- « Alors ? Je vous amène à un temple ? »
La capitale était semblable à la ville portuaire en tous points : Il y avait de gigantesques temples, des pagodes, des dojos, des sanctuaires et j’en passe. Les couleurs étaient différentes d’une construction à une autre, mais une certaine harmonie régnait entre toutes ces structures fièrement érigées un peu partout. Ces bâtisses étaient pratiquement toutes en bois et on pouvait noter de jolis jeux de consoles au niveau de la charpente. Les toitures étaient faites de tuiles pour la plupart et donnait un côté vraiment traditionnel et féodal à toute la ville. A Shikoka, il y en avait pour tous les goûts. Bith s’émerveillait encore une fois devant ces constructions à mesure que sa voiture progressait dans les ruelles de la capitale. Sur le chemin, il put même admirer de merveilleux parcs parsemés de cerisiers en fleurs, de lacs artificiels et de statues faites d’argile. Un véritable bonheur. L’air qui y circulait était frais, pur, différent de celui des villes développées et mécanisées. Un endroit où il faisait bon vivre et ce malgré le monde qui circulait dans les rues. Car oui, la capitale était très peuplée. Il y avait un monde fou. Néanmoins, Seijuro semblait être à l’aise au beau milieu de cette cohue. L’habitude hein ? Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il était fort. D’ailleurs, il se retourna vers le professeur et répéta encore une fois sa question que le brun avait zappé.
- « Oh… Ah… Oui… Enfin, je veux dire, non. J’ai fait un long voyage et j’aimerais bien me reposer un peu avant de penser à tout visiter. »
- « Héhéhé, je connais une bonne auberge professeur ! Bon, elle est un peu chère, mais elle est conviviale et reposante ! Je vous y emmène ? »
- « Volontiers Seijuro ! »
Et le voilà qui recommençait à courir comme un dératé sans même s’essouffler ni montrer de signe de fatigue quelconque. Bith était tout étonné, mais il n’eut pas le loisir de trop y penser ni même de continuer à se perdre dans la contemplation de la ville. Il faut dire qu’il ne s’était toujours pas habitué à la folle allure de Seijuro qui semblait se complaire à progresser à toute vitesse et à faire remuer le poussepousse dans tous les sens. Pas de bol. Le pauvre professeur passa par toutes les couleurs possibles. Une sensation de nausée le prit soudain. Il voulut parler, faire des signes, alerter Seijuro mais ne le put pas. Ce ne fut qu’à la toute dernière seconde que le jeune homme finit par freiner brusquement et à s’arrêter. L’érudit s’avachit alors sur son siège et passa une main sur son front. La nausée et le vertige qui le taraudaient se mirent à disparaitre à mesure que les secondes s’égrenaient. Seijuro qui s’était retourné vers son client éclata de rire. Il devait être coutumier de ce fait, le saligaud ! Enfin, peu importait pour le prof, parce que… « Nous sommes arrivés professeur, bwahahaha ! » Le pauvre homme attendit encore un peu sur son siège pendant que Seijuro, lui, descendait ses affaires sur la terre ferme plutôt bien lissée. Après une bonne minute, Bith se redressa et descendit de la voiture à deux roues avant de regarder tout autour de lui.
- « C’est l’auberge Kinoshita ! C’est l’une des meilleures de la capitale et elle est spécialisée dans l’accueil des étrangers. J’ai pensé qu’elle vous irait bien ! »
Bith se détendit aussitôt en voyant l’air affable de son conducteur. Il avait un peu ronchonné du fait de la malice du gamin, mais ce dernier n’était définitivement pas un mauvais bougre. Juste un petit peu blagueur mais pas méchant du tout. Il eut même un sourire et regarda devant lui. Un portail en bois et une clôture qui semblait s’étendre sur des mètres. L’endroit devait être gigantesque. Seijuro prit les devants et tapa à la porte deux ou trois fois. Bith quant à lui récupéra ses affaires et se posta à côté de son chauffeur. Après une petite minute d’attente, ils entendirent des bruits de pas. Puis l’on ouvrit un vantail du portail. Un vieil homme souriant se présenta à eux et reconnut le jeune Seijuro. Ils ne tardèrent pas à se saluer chaleureusement. Bith se fit la réflexion qu’il était tombé sur une « star » du pays. Tout le monde ou presque semblait connaitre le conducteur de poussepousse. Il laissa les deux personnes papoter un instant et tourna sa tête un peu partout. Le coin était calme. Bien loin du tumulte des quartiers qu’ils avaient traversé. Sans doute une zone résidentielle puisque des clôtures en bétons, il y en avait partout, ce qui changeait un peu de ce qu’il avait pu voir. Un bon point. Il ne pouvait pas demander mieux. Le chercheur posa ensuite ses yeux sur les deux autres personnages avant de constater qu’ils l’observaient à leur tour.
Ils avaient apparemment fini d’échanger les civilités.
- « Bienvenue, étranger. Je suis Seshita, le concierge de l’auberge Kinoshita, pour vous servir. »
- « Enchanté monsieur Seshita. Bith O’Brien, professeur en religion et en sciences occultes. »
- « Mon travail s’arrête ici professeur. J’espère qu’on aura l’occasion de se revoir ! »
- « Ah ! Attends Seijuro… »
Alors que Seijuro comptait récupérer son poussepousse, Bith l’interrompit et fouilla dans ses poches avant de lui tendre une liasse de billets. Dans les 20000 berrys, carrément. Gêné par tant d’argent, le jeune refusa dans un premier temps, mais le professeur, aidé du vieux concierge, insistèrent si bien qu’il finit par céder. Sa face toute rouge et son sourire embarrassé le rendaient presque mignon. L’innocence pure. Seijuro en bon éduqué qu’il était remercia longuement le professeur en s’inclinant à plusieurs reprises. Puis, mort de honte, il récupéra sa voiture et fila. Hébété par ses réactions un peu trop exagérées, le professeur finit par s’esclaffer puis il suivit le vieil homme à l’intérieur. Devant eux ? Un jardin. Un vaste jardin très beau. Ils le traversèrent en silence et débouchèrent sur un lac artificiel plus ou moins grand. Le pont qui le traversait était assez large pour laisser passer trois personnes côte à côte. Au bout dudit pont ? L’auberge. Ou ce qui semblait être le bâtiment principal. Un bâtiment traditionnel fait en bois de bambou qui s’élevait sur trois étages. Il était large et pouvait contenir à peine de vue plus d’une trentaine de chambres. Mais là n’était pas le plus important. Le plus important, c’est qu’ils traversèrent le pont et s’engouffrèrent dans la bâtisse avant de déboucher dans le hall vide. Seule deux femmes se tenaient à la réception.
