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La rhumerie de Kikai no Shima

Carl emmena Benjamin à l’écart du port. Le décès inattendu de son frère l’avait rendu mutique. Ils progressaient donc en silence, accompagnés seulement du bruit mat de leurs pas. Ils passèrent ainsi plusieurs ruelles et pénétrèrent finalement dans une sorte de salon de thé. A l’intérieur, la porcelaine criarde affrontait des tentures rapiécées. Une vieille tenancière leva un œil de son tricot et, reconnaissant Carl, retomba sur son activité comme si de rien n’était. Les deux hommes passèrent dans l’arrière salle et descendirent finalement par une trappe. C’était le genre d’ouverture qui menait à un quelconque garde-manger. Que ne fut donc pas la surprise du marin lorsque descendu, il se retrouva devant une solide porte en bois ouvragé d’au moins trois mètres de hauteur. Devant elle se trouvait deux hommes armés de fusils et dont l’aspect mauvais en disait long sur leur rôle.

Benjamin grogna entre ses dents et fronça les sourcils. Etait-il tombé dans une nouvelle ruse de Carl ? Mais son compagnon, indifférent, s’avança vers la porte qu’on lui ouvrit sans faire de cérémonie. De l’autre côté se trouvait une vaste salle circulaire qui était agrémentée de nombreuses tables. Une bonne cinquantaine d’individus se trouvaient là à discuter, boire ou manger. Les deux hommes laissèrent sur leur droite un bar clinquant pour finalement s’arrêter devant la table la plus éloignée de l’entrée. Là se trouvait un homme seul, portant sabre au flanc et mine mystérieuse. Il détailla de son regard acier Benjamin. Le marin tapota du pied en signe d’agacement. Finalement l’homme se tourna vers Carl.

- C’est l’évadé de la prison ?
- Lui-même.
- Prend donc un siège « Benjamin Landstorm ».

Landstorm posa son large cul sur une chaise et attendit. Carl était déjà reparti d’où il venait, sans même un regard ni même un son.

- Faut pas lui en tenir rigueur. Carl est le genre à jouer sur tous les tableaux. Mais aujourd’hui le truc vient un peu de lui sauter à la gueule.
- C’est pas plutôt à la gueule de son frère que ça a sauté ?
- Hm. Juste.

Et Benjamin attrapa sa pipe qu’il alluma. Il tira longuement sur celle-ci, exhumant de longues et régulières bouffées. En face de lui, King Bradley, le chef de la pègre locale, attendait avec une patience teintée de limite. Finalement l’œil du marin se reporta sur Bradley.

- Je m’appelle Bradley. Et ici je fais la pluie et le beau temps.
- Jamais eu peur de la météo moi.
- T’es une grande gueule Landstorm. C’est bien, j’aime les gaillards qui en ont. Mais fais attention quand même à ne pas m’user trop vite.
- Que me vaut cette entrevue ?
- J’ai eu vent de tes exactions. A l’heure qu’il est on te met d’ailleurs le meurtre de marines et du frère de Carl sur le dos.
- Allons bon ! MORDIOU ! Je n’ai –
- Oui, oui, je sais tu es innocent. Mais coupable ou non, tu as besoin de mon aide pour t’enfuir. Tu auras besoin de vivres, d’un navire. Et tu ne trouveras pas ça sans te faire capturer. Et je crois bien qu’il y a aussi un certain Brixius. Agaçant petit personnage…
- Cette vieille canaille de Brixius ! Il est en vie ? Est-il toujours en fuite ? Où puis-je donc le trouver ce diable à quatre ?!

Bradley afficha un sourire mauvais et profita de ces questions pour se verser un verre de rhum. Il dégusta son verre devant un Benjamin impatient mais relativement calme. D’un geste léger, le chef de la pègre interpella un gaillard non loin qui lui apporta une liasse de documents. Bradley entreprit de défaire le cordage de la liasse et, tout affairé qu’il était, prit tout de même le temps de faire glisser la bouteille de Rhum vers Benjamin. Ses doigts se refermèrent sur celle-ci.

- As-tu déjà vu ce genre de bouteilles ?


