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Siège cristallin

Tenko s'essuyait les yeux en ouvrant sa cabine qui donnait sur le pont du navire, où les équipes de nuit passaient le relais aux matelots de jour. L'Émérite était redevenu un croiseur flambant neuf après son passage dans les chantiers navals de Bliss. Le jeune lieutenant-colonel monta se placer derrière la barre, offrant au timonier le luxe de ce reposer. Lui n'en avait pas eu l'occasion depuis trente-six heures au moins. À peine rentré de South Blue, il s'était vu confié un dossier extrêmement sensible que la Marine devait gérer en urgence. Et comme ses récents succès lui avaient mis le vent en poupe, l'amirauté décidait de continuer de creuser le filon. Il fixa son regard loin en avant, comme pour distinguer la destination qu'ils visaient. Pour sa première mission, la Division Sozen devrait envahir et prendre le contrôle d'une colonie pirate, Refuge. La petite ville éponyme existait depuis près de dix ans mais n'avait jamais été la priorité du Gouvernement Mondial dans ces eaux. Le Boulet Percé était un équipage de flibuste plutôt tranquille, mais qui tendait à devenir beaucoup trop sédentaire aux yeux des pontes de ce monde. De plus, les espions dépêchés sur place avaient confirmé la présence de ressources de valeurs dans les quelques grottes qui plongeaient en profondeur sous le caillou isolé au milieu de l'eau. Alors le lieu devait tomber entre les mains des bonnes personnes.

"La politique... Va y avoir des dizaines de morts civiles à coup sûr dans cette histoire..."

"Je ne te le fais pas dire... Surtout vu les pirates qui gèrent le coin, on va l'avoir mauvaise!"

Alors que Tenko avait grommelé dans sa solitude, le sergent Saaros s'était manifesté. Les deux hommes se connaissaient depuis Poiscaille et les évènements qui avaient conduit à la chute des soldats corrompus. Le sous-officier était un archer blondinet, toujours sur le qui-vive. Après avoir suivi son supérieur quelque temps, il avait décidé de repartir sur l'île de la pêche, mais il devait d'abord effectuer cette dernière mission. L'ancien timonier regarda son subalterne avec un air blasé tout en répondant.

"J'ai passé la nuit dans les rapports. Ces gars ont commencé à vraiment devenir ennuyant ces derniers mois, alors que leur équipage ne cesse de s'agrandir. Le plus problématique, c'est leur capitaine. On a presque rien sur lui, si ce n'est son goût pour le luxe..."

"On va devoir improviser en bref?"

"Plus ou moins, oui."

"Heureusement que tu es bon à ça! D'ailleurs, laisse-moi la barre et va dormir. Tu ne pourra commander personne dans cet état..."

L'officier supérieur ne rechigna pas à laisser sa place. Il fit le trajet parcouru seulement quelques instants plus tôt dans le sens inverse et se laissa tomber sur son lit, l'esprit trop embrumé pour lutter contre la fatigue. Ses yeux se fermèrent tout il bascula dans le monde des songes. Des heures plus tard, un rayon de soleil courant sur son visage le tira des bras de Morphée. Il s'étira et se remit debout, arrangeant son uniforme dans lequel il avait dormi pour ne pas paraître désordonné. Il passa la porte de sa cabine pour la deuxième fois de la journée, alors que le soleil dépassait le zénith. Les mouettes s'activaient par dizaine pour donner au navire la force d'avancer, et le lieutenant-colonel ne put s'empêcher de parcourir le pont pour regarder ses hommes à l'œuvre. Leur bateau effectuait sa première mission, c'était un moment particulier. Les soldats tiraient les cordes ou rabattaient les voiles selon les ordres de leurs chefs qui les scandaient depuis le pont. En certains endroits, d'autres militaires inspectaient l'armement ou s'occuper de préparer les armes de mêlée. Le croiseur était plein de vie et son capitaine ne pouvait que s'en réjouir. Après s'être dégourdi les jambes, Tenko revint néanmoins sur le château, où les officiers s'étaient réunis comme par convention. Il les salua et écouta leurs rapports avec attention.

"Nous avons parcouru le trajet avec un jour d'avance sur les prévisions. Nous devrions bénéficier d'un effet de surprise à notre arrivée, aussi je suggère que nous lancions l'offensive dès notre arrivée monsieur.

"Où nous pourrions bloquer leur port et pilonner la ville jusqu'à la rédition!"

"Mais ça n'a aucun sens, nous allons frapper dans le vide!"

"Parce que l'idée de foncer dans le tas est meilleur peut-être?!"

"Messieurs, messieurs."

Comme à son habitude, Tenko devait modérer les joutes stratégiques des adjudants-chefs sous sa responsabilité et qui participaient activement à l'élaboration des stratégies de bataille. Il se racla la gorge et exposa sa vision des choses.

"Vos idées sont basées sur des spéculations si je puis me permettre. Si nous débarquons sans assurer notre contrôle de la mer nous pourrions être piégés sur l'île. Tandis que l'idée d'un blocus tombe à l'eau si les rations et la production de nourriture de l'île sont suffisantes pour tenir indéfiniment. Nous allons devoir aviser sur le moment de la meilleure stratégie à appliquer. Comme toujours, c'est votre sens tactique qui va primer, votre capacité à réagir indépendamment tout en gardant la cohésion de nos troupes. Est-ce que c'est clair?"

Les grades acquiescèrent sans donner de réponse orale alors que la vigie scandait de sa forte voix : "Refuge en vue ! Un navire se dirige aussi vers nous, en provenance de l'île, pavillon noir au vent !" Presque immédiatement, les différents chefs de sections prirent leurs responsabilité et préparèrent le navire au combat sans que l'ordre n'ait besoin de venir des officiers assemblés près de la barre. Tenko se rapprocha de la proue et observa le navire adverse à l'aide d'une longue-vue qu'on lui passât. Il observa la figure de bois qui ornait l'avant du navire qui consistait en un espèce de parchemin qui fracturé à par une épée ouvragée. C'était selon tout évidence l'emblème du Broken Will, le navire personnel du capitaine Henry Vonoghan. Néanmoins, alors qu'il dirigeait la lentille vers le château du brick, il ne put apercevoir d'autre commandant à bord qu'une jeune femme. Il finit son analyse en dénombrant à peu près les effectifs ennemis avant de reprendre le chemin jusqu'à la barre de son propre bateau. Il donna enfin ses premiers ordres.

