- Une journée intensive nous attend… Que dis-je ? Plusieurs journées, un nombre d’heures de travail presque surhumain, mais c’est le minimum pour la réalisation de nos desseins. À vrai dire, je ne suis même pas sûr de tenir mes promesses. Oui, jugez-moi, bande de petites merdes, sauf que seule la réussite de la mission m’importe. Et encore, pas totalement, puisque je vais m’efforcer de ne perdre aucun homme.
À croire que j’éprouve des sentiments…
Quelque part, c’est pour eux que je me bats, ça serait bête de les laisser mourir. Ma vie d’homme libre est encore loin devant. Le chemin est encore très long. Parfois, je songe à arrêter toutes ces conneries, fuir loin d’ici et vivre une vie paisible. Au fond de moi réside une profonde haine, envers ce gouvernement, qui permet un commerce illégal d’hommes, de femmes et d’enfants. Aussi loin que ce foutu commerce existera, je me battrais pour faire de leur vie un enfer.
Je mourrais pour une noble cause, me dit-on.
« Par où commence-t-on ? » Me demande brusquement Belmud, qui me sort brutalement de mes songes.
« J’aimerais avoir tous les canons dont vous disposez, leur portée, et pour commencer ça sera déjà pas mal. Dans un second temps, il va falloir me sortir tous les navires inutilisables, ou en rendre inutilisables, afin de créer une ligne défensive infranchissable. Mais les canons d’abord. »
Jaya est une île largement équipée en armement, ce n’est pas ce qui m’inquiète. Non. La chose qui m’inquiète est l’ancienneté de ces dernières, puis la capacité des hommes à les utiliser. Il va falloir expérimenter et s’exercer dessus. Le pire, c’est que c’est la partie « simple » de l’organisation. L’épave de navires va être, à mon sens, le plus gros chantier mais le plus important.
Mais les canons d’abord.
Après un certain temps d’attente, alors que le maire de la ville semble déjà se préoccuper des navires, je vois arriver les premiers canons. Je ne m’y connais pas tellement, mais je dirais que ce sont des canons 36 livres et ils doivent peser dans les trois milles kilos. C’est tout ce que je sais, ce sont les canons les plus courants dans notre monde.
« Portée des canons ? » Questionné-je.
« Aux alentours de 3500 et 3700 mètres. » Rétorque un citadin.
Je tiens mon menton de la main droite, tandis que ma main gauche reste dans la poche. Je réfléchis. La portée des canons peuvent varier d’un tir à l’autre… Cela manque de précision. Par sécurité, nous pourrions placer la ligne d’épaves à 3100 mètres, mais j’imagine que ça dépend des marrées… À moins que…
« Hum… Appelez-moi les architectes, les chefs de chantier… Nous avons du pain sur la planche. »
« Tu veux faire construire une statue à ton effigie, ô grand Ragnar ! » Se marre Sueto.
Je l’avais presque oublié ce vaurien.
« Ça pourrait être un magnifique leurre, cela dit. » Se moque Maria à son tour.
Bande d’enflures.
« La chance vous sourit, je manque de temps pour en perdre avec vous… N’oubliez pas les sessions que je vous mettais sur Little Garden, gamins. »
Leurs visages se crispent, se ferment, puis se rabaissent. Après quelques injures qu’ils me balancent à voix basse, comme si je ne pouvais les entendre à cette distance, ils retournent vaquer à leurs occupations. Le temps d’un instant, leur présence m’a quand même bien soulagée, car la journée est loin d’être terminée.
« Vous m’avez demandé ? » Me demande un individu dans mon dos, sans doute un des architectes.
« Bonjour. J’ai besoin de vous pour réaliser des plans de tourelles capables de contenir les canons en hauteur sans s’écrouler par le poids de ce dernier, rapides à construire et avec une certaine hauteur pour assurer la portée minimale que nous avons estimé. Est-ce possible ? »
« Le poids des canons, s’il vous plaît. »
« Hum… 3200 kilos, à peu près. »
« Longueur du canon ? »
« Un peu de plus de trois mètres. »
« Je vous remercie. J’étudie ça avec mes collègues et je reviens vers vous. » Conclu-t-il avant de s’en aller.
« C’est moi qui vous remercie. » Marmonné-je. Il est déjà trop loin.
Pour les canons, j’ai un bon ressenti. Ce n’est pas quelque d’irréalisable à mon sens. Cependant, pour ce qui est des épaves, je n’ai pas de nouvelle de Belmud depuis quelques temps. Qu’en est-il ? Est-ce impossible ? Rencontre-t-il des difficultés ? Il m’a assuré qu’il ferait tout son possible. J’ai une entière confiance en son jugement. Mon den-den sonne.
« Ragnar ? C’est Belmud. À quelle distance veux-tu que soit l’épave ? »
« 3400 mètres. «
« Sois levé à la première demain. » Puis il raccroche.
Il m’a l’air bien occupé le Belmud. Il semble vouloir me montrer quelque chose, c’est plutôt bon signe. Levé à la première heure je serais, pas d’inquiétude à avoir là-dessus. En tout cas, les vestiges de l’époque où Jaya était une île phare de la piraterie sont essentiels à la réussite de notre mission. Le nombre de canons est plus que suffisant, il ne nous restera plus qu’à les tester dès demain.
Dernière édition par Ragnar Etzmurt le Ven 16 Juin 2017 - 19:52, édité 2 fois