Dernière édition par Benjamin Landstorm le Ven 30 Juin 2017 - 16:39, édité 2 fois
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Benjamin, qui avait bien compris qu’il n’aurait pas de réponses sans jouer le jeu, examina la bouteille avec attention. C’était la même bouteille impeccable qu’il avait bue en début de soirée avec le chêne, peu de temps avant que celui-ci ne soit assassiné sauvagement par un groupe de la marine. Il ôta le bouchon et s’enfila une rasade avant de s’essuyer les lèvres d’un large revers de main.

- Chez le chêne ouais. Une spécialité d’ici si j’ai bien compris.
- Plus ou moins. Disons que ce rhum est du premier choix, ici comme ailleurs. Il a une très bonne valeur marchande, est simple à transporter et la demande dépasse largement l’offre.
- Merci pour le cours de marketing. Mais Brixius ? Ma fuite !?
- Que tu le veuilles ou non Benjamin, ton destin et celui de Brixius sont intimement liés à cette bouteille de rhum.
- CAP DE DIOU ! Quelle est cette nouvelle forfanterie ?
- Il y a que je suis disposé à t’aider mais que mon aide n’est pas désintéressée. Et qu’a l’heure actuelle tu ne peux m’être utile qu’à une seule chose.
- Très bien ! Mais le rapport avec cette bouteille ?

Bradley poussa la liasse de documents qu’il s’était évertué à délier. Benjamin s’en saisit et commença à inspecter ceux-ci. Il y avait des plans de bâtiments, des fiches de poste, des horaires de rondes et de changements de gardes, des inventaires récents. Toutes ces informations étaient disposées sur un élégant papier à entête indiquant « Rhumerie de Kikai No Shima ». Le marin n’était pas né de la dernière marée et sentait son brigandage à une lieue.

- Hmpf ! CRÉFIEU ! J’ai l’air d’un cambrioleur ?
- Mais ai-je l’air d’en chercher un ? Regarde donc la carte en dessous du paquet.

Benjamin l’attrapa d’un geste sec et l’analysa dans un ronchonnement sonore. C’était une carte littorale qui désignait le pourtour de l’île de Kikai no Shima. Plus précisément une zone très spécifique de côte qui semblait mener à une embouchure. Sur le bas de la carte un autre petit croquis dessinait succinctement l’intérieur de cette grotte. C’était là l’entrée d’une base secrète sans nul doute.

- C’est quelconque base secrète ?
- C’est tout bonnement le stock de la rhumerie de Kikai No Shima. Deux entrées, l’une sérieusement gardée et l’autre protégée seulement par la mer.
- SACROUDIOU !  Protégée seulement par la mer !? A moins d’avoir une porte impénétrable, j’passerai pas par cette embouchure, un coup à se rompre le cou et à détruire son embarcation.
- C’est justement là le problème la porte d’entrée ne s’ouvrira pas et il faudrait mieux attaquer la roche plutôt que d’essayer d’enfoncer la porte. Non, on ne peut passer que par la mer, l’entrepôt n’est pas extrêmement gardé puisque les mecs sont confiants en l’impénétrabilité de l’endroit.
- Pour sûr. Ce passage c’est du costaud, les courants semblent s’engouffrer dans la grotte à grande vitesse. En prenant en compte les récifs et un vent disgracieux, s’rait plus simple de toucher le séant de la vierge d’acier que de passer indemne par l’embouchure de c’te foutue grotte.

Bradley laissa de longues secondes s’écouler, gratifiant Landstorm d’un regard ombrageux et d’un sourire malsain.

- Je t’ai étudié Benjamin, tu es comme moi. Nos principes nous poussent à agir. Tu le feras pour Brixius, tu le feras pour retrouver ce qui t’est cher. Mais comme je suis comme toi, tu bénéficieras également de mon appui, de mon soutien et de ma reconnaissance. Si tu ne fais rien pour moi par contre…

Et il tapa du plat de la main sur la table qui s’éleva de quelques centimètres avant de retomber durement.

- Alors tu ne me sers à rien.