"On devrait prendre facilement l'avantage, mais c'est un bon navire, taillé pour la vitesse. Je veux qu'on commence avec les boulets à chaîne. Il faut faire tomber un de leurs mâts pour nous assurer une supériotié écrasante. Si c'est le cas, ils chercheront l'abordage. Laissons-les venir."


Dernière édition par Tenko Sozen le Ven 23 Juin 2017, 07:12, édité 1 fois
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Les cannons tonnèrent et les boulets sifflèrent. L'eau impactée par les projectiles perdus s'envolait en gerbes impressionnantes. Sur les deux ponts, la tension était palpable. L'Émérite avait ouvert le feu alors même que le Broken Will n'était pas à portée de riposte. Les boulets de fontes reliés par des chaînes avaient accroché le navire en plusieurs endroits et emporté quelques forbans dans l'autre monde. Mais les mâts du brick tenait bon alors qu'il fonçait toutes voiles dehors vers le croiseur. À sa barre, Agatha Nyrros, première lieutenant du Boulet Percé et donc bras droit du capitaine de son fait, demeurait confiante dans se sont chances de succès. Les mouettes avaient employé la stratégie attendue d'eux et ils prévoyaient certainnement qu'un abordage serait tenté. Mais ils ne connaissaient pas encore les modalités de cette attaque sur pont. Ainsi la flibustière faisait aller le navire de son capitaine, l'équipage se chargeant de se préparer à l'attaque, sortant épées et mousquets.

"Préparez-vous! Aujourd'hui nous allons stopper ceux qui veulent notre terre, messieurs!"

L'écho du cri poussé à l'unisson par les forbans plana au-dessus des flots jusqu'à atteindre les oreilles des marins qui constatèrent la ténacité de leurs adversaires. Loin d'être démoralisés, les soldats redoublèrent d'efforts, parvenant même à accélérer leur cadence de tir. Les projectiles fusaient mais la malchance semblait empêcher les boulets de stopper la course du navire. Tenko décida d'aller auprès de ses hommes pour leur donner encore plus d'ardeur. À sa simple arrivée, les esprits se concentrèrent et les mains se firent plus habiles. Il s'agissait de montrer sa valeur, de prouver son talent au capitaine. Les mots du lieutenant-colonel embrasèrent l'atmosphère de la pièce!

"Réduisez-moi ces mâts au rang d'allumettes!"

Cette fois-ci, le hurlement fit le trajet inverse de même que les boulets à chaînes qui continuèrent de pleuvoir sur le pont. L'équipage avait perdu un cinquième au moins de ses hommes au moment où le grand mât, situé à l'arrière du navire pirate, s'effondra dans la mer dans un craquement sinistre. Privé des leur principale propulsion, l'élan des flibustiers prit un coup sévère, de même que leur moral. Mais Agatha Garda le cap, cherchant à atteindre le même objectif. Tenko, de son côté, remonta en vitesse sur le château pour donner des ordres.

"Exposez notre flanc et faites charger les projectiles classiques. Je veux qu'on tire à ras de pont jusqu'à avoir anéanti l'équipage adverse. Ils vont chercher à nous aborder et nous les laisserons faire. Nous visons leur tête, par leur moyen de locomotion."

Les ordres furent communiqués et le navire se repositionne rapidement. Le déluge reprit, freinant un peu plus la course du Broken Will qui se trouvait maintenant dans une position extrêmement délicate. Sur les cinquante-six hommes qui avait embarqué, plus d'une contained avaient perdu la vie suite aux assauts violents du croiseur. La différence de puissance et de nombre se faisait ressentir. À trois navires ils auraient eu toutes leurs chances. Mais Henry Vonoghan faisait confiance à ses capacités à défendre l'île dans une bataille terrestre. De l'avis du jeune officier, c'était de la naïveté dangereuse. Il fut extrait de ses pensées par la cessation des tirs. Le bateau des flibustiers avait amorcé son abordage malgré le suicide qu'une telle manœuvre représentait. Les pirates survivants s'étaient amassés sur le château, aussi les mouettes en firent de même. Le lieutenant-colonel n'arrivait pas à déterminer une quelconque stratégie derrière le positionnement des forces adverses. La petite troupe allait se casser les dents sur la formidable armée qui attendait de l'autre côté du bastingage. Les premiers coups de feu retentirent et les mouettes prirent l'avantage, comme c'était attendu. Néanmoins, Agatha ne tarda pas à se dégager un chemin à travers les soldats en usant de ses seuls poings. Elle émergea de la troupe et se plaça face au capitaine en col blanc qui l'attendait.

"Savoure cette victoire, marin! Je suis venu venger les miens!"

Sans lui laisser sa réplique, elle se propulsa dans un bond étonnamment souple avant d'atterrir derrière le jeune homme qui eut tout juste le temps d'opposer le plat de la lame de son sabre pour bloquer le coup de paume qui lui était destiné. Il pivota rapidement et positionna ses deux mains sur la poignée de son sabre. Les deux adversaires décrivirent un cercle lui même entouré d'une ronde de soldats qui avaient bouclé les quelques pirates qui avaient lutté vaillamment. Le jeune officier fut le premier à prendre l'initiative, lançant un coup de sabre en oblique qui força la jeune femme à se décaler. Elle envoya alors son pied dans les côtes de Tenko, qui accusa tant bien que mal le coup. Au moment de l'impact, il eut l'impression de ne rien sentir. Jusqu'à qu'une douleur ne se propage dans sa cage thoracique, le forçant à poser genou à terre l'espace d'un instant. Vulnérable, la jeune femme se jeta sur lui et renvoya son pied du haut vers le bas, visant la tête du marin dans l'espoir de l'achever proprement. Seulement, et alors qu'elle se pensait victorieuse, la tête en question se écorcha du reste du corps et fila droit dans l'estomac de la flibustière, qui devait plia en deux souda l'impact.