Deux très belles femmes d’ailleurs…
Adaptation
- « Oh, un nouveau client ! »
L’une des jolies femmes prit la parole la première, vraisemblablement surprise de voir un client arriver à cette heure de la journée. Elle était d’ailleurs celle qui se démarquait le plus. Blonde, grande et pulpeuse à souhait, elle arborait un kimono fleuri qui lui allait à ravir et fumait un kiseru. Son visage était doux, avenant et son sourire pouvait faire fondre n’importe quel homme. Le professeur se surprit à rougir et à sourire bêtement. Mais il se reprit très rapidement lorsqu’il vit la blonde se mettre à pouffer de rire. A croire qu’il avait une tête de vrai con quand il se laissait autant charmer. La blonde contourna la réception et vint se poster devant le prof, tout juste à moins de trois mètres et s’inclina en soulevant les pans de son kimono. Tradition oblige. Bith fut légèrement gêné, mais il eut un sourire et posa ses valises au sol avant de l’imiter timidement, ne sachant pas vraiment s’il lui était nécessaire de faire pareil. Ce geste provoqua l’hilarité de tout le personnel au sein du hall. La blonde, comme la deuxième femme (Une brune menue, mais mignonne) restée à la réception, ainsi que le vieux concierge se marrèrent pendant une bonne poignée de secondes avant de se reprendre plus ou moins rapidement. Plus ou moins.
- « Veuillez excuser nos mauvaises manières, monsieur. Nous ne sommes pas habitués à voir un étranger se plier aussi vite à nos coutumes… »
Sarcasme pur et dur ? Plaisanterie pour asticoter le professeur ? En tout cas, la blonde était suspecte quand on pouvait voir cette phrase placardée un peu partout sur l'île :"Que l'étranger abandonne ses propres coutumes pour adopter celle de Tetsu"
- « Votre spontanéité fait plaisir à voir. Et ce kimono vous va à ravir ! »
- « C-Ce n’est pas bien grave, hahahahaha ! Et m-merci. J-Je vous retourne le compliment, madame. »
- « Mademoiselle, nfufufufu ! »
- « Oh, pardon ! Je ne voulais pas… »
Bith pensa qu’elle se moquait encore de lui. Plus que le respect des traditions, ce fut très certainement l’effet qu’elle lui fit qui amusa la galerie. Ils avaient dû rapidement le comprendre. Le chercheur essaya alors de fuir son regard ; mais à chaque fois, ses yeux étaient irrémédiablement attirés par la beauté qui était devant lui et qui affichait un sourire affable. Un sourire qui aurait pu être commercial, mais non. Il la sentait aimable, affable. Comme s’il la connaissait depuis longtemps. Une impression qui ne trompait pas. Intuition masculine si on veut. Il n’eut pas le temps de trop y penser, puisque son interlocutrice prit parole encore une fois. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que sa voix était toute douce : « Bienvenue à notre modeste auberge. Je suis Kinoshita Miyuki, la propriétaire des lieux, pour vous servir. » La dénommée Miyuki s’inclina encore une fois. Cette fois, le professeur n’osa rien faire. Ses mirettes se perdirent cependant dans la profondeur de son décolleté pendant quelques secondes, avant qu’il ne détourne encore une fois son regard au sol, vers ses propres pieds pour reprendre contenance. Lorsqu’il redressa la tête après un moment, il vit que la blonde, redressée, l’observait avec un regard attendri.
- « B-Bith O’Brien ! Professeur en sciences occultes et religion… Enchanté… »
Il avait l’impression de trop se répéter à force…
- « Oh ! Un professeur ! C’est la première fois que nous en accueillons un ! Vous êtes là pour le culte de la déesse Amoteraso je présume ? »
- « Oui oui… En quelque sorte… »
Miyuki fut soudainement pétillante ! Sa voix avait été enjouée et ses yeux remplis d’étoiles. A croire qu’elle attachait une très grande importance à ce culte. Le professeur sentit qu’elle voulait entamer une discussion sur le sujet, mais elle se retint in-extrémis. Professionnalisme oblige. Elle pouvait sentir la fatigue de son client à vue d’œil malgré son sourire un peu gauche. Il avait une posture qui ne trompait : Son dos vouté et ses épaules tombantes en disaient long. D’ailleurs, elle crut distinguer des cernes. Autant d’éléments qui l’alertèrent. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle convia son nouveau client à la suivre jusqu’au comptoir de la réception où elle se mit à lui indiquer les prix et les différentes prestations offertes. Etant donné que l’auberge était de qualité et l’une des meilleures de la capitale, les prix étaient assez hauts. Pour le commun des mortels vivant à Tetsu en tout cas. Ceci dit : « Vous êtes là pour trois mois ?! » La blonde fut choquée. Ses clients n’excédaient jamais une semaine. Deux ou trois semaines tout au plus, mais encore que ce fait était rare. En faisant un calcul mental, la jeune femme pensa d’abord à une blague. C’était tout de même six gros millions. Mais l’homme eut un rire presque moqueur à son tour et prit parole :
- « Trois mois ou plus. C'est à voir. L’argent n’est pas un problème, ne vous en faites pas. »
Et sans attendre plus longtemps, l’héritier des O’brien sortit d’une de ses valises une enveloppe contenant un bon paquet de berries. Miyuki n’était peut-être pas vénale, mais elle n’en demeurait pas moins une femme. Certes, elle avait de l’argent. L’on pourrait même qualifier sa situation financière d’aisée. Qui plus est, bien de nobles et de puissants seigneurs de Tetsu lui avaient fait la cour en mettant en avant leur puissance financière. Mais depuis qu’elle avait repris l’auberge de ses défunts parents, c’était bien la première fois qu’elle voyait un étranger aussi riche. L’homme en voyant sa réaction jugea bon de préciser d’où venait l’origine de sa richesse : « Je ne suis qu’un simple chercheur, vous savez. Je ne gagne pas beaucoup d’argent. Par contre, mes parents étaient fortunés et c’est ces fonds que je dédie à mes recherches. Elles me passionnent véritablement. Et puis, il faut dire que le culte d’Amoteraso est… » Sans s’en rendre compte, Bith se mit à parler inlassablement de sa passion pour tout ce qui concernait la culture, les mythes, la religion et tout ce qui tournait autour. Mais cette fois-ci, contrairement au gardien de la porte des héros, son auditoire buvait ses paroles. Il s’écoula plusieurs minutes, jusqu'à ce que…
- « Oups… Je suis désolé d'avoir monopolisé ainsi la parole. Je m’emporte quand il s’agit de religion… »
- « Ne vous en faites pas, professeur. Pour nous autres habitants de Tetsu, ce sujet est vraiment intarissable de conversations. Mais vous me semblez un peu fatigué… Seshita, viens donc prendre les valises du professeur et suis nous au troisième étage. Je vais moi-même conduire le professeur à sa chambre. »
Qu’elle lui dit en lui adressant un sourire éclatant. Avant de lui faire signe de la suivre.