Dernière édition par Benjamin Landstorm le Ven 30 Juin 2017 - 16:41, édité 1 fois
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Il ne fallut pas longtemps à Landstorm pour accepter. En effet, une forme de dette d’honneur s’était constituée vis à vis de Brixius qui avait largement contribué à son évasion. De plus, une forme de fraternité était née entre les deux hommes en dépit d’une différence nette de caractère. Benjamin était donc enclin à mettre sa vie en jeu pour sauver celle de son infortuné compagnon et dernier membre des héritiers encore à ses côtés.

Il embarqua donc dans un petit voilier qui lui fut donné gracieusement par Bradley. Benjamin en avait vérifié les moindres caractéristiques avant d’y embarquer. Il avait même prit la peine de réajuster sa voile de quelques degrés avant de prendre finalement la mer. Le marin avait déjà mémorisé parfaitement la carte maritime de l’endroit. Il faut dire qu’il avait toujours été doué pour cet exercice et que de longues années de pratique l’avaient rendu particulièrement exceptionnel. Il prit donc le large pour attraper le fameux courant qui remontait vers la grotte. En quelques minutes il fut dessus et put se laisser porter par un courant favorable.

Il changeait régulièrement de position sur son frêle voilier afin de prendre un maximum de vent. Il louvoya ainsi pendant environ cinq minutes avant de voir au loin la fameuse embouchure. Il mit en panne et immobilisa donc son voilier. Le courant l’emmener inexorablement mais Benjamin jeta l’ancre et commença à analyser les alentours. Devant lui se trouvait une grande falaise de roche noire. Le courant principal sur lequel il se trouvait menait bel et bien vers la grotte. Les autres courants conduisaient inexorablement vers les hautes murailles de pierre. Benjamin afficha une moue de dépit lorsqu’il remarqua que deux traces d’embarcation étaient encore visibles sur les flancs de la falaise. Sans nul doute des anciens employés de Bradley qui s’étaient avérés beaucoup moins talentueux.

- Cap de diou ! Morts enfoncés dans une falaise ! Les imbéciles ne savaient-ils donc pas lire une carte ? Créfieu !


Dernière édition par Benjamin Landstorm le Ven 30 Juin 2017 - 16:42, édité 1 fois
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Et sans cérémonie, il releva son ancre et gonfla les voiles. Debout sur le navire, il allait devoir jouer serré. Le courant principal allait le mener directement dans la grotte. La difficulté était d’y rester, en effet, le vent avait une tendance à envoyer le voilier vers les courants plus dangereux. Par ailleurs, il fallait y entrer à bonne vitesse car une fois coupé du vent, le navire n’avancerait plus qu’avec sa vitesse initiale et le courant intérieur à la grotte. Car là était tout le challenge : une fois passé dans la grotte, il fallait virer presqu’aussitôt pour contrer un fort courant qui emmenait vers un large groupe de roches intérieurs.

Benjamin naviguait donc avec l’expérience du marin, l’excitation du frère de la côte et l’appréhension de l’homme qui sait que l’on ne joue pas deux fois un tel jeu avec la mer.

Le voilier avançait à grande vitesse et Benjamin tendait et détendait la voile avec frénésie pour en contrôler l’allure. Dans le même temps, il jouait du gouvernail pour maintenir une position optimale. Le vent changeait constamment et il sentait ce capricieux compagnon lui chatouillait les naseaux. L’homme grognait face à de telles danses.

- As-tu finis de changer d’avis, vent de malheur ! SANGDIOU !

Une bourrasque formidable envoya le voilier valser. Benjamin ne pouvait réduire la voile au risque de perdre sa vitesse. L’embarcation se pencha donc dangereusement sur le côté.

- Allons bon ! Nous ne dessalerons pas ici !

Et Benjamin se retrouva maintenant hors de l’embarcation, les pieds solidement collés sur le bastingage. Il faisait contrepoids à l’aide de son corps massif et le voilier avançait en une magnifique ligne droite tout en se trouvant en équilibre sur son flanc. Landstorm semblait imperturbable et ne quittait plus son objectif des yeux. La voile allait presque toucher l’eau tant la gîte était importante. Dans cette position inclinée, le frêle esquif ne passerait pas indemne à travers l’entrée de la grotte.