"Il faudrait voir à ne pas me sous-estimer..."

La tête flottait dans les airs, comme si elle pouvait vivre indépendamment du corps qui était censé l'accueillir. Elle se repositionna enfin à sa place alors que Tenko se relevait péniblement. Il utilisait les pouvoirs de son fruit pour la première fois en situation de combat et il pouvait voir les possibilités qu'ils lui offraient. Des sous-officiers attrapèrent la jeune femme mais elle se débattit vigoureusement et les expulsa à la force de ses bras, avant de se focaliser a nouveau sur son adversaire. Elle ne l'avait cependant pas aperçu en train de décrocher l'une de ses mains qui était partie à la recherche d'un objet pour renverser le combat. Elle affichait une expression partagée entre le dégoût et la fascination.

"Ta faiblesse naturelle t'a poussée à prendre le soleil pouvoirs skin fruit d'un démon, marin? Je trouve ça pitoyable... Tu es dépourvu d'honneur comme tes semblables!"

"L'honneur n'est-il pas un concept abstrait pour les pirates? Piller des villes parce que n'est plus simple que de travailler honnêtement, tuer des innocents parce que c'est plus facile que de l'attaquer à des soldats... Vous êtes les rebus de l'humanité, ne me parle pas d'honneur!"

Pendant cet interlude, la main du lieutenant-colonel avait fini par trouver une corde qu'il avait discrètement disposé entre eux deux. Il avait fait une large boucle autour de son pieds de la jeune femme et n'avait plus qu'à attendre qu'elle prenne son élan pour la pendre à un mât, la tête en bas. Ses mots firent mouches, la flibustière s'élança et la corde fut tirée. Alors que l'étreinte de la corde se refermait sur les jambes du premier lieutenant du Boulet Percé, Tenko décrochait son autre poing pour frapper son plexus solaire, coupant sa respiration et l'envoyant dans l'inconscience dans le même élan. Une fois que ce fut fait, il donna ses directives, une fois de plus.

"Fouillez le navire et récupérez leurs munitions et leurs vivres. Entassez les corps dans la cale et bloquez les issues. On va envoyer ce navire au fond de l'eau!"

Les rares prisonniers firent enfermé dans les entrailles de l'Émerite, à l'instar d'Agatha dont les entraves furent particulièrement renforcées. Puis les marins exécutèrent les ordres de leur chef tout en pensant à l'invasion qui approchait. Leur première bataille avait été un franc succès.
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Quelques barils de poudres avaient été vidés sur le pont du Broken Will avant que les mouettes n'y mettent le feu. Tenko n'avait pas laissé aux marins le temps d'observer le spectacle du navire en perdition, sombrant en flammes dans les flots calmes. Ils avaient immédiatement repris leur route, approchant avec vitesse l'île qui grossissait à vue d'œil. À travers sa lunette, le lieutenant-colonel observait les infrastructures qui constituaient le port et les quartiers qui suivaient. La ville semblait être bâtie sur une colline, en pente douce jusqu'à un manoir positionné sur un plateau à mi-chemin du sommet qui se trouvait à l'ouest. Au niveau du port, les navires de la flotte pirate semblaient manquer à l'appel. Ils avaient dû être dissimulés dans des croques et serviraient à fuir ou à prendre le croiseur à revers. La jeune mouette nota cette remarque dans sa tête tout en continuant d'observer. Des canons de marine avaient été placés le long de la jetée et des barricades constituées. Les pirates avaient déjà pris refuge, certainement avertis de l'arrivée de l'Émérite par la noire colonne de fumée qui s'élevait derrière elle. Tenko lâcha l'instrument et se focalisa sur la démarche à suivre. Les officiers subalternes avaient été réunis et attendaient en silence pour cette fois, s'en remettant à leur capitaine. Le jeune homme se massa les tempes avant de commencer son exposé.

"Les navires ennemis sont manquants donc nous allons devoir diviser nos forces pour ne pas être surpris par un quelconque assaut maritime sur l'Émérite qui aurait été désertée. Nous allons prêter le flanc droit et pilonner le port. Nous pourrions faire des victimes civiles mais nous devons absolument nous occuper de faire tomber leurs défenses si nous voulons débarquer des troupes. Salid, vous aurez la charge de capitaine pendant que je guiderai les hommes dans les barques avec Gorm. Est-ce que c'est clair?"

"Oui monsieur!"

"Parfait. Nous allons prendre cent hommes et poser les barques à la mer hors de la portée des canons adverses. Pendant que nous avancerons, pilonnez leurs positions en visant les pièces d'artillerie en priorité. Renverser les barricades ne posera pas de problèmes pour nous."

Les embarcations furent jetées à la mer et les soldats les investirent rapidement. Tenko attendit que tout ses hommes soient installés pour prendre place dans la barque qui mènerait la marche. Alors qu'ils contournaient le navire qui avait commencé son bombardement sur le flanc droit, l'officier rappela aux hommes les consignes élémentaires: garder la tête baissée et continuer à ramer en rythme quoi qu'il arrive. Ils commencèrent leur progression et le lieutenant-colonel observait les dégâts qu'infligeair le navire aux défenses côtières. Les boulets martelaient les pavés, soulevant des nuages de débris qui venaient blesser légèrement les forbans. Ces derniers se mirent à tirer alors que les barques entraient dans leur zone de portée. Les projectiles provoquaient des remous qui perturbaient la cadence des rameurs, mais globalement leur progression ne ralentît pas. Quand une barque était touchée, les soldats qui l'occupaient rejoignaient les embarcations adjacentes mais les blessés ou les morts étaient laissés derrière. On n'avait pas le temps de les récupérer. Mais les projectiles se firent plus rare à mesure que l'Émérite neutralisait les pièces qui les propulsaient. À cinq cents mètres du port, un seul canon était encore en état de tirer, jusqu'à ce que les pirates dans leur empressement et sous le stress ne le fasse eux-mêmes exploser. Les barques purent s'avancer tranquillement alors que le croiseur cessait son barrage. Le stock de munition serait à refaire. Tenko jeta un regard en arrière et estima les pertes à une quinzaine d'hommes seulement. Il galvanisa les autres par la parole.

