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Funeste fuite

Benjamin avait quitté les abords de la prison à une vitesse ahurissante. Il avait laissé sur place d’éventuels poursuivants mais aussi Brixius. Vivifié par une liberté recouvrée, le solide marin se dirigeait vers le port avec une célérité que ne laissait pas présager sa large carrure. Ses pieds rencontraient le sol avec régularité et il soufflait comme un taureau enragé. Il descendait vers la mer comme une pierre ronde dévale une pente : en augmentant progressivement sa vitesse. Il arriva finalement au port et sauta pieds-joints dans la mer. Il pénétra droit comme une vergue dans l’eau et s’enfonça dans les abimes aussi vite que l’eut fait une ancre de belle taille. Son visage affichait une expression de béatitude indicible tandis qu’il expulsait des bulles de la taille d’un poing.

Il nagea en apnée pendant de longues minutes. Il faut dire que le marin était un nageur exceptionnel qui semblait parfois avoir un cousinage avec les hommes poissons. Il émergea finalement à la surface, sourire béat au bout des lèvres. Il remonta sur un ponton proche où l’attendait un vieux gaillard ridé. L’homme semblait avoir la peau la plus craquelée du monde ce qui ne l’empêchait pas d’avoir une musculature premier choix. Il lança une bouteille de rhum poussiéreuse au Landstorm. Ce dernier l’attrapa avec expertise et ôta le bouchon de liège à l’aide de ses dents. Recrachant le bouchon au loin il s’enfila une rasade si grande que la moitié de la bouteille fut sifflée manu militari.

- Bain matinal et descente de rhum de qualité, ça respire son bon marin.
- Par Diou ! Je le crois bien ! Landstorm pour vous servir mon bon samaritain.
- Peut m’appeler le chêne.

Et comme pour mieux justifier ce surnom, il banda un biceps laissant apparaître un muscle nervuré de rides qui se rapprochait fort de l’aspect bois.

- Longtemps qu’il est sur Kikai No Shima le Landstorm ?
- Trop longtemps ! Hâte de reprendre la mer, sacroublou !
- Je pars dans la minute pour une session de pêche, il me manque un aide qui s’est pas pointé ce matin. Sait pêcher le marin ?
- Je crois bien ! Je lance le filet comme personne et je suis pas mal réputé pour tenir la barre d’une belle manière.
- Engagé ! Rhum offert par la maison et un pourcentage sur la vente de la pêche.
- Du moins que je vois la mer et que je bois mon saoul, je te laisse tes berrys le chêne !

Et les deux gaillards embarquèrent aussitôt sur un petit bateau de pêche qui semblait avoir vu autant d’années que son propriétaire. Avec eux se trouvait un troisième individu, il s’agissait du frère du chêne. C’était un homme plus frêle mais à l’œil vif et la bouche ferme. Il salua mollement Benjamin avant de s’intéresser aux filets. Il faut dire que Carl était le commerçant de la fratrie, un homme plus intéressé par l’or que par la mer.

Benjamin parvint donc à quitter l’île en un temps record et sans s’en être réellement préoccupé. Il réalisa d’ailleurs sa chance après coup, revenant peu à peu de ses retrouvailles avec la mer. La chance du naïf songea-t-il…


Dernière édition par Benjamin Landstorm le Lun 12 Juin 2017 - 17:30, édité 3 fois
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Il profita donc de cette période de répit pour s’adonner pleinement à sa passion. Il prit la barre sous l’œil satisfait du Chêne et fit même quelques remarques sur le gouvernail qui, selon lui, avait une légère faiblesse. Après quelques dizaines de minutes de navigation, les trois hommes parvinrent au lieu de pêche, en haute mer, et commencèrent le travail. Les bras musculeux du Landstorm rivalisaient avec ceux du Chêne. Un véritable ballet de filets se déroulait devant les yeux de Carl.

- Qu’est-ce qui amène un marin de ta trempe sur cette île ?
- Pourrais bien te renvoyer la question !
- Je suis né ici, à une époque où l’or n’était pas le plus important.
- J’ai atterri ici dans un tonneau par un procédé qui m’est toujours étranger ! MORDIOU ! Si je te dis que je suis arrivé ici en une nuit dans un tonneau, depuis la Flaque !?
- Je dirai que tu as abusé du rhum !
- Pas impossible…

Tout en parlant, ils relevaient des filets qui regorgeaient de poissons multicolores. Les mains calleuses de Benjamin se portèrent sur un spécimen particulièrement bariolé.