Benjamin connaissait bien toutes ses réalités mais ne pouvait de toute façon plus changer de cap. Il faudrait passer ou mourir. Avec de la chance, pourrait-il nager à contre-courant quelques minutes avant de définitivement s’en remettre à la mer. Les mètres s’avalaient à grande vitesse et le contrepoids de Benjamin commença à faire son office face à un vent plus clément. Le voilier commença à se redresser mais il était presque déjà au contact de l’embouchure.

La rhumerie de Kikai no Shima 763931Sanstitre1

Au moment fatidique, Benjamin comprit qu’il allait toucher. Il ferma les yeux et se cramponna au gouvernail. Sa mâchoire se contracta avec violence et il songea un instant à la mer qu’il allait peut-être rejoindre.


Dernière édition par Benjamin Landstorm le Ven 7 Juil 2017 - 18:52, édité 3 fois
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Un grand craquement se fit entendre au dessus de lui et il pensa aussitôt qu’il était mort. Mais son corps se gonfla de l’orgueil du marin et il affronta du regard la réalité. Au dessus de lui, le mât avait été touché mais pas suffisamment pour rompre. Néanmoins la trajectoire était mauvaise et déjà une nouvelle falaise s’élevait devant lui alors qu’il pénétrait dans la grotte.

- AU GRANDS MAUX !

Et il donna un coup de pied si massif dans le mât que celui-ci valsa dans les airs, emportant avec lui les voiles. Le voilier n’était plus qu’une coque et un gouvernail. Il attrapa une rame massive qu’il avait conservé proche et commença à pagayer. Ses pectoraux se gonflaient majestueusement et ses bras massifs s’employaient à contrecarrer le courant.

Le voilier remonta alors le reste de la grotte par une impulsion formidable de Benjamin. Le marin eut voulu que tous les frères de la côte le voient ainsi affronter la mer et la dompter l’espace d’un instant. Car n’en doutons pas, l’exploit qu’il était en train de réaliser était loin d’être à la portée de n’importe quel quidam. Il n’était pas question seulement de force physique incroyable, il s’agissait bien là d’art de la navigation poussé à son paroxysme. Et, il faut bien l’admettre, d’une incroyable chance qui valait au marin d’avoir en le courant un adversaire point trop redoutable. En effet, la voile et le mât s’étaient entrelacés derrière lui et formaient une sorte de barrage artificiel qui réduisait considérablement la force du courant.

- PAR DIOU ! Incroyable chance !

Et au bout d’une minute qui lui sembla durer une année entière, Benjamin toucha une petite étendue de sable qu’il savait être la plage naturelle créée par le ressac. Il sauta aussitôt à terre et regarda le voilier s’enfoncer dans la baie.

- CREDIOU ! Brixius ! Si tu savais ce que je viens de faire pour toi. Incroyable coquin ! AH LA VILAINE NAVIGATION ! Cet endroit est un tue marin de première catégorie ! Le vil Bradley ! Y a-t-il seulement une rhumerie ici ?!

Et Benjamin remonta la petite plage de sable pour aboutir devant un gigantesque entrepôt où d’innombrables piles de caisses s’affrontaient. C’est alors qu’une sueur froide perla sur le front de Benjamin.

- Imbécile !

Le fier gaillard, tout a son entreprise de navigation, avait mémorisé la carte maritime mais avait complétement négliger de regarder comment le complexe était organisé. Pour dire vrai, il avait même totalement oublié de prévoir une tactique une fois arrivé à terre. Il fit glisser son sabre d’abordage en dehors de son fourreau et cracha un glaviot aussi large qu’une cheville.
Il entendit alors des bruits de pas et se dissimula aussitôt derrière de larges caisses. Devant lui passèrent deux individus armés de fusils. Benjamin avait les jambes légères soudainement. Le marin était de ceux qui ne craignaient rien en mer car la mort là bas est une bénédiction. Mais ici, sur terre, il en était tout autrement ; aucunement question de mourir sur le sol dur et sans vie de l’île. La prudence était devenue de la crainte et l’homme avait perdu toute la superbe témérité qui faisait de lui un marin si exceptionnel.