"Messieurs préparez-vous à mettre le pied à terre! Notre assaut a eu le mérite de préparer le terrain. Nous devrons sécuriser le port dans les dix minutes qui suivront notre arrivée pour avoir notre tête de pont sur l'ile!"

Les soldats restèrent silencieux mais leurs regards montraient toute leur détermination. Les balles commencèrent à pleuvoir au dessus de leurs têtes mais l'imprécision des tireurs ajouté au grondement sourd des marins qui crièrent en posant le pied à terre finirent d'achever le moral des forbans qui étaient assaillis depuis près d'une heure déjà. Certaines mouettes coururent jusqu'aux barricades tandis que les autres ouvraient le feu en cadence pour couvrir les premières. Devant l'assaut organisé et implacable de la Marine, les brigands prirent peur et abandonnèrent leurs positions. Gorm, en bon officier qu'il était, suggéra son idée à son supérieur.

"Monsieur, je vais prendre une avant-garde de trente hommes et les harceler dans leur fuite, ça nous permettra de juger de leurs dispositifs arrière!"

"Vous avez ma confiance Gorm, faites-donc!"

L'adjudant-chef n'attendit pas plus longtemps et prît cinq escouades avec lui avant de dépasser la barricade centrale au pas de course. Très vite, Tenko organisa la défense du port qu'ils venaient de prendre. Sur les cinquante-cinq hommes qui restaient sous son commandement, il en chargea quinze de reconstruire les barricade à leur avantage. Dix autres étaient chargés de faire le voyage entre le navire et la position capturée pour ramener vivre et munitions, ainsi que des renforts en hommes. Le croiseur était opérationnel avec soixante-cinq hommes, aussi le lieutenant-colonel prenait le risque d'exposer le navire pour renverser la bataille avec trente-cinq homme de plus. Les vingt-cinq hommes restants allaient partir avec lui au combat. Parmi eux il chargea néanmoins le sergent Saaros de s'enfoncer derrière les ligne afin de faire des repérages. Apres d'être acquitté de cette formalité, le lieutenant-colonel prit la tête de sa troupe et remonta l'allée principale d'où venait l'écho de combat plus lointains. Après avoir suivi la rue qui obligeait vers l'est, ils finirent par rejoindre le groupe de Gorm, a l'arrêt et dissimulé derrière les protections qu'offraient certaines maisons et terrasses. Le jeune homme rejoignît son subalterne et écouta ce qu'il avait à dire.

"Lieutenant-colonel! On a eu une dizaine de ces salons avant qu'ils se réfugient derrière ces autres foutues barricades. Il paraît que leur chef se trouve là..."

"Le capitaine en personne?"

"Non, Maurice Poreau, le second lieutenant. Le bougre est un monstre! Il a exécuté ceux qui fuyaient le port sans leurs armes..."

Le jeune homme acquiesça en silence, reportant son regard sur les barricades improvisées qui bloquaient la rue une fois de plus. Ils avaient certainement perdu l'effet de surprise quand à l'afflux de troupes supplémentaires. Le jeune officier continua de poser ses question au vieil adjudant.

"Vous avez exploré les rues parallèles? Des moyens de contourner leurs forces?"

"J'ai bien peur que non. Ils ont effondré des bâtiments pour nous couper le passage. Quand mes hommes ont voulu les franchir, des balles leur sont tombés dessus. Ils s'en sont sortis de justesse."

"Très bien. Une idée de leur nombre?"

"Une quarantaine je dirais?"

"D'accord. C'est du bon boulot, Gorm."

Le jeune homme s'éloigna quelque peu, se saisît de son escargophone et composa rapidement le numéro de celui qui était attribué à l'Émérite. Avec un peu de chance, les trente-cinq renforts n'étaient pas encore repartis. Salid décrocha et Tenko lui expliqua la situation, avant de lui demander d'envoyer les hommes par les rues parallèles à leur tour. Le second adjudants repondit par la positive et raccrocha. Le lieutenant-colonel alla faire la même requête à Gorm qui s'exécuta sans attendre. Enfin, Tenko se dévoila les bras en l'air, prenant un risque immense. Mais sa stratégie paya quand le chef adverse décida de montrer sa tête à son tour.

"Tu te livre déjà à moi, couard? La Marine ne forme que des mauviettes à ce que je vois!

"Je vous propose un duel, Poreau!"
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"Je pourrai te faire exécuter sur place, qu'est-ce qui te rends si présomptueux?"

Les dossiers que le jeune homme avait lu des dizaines de fois sur le trajet. Tout indiquait que le pirate qui se trouvait en face de lui avait une soif de sang peu commune, même au milieu de ses semblables. La simple idée d'un duel contre un adversaire valeureux suffisait à priori à lui faire bouillir le sang. L'expression sur son visage ne démentait d'ailleurs pas l'intuition du lieutenant-colonel. Il prit la parole pour brosser le poil dans le bon sens.

"Je sais que tu ne refusera pas un combat contre celui qui a vaincu  Nyrros."

Sur ces mots, le bandit se laissa tomber de la barricade, malgré les protestations de ses hommes. L'atmosphère s'étaient tendue d'un seul coup, alors que l'épéiste se rapprochait doucement de sa cible, tirant son sabre sans savoir que cet acte signerait sa fin. Il faisait partie de cette catégorie de combattants qui trouveraient toujours en Tenko un adversaire complexe à défaire.

"Une incapable! Je vais te montrer ce qu'elle n'a pas pu mettre en valeur: la férocité du Boulet Percé!

Il tira son sabre de son fourreau et bondît dans la direction du lieutenant-colonel qui s'était préparé à le recevoir. La différence de niveau entre les deux hommes étaient malheureusement trop grande pour que le pirate soit capable de renverser l'affrontement en sa faveur. Les deux lames s'entrechoquèrent et le soldat repoussa son assaillant avec sa lame, lui faisant perdre son équilibre un court instant. Se ressaisissant de justesse, Poreau n'eut d'autre choix que de bloquer le coup du marin qui le tétanisa dans sa position. Son expression exhalait sa peur et son incompréhension. Son teint était livide et son front remplie d'une sueur autrement inexplicable. Il recula et tenta de passer la barricade dans l'autre sens mais le jeune militaire s'interposa. Il fit sauter l'arme du flibustier d'un habile tour de sabre et profita de sa stupeur pour passer sa lame sous la gorge de son nouveau prisonnier. Les fusils qui s'étaient braqués se crispèrent. La situation venait d'être totalement renversée par la Marine pourtant devant un mur quelques minutes plus tôt.