- Y’en a pas des comme ça sur les Blues.
- Pour sûr, une spécificité d’ici. L’arc-en-ciel de Kikai No Shima !
- Comestible ?
- Boarf, plutôt ouais. Les locaux préfèrent d’autres variétés. C’est du poisson de touriste ça !
- Hm…

Landstorm scrutait toujours la tête de ce poisson mort dont l’œil semblait le fixer avec insistance. Il le jeta finalement sur le tas avec les autres avant de s’asseoir sur un bac en bois. Il fit virevolter un fin coutelas et entreprit d’évider les poissons aux côtés de Carl, muet, et du Chêne. Ce mutisme chagrinait Landstorm qui tenta bien de briser la glace.

- Pas bien bavard !
- Le temps c’est de l’argent !
- Ouais m’enfin les poissons vont pas se vider moins vite, ni les filets se remplir plus abondamment…
- C’t’un avis…
- L’écoute pas Landstorm, Carl est passé du côté de l’or aussi. Tout tourne autour de ça sur cette île maudite.
- Faut partir alors.
- Faudrait pouvoir ! Pas assez d’argent, trop vieux aussi… Puis l’embauche de marins ici, c’est pas courant.  

Les marins avaient exhumé les derniers filets et il semblait maintenant y avoir des poissons sur tout le pont. Benjamin avait des écailles qui le titillaient jusqu’à mi cheville. Devant une telle profusion de poiscaille il siffla longuement et haussa un sourcil.

- La belle pêche que voilà.
- Y’a de moins en moins de pêcheurs alors le vivier est inépuisable.
- Ouais enfin sur les Blues on en trouve pas autant même dans les coins reculés.
- V’la ti pas deux fois que tu me parles des Blues comme si tu découvrais Grand Line pour la première fois.
- CAP DE DIOU ! C’est que c’est ma première sortie en mer sur Grand Line.


Dernière édition par Benjamin Landstorm le Lun 12 Juin 2017 - 17:39, édité 2 fois
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Carl et le chêne firent les yeux ronds et se regardèrent interloqués. Ils finirent par exploser de rire tous les deux, se tenant les côtes fermement.

- HAHAHA ! La bonne blague.

Ce fut au tour de Benjamin de faire les yeux ronds.

- Quoi… C’est pas une blague. La vérité vraie ! Foi de marin.
- Palsambleu ! Comment qu’c’est possible !?
- Jamais eu l’occasion d’y descendre. Puis j’étais un peu une huile sur toutes les Blues…
- Incroyable ! Assis toi donc Landstorm ! J’ai deux trois trucs à te balancer.
- On va être en retard pour la criée !
- Carl ! Un marin de cette trempe, on le laisse pas se perdre sur Grand Line, on le soigne, on le cajole !
- Oui, enfin… Les poissons quand même…

Mais le Chêne resta indifférent à toute remarque de la part de son frère. Tandis que tous jouaient du coutelas, le chêne transmit toutes les informations cruciales qu’il connaissait sur la navigation sur Grand Line. La translinéenne, la recrudescence de navires de la marine, les changements intempestifs de climat et de courants, l’erratique vent marin, la dangerosité des pirates, des monstres marins, le log pose. Bref tout y passa ou presque et Benjamin, qui se pensait marin chevronné et aux faits de tout, se sentait comme un jeune mousse en apprentissage. Il écoutait avec attention et sa mâchoire tantôt s’ouvrait, tantôt se refermait, sans qu’il soit possible pour lui d’émettre un seul son. Le chêne continuait lui inlassablement à prodiguer conseils justes et appels à la prudence. D’un ton paternaliste il mettait surtout en garde sur les excès de confiance qui avait tant emportés les marins doués mais trop confiants.

- ENFIN ! L’expérience est la meilleure forme d’apprentissage. Tu sembles suffisamment bon marin et maintenant que tu es prévenu, tu devrais t’en sortir !

- Hm…

L’œil brillant, il n’avait qu’une hâte : prendre la mer et affronter celle-ci, mourir pour elle ou la dompter et faire sienne. Il lui semblait qu’un vide énorme s’était ouvert dans son torse, un vide qu’il fallait combler sur le champ. Toutes ses années passées sur les Blues pour découvrir que la vraie vie de marin se passe ailleurs. Il était à la fois ébranlé de voir qu’il n’était qu’un marin parmi tant d’autres mais si heureux d’avoir encore tant de choses à découvrir, à apprendre et à parcourir. Si cela ne tenait qu’à lui, il aurait tourné les voiles et prit la mer à l’instant, pied sur le bastingage et coutelas entre les dents ! Le chêne vit ce changement de physionomie.

