Les pluies diluviennes qui s'abattaient sur Poiscaille depuis plusieurs jours ne semblaient pas du tout affecter le moral de ses habitants. Ces honnêtes hommes et femmes se contentaient d'enfiler leurs larges imperméables afin de partir pour leur longues journées de labeur au port. Un travail éreintant, exigeant et peu payant. Mais un travail honorable, et cela suffisait à contenter les pêcheurs, qui continuaient de garder la bonne humeur jour après jour, ignorant leur situation précaire.
Dans tout le port, une ambiance festive flotte. Les marins plaisantent et échangent, se chamaillent et chantent. Telles de braves fourmis ouvrières, ils travaillent à l'unisson pour accomplir leurs tâches colossales. À chaque minute, des tonnes de poissons sont tractées et transportées. Un rythme de travail impressionnant qui ne peut être atteint qu'avec une parfaite cohésion, une chaîne d'hommes qui font partie d'un tout et qui en sont fier.
Mais tant de chaleur et de brillance ne vient pas sans ombre, et pendant que les pêcheurs se délectent de leurs belles vies, les mendiants s'affairent à errer le long des quais et réclamer leur pitance. Berry par-ci, insulte par-là, chacun répond à sa façon au vieillard, à l'infirme, à la mère solitaire, au cul-de-jatte ou à l'aveugle. Certains sont traités en rois par des marins qui se sentent d'humeur guillerette, tandis que d'autres vont chercher à manger et reviennent avec quelques dents en moins. C'est le terrible jeu de la roulette de l'humeur, à laquelle les clochards doivent se plier sans broncher.
Parmi tous ces avatars de la misère, il y en a cependant un qui se démarque du lot. Un être dont le pathétisme semble pouvoir atteindre des sommets jusqu'à alors inconnus. Une momie pas comme les autres, à la stupidité éthérée et au caractère casse-pieds. Les scènes de sa vie sont d'un vaudeville, et celle qui se déroule présentement sous le regard des passants effarés ne fait pas exception.
«P'TAIN DE NUAGES DE MERDE! Z'AVEZ PAS FINI, OUI? ÇA FAIT TROIS JOURS QU'VOUS M'PISSEZ D'SSUS! MES BANDAGES M'COLLENT À LA PEAU, J'SUIS EN TRAIN D'MOISIR!»Dans tout le port, une ambiance festive flotte. Les marins plaisantent et échangent, se chamaillent et chantent. Telles de braves fourmis ouvrières, ils travaillent à l'unisson pour accomplir leurs tâches colossales. À chaque minute, des tonnes de poissons sont tractées et transportées. Un rythme de travail impressionnant qui ne peut être atteint qu'avec une parfaite cohésion, une chaîne d'hommes qui font partie d'un tout et qui en sont fier.
Mais tant de chaleur et de brillance ne vient pas sans ombre, et pendant que les pêcheurs se délectent de leurs belles vies, les mendiants s'affairent à errer le long des quais et réclamer leur pitance. Berry par-ci, insulte par-là, chacun répond à sa façon au vieillard, à l'infirme, à la mère solitaire, au cul-de-jatte ou à l'aveugle. Certains sont traités en rois par des marins qui se sentent d'humeur guillerette, tandis que d'autres vont chercher à manger et reviennent avec quelques dents en moins. C'est le terrible jeu de la roulette de l'humeur, à laquelle les clochards doivent se plier sans broncher.
Parmi tous ces avatars de la misère, il y en a cependant un qui se démarque du lot. Un être dont le pathétisme semble pouvoir atteindre des sommets jusqu'à alors inconnus. Une momie pas comme les autres, à la stupidité éthérée et au caractère casse-pieds. Les scènes de sa vie sont d'un vaudeville, et celle qui se déroule présentement sous le regard des passants effarés ne fait pas exception.
L'énergumène jure, poing en l'air. Un à un, il maudit les nuages.
«NIQUE LES NIMBOSTRATUS! CUMULUS MON CUL! ATTENDS QUE J'T'ATTRAPE, ALTOSTRATUS! STRA...»
Un passant, croyant qu'il s'agit là d'une improvisation théâtrale de la part d'un artiste de rue, décida de lui lancer quelques piécettes. Cela expliquait sans doute le costume étrange dont était affublé cet individu bruyant. En le voyant faire, les autres spectateurs décidèrent de l'imiter. Peu à peu, un petit amoncellement de berrys se forma aux pieds du brûlé, qui ne réalisa pas le fait qu'il se donnait en spectacle.
Lorsqu'il termina enfin sa tirade cumulophobe, il jeta un coup d'oeil incrédule à la foule massée autour de lui, qui l'applaudissait.
«Z'avez quoi? V'voulez ma photo?»Lorsqu'il termina enfin sa tirade cumulophobe, il jeta un coup d'oeil incrédule à la foule massée autour de lui, qui l'applaudissait.
«Splendide!» «Encore!» «Quel talent!»
Croyant avoir à faire avec un habituel foutage de gueule, Atoum décida d'agir avec classe en dispersant la foule à l'aide de gestes obscène et de propos disgracieux. Puis il se pencha vers le petit tas de berry et poussa un long soupir. Il ne devait pas y avoir plus de 1000 berrys là-dedans, et pourtant, c'est le plus gros magot qu'il est parvenu à amasser depuis qu'il a quitté sa terre natale. Il s'était battu, il avait travaillé sans cesse, il avait souffert, et c'est ainsi qu'on le récompensait pour la première fois: un gage de pitié de la part d'une bande de prolétaires condescendants.
L'incendié poussa un long soupir. Le romantisme de son ancienne vie lui semblait déjà si loin. L'architecture, les femmes, le petit Café près de son bureau à Alubarna. Une vie simple et facile. Sans démangeaisons chroniques, aussi, et sans bandages. Il se pencha vers une flaque d'eau et contempla son reflet à la peau cartonnée.
Atoum leva les yeux vers un quai un peu plus loin et contempla les marins qui s'affairaient. Ça semblait si facile, pour eux. Une vie simple, satisfaisante. Inaccessible. Comment se faire des amis quand notre chair a la texture d'un charbon de bois? Le déprimé enveloppé renifla brièvement, puis détourna le regard et décida de partir prendre une petite marche le long du port.