Il y a des choses qui ne changent pas...
Alors que le professeur emboitait le pas à son hôte, il n’avait de cesse de reluquer son postérieur. Son kimono avait beau être ample qu’il ne camouflait pas ses rondeurs. Mouvement ondulatoire des hanches. Démarche chaloupée qui ne laisserait aucun mâle indifférent… Bref, Miyuki avait tout pour plaire. Il s’étonna même de constater qu’elle était encore célibataire, mais haussa finalement ses épaules. Le statut matrimonial de l’aubergiste ne le regardait en rien et il était là pour autre chose que s’occuper de la vie des autres. Même si… Admirer ses formes, ça pouvait pas être si mal que ça. Les callipyges avaient le don de l’émouvoir. Celle-ci ne faisait clairement pas exception. Alors qu’ils atteignirent le deuxième étage et qu’ils s’engageaient déjà dans les escaliers du troisième, le professeur tourna la tête pour voir si le vieil homme n’avait pas de mal avec ses valises. Celui-ci se portait comme un charme et les soulevait comme si de rien était. Bith ne put cacher son étonnement. Son air arracha un sourire au concierge, avant que celui-ci ne lui fasse signe de continuer son chemin pour qu’il puisse avancer lui aussi. Et lorsqu’il se retourna, il vit alors le visage angélique de Miyuki qui s’était également retournée vers lui.
- « Ne vous fiez pas à son apparence. Seshita est un homme assez fort. Suivez-moi, professeur. »
Comment ne pas la suivre ? Tout était inspirant chez elle. Son minois, ses formes, sa douce voix, son léger parfum. A un moment donné, Bith crut même qu’elle exagérait un peu ses déhanchés, rougit légèrement et préféra plutôt porter son regard vers sa chevelure. Il n’y avait rien d’extraordinaire, si ce n’est qu’elle avait fait de ses longs cheveux blonds, une couronne torsadée qui lui allait bien. Ils finirent enfin par arriver au dernier étage, avant que Miyuki ne s’arrête devant la troisième chambre dont elle fit doucement coulisser la porte. Une fois à ses côtés, l’homme put admirer l’intérieur de ce qui allait être son petit paradis pendant des mois. La chambre était belle, spacieuse et simple et ornée d’objets décoratifs un peu partout. Le sol était fait de nattes de pailles rembourrées sur lequel se trouvait un gigantesque matelas muni d’une couette et d’un oreiller dans un coin de la chambre. A l’autre bout de la pièce, devant la fenêtre se trouvait une table basse sur laquelle on pouvait travailler et se restaurer. Miyuki lui fit « visiter » la chambre, lui montra la salle de bain et s’évertua également à lui citer le règlement de l’auberge ainsi que les horaires des différents repas de la journée. Le tout fut enregistré en moins d’une minute seulement.
- « Si vous avez besoin de quelque chose, n’hésitez pas à sonner la clochette sur votre table basse. Un domestique se hâtera de venir satisfaire votre demande. Vous pouvez également vous rendre à la réception si jamais vous n’êtes toujours pas satisfait. J’y suis régulièrement et je veillerai personnellement à ce que vos attentes soient comblées. Avez-vous des questions ? »
- « Euh… Non non… Ça ira… »
- « Alors je vous souhaite un excellent séjour parmi nous, professeur. A plus tard pour le diner. »
L’aubergiste s’était mise à genoux devant la porte du professeur qu’elle prit soin de refermer délicatement. Le pauvre homme l’avait observé comme un ahuri, encore surpris de voir autant d’attention de la part de la jeune femme, avant de soupirer et de passer une main sur son visage. Il se laissa même tomber lourdement sur le tatami de la pièce et souffla un bon coup. La journée n’avait pas été spécialement riche en émotions, mais elle avait été assez irritante. Bith finit par retirer le fourreau de son arme de sa taille. Sur le coup, il se rendit compte qu’on lui avait permis de pénétrer les lieux avec un katana, mais ne s’en étonna pas tellement. Ils avaient sans doute dû penser qu’il le portait comme ornement d’apparat, ce qui, dans un sens, n’était pas totalement faux. Dans un sens seulement. Le chercheur eut un sourire, retira ses lunettes et dégaina sa lame. Les fissures qu’elle présentait étaient profondes. Trop profondes. S’il l’utilisait encore une fois, nul doute que l’arme allait finir par se briser. Le gardien n’y était pas allé de main morte. Finalement, il rangea son épée, se leva et inspecta toute la pièce minutieusement. Le plafond, la table, le futon… Tout. Jusqu’à être persuadé qu’il n’y avait rien de compromettant…
- « Parfait… »
Sa barbe fournie laissa doucement place à une barbiche…
Ses cheveux longs et raides redevinrent courts, rêches et complètement ébouriffés...
La magie du retour à la vie s’annula complètement.
Bith O’brien avait maintenant disparu.
Il venait de laisser sa place à un vice-amiral de la marine :
Alheïri Salem Fenyang.
