Elle n’avait jamais été si mal entourée auparavant. Elle avait connu des types peu recommandables, des crasseux, des lépreux, d’anciens criminels, et bien d’autres appartenant au large spectre des personnes non fréquentables, mais elle n’avait jamais traîné avec tous à la fois. Si d’une manière général, Dead End n’était pas bien reluisante, c’était encore pire lorsque l’on s’approchait de l’arène du Crack. Formidable édifice sanglant et rameutant les foules par milliers, ses combat féroce et la gloire à en tirer avait attiré au fil des années une jolie masse de combattant courageux, ou fous. Et forcément, dans le tas, on retrouvait une énorme proportion de désespéré en quête de reconnaissance, d’une fin dans la gloire, ou tout simplement d’argent. Des gens qui n’avaient plus rien à perdre, en somme, et qu’ils meurent dans l’indifférence la plus totale ou qu’ils parviennent à se hisser au dessus des cadavres des autres concurrents, la foule qui venait assister à ces jeux sanglant adoraient les voir se débattre entre eux.
Et aujourd’hui, elle allait se retrouver à leur côté. Ln prix à payer pour se rapprocher de sa cible ; après tout, la plupart des personnes qui gagnaient leur croûte grâce aux combats parlaient bien de l’arène comme d’un « carrefour des peuples et d’un lieu sacré de rencontre ». Ce fut en tout cas ce que raconta la personne qui avait recruté la chasseuse. En échange de son arrivée ici, et d’une promesse d’argent mais surtout de renseignements, Klara s’était vu reléguée au rang de gladiatrice.
Ses journées en dehors de l’arène s’étaient vu rythmée par la chasse aux informations, aidée simplement d’un portrait grossier de la personne qu’elle cherchait et de son nom, même si il y avait toujours un risque qu’il ai usé d’un alias. Ne pas le trouver était frustrant, évidemment, mais ce qui la dérangeait le plus était le fait qu’elle n’avait strictement aucune idée de ce pourquoi il avait subitement décidé de traverser les mers pour se retrouver dans ce trou, précisément. Elle avait eu un début de réponse au détour de l’une des tavernes à ivrognes que l’on trouvait un peu partout sur l’île.
*
Elle entra dans l’édifice qu’elle avait rapidement identifié comme étant l’établissement qu’on lui avait indiquée. Ce fut sans grands espoirs qu’elle s’approcha du tavernier qui était occupé à dormir accoudé au comptoir. Elle avait tenté sa chance auprès de presque une dizaine de ses pairs, sans succès. Un de plus ou de moins n’y changerait pas grand-chose à ce stade, alors autant tenter sa chance. De toute manière, elle avait encore un peu de temps avant de devoir rejoindre celui qui gérait le groupe de combattants auquel elle appartenait.
Elle retira sa capuche et épousseta sa cape de voyage qu’elle portait par prudence. Il n’y avait que peu de client, à part un petit groupe de types proches du coma éthylique déjà à cette heure, et un vieux dégarni qui semblait dormir encore plus profondément que le tenancier. Ou alors il était tout simplement décédé. La chasseuse s’éclaircit la gorge.
– Bonjour. Je cherche quelqu’un.
– Hmhm… Vous consommez ?
– Non. Est-ce que, par hasard, vous n’auriez pas vu… ce type ? Demanda-t-elle en sortant le portrait usé qu’elle avait transporté avec elle depuis Bliss.
– Mouais. On y voit pas grand-chose. J’veux pas être méchant, mais des types balafrés avec une coupe à la con, y’a qu’ça ici, hein. Là comme ça, j’sais pas.
– Ravel.
– Quoi ?
– Son nom.
Il se redressa le dos et montra ses dents pourries dans un léger sourire qui se voulait amical.
– ‘Savez, tout travail mérite salaire… Et c’est pas simple de toujours tendre l’oreille et de se souvenir de tout.
