parks dès que possible !

   Parce que moi aussi, je veux vite en finir.
   Une fois au premier, je me tourne vers l'imposteur et lui dis :

- Attend-moi là, si quelqu'un d'autre descend, neutralise-le avec ça.

   Je lui tend mon couteau. Confiant, il accepte. C'est fou ce que la possibilité de gagner plus peut vous faire faire comme conneries !
   Je dégaine mon bâton et monte les escaliers restant sans un bruit.
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- T'inquiète, Mike : cet imbécile est toujours en bas en train de chercher. Il nous trouvera pas de sitôt ! Pour ça, il faudrait qu'il soit au courant pour Spyke.

   Je m'approche encore de la porte de la chambre, entrouverte. Une femme de ménage gît au sol, à peine amochée. Je risque un coup d’œil dans l’entrebâillement et aperçois deux hommes de taille moyenne, proches de l'armoire dans laquelle est rangée la sculpture de Jan Permémo. Ils ne semblent pas armés... Je prend donc l'initiative de rentrer :

- Messieurs bonjour ! J'crois que vous vous êtes trompés d'chambre !
- Mais qu'est-ce que...

  Il n'a pas le temps de finir sa phrase qu'Argument s'abat sur lui. Inerte, je me concentre sur le second qui esquive une première attaque, puis une deuxième. Après un bref coup d’œil alentour, il me jette un vase à la figure avant de fondre sur moi. Je dévie la porcelaine et réceptionne d'un bras le cambrioleur qui m'oblige à reculer jusqu'au mur.
   Il cherche à me faire lâcher mon bâton. Je tiens bon et lui envoie un crochet en pleine tempe, suivi d'un coup de genou dans l'aine. Plié en deux, je l'achève en lui brisant la nuque.

  J'ouvre l'armoire et trouve le Vautour, intact et toujours présent. Soulagé, je le récupère. Tout se passe enfin comme prévu. Ne me reste plus qu'une chose simple à accomplir...
   J’empaquette mon petit trésor, ferme la chambre derrière moi et m'approche de la cage d'escaliers :

- Tu peux venir ! La voie est libre !
- Pourquoi tu ne descends pas ?
- Viens m'aider à récupérer la statue !

  Et il le fait. Je l'entend monter... Je savais bien que calculer le temps de montée des marches serait utile : je l'attend, en position de batteur de base-ball, et je compte. Un, deux, trois, quatre et...

   BAM !
   Je lui fracasse le crâne au moment où son nez entre dans le couloir. Désolé l'ami, mais fallait s'y attendre. Je ne partage pas quand il s'agit d'une vengeance personnelle, ou juste de donner une leçon à quelqu'un que je n'aime pas. Mais pour parler franchement... J'en ai surtout ma claque de ce boulot. Jouer les bons petits chiens de garde, non merci ! Ce n'est pas ce que doit accomplir un futur roi !
   Attendons sa venue, que je lui dise enfin ce que j'ai sur le cœur.

[...]

- J'ai appris à la réception que vous souhaitiez que je rentre en urgence. Que s'est-il passé ?! Ne me dites pas que...
- La sculpture n'a rien. Rassurez-vous ! J'ai réglé leur compte à tous ceux qui ont tenté de s'en approcher.
- A la bonne heure ! Mais alors pourquoi m'avoir...
- Vous avez les Sept millions ?
- Vous les aurez au lever du soleil, quand nous serons en route pour la vente.
- Mais vous les avez.
- Bon ! Pourquoi m'avoir demandé de revenir ?!
- Donc vous les avez...
- Répondez, monsieur Dorian !
- Parce que je démissionne.

   Le temps qu'elle comprenne ce que je viens de dire, un couteau se logea en dessous de sa gorge. Cela suffit à la faire suffoquer et chuter de sa chaise et, cinq secondes plus tard, elle meurt sous les yeux de son homme de main, tétanisé. Il tourne lentement la tête vers le corps de sa maîtresse, la bouche entrouverte. C'est ce moment que je choisis pour lui enfoncer Argument à l'intérieur. J'appuie d'un coup sec de l'autre côté, à la manière d'un piston, et laisse la pression du choc faire le reste.
   En fouillant un peu dans ses affaires, je trouve effectivement la somme que nous avions convenu. Elle gardait l'argent dans son sac, lequel ne la quittait sans doute jamais lors de ses déplacements. Je respecte au moins sa prudence.
   Ils s'en vont rejoindre tous les deux le cadavre des voleurs dans l'armoire. Sur le corps de l'un d'eux, je trouve la carte de leur employeur : Jaime Lerôme, archéologue.