- « Chierie… »
Je pestai. Et à raison. J’étais en plein territoire ennemi. Un seul faux pas et c’était la mort assurée. Qui aurait cru que jouer la comédie était aussi difficile ? J’avais beau ne pas apprécier le CP en général, que sur le coup, je leur tirais franchement mon chapeau. Il fallait le faire pour subir toute cette pression sans craquer. Rester zen à chaque seconde qui passe. Jouer le jeu à la perfection… Tout ça, c’était un boulot et plutôt monstrueux dans le genre. Mais personne ne m’avait envoyé ici. Personne ne m’avait forcé à remplir cette mission. Je me l’étais imposé tout seul et il fallait que j’arrive à gérer tout ça vaille que vaille. Même si je ne réussissais pas à la tuer, il me fallait la bousiller, affaiblir ses forces, lui faire un gros doigt d’honneur à cette putain d’impératrice ! Ses sbires m’avaient fait trop de mal. Trop pour que je passe l’éponge. Oui, il y avait des senteurs de vengeance ! Une bonne dose même. Mais aussi l’envie de progresser, d’évoluer, d’inscrire mon nom dans l’histoire et de devenir un poids lourd dans les rangs. Un amiral quoi. Je finis par soupirer avant de me relever complètement. J’entendis des bruits de pas au deuxième étage, mais je ne m’alarmai pas. Mes sens étaient aux aguets et mon haki de l’observation était à l’œuvre…
Je me dirigeai ensuite vers la fenêtre par laquelle je jetai un coup d’œil négligent. La vapeur qui montait très haut dans le ciel et les différentes palissades que je pouvais distinguer en bas m’indiquait le positionnement des sources chaudes de l’établissement dont l’aubergiste me parla. Une bonasse que j’me ferais bien. Ou pas. Pas de relations sexuelles. Pas ici. Pas avec ces putains de chiennes qui soutenaient Kiyori. L’idée me filait presque la gerbe. Belle oui, mais horrible dans l’âme aussi. On a pas idée d’être en adéquation avec les valeurs d’une saleté de pirate. J’aurai pu comprendre si ces gens vivaient dans la crainte d’se faire bouffer tout cru, mais non. Ils vivaient sous « sa protection » comme si de rien était, et tout en ignorant les exactions qu’elle pouvait mener elle et ses éléments hors de ces terres. Grosse hypocrisie. Horrible mensonge. Ils allaient tous payer. Malgré leur bonté apparente, ils allaient tous en chier. Je me le jurai à l’instant T avant de tirer de façon rageuse les rideaux sur les fenêtres de ma chambre. Je me dirigeai ensuite vers mes valises pour faire sortir toutes mes affaires et les ranger comme il faut. Je n’avais rien envoyé de particulier pour ne pas être louche et attirer l’attention, mis à part deux choses…
Une perruque et une barbe postiche. Bien fourrées dans une poche interne introuvable d’une de mes valises.
Après rangement, je pris la direction de la salle de bain. Celle-ci était vraiment moderne et n’avait rien à voir avec les autres pièces de cette auberge. Je comprenais maintenant pourquoi elle était spécialisée dans l’accueil des étrangers. Puis, ce prix… Enfin bon… Dépenser cette somme était dérisoire au vu des bénéfices que je pourrais tirer de cette opération secrète ; même si d’une part, ça me faisait extrêmement chier de contribuer au développement économique d’une ile d’un empereur. Je pestai une seconde fois avant d’ouvrir le robinet du lavabo et de me rincer abondamment le visage. Devant moi, un miroir. L’image reflétée ne me faisait pas vraiment plaisir. Je n’avais pas vraiment une bonne mine. Même si la conclusion de cette mission augurait des perspectives intéressantes, le plaisir n’était pas là. ‘Fin… Je serai quand même bien étrange de prendre du fun à me venger aussi. Ce n’était pas quelque chose de sain ni pour le corps, ni pour l’esprit. Mais il me fallait le faire. C’était une sorte d’obligation morale vis-à-vis de mes soldats tombés au front contre les pirates de cette pouffiasse qui se la jouait impératrice. J’me demandais parfois pourquoi Teach n’avait jamais pensé à la cibler d’ailleurs. Il m’aurait fait plaisir, cet enculé…
Je finis par opter pour une douche, carrément. Une fois sous le pommeau, j’eus un soupir de plaisir, de bien-être. Tout n’était pas bon à jeter ici. L’eau froide était bonne et me faisait du bien, surtout avec cette chaleur assez intense. Je fis le vide dans mon esprit pendant plusieurs bonnes minutes, jusqu’à ce que je jugeai bon de sortir. Une fois en chambre, je m’essuyai convenablement avant de revêtir un yutaka blanc, une sorte de kimono en coton pratique pour les nuits. Nous n’étions qu’en début d’après-midi, mais il me fallait dormir un peu. J’avais après tout navigué presqu’une journée entière sans vraiment fermer l’œil. J’étais peut-être puissant, mais il n’en demeurait pas moins que gouverner un navire tout seul sur les eaux du nouveau monde était chose compliquée. Pas une sinécure en tout cas. Pour ne pas me faire chier ou me faire surprendre pendant mon sommeil, j’ouvris ladite poche interne bien camouflée dans l’une de mes valises pour en sortir la perruque et la barbe semblable en tous points à celles que je créais lorsque j’étais en « mode Bith O’Brien ». Je portai rapidement le tout, puis je me laissai tomber sur le matelas de ma chambre avant de commencer à ronfler presque immédiatement…
J’avais passé un cap. Mais le plus dur restait à venir…
- « …sseur O’Brien… ? »
- « …Hein ? »
- « Professeur O’Bien ? »
Bith se redressa précipitamment la tête encore dans le cul, comme on dit. Une voix féminine chuchotait son nom. Une voix qu’il ne reconnut pas d’ailleurs. Clignant des yeux plusieurs fois pour rétablir sa vue, il lui fallut au moins trente secondes pour reconnaitre la pièce dans laquelle il était. Une chambre de l’auberge Kinoshita. Elle était d’ailleurs plongée dans la pénombre. Une faible lueur depuis le couloir pénétrait sa chambre du fait de sa porte coulissante qui était faite de bois, mais aussi de papier de riz. Des shōji qu’on les appelait. Pas bien pratique pour l’intimité, bien que le personnel dans ce genre d’établissement ne la violait jamais en général. D’ailleurs, à travers les fines cloisons de son shōji, il put apercevoir une silhouette à genoux. Sans aucun doute une domestique qui venait lui dire que le diner était prêt. Dehors, il faisait déjà nuit noire. On devait être aux alentours de huit heures du soir, quelque chose comme ça. Il eut alors un soupir, constatant qu’il avait dormi toute l’après-midi. A croire qu’il en avait eu bien besoin.