Il fallait tout de même attaquer, il n’y avait pas d’autres solutions. Benjamin se glissa donc hors de sa cachette et fondit sur la patrouille. Arrivant de dos, il avait tout loisir d’expédier ses deux adversaires. Mais sa crainte maladive rendit son poignet fébrile et il donna un coup d’épée ridicule qui trancha à peine sa victime. Les deux hommes se retournèrent aussitôt et firent feu. Benjamin évita la première balle mais la seconde traversa son bras droit. Ragaillardi par le premier sang, il expédia finalement l’un des deux hommes et cassa proprement le genou du second qui s’affaissa en hurlant à la mort.

- ATTAQUE ! ATTAQUE ! ATTA-
- VAS-TU TE TAIRE !

Et pour mieux se faire, Benjamin appliqua son pied sur la gorge de l’infortuné blessé. A ses côtés, son compagnon laissait échapper une magnifique gerbe de sang qui finit par le toucher et rougir sa chemise blanchâtre. Le garde suffoquait et cherchait à respirer, sa peur le faisait inspirer en saccade et on eut dit une véritable chaudière sous la botte du marin.

- PAR DIOU ! LE BRUIT DE CET HOMME !


Dernière édition par Benjamin Landstorm le Ven 30 Juin 2017 - 16:44, édité 1 fois
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Et effectivement, l’alerte avait bien été donnée. L’entrepôt jusqu’alors très sombre s’illumina en de multiples endroits. Des hommes convergeaient, munis de torches et d’armes en tous genre. Benjamin n’eut d’autre choix que d’expédier le second homme de patrouille. Il retourna aussitôt se cacher en maudissant sa couardise.

Quelques secondes plus tard, une quinzaine d’hommes s’arrêtèrent au-dessus de leurs compagnons.

- Morts !
- C’est du travail bâclé. Macnair a été tranché de dos puis de face…
- Ouaip. Premier coup non mortel et pourtant délivré par derrière…
- On a affaire à du novice.
- Chut ! Imbéciles ! Si des mecs sont ici c’est qu’ils sont passés par la mer…
- Impossible !
- C’est maintenant que tu t’inquiètes de ça ?
- VRAI ! La porte est toujours inviolée ! Sont forcément passés par la mer…
- NON !?
- Ou alors…
- Alors quoi ?
- Ou c’est un d’entre nous ?
- Vos gueules ! Regardez en contre-bas ! Y’a bien un voilier dans le fond de la baie.
- PUTAIN ! Y’a pas de quoi accueillir plus de cinq gaillards là-dedans ! Mes avis qu’ils sont bien cuits après être parvenus jusqu’ici !
- Ça explique pourquoi ils sont pas foutus de tuer deux mecs par surprise…
- Toujours est-il que pour arriver par la grotte, ce sont pas la moitié de marins !

A cette dernière remarque, Benjamin hocha de la tête en signe de satisfaction. Mais il reporta une nouvelle fois son attention sur l’assemblée. Les hommes semblaient interloqués mais ils refaisaient déjà l’histoire en sens inverse. Après quelques autres échanges, ils décidèrent d’organiser des fouilles par groupe de cinq tout en restant tous proches.

Cette décision était astucieuse mais ne convenait pas du tout à un Benjamin déjà peu enclin à s’attaquer par surprise à deux individus. Pour lui, attaquer cinq hommes solidement armés et alertes relevaient tout droit du suicide. Mais il allait finir par être découvert et il fallait bien trouver une solution… Pour l’heure, le marin se faufila pour s’éloigner un maximum de ses adversaires. Il remonta l’entrepôt vers ce qui semblait être la porte renforcée qui constituait la seconde entrée. Arrivé à sa hauteur, il remarqua qu’en effet celle-ci semblait constituée d’un seul bloc d’acier. On voyait bien les gonds aussi hauts épais qu’un homme, ce qui signifiait que la porte s’ouvrait vers l’intérieur. Mais aucun mécanisme d’ouverture. Bradley avait précisé à Landstorm que ses hommes attendraient devant la porte mais qu’il ignorait comment celle-ci devait s’ouvrir.

- Allons bon ! Voilà une énigme qui ne manque pas de piquant !

Derrière lui, on pouvait entendre les patrouilles fouiller avec méthode les différents endroits de l’entrepôt. Il cherchait un levier, un verrou, une poignée mais rien ne semblait exister pour ouvrir cette massive porte suffisamment grande pour laisser passer un cuirassé de la marine.