– Ben voyons.
Ce ne fut qu’une fois délestée d’une petite partie des berrys qu’elle baladait avec elle que le tavernier se mit à faire bon usage de sa salive.
– Y’a un habitué d’ici. Il picole une partie de la journée et dort pendant l’autre, quand il a rien de mieux à faire. C’est-à-dire presque toujours, quoi… Le reste du temps, il tente de se refaire une fortune. En pariant dans les combats. L’autre soir, il rentre tout colère et saoul comme cochon. Il commence à gueuler comme quoi la roue avait enfin tournée pour lui, sauf qu’il était toujours aussi pauvre. On l’a volé, qu’il disait. J’ai pas tout compris ce qu’il racontait, parce que c’était quand même n’importe quoi et incompréhensible, mais je sais pour sûr qu’il a parlait de votre homme.
– Et vous savez où je peux le trouver ?
– Je rigolais pas quand je disais qu’il était tout le temps ici, fit-il en pointant du doigt le vieil homme assoupi au fond de la salle.
– Merci. Et je consomme, finalement.
*
Elle avait pris de l’avance, et c’est avec une choppe fièrement remplie dans la main qu’elle s’assit à la table du vieillard. Elle posa la posa sous le nez de l’homme qui renifla bruyamment et marmonna quelque chose d’incompréhensible dans son sommeil. Au moins, il était bel et bien vivant. Sans perdre plus de temps, Klara donna un grand coup de genoux sous la table l’air de rien, et l’ivrogne se réveilla en sursaut. Sa frayeur se dissipa rapidement à la vue de l’alcool.
– Salut.
– Eumh… b’jour, fit-il simplement après s’être mouché dans sa manche déchirée.
– C’est pour toi.
Elle avança un peu plus la chope.
– En échange, tu me dis ce que tu sais de ce type.
L’ivrogne reconnu aussitôt l’homme dessiné sur le bout de papier, comme si il avait son visage gravé dans sa mémoire.
– Oh p’té, c’est li, c’est c’fils de…
– Ouais, c’est comme ça que je me souviens de lui aussi. Et donc ?
– J’avais gagné j’vous dis ! Gagné ! Parié sur l’malade. Personne n’pari jamais sur l’malade. Pourtant ‘les a bin éclaté, hinhin. J’étais riche ! ‘pis y’a lui, Ravel qui s’appelle. J’sais parce que j’l’ai entendu l’dire en pariant. Ce con j’l’ai bin niqué, j’ai tout raflé. Il était pas content, ah non. Alors il est v’nu me voir à la fin, il avait b’soin de mon argent qu’il disait. Non que j’répond, c’est l’mien maintenant j’l’ai gagné, l’avait qu’à être moins con que j’dis. Sur s’coup là, y s’énerve et dis qu’c’est pour une plus grande cause, qu’y veut être généreux et participer à l’œuvre de ‘sieur… ‘sieur… j’sais pu. Qu’c’était pour un club ou… j’sais pu. Avec un vieux poisson tout puant et fondant à sa tête.
– Doppio ?
Le tavernier les avait entendu. Il fallait bien admettre que le vieil homme avait du mal à contrôler le volume de sa voix, si bien que personne n’était jamais tranquille quand il avait une histoire à raconter.
– Ouais ! Ah ça, jamais parié sur cui-ci, ah non moi j’vous l’dis un coup à tout perdre…
– Hahaha, mais dans quoi tu t’es encore fourré, toi.
– Vous le connaissez ? demanda curieusement la chasseuse.
– Pour sûr. Tout l’monde en a entendu parler, pour peu qu’on traîne du côté de l’arène. C’est un taré qui est suivi de plein d’autres tarés qui sont fans de lui. Il est taré, celui que vous cherchez ?
– Probable.
– Bah voilà.
– Bref, l’type y m’a cassé l’genou. Pis l’est parti avec mon fric.