- « Professeur… ? »
- « Oui oui… J’arrive dans quelques instants… »
Sa voix était un peu enrouée par son état ensommeillé et sa fatigue. N’eut été son ventre qui gargouillait, Bith aurait certainement sauté ce diner pour continuer de dormir à poings fermés. Il finir par se lever péniblement, et se débarrassa de sa perruque et de sa barbe pour laisser le retour à la vie reprendre ses droits. Il se rendit ensuite en douche pour se débarbouiller rapidement puis réajusta son kimono avant de porter ses lunettes et de sortir de sa chambre. Devant lui ? La jeune brune qu’il avait vu à la réception, lors de son arrivée. Cette dernière se redressa, non sans un magnifique sourire. « Le diner est prêt, professeur. Veuillez me suivre s’il vous plait. » L’homme acquiesça sans ouvrir la bouche puis il la suivit tranquillement. Il aurait bien voulu lui demander son nom voire même entamer une quelconque conversation, mais il était vraiment fatigué. Au bout d’une minute, ils arrivèrent vers une pièce où quelques personnes étaient déjà attablées. D’autres touristes sans aucun doute. Et bien entendu, Miyuki était présente.
- « Professeur O’Brien ! Bien reposé ? »
Sans même qu’il ne puisse y échapper, l’homme fut dirigé à côté de la belle blonde qui semblait l’attendre et qui lui servit même une coupe de saké. Il eut une mine de déterré mais se força à boire pour faire plaisir à son hôte. Il compta par la suite refuser des verres supplémentaires, mais après cinq petites coupes, il se sentit étrangement revigoré et se mit à rigoler comme un gros con. Eméché ? Non. Pas pour si peu. Mais il avait le rose aux joues et le sourire aux lèvres. Toute trace de fatigue avait disparu de son visage comme par magie. Il fit alors connaissance avec les autres invités. La plupart des personnes venaient d’autres îles du nouveau monde, mais quelques personnes venaient de grand line. L’homme faillit même s’étrangler en voyant une native d’Alabasta, mais reprit contenance et fit comme si de rien était. Dans tout ce lot, une seule personne venait des Blues, plus précisément d’Inari, lieu de pèlerinage le plus connu de ce monde. C’est d’ailleurs avec cet étranger que le prof papota le plus, jusqu’à l’arrivée des plats.
Au menu ? De grosses lamelles de bœufs en quantité avec de petits bols de sauce soja et quelques légumes en quantité pour l’accompagnement. Du traditionnel yakuniku, quoi. Une merveille dont le prof n’avait pas profité depuis un bon bout de temps maintenant. Le chercheur huma l’odeur du plat pendant quelques secondes, puis il commença à s’empiffrer avec bon cœur. La jeune blonde s’était mise à rire en le voyant bouffer comme un gros porc. Elle allait même jusqu’à utiliser un mouchoir en tissu pour nettoyer un coin de sa bouche. L’homme devant un geste aussi délicat ne put que rougir et se calma pour manger convenablement. Un moment dont profita l’aubergiste pour lui faire une proposition : « Je compte aller me promener en ville, demain. Vous êtes partant pour m’accompagner ? Je vous ferai visiter une partie de la ville par la même occasion ! » Bith fut assez surpris par cette offre. Il s’était même arrêté de manger et tourna son visage vers celui de Miyuki qui semblait rayonnante. Elle faisait partie de ces femmes à qui on ne pouvait rien refuser… Ou presque. Et elle le savait. Elle en jouait. Mais était-ce au final un mauvais plan ?
Bien sûr que non !
- « Je m’en remets à vous, Miyuki ! »
C’était joindre l’utile à l’agréable. Comme on dit.
- « Vous me faites penser à quelqu’un… »
A peine était-il sorti de sa chambre le lendemain matin que le professeur se retrouva nez à nez avec la native d’Alabasta. Celle-ci n’attendit pas un seul instant pour lui balancer cette phrase qui le troubla presque aussitôt. Il avait bien senti les regards insistants de cette femme (courte et bien enrobée soit dit en passant) mais n’y avait pas du tout prêté attention, d’autant plus que Miyuki avait monopolisé sa soirée et l’avait même fait boire comme un trou. Là, il semblait pris au piège. Bith garda néanmoins son calme et fit son plus beau sourire à son interlocutrice. « Ah bon ? Et qui donc ? » L’alabastienne fit mine de réfléchir durant quelques secondes, mais elle haussa ses épaules pour finir avant de secouer sa tête de gauche à droite comme si l’idée qu’elle avait eu était improbable. Elle s’excusa par la suite et descendit les escaliers. Bith se mit à la suivre tout en demeurant pensif. Le fait qu’une alabastienne avait failli le reconnaitre ne voulait rien dire. Alabasta était après tout son pays et il n’allait pas devenir paranoïaque à l’idée de se faire démasquer. L’idée était improbable. Par contre, il lui fallait faire gaffe. Agir de façon imprudente pourrait lui couter très cher et il en était conscient. Mais un sourire barra son visage. L’échec était inadmissible.
C’est sur cette pensée qu’il rejoignit le réfectoire et qu’il salua tout le monde. Il semblait déjà faire partie de cette petite famille plutôt sympathique. Pour se rasséréner, Bith alla même s’asseoir à côté de l’alabastienne et tapa causette avec elle. Cette dernière était là pour le culte mais aussi pour tromper son ennui. Elle était la femme d’un riche marchand basé à Rainbase, Las Végas d’Alabasta et elle avait utilisé sa fortune pour pouvoir venir ici. Après plus de dix minutes de conversation, le professeur soupira. Il avait affaire à une parvenue qui se la jouait mijaurée et qui faisait quelques petits caprices. Présente depuis une semaine, elle comptait s’en aller dans les jours à venir. A la question de savoir comment elle avait rejoint l’île, Raïa (C’était son prénom) changea aussitôt de sujet et le chercheur jugea bon de ne pas insister. Il n’était pas du genre à chercher la petite bête. Il se livra d’ailleurs sur la raison de sa présence à Shikoka, mais fut bien obligé d’abandonner quand il vit que Raïa bailla à s’en décrocher la mâchoire. Les questions d’occultisme ne semblait pas être son dada il faut croire ; ce qui était différent de Miyuki. D’ailleurs, cette dernière fit soudain son apparition dans la salle avant de saluer tout le monde puis de se diriger vers notre protagoniste.