- Allons ! Du calme ! Je connais ce regard plein de fougue ! Tu iras sur cette mer. Mais moi je dois rentrer vendre ce poisson ou Carl va mourir de chagrin !

Et mêlant gestes à parole, Le Chêne attrapa la barre pour virer de bord. Il attrapa une prise au vent qui respirait bon son navigateur. Benjamin, accoudé non loin, profitait de la brise marine qui lui avait tant manqué.


Dernière édition par Benjamin Landstorm le Lun 12 Juin 2017 - 17:42, édité 2 fois
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- Tu es déjà allé sur Grand Line le chêne non ?
- Je suis pêcheur, natif de Kikai !

Mais alors qu’il disait cela, tout son corps semblait avoir tremblé à l’évocation de son passé. Benjamin n’était pas dupe mais il ne chercha pas à en savoir davantage. Après tout, lui aussi portait son lot de secrets.

Grâche au chêne, le navire de pêcheur fut sur le port en moins de temps qu’il ne faut pour un gabier pour ferler une voile. Benjamin allait applaudir lorsque son regard d’aigle se posa sur le ponton où il se trouvait il y a quelques heures. La nuit était tombée mais l’on discernait de nombreuses lanternes qui illuminaient des uniformes immaculés et des canons de fusils menaçants. Landstorm afficha une moue dubitative et se tourna vers le chêne.

- Il faut que je te dise quelque chose l’ancien.
- Economise ta salive, tu suintes le frère de la côte par tous les pores. Maintenant silence, c’est moi qui parle.

En effet, le navire entrait dans le port et à peine amarrés, un groupe de soldats venaient se présenter devant eux. Les mains étaient crispées sur les fusils, les regards attentifs. Un officier se détacha du groupe, le visage éclairé par une lanterne. Benjamin était le plus proche pour avoir sauté sur le ponton, il s’affairait autour de la bitte d’amarrage, l’air indifférent.

- Ôla, vos papiers le pêcheur.

Benjamin se retourna, il ne savait trop que faire à cet instant. Ses yeux cherchèrent une échappatoire qui ne vint pas. Le chêne sauta à ses côtés l’air revêche.

- Pas bientôt fini d’emmerder mon neveu ! On est des honnêtes pêcheurs ! Toujours les mêmes qui se font emmerder sur cette île. M’en vais rejeter ces poissons à la baille si c’est pour nourrir des ingrats comme vous autres ! On est des pauvres gens nous, on a que notre malheur comme identité.

L’officier reconnut le chêne et craignit un esclandre de haute volée. Il savait que ce marin tenait le port en respect et n’avait pas pour envie de se créer des problèmes au niveau de ses supérieurs.

- Bon, bon, on fait que notre travail aussi nous autres. Allez les gars, notre homme est pas ici.

Et ils quittèrent la place aussi vite qu’ils étaient apparus. Landstorm attrapa sa pipe, l’air goguenard.

- T’en dois une le chêne.
- Rentrons chez moi, Carl va s’occuper de la vente à la criée.

Ils saluèrent Carl et disparurent vers la maisonnée du chêne.


Dernière édition par Benjamin Landstorm le Lun 12 Juin 2017 - 17:44, édité 2 fois
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C’était une petite bâtisse en bois. Elle apparaissait solide mais semblait aussi être de géométrie variable et ondulait plus qu’elle n’était droite. Ils pénétrèrent à l’intérieur et Benjamin déboula dans une pièce sombre où tout le nécessaire du marin pouvait être trouvé. Il y avait du matériel de pêche, des tenues de rechange, de solides harpons aiguisés et quelques piécettes se battaient en duel sur une table de bois grossièrement taillée. On pouvait également trouver quelques caisses de rhum dans un état impeccable, ce qui tranchait d’avec le reste de la décoration qui semblait particulièrement passée. Justement, Le Chêne s’approcha de la caisse qu’il éventra d’un coup de pied expert. Il en dégagea une bouteille de rhum de très bonne qualité. Deux verres poussiéreux furent frottés sur la chemise du chêne avant d’être posés puis remplis.