Une nouvelle fois il fut contraint de se dissimuler à l’approche d’une patrouille. Mais cette fois, l’échappatoire ne semblait plus possible. Car lorsqu’il voulut s’esquiver comme il le fit la première fois, la lumière de torches fit son apparition en toutes direction. Il fallait donc prendre une décision rapide : attaquer maintenant tant que les hommes ne sont pas encore ensemble ou tenter de passer inaperçu lors de la fouille de la zone.

Benjamin se figura le visage mauvais de Brixius, riant à gorge déployée en voyant le fier marin dissimulé derrière quelques tonneaux d’alcool. Gonflé de mépris et de rage, il émergea de l’ombre tel un démon et se porta à la rencontre des gardes. Ceux-ci furent surpris de voir un homme si massif s’élancer seul vers eux. Le frère de la côte avait un regard dément, celui là même qu’il a lorsqu’il s’élance sur le pont d’un navire ennemi en plein abordage. Il trancha dans le torse du premier ennemi, y laissant un sillon profond. Le second vit son bras tranché à hauteur du coude et il s’effondra en jetant des œillades horrifiées vers son moignon. Les trois autres s’élancèrent avec plus de méthode, commençant par tirer sur l’ennemi. Toutes les balles touchèrent Benjamin qui grogna derechef. Déjà l’on entendait les autres patrouilles, alertées par les détonations, se ruer vers eux.


Dernière édition par Benjamin Landstorm le Ven 30 Juin 2017 - 16:44, édité 1 fois
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Il s’escrimait maintenant contre trois adversaires. Deux hommes et une femme, tous suffisamment expérimentés pour profiter des multiples blessures de Landstorm. Le marin se battait mais il lui manquait une forme de feu sacré. Sur terre, sa volonté n’était pas la même et il facilitait lui même la mort qu’il craignait tant.

D’autres patrouilles furent finalement sur lui et il n’eut d’autre solution que de laisser tomber amèrement son sabre sur le sol. Un coup de crosse le fit mettre genou à terre.

- Un seul ! UN SEUL ! Il a tué quatre hommes à lui seul !
- Pourtant pas l’air d’être un sacré combattant, il a autant de balles dans le buffet.

En effet, Benjamin saignait abondamment et laissait apparaître plusieurs blessures sur le corps.

- Et bien ma foi ! Félicitations pour être parvenu jusqu’ici !
- Une dernière volonté ?
- Vous allez m’exécuter ?
- Je le crois bien !
- Par diou ! Alors jetez moi dans la mer !
- On va pas traîner ton immense carcasse jusque là ! Par ailleurs, tu ne feras que refluer vers la plage.
- Alors qu’allez-vous faire de moi ! Mordiou ! Il faudra bien porter ma carcasse quelque part !
- On va juste te foutre dans un tonneau de rhum en attendant qu’il soit emporté ailleurs ! C’est pas la première fois…

Benjamin allait se jeter aux pieds de son interlocuteur et supplier comme un enfant apeuré. Mais une nouvelle fois, l’image de Balthazar Brixius et de Maxwell Percebrume fit son apparition devant lui. Il ne mourrait pas en mer comme tout son être le réclamait mais il affronterait la mort comme un vrai frère de la côte. D’autres avant lui furent pendus à côté des ports et n’en furent pas moins célébrés avec respect.

- Alors donnez moi un verre de rhum et finissons en.

Cette seconde requête fut accordée et un garde lui jeta une bouteille de Rhum. Benjamin la leva vers le plafond de l’entrepôt, quelle pitié pour lui de ne pas voir le ciel. Au moins entendait-il l’eau se fracasser contre la grotte…

- Brixius ! Où que tu sois, je te souhaite de t’en sortir et de devenir un être meilleur. Maxwell, je te rejoins bientôt compagnon !

Et il s’enfila une large rasade de rhum avant de casser la bouteille sur le sol.

- Allons-y ! J’ai une fête qui m’attend !

Et Benjamin se releva pour affronter la mort dignement.

Plusieurs hommes s’avancèrent et pointèrent leurs fusils vers lui.

De multiples détonations se firent entendre. Toute la zone fut aussitôt envahie d’une odeur de poudre et de poussière mêlée. Benjamin fut projeté vers l’arrière et tomba lourdement.