– Vous savez où je peux le trouver, ce Doppio ?
– Nan. Mais si vous voulez mon avis, le meilleur moyen de lui tomber dessus, c’est…
*
– QUE DIRIEZ-VOUS D’UNE BONNE SOUPE DE TRIPES ET DE BOYAUX DANS UNE SAUCE DE SANG ?
– Ouaaaaaaaaaais.
– JE. VOUS. ENTENDS. PAS !
– OUAAAAAAAIS !
– CE SOIR N’EST PAS UN SOIR HABITUEL, OOOH NON ! CE SOIR, C’EST UN VÉRITABLE CARNAGE QUI VOUS ATTENDS ! REGARDEZ ! QUE DIS-JE ; ADMIREZ ! VOUS EN AVEZ MARRE DE LA MÈME ARÈNE DE SABLE QU’ON VOUS SERT DEPUIS LA NUIT DES TEMPS ? ET BIEN VOUS AVEZ ÉTÉ ENTENDU ! Bon, on a pas tout changé hein, vous êtes bien gentil les copains, mais ça servirait à rien… CEPENDANT ! ADMIREZ LA MAGNIFIQUE INSTALLATION UNIQUE DE CE SOIR ; L’IMMENSE CAGE QUE VOUS VOYEZ LA, EN PLUS DE RÉDUIRE LA LIBERTÉ ACCORDÉE AUX GLADIATEURS EN LES EMPÊCHANT DE FUIR LE GLORIEUX COMBAT EN ÉTANT PARFAITEMENT INFRANCHISSABLE, ELLE EST ÉGALEMENT GARNIE D’IMMENSE PICS QUI, NOUS L’ESPÉRONS, SAURONT VOUS ACCORDER UN DÉLICIEUX PLAISIR POUR VOS YEUX AVIDES DE VIOLENCE ET D’EXÉCUTIONS MORBIDES. ET CE N’EST PAS TOUT ! D’AUTRES PIÈGES ATTENDENT NOS NOMBREUX CONCURRENTS CAR OUI ! CE SOIR LES COPAINS, LES DUELS LAISSENT PLACE AU MASSACRE, AU CARNAGE, A LA GUERRE TOTALE ET AUX COUPS BAS LES PLUS PUTASSIERS ! CHERS AMIS, FAISONS MAINTENANT PLACE AUX NOMBREUX ANIMATEURS DE CE SOIR…
UN TONNERRE D’APPLAUDISSEMENT POUR NOTRE ROOKIE PRÉFÉRÉ !
SI DARREN L’ÉVENTREUR A DÉJÀ FAIT MAINTES FOIS FAIT SES PREUVES ICI MÊME EN ARRACHANT LE BIDE DE SES ENNEMIS, IL EST TEMPS DE VOIR CE QU’IL A VÉRITABLEMENT DANS LE SIEN !
SUIVI DE PRÊT PAR UNE PETITE NOUVELLE SORTIE TOUT DROIT DE L’ÉCURIE OWYNE™, UNE FÉROCE GUERRIÈRE QUI NOUS VIENT DE SOUTH BLUE… KLARA EILHART LA… DÉSILLUSION ? ESPÉRONS CEPENDANT QU’ELLE NE NOUS DÉÇOIVE PAS CE SOIR HINHIN !
Les noms défilèrent ainsi au rythme des applaudissements et des cris du commentateurs survolté, les têtes remplissant petit à petit l’arène réduite, jusqu’à ce que, finalement, il annonce les derniers noms.
ET N’OUBLIONS SURTOUT PAS NOS STARS, LES ROI DE LA CASTAGNE, CEUX QUE VOUS ADOREZ OU QUE VOUS ADOREZ DÉTESTER, JE VEUX UN OURAGAN D'APPLAUDISSEMENT POUR…
Dernière édition par Klara Eilhart le Mer 12 Juil 2017, 02:46, édité 1 fois