- Encore heureux que ces imbéciles ne connaissaient pas ta trogne.
- Paraît bien improbable d’ailleurs.
- Bah ! Ici les marines sont plus intéressés par l’or que par le travail. La lame s’est émoussée avec le temps.
- En tous cas, le rhum lui est bien tranchant !
- Ma foi, un cadeau de mon frère. Il fricote avec des nouveaux venus. Sorte de pègre locale. Des bons à rien si tu veux mon avis mais bon… La faiblesse de l’or hein…
- Serait plutôt la faiblesse du rhum pour le coup.
- Ouais’, les mecs se sont lancés dans le commerce de rhum. Faut dire que la réserve de rhum de Kikai no Shima est assez réputée. L’île en consomme tellement, c’est un bon investissement. Du coup, pas de tafia pour moi, c’est déjà ça.
- Une grosse réserve ici ?
- Je le crois bien ! Peut-être même la plus grande de tout Grand Line. Et du bon !
- A la santé de Carl alors !

Les deux hommes descendirent ainsi plusieurs bouteilles en refaisant le monde. Benjamin c’était également renseigné sur les moyens de quitter l’île. Les marins en étaient rapidement arrivés à la conclusion qu’il fallait attendre que l’histoire de l’évasion se tasse. Finalement ils se couchèrent tout deux une bouteille dans le creux du coude, en hommes satisfaits de la soirée.

Mais ils furent réveillés en plein milieu de la nuit par un enfoncement de porte aussi bruyant qu’inattendu. La porte éventrée laissa entrevoir le canon de plusieurs fusils et la silhouette de Carl.

- Benjamin Landstorm ! Rendez-vous la maison est cernée.

Landstorm attrapa un sabre posé non loin et fit vibrer la lame.

- Foi de Landstorm, je ne retourne pas dans ce trou à rats. Sortons donc que je vous apprenne les bonnes manières.


Dernière édition par Benjamin Landstorm le Lun 12 Juin 2017 - 17:47, édité 2 fois
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Les soldats ne l’entendaient pas de cette oreille et s’avancèrent d’un pas résolu. Ils étaient au nombre de trois, de solides gaillards qui n’avaient manifestement pas l’intention de se faire mener par le bout du nez. Mais arrivés au milieu de la pièce, le premier homme fut emporté par un harpon qui le transperça au niveau du plexus. Il tomba en arrière dans un bruit atroce de bris d’os. Le chêne cracha au sol, ses sourcils ne formaient plus qu’une ligne terrible tant ils s’étaient rapprochés l’un de l’autre.

- Capturez un marin chez moi !? Vous êtes d’incroyables coquins !

Et il lança un second harpon qui arracha presque la tête d’un autre soldat. Le troisième, effrayé, tenta bien de reculer mais trébucha sur le corps d’un de ses collègues. Il tomba fesses la première et n’eut pas le temps de mettre en joue. Le chêne était déjà tombé sur lui et lui avait enfoncé son sabre à travers le corps.

- Allez ! On sort Landstorm ! Tu attrapes mon rafiot et tu files, tu passeras pour un voleur de navire ce qui est une chose terrible, mais tu seras libre.

Et ils sortirent tous deux, sabres au clair dans une nuit fort éclairée par une lune bien pleine. Devant la maison, il y avait Carl accompagné d’une bonne vingtaine de soldats. A la tête du groupe, un officier massif à la casquette solidement enfoncée sur le crâne. Ses larges épaules rehaussées de galons annonçaient pour lui sa qualité de chef. Les deux marins-fuyards s’immobilisèrent devant la porte. Le chêne identifia le danger et lança son dernier harpon avec une force phénoménale.

C’était l’officier la cible, le chêne appliquant là une stratégie élémentaire : toujours éliminer la tête d’un groupe en premier. Malheureusement, l’officier était fait d’un bois plus solide que les trois précédents adversaires des fuyards. Il dégaina un katana et dévia habilement le harpon. De sa main libre il fit apparaître un pistolet à silex et tira directement sur le vieux marin. Alors que la balle touchait le chêne, l’officier était déjà sur lui et le trancha sur toute la longueur. Benjamin ne put que constater l’attaque sous les hurlements effarés de Carl qui ne pensait pas avoir condamné son frère en rameutant la marine.