"Démantelez la barricade et vous aurez la vie sauve."

"Ne l'écoutez...

Une vive douleur à la gorge stoppa net le forban qui allait donner de la motivation à ses hommes. Car si Maurice Poreau était un homme tyrannique, il restait une petite nature peu friande des blessures. Tenko ricana intérieurement en observant les brigands qui démontaient l'obstacle à la hâte. Petit à petit, des dizaines de tonneaux de poudres se révélaient derrière la protection, témoin du siège intense qui aurait suivi si le jeune officier n'avait pas eu l'idée qui les avaient tirés du mauvais pas. Les troupes de renforts ne tardèrent pas à émerger, ayant passé les avant-postes qui bloquaient avant les accès latéraux. La situation semblait sous contrôle quand le chef des malandrins commit une erreur d'une bêtise incomparable. Il envoya son coude dans l'estomac de son ravisseur et fonça droit vers les réserves, pistolet à la main. Il ne tira pas immédiatement, ne voulant pas louper son objectif. Cela lui coûta la vie. Alors que les deux camps s'apprêtaient à entrer en conflit dans un embrasement peu commun, le bandit s'effondra, une épée au travers du cœur. Personne ne se trouvait à proximité aussi soldats comme pirates restèrent coi devant la situation. Une main tenait fermement la poignée de l'arme. Le membre s'envola et retourna jusqu'à son propriétaire, en la personne de Tenko. Le lieutenant-colonel fit enchaîner les forbans avant de s'occuper de sécuriser la ville. Tout se déroulait parfaitement bien. Peut-être même trop bien. Alors que les troupes de l'officier parcouraient la ville pour débusquer les dernières poches de résistance, le sergent Saaros revint de cette visiblement courte mission.

"Tu as fais vite, mais pour une fois c'est pas étonnant..."

"Comment ça? Qu'est-ce que tu as vu?

Le blond sous-officier prit un court instant pour synthétiser ses informations dans son esprit avant de faire son compte-rendu. Il lui fallait être concis pour que son supérieur puisse prendre les bonnes décisions sans s'égarer dans une montagne de détails.

"Il n'y plus un seul pirate entre ici et le manoir. Que la populace désarmée et franchement pas farouche. Tout les caïds étaient stationnés chez le capitaine depuis le début, c'est pour ça qu'on les a balayés. On s'est juste attaqués à des bleus depuis le début."

"Ce manoir, il est comment?"

"Fortifié, mais le mieux c'est que tu vois par toi même..."

Ils marchèrent à la tête des troupes le long du chemin qui menait au fameux plateau. Une fois qu'ils eurent dépassés les dernières habitations, ils eurent une vision claire de la demeure qui se trouvait à seulement quelques centaines de mètres de là. La division avança en rangs serrés, prêtant aussi peu que possible à la forêt qui s'étendait à leur droite et qui pouvait potentiellement cacher une embuscade. Néanmoins aucune attaque ne survint et ils se trouvèrent aux pieds des murs. La demeure consistait en un bloc entouré de deux tours rondes qui s'élançaient plus haut que le faîte du toit. Des boiseries ponctuaient ci et là, principalement à l'encadrement des portes et des fenêtres, les murs de briques épaisses. Une peinture encore fraîche recouvrait l'édifice qui affichait au dessus de la porte centrale, en doubles battants de chêne massif ouvragés, "Manoir Vonoghan" en lettres gothiques. Les soldats se mirent en position d'encerclement en apercevant les tireurs au fenêtres. Le lieutenant-colonel comprit qu'un siège se livrerait à présent, et qu'ils devraient faire preuve de patience ou de force.

"Faites ramener deux pièces d'artillerie de l'Émérite."
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L'ingénieur de la division opposa immédiatement son refus à son supérieur. Il savait que le lieutenant-colonel était un homme de raison et qu'il entendrait ses arguments. Néanmoins il devrait défendre sa position, comme le lui fit d'ailleurs remarquer son interlocuteur.

"Qu'est-ce qui vous empêche d'acheminer l'artillerie ici?"
"La pente? La pluie qui s'annonce depuis deux heures? Monsieur c'est une perte de temps que d'emmener des canons jusqu'ici. Il nous faut être plus... radical."
"Vous suggérez donc..."
"D'enflammer la peinture qui recouvre l'édifice. Sèche elle se révèle inifugée mais dans cet état, ça va nous faire un beau brasier."

L'officier acquiesca mais il ne fit pas suivre les ordres immédiatement. Au lieu de ça, il s'avança de quelques mètres, attirant une fois de plus toute les armes à feu dans sa direction. Il s'arrêta et se racla la gorge. Puis il se lança :

"Henry Vonoghan, je suis le lieutenant-colonel Sozen. Vos hommes ont tous échoués à nous repousser et nous contrôlons maintenant l'île. Rendez-vous sans condition et la justice vous offrira un traitement juste et équitable. Vos hommes connaîtrons peut-être même la joie de respirer l'air libre dans quelques années. Luttez et nous pourrions en venir à devoir vous éliminez. C'est votre choix."

Sans attendre, il revint prendre place auprès de ses hommes. Il avait agi comme l'éthique le lui imposait. On tentait toujours la négociation avant d'user de la force. Il s'installa contre un arbre et attendit, tout comme ses hommes. La nuit commença à pointer le bout de son nez mais les nuages porteurs de pluie s'étaient éloignés. Le plan du brasier restait toujours d'actualité, même si l'officier préférait éviter d'y recourir. Les officiers subalternes avaient pu faire le compte des morts et des blessés dans les deux camps. Les pertes s'avéraient minimes pour une mission qui aurait dû être extrêmement périlleuse. Quelque chose clochait mais le jeune homme ne pouvait savoir quoi. Qu'est-ce qui donnait tant de confiance à ce vieil homme? La force de ses vétérans, qui l'entouraient pour cette dernière bataille? Sa propre force, qui lui avait donné la possibilité de s'élever à ce niveau? Où était-ce juste la peur qui lui suggérait de se blottir au fond de son terrier? Toutes les éventualités semblaient cohérentes pour le lieutenant-colonel. Au bout de quelques heures, aucune réponse n'avait été donnée. Le jeune homme retenta une seconde et dernière fois de convaincre ceux qui allaient probablement leur servir d'adversaires. Le résultat fut le même aussi l'officier se dirigea directement vers son ami Saaros et lui demanda d'enflammer une de ses flèches. Celui-ci s'éxecuta et tira son trait qui embrasa la peinture. Tenko donna alors ses ordres, à la fois aux pirates et aux militaires.

