Benjamin avait quitté les abords de la prison à une vitesse ahurissante. Il avait laissé sur place d’éventuels poursuivants mais aussi Brixius. Vivifié par une liberté recouvrée, le solide marin se dirigeait vers le port avec une célérité que ne laissait pas présager sa large carrure. Ses pieds rencontraient le sol avec régularité et il soufflait comme un taureau enragé. Il descendait vers la mer comme une pierre ronde dévale une pente : en augmentant progressivement sa vitesse. Il arriva finalement au port et sauta pieds-joints dans la mer. Il pénétra droit comme une vergue dans l’eau et s’enfonça dans les abimes aussi vite que l’eut fait une ancre de belle taille. Son visage affichait une expression de béatitude indicible tandis qu’il expulsait des bulles de la taille d’un poing.
Il nagea en apnée pendant de longues minutes. Il faut dire que le marin était un nageur exceptionnel qui semblait parfois avoir un cousinage avec les hommes poissons. Il émergea finalement à la surface, sourire béat au bout des lèvres. Il remonta sur un ponton proche où l’attendait un vieux gaillard ridé. L’homme semblait avoir la peau la plus craquelée du monde ce qui ne l’empêchait pas d’avoir une musculature premier choix. Il lança une bouteille de rhum poussiéreuse au Landstorm. Ce dernier l’attrapa avec expertise et ôta le bouchon de liège à l’aide de ses dents. Recrachant le bouchon au loin il s’enfila une rasade si grande que la moitié de la bouteille fut sifflée manu militari.
- Bain matinal et descente de rhum de qualité, ça respire son bon marin.
- Par Diou ! Je le crois bien ! Landstorm pour vous servir mon bon samaritain.
- Peut m’appeler le chêne.
Et comme pour mieux justifier ce surnom, il banda un biceps laissant apparaître un muscle nervuré de rides qui se rapprochait fort de l’aspect bois.
- Longtemps qu’il est sur Kikai No Shima le Landstorm ?
- Trop longtemps ! Hâte de reprendre la mer, sacroublou !
- Je pars dans la minute pour une session de pêche, il me manque un aide qui s’est pas pointé ce matin. Sait pêcher le marin ?
- Je crois bien ! Je lance le filet comme personne et je suis pas mal réputé pour tenir la barre d’une belle manière.
- Engagé ! Rhum offert par la maison et un pourcentage sur la vente de la pêche.
- Du moins que je vois la mer et que je bois mon saoul, je te laisse tes berrys le chêne !
Et les deux gaillards embarquèrent aussitôt sur un petit bateau de pêche qui semblait avoir vu autant d’années que son propriétaire. Avec eux se trouvait un troisième individu, il s’agissait du frère du chêne. C’était un homme plus frêle mais à l’œil vif et la bouche ferme. Il salua mollement Benjamin avant de s’intéresser aux filets. Il faut dire que Carl était le commerçant de la fratrie, un homme plus intéressé par l’or que par la mer.
Benjamin parvint donc à quitter l’île en un temps record et sans s’en être réellement préoccupé. Il réalisa d’ailleurs sa chance après coup, revenant peu à peu de ses retrouvailles avec la mer. La chance du naïf songea-t-il…
Dernière édition par Benjamin Landstorm le Lun 12 Juin 2017 - 17:30, édité 3 fois