Landstorm vit rouge. Il voyait devant lui s’affaisser un marin, mort sur la terre et non sur la mer. Son cœur battait à tout rompre et son bras se contracta de belle manière. Plutôt que de s’attaquer directement à l’officier, Benjamin se dirigea vers ses subordonnés. Ils étaient alignés les uns à côté des autres. Peut-être trop confiants, ils n’avaient pas même prit la peine de mettre en joue. Le lourd marin leur tomba dessus à grand coup de sabre comme on tombe sur un pont adverse lors d’un abordage. Il tranchait méthodiquement, sans s’arrêter, sans même se retourner. L’alignement des soldats les empêchait d’avoir une bonne ligne de tir, ils se gênaient et le nombre devenait ainsi presque un handicap. Il faut dire que le marin semblait animé d’un feu sacré, son œil flamboyait et il expédiait ses adversaires en une ou deux passes maximum. En quelques secondes, Benjamin avait étalé la majorité de ses adversaires. Il avait joué sur la surprise, sur la peur et sur la faiblesse de ces hommes. Curieusement l’officier n’avait pas bougé, lui qui avait pourtant montré une telle rapidité il y a quelques instants. En définitive, Benjamin et son adversaire se toisaient du regard par dessus un monceau de soldats inertes.

- En étalant ma section tu passes pour plus fort que tu n’es. Tu vas donc embellir ta capture et m’assurer une promotion rapide.

Benjamin n’en croyait pas ses oreilles qu’il avait rouge vif tant le sang s’y était accumulé. Ses yeux également étaient injectés de sang. La vue de cet officier si prompt à perdre des hommes lui inspirait un profond dégout.

- Ah le gredin ! Tes hommes ne sont pas morts, je ne suis pas un tueur d’enfants. Je ne serai pas aussi clément avec toi !

Et comme d’un commun accord, les deux hommes s’élancèrent pour faire parler les épées.


Dernière édition par Benjamin Landstorm le Lun 12 Juin 2017 - 17:50, édité 2 fois
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Ils s’escrimaient tous deux avec un style bien particulier. L’officier de la marine dans un style très académique, propre et efficace. Benjamin dans une rudesse marine toute personnelle. Avec le temps, il avait développé un style qui lui était propre. C’était un style directement tiré de son expérience des abordages. Il délivrait des coups formidables visant à abattre l’adversaire en un coup pour passer directement au suivant. Habitué aux sabres d’abordage, il bénéficiait d’une garde solide et ne s’exposait que pour délivrer des coups fameux capables de trancher net un bœuf musculeux.

L’officier de la marine était un peu décontenancé par ce style peu académique, que l’on rencontrait rarement lorsque l’on faisait ses classes et encore moins lorsque l’on ne servait pas sur un navire. A l’inverse, Benjamin n’était pas en reste niveau inconfort en s’escrimant contre un adversaire qui prenait son temps et qui n’était pas réellement préoccupé par une attaque venant d’un autre côté. Deux styles s’affrontaient mais aussi deux physiques. Le musculeux Benjamin avait maille à partir avec un homme de sa trempe, le genre : grosse musculature rattachée à un gros squelette. Ils développaient donc tous deux des coups puissants et savaient pertinemment que la première touche serait également la dernière.

C’est donc l’aspect psychologique qui allait véritablement départager les deux adversaires. Et sur ce versant, Benjamin était largement dominé. Il venait de voir son bienfaiteur se faire tuer sous yeux et il découvrait en son adversaire un homme sans honneur, sans cœur et sans panache. Tout cela lui faisait perdre son sang-froid et il s’escrimait avec une rage qui exposait plus que d’accoutumée son épiderme. En face, l’officier restait froid et cela le rendait particulièrement redoutable. Il faut dire que cet homme mystérieux semblait en mesure de passer sur le corps de la moitié de l’île sans sourciller. Ce qui devait arriver arriva donc avec inéluctabilité. Dans une fente un peu trop grotesque, Benjamin exposa massivement son épaule maitre. L’épée de son adversaire s’y enfonça profondément. Le sabre du marin tomba au sol et celui-ci suivit dans la foulée. Ses deux genoux rencontrèrent le sol et il mit la main opposée sur l’épaule meurtrie. La douleur était lancinante mais il n’avait pas perdu son homme du regard. Landstorm injectait tout ce qu’il avait de haine dans son regard, comme un dernier baroud d’honneur. L’officier, imperméable leva bien haut son épée et un rictus mortel passa sur son visage.