"Sortez et lâchez vos armes, sans quoi mes hommes vous abattront. Une fois qu'ils arrivent à vous, menottez-les et gardez-les sous contrôle, soldats!"

Les flammes se répandirent rapidement tout autour de l'édifice et les forbans postés aux fenêtres lâchèrent rapidement leurs positions devant le danger que représentait l'incendie. Très vite, les premiers sortirent en montrant des signes d'agressivité. Les balles qui les refroidirent eurent le même effet sur les intentions belliqueuses des suivants, qui laissèrent leurs fusils au sol avant de venir se faire gentiment attraper. La maison était devenue un gigantesque brasier alors que les derniers rescapés quittaient le manoir, une toux impressionante dans la gorge. Mais il n'y avait toujours aucune trace du capitaine. La nuit était déjà tombée et le châtelet faisait office de torche géante dans les environs. Tenko se rapprocha d'un des derniers pirate à sortir et l'interrogea malgré ses difficultés à respirer.

"Où est Vonoghan?!"
"Dedans... Kof kof kof... J'étais dans sa gar... koof.. dans sa garde rapprochée..."
"Pourquoi il est resté là-dedans?!"
"Je sais pas... Fahran a essayé de l'attraper mais le capitaine l'a tué... Du coup on s'est tiré..."
"Parfait."

Le capitaine du Boulet Percé n'était pas le genre à se laisser mourir sans lutter. Il n'avait pas assuré la défense de l'île et maintenant il laissait le dernier bastion tomber aux mains du militaire? Tenko ne pouvait qu'être énervé face à une homme si volontairement négligent. Il s'avança vers les flammes, déterminé et prêt à tout pour sortir le pirate de son refuge de flammes. Il n'en eut pas l'occasion. Une grand flash de lumière s'opéra en aveuglant toute les personnes présentes dans les environs. Le jeune homme cacha ses yeux de ses mains juste trop tard pour éviter la cécité temporaire. Il se protégea le visage instinctivement. Vonoghan était passé à l'action.
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Les soldats qui se trouvaient en retrait purent admirer l'étrange et effrayant spectacle qui s'offrit à eux dans le fameux flash lumineux. Un gigantesque cristal, couleur vieux rose, se tenait à l'exact endroit où la demeure en flammes s'était trouvée quelques instants plutôt. La stupeur envahit leurs visages et un frisson parcourut leur corps, tandis que leurs camarades aveuglés se tordaient au sol en tenant leur yeux agressés. Ils réagirent plutôt vite et se hâtèrent de prendre position pour contrer le seul pirate à être resté dans ce qui avait été le manoir, le capitaine Henry Vonoghan. Des fissures imperceptibles pour les mouettes s'opérèrent dans le minéral qui restait en position. Petit à petit, ceux qui avaient perdu la vue pour quelques instants commencèrent à voir le monde de nouveau, mais avec un flou artistique qui rendait leur vision non-opérationnelle. Les jambes des soldats intacts tremblaient comme feuilles au vent et leur fusils ne semblaient pas en capacité de toucher qui que ce soit. La formation éclata alors violemment, projetant des éclats dans toutes les directions. Les quelques militaires qui avaient pris position furent les plus sévèrement touchés, tandis que leurs collègues souvent accroupis encaissèrent le coup plus facilement. Tenko ne souffrit pas de l'attaque dans la mesure où les projectiles se révélaient plus tranchants que contondants. Néanmoins, il ne pourrait éviter ce qui allait suivre. Ceux qui avaient survécu eurent l'occasion de voir un vieil homme habillé d'une redingote et d'un élégant chapeau à plume sortir des débris du manoir. Il correspondait à l'image clichée du pirate noble, qui parcourt les mers un verre de vin à la main. Vonoghan avait toujours eu cette particularité, cette classe qui lui correspondait. Sauf quand il combattait. Un amas de cristal se forma au bout de son poing, le prolongeant affreusement alors que sa voix caverneuse retentissait enfin.

"Je vous ai laissé saccager mon île pour mieux vous arracher la victoire de la bouche, marins de pacotilles. Regardez-vous, larmoyants et pitoyables. Regardez votre chef, incapable de contrer mon courroux!

La formation cristalline autour du bras du pirate avait pris une ampleur colossale, ressemblant à présent à une masse d'une densité incroyable. Cette arme de destruction fila droit vers l'estomac du jeune officier qui était resté debout et qui n'avait pas encore recouvré une vision suffisante pour esquiver le coup. Tenko fut propulsé avec force contre un arbre et resta affalé contre le tronc. L'impact avait retourné les intestins du jeune homme qui rendit son repas sur le sol. Il voulût se lever mais il était encore trop sonné pour y arriver. Plus loin, les soldats les moins impactés par les problèmes de vision avaient commencé à ouvrir le feu en direction du pirate. Celui-ci s'était rapidement couvert d'une armure après avoir fracassé son arme en même temps que le lieutenant-colonel qu'il avait touché avec. Les mains libres, il avait commencé à lancer des attaques qui ressemblaient à l'origine à des traits de cristaux qui eux-même voyaient des extensions démarrer pour s'attaquer aux soldats aux alentours. La discorde avait été rapidement semée et la retraite sonnée. L'échec de la mission commençait à pointer son nom alors que les soldats couraient vers leurs positions dans la ville, le capitaine pirate à leur trousse. Il s'était forgé de nouvelles armes minérales, plus légères et apparentée à des haches et il s'évertuait à harceler tout ce qui passait devant lui, allié comme ennemi.