   Je retourne à la cave, appuie sur l'interrupteur de la bombe et le minuteur s'active. J'ai deux minutes pour quitter les lieux.
   Je passe à nouveau devant un groom complètement paumé, ne sachant que faire ni où trouver le reste des vigiles. Je lui fait signe d'aller voir au deuxième, dans la chambre de madame Parks. Lui non plus ne va pas me manquer. Même si c'était le cas : je dois nettoyer les traces de mon passage. Pas de témoin, pas de problème...
   Plus qu'une minute. Je m'arrête. Je regarde le placard vitré du hall et ce qu'il contient. J'ouvre de force et arrache six paires de rubis et d'émeraudes sur les animaux empaillés. Plus que dix secondes...

   Je fonce, je cours, je vole presque au dessus de la route en pente et...
   BOUM !
   L'hôtel explose. D'abord par les fondements, puis le souffle se propage jusqu'aux étages. L'embouchure de la grotte dans laquelle il est construit tremble et se rétracte, écrasant les poutres de bois, les rambardes et les hauteurs du bâtiment duquel s'échappent des cris de frayeur et des appels au secours, affaiblis par le grondement assourdissant, résonnant à travers la roche. Je me retrouve projeté au sol par l'onde de choc.
   Maudissant le type qui a eu l'idée de faire un chauffage au gaz, je me redresse et continue de courir. Le soleil s'est couché et des nuages recouvrent en partie la lune, facilitant mon anonymat au milieu des rues sombres de Rokade.

[...]

- Je vous donne cinq millions. Estimez-vous chanceux.
- Le Vautour de Rhétalia en vaut minimum dix. C'est dix millions que je veux.
- Vous êtes un voleur, pas un connaisseur et encore moins un pair...
- Vous êtes un archéologue, pas un combattant et encore moins un tueur.

   Jaime Lerôme et moi nous dévisageons, dans le salon d'une maison abandonnée près des quais. Son sourire ne s'efface pas lorsque je commence à le menacer. Il se gratte menton, faisant mine de réfléchir à une solution qu'il a, je pense, déjà trouvée :

- Disons dans ce cas... Que vous n'aurez rien.
- Ah oui ?
- Oui. Et mon camarade va s'occuper de vous.

  Aussitôt, je sens autour de mon cou des mains se refermer. Fermement. L'air ne passe plus et les doigts s'enfoncent dans ma glotte. Je me lève et recule, trébuchant sur ma chaise et sur la personne qui m'étouffe. Celle-ci me lâche et je m'en écarte, les mains sur mon cou douloureux. Je vois alors un rude gaillard aux paluches rugueuses. Des pognes de travailleur, aucun doute là-dessus. Mais quel travail ? Ça...
   L'homme de terrain se redresse également et sort un sabre court. Je dégaine Argument. Nous fonçons l'un sur l'autre. L'acier et l'argent s'entrechoquent avec fracas. Celui-là est vachement costaud ! Il parvient même à me faire reculer jusqu'à la table de Jaime, lequel ne bronche pas. Je parviens à faire un mouvement de côté et je sens une douleur au niveau du bassin : l'archéologue a tenté de me planter une dague dans le dos ! Putain de m...
   L'autre ne me laisse pas le temps d'y penser. Il attaque à nouveau et j'ai tout juste le temps de parer. Le problème, c'est que trop utilisé mon bâton à cet usage risque de l'abîmer. Et ça peut me coûter cher en réparations !

- Pas moyen !

   Les assauts de l'ennemi sont de plus en plus acharnés. Je parviens tout de même à esquiver un énième coup et le frappe à la jambe afin de le déséquilibrer. Penché en avant, il ne peut contrer une autre attaque. Contondant, mon arme s'abat avec tant de force entre ses omoplates que certains os craquent. Je frappe encore une fois et il se plie en deux. Une troisième fois et les vertèbres cèdent, le faisant choir, inerte et les yeux grands ouverts.
   Haletant, je retourne mon attention sur Jaime, lequel semble beaucoup moins confiant, tout d'un coup.

- Alors ?.. Qu'est-ce qu'on dit ?
- Je... Eh bien... Nous... Dix millions, ç-ça me paraît bien.

   Eh ben... C'est pas trop tôt. Cette histoire-là commençait vraiment à me les briser. Ce qu'il ne faut pas faire pour quelques berrys, quand même ! Maintenant ce qu'il me faut, c'est une bonne douche.
   Mais d'abord, même refrain : pas de témoin.
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