Bien décidé à mourir en marin, Benjamin ne détournait pas le regard.

- Qu’on me jette à la mer une fois mort. Fut sa dernière requête.
- Je veillerai personnellement à ce que tu sois enterré dans une fosse commune.

Et l’épée s’abattit brutalement sur Landstorm. La douleur fut incroyable, il chancela et sa vue se troubla. Cependant, si douleur il y avait, c'est qu'il n'était pas mort. Ayant basculé sur le côté du fait du coup, il se retourna pour mieux voir ce qu’il venait de se passer. Le coup d’épée avait été très mauvais en définitive. A peine avait-il ouvert un léger sillon sur le torse de Benjamin. Et pour cause, en se redressant il vit que l’officier se tenait toujours droit devant lui. Mais il ne parlait plus et de sa bouche s’échappait un long filet de sang. A travers sa poitrine, un harpon trônait fièrement, le transperçant de part en part.

Carl se tenait dans le dos de l’officier. Il avait les larmes aux yeux et serrait fortement sa lèvre inférieure.

- Pour mon frère !

Mais l’officier de la marine bien que blessé était toujours alerte et d’un coup furieux il envoya valser Carl dans le décor. A peine fut-il retourné que son œil s’écarquilla avant de se refermer, définitivement. Devant lui, Benjamin s’était redressé et l’avait également transpercé de son sabre.

- Pour mon frère de la côte !

Cette fois l’officier tomba roide sur le sol, laissant Benjamin seul maitre du terrain. Il se porta aussitôt à la rencontre du chêne qui n’avait pas bougé. Le malheureux était mort mais semblait avoir été emporté en plein sourire. Carl, amoché, c’était également rapproché et pleurait  à chaudes larmes.


Dernière édition par Benjamin Landstorm le Lun 12 Juin 2017 - 17:54, édité 2 fois
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- Il y avait une grosse prime, je ne voulais pas…
- Pas toi qui a tué ton frère…

Peu enclin à discuter, Benjamin se releva et souleva le Chêne jusqu’à son épaule. Silencieusement, il rejoignit le ponton et déposa délicatement le cadavre de son ami sur son navire. Puis il partir au large dans une nuit si claire que l’on voyait sur la mer se dessiner sur chaque vague un reflet argenté. Arrivé suffisamment loin, Benjamin jeta l’ancre et ferla les voiles. Il s’installa aux côtés du chêne. Carl était également là, installé de l’autre côté de son frère. Ils descendirent une bouteille de rhum, puis une seconde, dans un silence lourd. Carl sanglotait, Benjamin expirait avec force.

- S’il y a responsabilité, je suis le premier à blâmer. C’est ma rencontre qui scella le destin de ton frère. Mordiou que je me sens mal…
- C’est cet officier la cause du décès de mon frère.
- Que n’avons nous pas coupé les mains et les pieds de ce coquin ! Il est mort trop vite pour que je sois satisfait…

Après un silence interminable, ils décidèrent de jeter le chêne à la mer. Celui-ci s’enfonça lentement, laissant comme dernier souvenir un visage souriant qui s’enfonce dans une mer calme.

- Il n’est de frère de la côte qui ne veuille mourir sur terre. Au moins reposes-tu avec les tiens, dans cette mer que tu semblais tant chérir. Puisse les autres frères de la côte de faire une place de roi dans les profondeurs, caressé éternellement par des courants vigoureux !

Carl aussi murmura longuement le visage rivé sur la mer. Puis les deux hommes mirent le feu au navire et rejoignirent l’île à la nage. Le chêne partirait avec son navire, comme tous les grands marins. Mais pour Benjamin, la fuite ne faisait que commencer.

- Je te quitte Carl. Tu as déjà payé le prix de ta trahison auprès de ton frère. Pour ma part, tu m’as sauvé la vie, nous sommes quitte de tout.
- Non pas, j’ai une dette bien grande envers toi. Je connais des gens qui t’aideront peut-être dans ta fuite.

Benjamin leva la tête vers le ciel.

- Allons bon… Voyons donc cela.
- Tu verras, ce sont des individus aux ressources importantes.
- Bon ! Je ne serai pas mécontent de savoir comment s’en sort ce diable à quatre, cet énergumène de Brixius…

Et les deux hommes s’enfoncèrent dans la nuit et l’île tandis que face à la maison du chêne, un groupe de marine sonnait l’alerte : un officier venait d’être tué…
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