"SOUFFREZ, MOURREZ! VOS AMIS N'OSERONT PLUS JAMAIS REMETTRE UN PIED ICI!!!

Les pauvres mouettes étaient pour la plupart en état de panique en l'absence de leur chef. Celui-ci avait suffisamment recouvert ses moyens pour prendre la suite du forban, mais son esprit demeurait occupé par la seule question qui comptait à présent: Comment je vais stopper ce monstre? Tenko n'avait jamais rencontré d'autre utilisateur de fruits du démon jusqu'ici. Il ignorait tout de l'improvisation presque systématique dont les combattants devaient faire preuve dans ce genre de situations. Il courrait à la suite de ses hommes et quand il entra à son tour dans la ville, il ne put s'empêcher de croiser les mouettes blessées et incapables de reprendre le chemin du port.  Les forbans laissés par leur capitaines finiraient par se libérer et tout les infirmes passeraient au fil de leurs épées. Sauf si le jeune officier arrivait à stopper l'homme de cristal. Il repensa au coup qui lui avait été asséné et une pensée traversa son esprit. La masse s'était brisée suite à l'impact, ce qui signifiait à priori que le minéral dont usait l'homme pouvait être brisé plus ou moins facilement, malgré la force que pouvait développer le vieux flibustier. Le lieutenant-colonel continua sa route avant de croiser une espèce de boutique hybride entre la forge et l'armurerie. Il entra dans le bâtiment et ne reparut plus avant un moment. Pendant ce temps-là, Henry continuait de vociférer ses insultes pleines de rages en s'attaquant aux soldats qui lui opposaient à présent une résistance aussi farouche que désespérée. Les murs frêles des habitations côtières étaient fracassés par les attaques redoutables du capitaine qui frappait toujours pour tuer. Les projectiles de toute sortes entamaient son armure mais l'épaisse couche ne pouvait être brisée par de simples balles. Ou occasionnellement des flèches. Giri Saaros s'était finalement mis en travers du chemin du flibustier, décidé à l'arrêter même s'il savait ses chances infimes. Il n'avait pas vraiment d'autre choix. Il décocha quelques traits avant d'abandonner le combat à distance. Il se mit dans une position étrange, plaçant son arc de métal devant lui. Vonoghan chargea et le sergent se décala avec souplesse sous son poing avant de frapper à son tour dans les flans du pirate. Le cristal se brisa, mais pas assez profondément. Une main saisît alors le blondinet, le portant en l'air alors qu'une couche de minéral commençait à se former autour de son corps.

"Ce soir l’orgueilleuse Marine prend une défaite monumentale!"

"UHH... Vous avez un problème... avec... l'égo dans la pirate..rie... à ce que je vois..."

La pression qui s’exerçait sur le corps du sous-officier devenait difficilement supportable et son air narquois commença à s'effacer lentement alors que le capitaine pirate savourait la victoire qui s'annonçait pour lui. Il avait contenu toute sa rage, laissé les mouettes progresser aussi loin pour avoir droit à un final explosif, à une véritable bataille où les enjeux seraient cruciaux. S'il perdait, tout ce qu'il avait bâti s'effondrerait avec lui.

"Garde ta suffisance pour l'au-delà, gamin."

Un craquement sinistre se fit entendre et un corps tomba au sol. Les visages des témoins de la scène se figèrent tous au même moment. Le dénouement serait terrible.
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Tenko tenait fermement sa masse entre ses mains, malgré la vibration qui avait parcouru tout ses bras au moment où il avait frappé le pirate dans le dos. C'était loin d'être loyal mais la guerre nécessitait ce genre d'actions. Saaros retomba au sol et lâcha un hoquet quand ses poumons purent enfin faire rentrer de l'oxygène dans son organisme. Le capitaine forban restait au sol, plus choqué par le puissant coup que véritablement blessé. Il profita de ce moment de faiblesse pour matérialiser une lame d'un tranchant exquis pour ce débarrasser du gêneur férocement armé. Lui aussi pouvait se montrer fourbe quand la situation l'exigeait. C'était d'ailleurs le propre des bons flibustiers. Il se redressa vivement, puisque délesté de son armure par l'impact, et lança un coup horizontal avec sa lame, découpant le corps du lieutenant colonel en deux. A sa grande surprise, les deux morceaux se recollèrent aussitôt. Un coup de poing allait s'écraser sur le visage du vieil homme mais celui-ci y opposa le plat de sa lame sur laquelle vint s'écraser la main de Tenko. Les os émirent un bruit qui ne présageait rien de bon et le jeune homme se recula alors que déjà le flibustier se recouvrait d'une nouvelle armure et forgeait une lance dans sa main. Comme il prendrait l'avantage avec une telle arme, l'officier passa de nouveau à l'attaque sans laisser de répit au pirate. Le deuxième coup du jeune homme partit dans le vide alors que Vonoghan s'était retiré vers l'arrière. Il avait achevé de forger son arme aussi il essaya de lancer un coup d'estoc dans la direction du marin qui était maintenant vulnérable. Ayant appris de son erreur, il avait confectionné un bout rond plutôt qu'une pointe qui se serait révélée inefficace contre son opposant. Néanmoins une inconnue vint se glisser dans le calcul, faussant le résultat attendu. Quatre soldats s'étaient jeté contre le capitaine qui dû lâcher son arme sous la contrainte. Bien que faibles individuellement, ils pouvaient perturber le chef du Boulet Percé à plusieurs, ne serait-ce que pour quelques instants. C'était tout ce dont avait besoin leur supérieur.

"Allez-y monsieur!"

"Dégagez de là, bandes d'avortons!"