- « Bien dormi, professeur ? Prêt pour la balade ? »
- « Très bien. Et je n’attendais que vous très chère ! »
- « Ne perdons pas une seconde alors ! »
Miyuki semblait radieuse. Va savoir pourquoi. Ce n’était pas l’héritier des O’Brien qui allait se plaindre en tout cas. D’ailleurs, ils étaient bien assortis ensemble. Elle portait un furisode bleu foncé, des tabis et des getas pour femmes. Bith lui avait revêtu un haori noir et un hakama qui allait avec, ainsi que des zori aux pieds. La seule touche moderne sur lui restait sa grosse paire de lunettes. Ils traversèrent le pont du lac artificiel devant la bâtisse puis le grand jardin avant d’arriver à l’extérieur où un pousse-pousse les attendait. Le concierge leur souhaita une bonne promenade et ferma les portes derrière eux, tandis que le couple improvisé s’installa dans la voiture. Le conducteur ne se fit pas prier pour commencer à avancer. Il semblait savoir où aller. Sans doute avait-il déjà reçu des consignes. « C’est Shion. Mon chauffeur personnel, nfufufufu ! » Le professeur fut étonné et tourna sa tête vers son hôte. C’était comme si elle avait lu dans ses pensées. D’ailleurs, elle eut un rire cristallin, un peu maniérée en voyant la tronche d’ahuri du chercheur qui ne fit rien d’autres que réajuster ses lunettes avant de contempler l’environnement qui les entourait. Très vite d’ailleurs, ils quittèrent la zone résidentielle et débouchèrent vers une zone plus animée.
- « Vous avez de la chance d’avoir une guide telle que moi ! Tous nos clients n’ont pas ce privilège, nfufufu ! »
- « Je m’en rends bien compte, Miyuki. Merci du fond du cœur. »
La jeune femme eut un sourire tendre et commença alors à lui raconter quelques petites anecdotes sur l’île, en particulier sur la capitale. A chaque fois qu’ils traversèrent un quartier, l’aubergiste lui décrivait l’endroit et ses spécialités. Durant toute la journée, ils firent le tour de toute la capitale et de ses points forts. Le centre de formations des dragons de Kiyori, le palais de la capitale, le grand marché où transitaient pas mal de vendeurs et leurs marchandises, les temples secondaires liées au culte d’Amoteraso et de sa réincarnation… Bref, tout un tas de lieux. Entre midi et deux, les deux personnages firent une halte à un restaurant huppé de Shikoka où le chercheur put déguster des sushis assez particuliers. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils étaient très bons. L’après-midi fut consacrée à une ballade à pied dans un parc. Miyuki se livra un peu plus au professeur comme s’il semblait être un ami de longue date. Son passé n’avait rien de vraiment particulier, hormis la mort de son mari dans des circonstances mystérieuses. Le professeur fit aussi de même et lui compta sa passion pour les sciences occultes et tout ce qui tournait autour. Ils papotèrent sur un banc comme ça jusqu’à la nuit tombée et ce n’est qu’en rentrant qu’elle lui formula une autre offre :
- « Si vous acceptez de diner avec moi en tête à tête, je m’arrangerais pour que vous accédiez rapidement au temple principal d’Amoteraso ! »
Bith eut un sourire. Il n’y avait aucune raison de refuser une telle proposition.
Le diner n’eut malheureusement pas lieu. Pour une raison que le professeur ignora mais qu’il soupçonna être grave et urgente, Miyuki dut lui fausser compagnie et s’en aller très rapidement il ne savait où. Les autres domestiques furent assez peinés. Il semblait qu’une mauvaise nouvelle ait frappé la propriétaire. Bien entendu, le professeur dina finalement avec les autres touristes dans la salle à manger sans piper mot, puis chacun se dispersa un peu partout. Ce n’est que le lendemain matin que le concierge, fit savoir à tous les résidents que la jeune femme avait perdu sa grand-mère. Cette dernière résidait dans un temple situé au cœur des montagnes qu’on appelait « le temple des anciens ». Une sorte de maison de retraite et centre thérapeutique pour les plus âgés. La nouvelle accabla tout le monde. Personnel comme clients. Le séjour devint morne malgré le cadre idyllique de l’auberge ; et les pluies diluviennes qui s’abattirent sur l’île durant toute la semaine qui suivit n’arrangèrent rien à l’ambiance pesante qui régnait dans les locaux. Finalement, plusieurs pensionnaires s’en allèrent dont l’alabastienne, non sans se plaindre de n’avoir pu mettre un seul pied au temple principal dédié à Amoterasu. Des plaintes, qui, bien évidemment, attirèrent l’attention du professeur, qui, le même soir se renseigna auprès de Seshita.
- « Eh bien… C’est un peu long à expliquer… »
- « Aucun problème ! J’ai tout mon temps, Monsieur Seshita. »
C’est donc dans un salon privé, autour d’une tasse de thé que le concierge de l’auberge lui expliqua ce qu’il y avait à comprendre. S’il est vrai que le temple dédié à Amoteraso était un peu le lieu d’attraction de l’île, il n’en demeurait pas moins qu’il était difficile d’y accéder. Le temple brassait peut-être des milliers de visiteurs chaque jour, mais ces visites étaient déjà prévues à l’avance. Seuls les militaires et les habitants officiels de Tetsu avaient le privilège d’y entrer et de sortir comme bon leur semblait. Les fidèles et pèlerins qui venaient de très loin pour se recueillir dans cet endroit sacré avaient des crédential ou plus simplement des carnets de pèlerins qu’ils présentaient à l’accueil du mini village pour y avoir accès. Tout était cadré au millimètre près par les prêtres et prêtresses mais aussi par les hommes de main de celle-là même qui était considérée comme la réincarnation de la déesse Amoteraso : Kiyori. Raison qui expliquait pourquoi les étrangers ne faisaient jamais guère plus de deux semaines. Pour un touriste, rester ici plus d’un mois dans l’espoir de pouvoir fouler la terre de ce lieu saint supposait qu’il allait devoir dépenser pas mal d’argent avant d’avoir ce privilège et ce bonheur. Mais l’argent n’était pas vraiment le problème pour les plus riches. Ce qui manquait à ces derniers, c’était la patience tout simplement. Con hein ?
- « Je comprends maintenant pourquoi elle m’a fait la promesse de me faire visiter l’endroit en une semaine… » Marmonna le professeur.