Pourtant. Il avait toujours mal. Il rouvrit les yeux pour constater qu’il n’était toujours pas mort.

- CREVINDIOU ! Sorcellerie !


Dernière édition par Benjamin Landstorm le Ven 30 Juin 2017 - 16:45, édité 1 fois
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Mais il n’y avait pas réellement de sorcellerie. C’était simplement la porte de la rhumerie qui venait de voler en éclat. Les détonations venaient en réalité de l’extérieur. En l’espace d’un instant, un contingent de soldats fit son apparition. Ils étaient tous vêtus de tenues sombres et étaient lourdement armés. Il y avait là suffisamment d’hommes pour que les gardes posent instantanément leurs fusils et lèvent bien haut les mains.

La poussière soulevée par la chute de la porte encombrait toute la place. Finalement, émergea du nuage de poussière King Bradley, un large sourire sur le visage. Il s’approcha de Benjamin et lui tendit la main pour l’aider à se relever. Il constate ses multiples blessures et fronça les sourcils.

- Un médecin !

Et aussitôt, un jeune homme se précipita pour lui donner les premiers soins. Assis sur une caisse de rhum, Benjamin pouvait donc librement discuter avec Bradley. Autour d’eux, les hommes s’activaient déjà à embarquer un maximum de caisses de rhum.

- Souffrirait de m’expliquer comment cette porte inviolable a finalement été violée ?
- Hahaha ! Landstorm tu es un excellent marin mais un très mauvais voleur. Il n’existe pas de portes inviolables. Et même s’il en existait, elles ne serviraient sûrement pas à protéger une rhumerie !
- Alors pourquoi donc m’utiliser pour cette incroyable périple ?
- Parce qu’on avait besoin d’une diversion. La porte était défendue de l’intérieur par les gardes avec qui tu as quelques difficultés. En position derrière les meurtrières ils empêchaient mes hommes d’attaquer de front et de disposer des barils de poudre.
- CAP DE DIOU ! Utilisé comme un vulgaire ver au bout d’une ligne !

Bradley lui tapota l’épaule amicalement.

- Tu as évité des morts inutiles et je n’ai pas complètement menti. Je suis un homme de parole à défaut d’être totalement intègre. Tu vas bénéficier de mon appui pour retrouver ton ami Brixius et pour t’enfuir de cette île. Par ailleurs, je peux t’assurer une rémunération pour cette belle prise. On doit bien trouver dans les coffres de la rhumerie suffisamment de berry pour te rétribuer. Son contenu est à toi ! Tu vois bien que je suis un homme magnanime !
- Mouais ! J’imagine que même si le coffre est sûrement bien rempli, il doit bien y avoir dans cet entrepôt un demi-milliard de berry.
- Hahaha ! Au moins, Benjamin ! Au moins ! Et j’espère bien mettre la main sur la rhumerie pour m’assurer une rente continue et étendre mon influence sur Kikai No Shima.
- Hmpf ! Semblerait bien que tu fais encore une meilleure affaire que moi !
- Rassure toi ! Ta petite aventure va faire du bruit sur Kikai, j’y veillerai. Personne n’était encore parvenu à remonter ce courant.
- Ouais, t’avais bien oublié de me préciser que d’autres gaillards avaient tenté avant moi…
- Je ne voulais pas refroidir tes ambitions ! Et cela ne rend ton exploit que plus grand. Tu seras couvert de gloire et plus riche après cette aventure et tu bénéficies du soutien et de la confiance de mes gars !
- Mouais…

Bradley lui tapota une nouvelle fois l’épaule et se leva finalement pour aller donner ses instructions. Le coffre de la rhumerie s’avéra effectivement particulièrement bien rempli de telle sorte que Benjamin en oublia presque Brixius et ses douleurs. Mais lorsque la nouvelle se répandit que quelqu’un venait de remonter le courant qui mener à la rhumerie de Kikai No Shima, Benjamin connut une forme de célébrité qui ne le laissèrent pas indifférents.

Malheureusement, avec cette célébrité venait également les ennuis. La marine elle aussi avait appris que l’évadé de la prison était devenu un collaborateur efficace pour le redouté King Bradley…
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