A l'aide de coups assez violents, il envoyant les militaires au tapis, écrasant de son pied les gorges de l'un d'entre eux, ce qui ne put que renforcer la rage de tout les marins présent ici, le lieutenant-colonel compris parmi eux. Les trois autres troufions se jetèrent dans ses pieds pour l'entraver alors que Tenko arrivait avec sa masse en poussant un cri de rage assez édifiant. Il envoya avec élan la masse dans le torse du forban qui s'était recouvert d'une épaisse armure en prévision du coup. Il encaissa ainsi sans broncher la pourtant puissante frappe du jeune homme. L'arme se coinça dans le cristal qu'elle avait juste contribué à tasser contre la poitrine du vieil homme qui cracha un peu de sang. La résonance du minéral avait parfaitement conduit l'onde de choc jusqu'à l'intérieur de l'organisme. Le lieutenant-colonel ne put s'empêcher de sourire en remarquant ça. Avant d'être soufflé par une attaque de la même ampleur que celle qui avait eut lieu au niveau du manoir. Quand il reprit ses esprits, deux minutes avaient déjà passées et des billes de cristal fragmentées, grosses comme des balles de golf, se trouvaient partout autour d'eux. Les façades des bâtiments avaient explosées sous le choc et la plupart des soldats qui étaient restés pour appuyer leur supérieur avaient été tués sur le coup. Tenko avait eu la chance de se trouver près du point d'émission, où les projectiles n'avaient pas eu le temps de prendre de la vitesse. Les rares survivants de la première vague poussaient maintenant des cris alors que le pirate les pourchassait lentement à l'aide de ses pouvoirs. Incapables de bouger, ils étaient engloutis par la matière cristalline avant de pouvoir faire quoi que ce soit. Le jeune homme voulut bouger mais ses os cassés l'en empêchaient. Il observa attentivement son adversaire qui se dirigeait vers la poignée de marins encore en vie. Il fit la seule chose qui lui était possible de faire. Séparant une de ses mains, il l'envoya à la recherche d'une lame courte en y adjoignant  ses yeux, qu'il fit flotter en hauteur pour avoir un point de vue optimal. Il s'agissait de ne pas les perdre. En état de stress, il ferma ses paupières et se concentra sur sa vision de haut avant d'appeler le pirate de sa voix.

"Vient donc m'achever moi et laisse mes hommes, pirates! Tu m'as peut-être pris la vue mais tu n'auras pas ma fierté!

Henry Vonoghan n'eut pas besoin d'autre chose pour reconnaître la voix du jeune homme. Il se détourna de ses proies pour se diriger vers l'officier qui gisait au sol, un sourire plein de confiance sur son visage. Le lieutenant-colonel avait caché le bras dont la main manquait sous son corps et avait couvert son visage de sang. Le forban n'y vit que du feu une fois qu'il fut à distance.

"Tu me croyais perdu et me voilà te dominant. Vous faites toujours la même erreur, vous essayez de frapper loyalement et vous perdez. Quoique ton attaque dans le dos m'a surpris..."

"Je n'avais pas d'autre choix face à une vermine dans ton genre...

Il s'agissait de gagner du temps et de faire baisser sa garde au vieil homme. Mais il s'avérait plus malin que le simple pirate, et il ne tarda pas à exposer les parties manquantes du soldat, un profond ricanement émergeant de son gosier.

"J'aurais aimé avoir une recrue aussi fourbe que toi, aussi déterminée à gagner! Mais tu semble aussi ancré à tes principes que retors... Où sont tes yeux et main, que je t'en sépare pour de bon?"

Il jeta un regard autour de lui, à la recherche des éléments manquants. Tenko ne tarda pas à isoler sa main pour protéger ses yeux qui eux resteraient vitaux par la suite. Il fit flotter sa main manquante juste un peu au-dessus du sol alors même qu'elle avait trouvé un coutelas. Il la projeta vers le pirate, qui l'attrapa sans surprise après s'être retourné. Ramenant dans le même temps ses yeux jusqu'à lui, le soldat tira son sabre et le plongea dans le dos exposé du forban. Il s'approcha de l'oreille de ce dernier, qui était en pleine contemplation du sabre plongé au travers de son buste, comme son subordonné l'avait été un peu plus tôt dans la journée.

"Voilà ton erreur. Tu as cru que ton coup m'avait complètement cloué au sol et que je n'avais que la force de bouger une main et mes yeux. Tu ne pensais pas que j'aurais l'énergie de t'infliger ce dernier coup."

"Je confirme... Tu aurais été un excellent pirate...

Le pirate cracha son propre sang et commença à cristalliser une protection autour de lui. Mais le jeune l’assomma d'un ultime coup avant qu'il n'aille plus loin. Le militaire eut tout juste le temps d'envoyer un de ses hommes chercher des renforts qu'il s'évanouît à son tour. Il avait donné tout ce qu'il avait dans cet affrontement. La nuit passa et les marins qui avaient fui assez loin réussirent à contenir les prisonniers qui avaient essayé de se soulever à la suite de leur chefs. Salid et Gorm avaient travaillé d'arrache pied, en commençant par menotter Henry Vonoghan avec du granit marin et à le faire conduire à l'infirmerie de la tête de pont. Les blessés avaient ensuite été rapatriés tandis que les pirates avaient été solidement enchaînés à leur compagnons et laissés sous la surveillance d'une partie des effectifs. L’Émérite avait débusqué les derniers navires pirates et les avaient coulés sans qu'ils n'opposent de résistance. Puis le fier navire avait accosté dans le port et laissé les derniers hommes à son bord se répandre sur l'île. L'information de la capture de Refuge par la Division Sozen avait enjoué les cœurs du Quartier Général mais ceux des mouettes sur place étaient surtout envahis par la morosité. Un quart de leur effectif devrait être enterrés et un autre quart devrait être remis sur pieds. Cent hommes en tout. Et parmi eux leur capitaine qui demeurait inconscient malgré les soins prodigués. Néanmoins, il repris conscience vers la fin de la journée et essaya de se montrer à ses hommes, sans pour autant y arriver. Il fallut attendre un jour de plus et l'arrivée des renforts pour que la situation s'améliore un peu. Les marins recommencèrent à rire et à plaisanter. Mais le cœur du lieutenant-colonel demeurait lourd d'un remord qui se faisait trop habituel à son goût. Il avait encore perdu beaucoup d'hommes du fait de son manque d'expérience. C'est avec ce sentiment qu'il quitta l'île près d'une semaine plus tard, et alors qu'il était remis de ses blessures les plus superficielles. Il devait continuer son chemin et s'améliorer, encore et toujours.
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