- « Vous avez dit quelque chose, professeur ? »
- « Non non… Je me parlais à moi-même… Continuez s’il vous plait… »
- « Et donc je vous disais que c’est l’une des raisons pour lesquelles beaucoup d’étrangers finissent par s’installer définitivement ici. »
- « Vraiment ?! C’est incroyable ! »
Bith montrait beaucoup d’intérêts aux explications de Seshita, qui, sur le sujet n’avait pas la langue dans sa poche. En même temps, il n’y avait aucune raison valable de cacher toutes ces infos à quelqu’un qui prévoyait de faire plus d’un trimestre ici. Le professeur cernait mieux la réaction de Miyuki lors du tout premier jour de son arrivée ici. Il avait également compris pourquoi ils ne s’étaient même pas approchés du temple principal lors de la visite. Cette dernière avait dû penser que l’homme avait déjà toutes ces informations. Il eut un lourd soupir à la fin des explications du concierge et sirota son thé tout en demeurant vautré dans son siège. Dehors, il pleuvait encore. Cette saison pluvieuse l’avait bloqué toute la semaine dans l’auberge. Visiter la ville dans ces conditions n’était pas vraiment une bonne idée. Pas très intéressant d’ailleurs. Les aléas climatiques de Grand Line, quoi. Un silence presque reposant s’installa entre les deux hommes. Le chercheur, lui avait des idées plein la tête. Il ferma les yeux pendant quelques secondes avant de les rouvrir, puis il se leva. Il se faisait tard. Le mieux était pour lui d’aller se reposer. Mais bien avant de bouger, une dernière question lui vint à l’esprit : A quand le retour de Miyuki ? Le vieil homme vida tranquillement sa tasse de thé et poussa un long soupir. La question semblait quelque peu embarrassante, mais…
- « A la fin de ce mois, sans doute. »
Soit dans trois semaines. L’enterrement, le deuil, tout ça…
- « Je vois. Je vous remercie pour toutes ces explications, Seshita ! »
L’homme se leva à son tour et s’inclina avant que le professeur ne prenne la direction de sa chambre.
3 semaines d’attente ? Ce n’était pas grand-chose.
Trois semaines ? Mauvaise estimation de la part du concierge, car Miyuki fit le double en dehors de la capitale. Ce n’est qu’un mois et demi plus tard qu’elle revint au bercail avec un timide sourire. Le deuil était passé, mais la tristesse marquait toujours son visage ce qui était normal. La perte d’un être cher faisait toujours cet effet là. Petite réflexion que se fit le professeur en l’observant de loin. Ce dernier n’avait pas chômé durant cette petite période. Après la mini-saison des pluies qui ne dura que deux semaines, Bith à l’aide de quelques conseils de Seshita s’était rendu au « centre-ville » pour le visiter tout seul. Durant ses promenades, il s’était fait quelques connaissances un peu partout. La plupart était des vendeurs/commerçants, des habitants du quartier où il séjournait ainsi que quelques mendiants à qui il distribuait parfois quelques berry en tapant la causette. Quand bien même il se fit des repères pour ne pas se perdre, l’homme empruntait toujours le même chemin et s’évertuait à saluer chaque jour ses connaissances si bien que sa tête fut petit à petit familière à ceux avec qui il entretenait une relation aussi simple et basique soit-elle. Au fur et à mesure que les jours passaient, Bith se tailla une petite réputation dans la zone et les habitants virent à l’apprécier au point même où certains lui firent la suggestion de s’installer définitivement ici.
Proposition qu’il faisait vite de décliner poliment, prétextant que son travail ne le lui permettait pas vraiment…
- « Ça va ? Vous tenez le coup ? »
- « On peut dire ça comme ça. »
- « Bienvenue chez vous. »
- « Merci professeur. C'est très gentil de votre part. »
La jeune femme avait fini par arriver au niveau du professeur, qui était arrêté devant les escaliers menant aux différentes chambres. Elle s’inclina devant lui et monta sans ajouter autre chose. L’homme, lui, préféra ne pas insister et la laissa rejoindre sa chambre. Ils auraient certainement l’occasion de papoter une autre fois, d’autant plus qu’il faisait nuit et qu’elle avait sans doute besoin de récupérer de son voyage. Le fameux temple des anciens était environ à deux heures de la capitale en poussepousse d’après ce que le concierge lui avait dit. Ce dernier eut d’ailleurs un sourire lorsqu’il vit Bith se diriger vers la sortie. Il semblait ravi de voir que leur plus « vieux client » (Tous les autres touristes qui furent présents à l’arrivée du professeur étaient partis depuis un moment) s’était accoutumé aux traditions de l’île et s’y baladait sans aucun problème. « Vous ne comptez pas diner ici ce soir ? » L’héritier des O’Brien, sourire aux lèvres, fit un non de la tête. « J’ai découvert un Yatai assez sympa au quartier Yoshitsune. Il en vaut le coup. » Seshita se mit à rire de bon cœur et souhaita un bon diner au professeur qui lui fit un signe de main en guise d’au revoir. L’homme ne perdit pas de temps et fut vite fait dehors. Son trajet ne fut pas long. Un peu moins de 20 minutes. Avant qu’il n’arrive enfin vers une échoppe ambulante en plein air. Resto rapide quoi.
- « Professeur ! Bien le bonsoir ! Comme d'habitude ? »
Le tenancier de cette petite échoppe s’appelait Ikezawa. Un homme d’âge mûr au visage paisible et à la voix presque mélodieuse. Il n’avait peut-être pas fait d’études mais il savait fidéliser sa clientèle en étant affable et disponible, en plus du fait qu’il cuisinait comme un dieu. Son échoppe qui était en réalité une charrette mobile et démontable offrait un grand banc sur lequel ses clients pouvaient s’asseoir et regarder le chef cuisiner ses mets divins. Mets dont raffolait le professeur. Il y avait un peu de tout, mais ses préférences allaient aux okomiyakis, des crêpes salées, rondes et très épaisses, garnies de légumes, de viandes ou de poissons et recouvertes de sauces très savoureuses. Souriant comme un affamé, Bith salua à son tour le chef et s’installa aux côtés de quelques personnes déjà sur place. Des clients réguliers avec qui il s’était lié d’amitié étant donné que ses venues étaient plus ou moins régulières. Deux à trois fois par semaine au moins. Fréquence plus que correcte. « M'sieur l'prof ! Prenez donc un verre d'saké ! » L’homme assis à côté du prof prit une coupe de saké et servit l’arrivant qui la vida cul-sec avant d’en redemander poliment, visage tout rouge et un sourire béat aux lèvres. De quoi amuser tout ce beau monde avant que les conversations ne reprennent rapidement. D’ailleurs, le sujet du jour était...
- « Moi j’vous le dis, il y a anguille sous roche ! Les mouvements de l’armée sont trop réguliers ! Ça doit être les barbares de l’Ouest ! »
- « Et qu’est-ce qu'ils font ces glandus à Arma’Lo ? »
- « Comme si ces femmelettes pouvaient faire grand-chose contre les sauvages des montagnes ! »
- « Oh ! Vous allez faire peur au professeur ! »
- « Mais non mais non, continuez de parler, ne vous en faites pas pour moi. »
La raison de la présence du prof en ces lieux ? Les ragots. Les potins. Il y avait toutes sortes de rumeurs qui transitaient par ici. Bith en avait même beaucoup appris et ce n’était pas la première fois que ses partenaires de beuveries mentionnaient les raids des fameux « barbares de l’ouest ». Car si Tetsu semblait paisible, l’île avait sa part d’ombre. Entre les habitants qui n’adhéraient pas aux cultes dédiés à Kiyori et les sauvages qui faisaient de la résistance à l’ouest, on pouvait dire que la situation n’était reluisante. De ce fait, le tourisme ici était limité qu’aux deux grandes villes : Shikoka la capitale, impénétrable, et Arma’Lo, sa petite sœur. Il y avait également un troisième point. Un troisième point noir qu’un autre client releva brièvement : « Il parait également que le pic de fer est plein à craquer. C’est inquiétant… » Le pic de fer. Prison nationale de l’île. Bith en avait aussi entendu parler, mais les gens ne s’attardaient jamais sur ces sujets devant les étrangers. Ce n’était pas bon pour la réputation de l’île et par extension, pour le tourisme de Tetsu en général. Du coup, lorsque le chef du Yatai se mit à les gronder, les autres clients avaient rapidement changé de sujet pendant que le prof savourait sa bonne crêpe et ses brochettes de poulets.
Bith venait comme d’habitude de glaner quelques précieuses informations.
L’action était pour bientôt.
Une soirée parmi tant d’autres. Mais une soirée fructueuse, comme d’habitude.
- « Alors ? Qu’est-ce que vous en dites ? Vous pourrez rentrer facilement dans le temple comme ça… »
Deux semaines plus tard, Bith se trouvait face à une Miyuki plus que rayonnante. Le deuil était passé et elle avait retrouvé le sourire. Par contre, la proposition qu’elle venait de lui faire soudainement le déstabilisa d’un seul coup. Il sortit un mouchoir de sa poche, épongea son front, soupira, avant de braquer une nouvelle fois son regard vers la jeune femme. Celle-ci affichait une mine amusée. L’hésitation de l’homme en face d’elle la divertissait et pas qu’un peu. Elle se permit même de ricaner et de se pencher vers le pauvre professeur, comme si elle désirait qu’il puisse reluquer son profond décolleté. Celui-ci rougit et détourna le regard avant de commencer à reculer. Sauf qu’il se retrouva bien vite acculé contre un mur et pris au piège parce celle-là même qui semblait être plus ou moins sérieuse avec sa proposition. Quelle était la nature de cette offre ? Assez simple pour le coup…
- « Je ne peux pas accepter de faire semblant d’être votre fiancé juste pour satisfaire ma curiosité ! Vous n’y pensez pas ! »
- « Et pourquoi pas ? Qui a dit que ça me gênait ? Les prêtresses n’y verront que du feu ! »
Elle est tarée. Elle est tarée que se répétait le professeur. Ou bien saoule, tout simplement. Oui, saoule. Son air enjoué, ses joues rosies, l’odeur d’alcool qui se dégageait d’elle… Oui, Miyuki avait un peu trop poussé ! Et dire qu’il revenait tranquillement de l’une de ses nombreuses promenades nocturnes. La poisse ! D’ailleurs, s’il était rentré plus tôt que prévu, c’était bien parce qu’il avait senti qu’il était suivi, et ce depuis plusieurs jours maintenant. Des gens épiaient ses mouvements, ses faits et gestes et il s’était même montré plus prudent durant les conversations qu’il avait avec ses compagnons d’infortune ; même si les mêmes sujets revenaient toujours sur la table : Arma’Lo, le pic de fer, les sauvages de l’Ouest, l’inquiétude apparente du Shogun… Bref, rien de nouveau sous le soleil. Maintenant qu’il avait fait deux mois dans la capitale, il était peut-être temps de songer à autre chose…
- « Je décline votre offre. »
Son ton fut soudain sérieux. Tellement sérieux d’ailleurs qu’on aurait dit qu’il grondait la jeune femme. Celle-ci malgré son état d’ébriété s’immobilisa net alors qu’elle était sur le point de plaquer sa grosse poitrine contre le torse de notre professeur. Son sourire disparut au profit d’une mine plus ou moins sérieuse. Miyuki soutint pendant quelques instants le regard de l’homme avant de baisser les yeux, déçue : « Je suis si moche que ça, O'brien ? » Celui-ci fut surprit par sa question et les remords l’accablèrent tout d’un coup. Il n’aurait pas dû. Il n’aurait pas dû aussi sévère alors qu’elle lui proposait gentiment son aide. Il se mordit la lèvre inférieure, l’air triste avant de lever ses mains pour vouloir les poser sur les épaules de l’aubergiste. Mais à mi-chemin, il se ravisa et baissa finalement les bras. Une larme se coula et se mit à rouler le long de la joue gauche de Miyuki qui finit par se retourner.
- « Bonne soirée, professeur ! »
Sans attendre une seule seconde, la propriétaire des lieux s’en alla en courant. Bith voulut la retenir, mais n’eut pas la force nécessaire. Au contraire, il resta sur place pendant de longues minutes, contre le mur, les yeux clos, avant de soupirer lourdement. Qui aurait cru qu’elle nourrirait des sentiments pour lui ? Et dire qu’il pensait que ce n’était qu’un caprice parmi tant d’autres… Grave erreur. Cette petite scène pitoyable le convainquit de quitter la ville pour un temps. C’est fort de cette décision qu’il monta rapidement les escaliers avant de rentrer dans sa chambre. Une fois à l’intérieur, il commença à rassembler toutes ses affaires et fit ses valises en deux temps trois mouvements. Lorsqu’elles furent prêtes, il descendit et chercha Seshita qu’il trouva pensif sur le pont du lac artificiel dans lequel des poissons koï nageaient çà et là. Plutôt que de troubler sa tranquillité, Bith attendit quelques minutes avant que…
- « Vous avez besoin de quelque chose, professeur ? »
- « Oui. Un moyen de rejoindre Arma’Lo demain matin. »
- « Aucun problème. Soyez debout à l’aurore. »
- « Merci Seshita. »
Qu’il lui dit. Avant de se diriger sereinement vers sa chambre. Une bonne nuit de sommeil et il était bon.