Aujourd'hui était un mercredi. Un jour des plus banals pour les culs-terreux de l'Amerzone. C'était le jour qui suivait le mardi, et précédait le jeudi. Pour Camille en revanche, il en était tout autrement. Vautré sur son vieux fauteuil de bureau – une épave de cuirs et de coussins couverte de tâches suspectes – celui-ci dormait paisiblement. Enfin « dormait », il fermait les yeux et tentait d'ignorer le bordel ambiant du fort parce qu'il n'avait rien de mieux à faire. Jusqu'à ce moment en tout cas.
Surpris, le caporal sursauta, renversant par la même une lampée de Rhum sur son trône favori, avant de diriger son regard vers un homme grassouillet aux cheveux poivre et sel.
Ces trois mot suffirent à arracher un long soupir à Camille. Ce dernier était un oiseau de nuit et s'arrangeait le plus souvent pour réaliser ses patrouilles précisément la nuit. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, les abrutis de cette île ont tendance à aller noyer leurs vies misérables dans les tavernes ou à dormir à ces heures-là. Les crimes en tout genre étaient plus rares, tout comme la probabilité de se retrouver nez à nez avec un dangereux malade. Et puis il aimait bien la fraîche atmosphère de ces patrouilles nocturnes.
Mais pas aujourd'hui, non aujourd'hui c'était sa patrouille de jour obligatoire. Tout le monde devait s'en acquitter à raison d'une par semaine, à l'exception du commandant de la base. Sa peine s’alourdit quand son supérieur hiérarchique posa sa main sur un gamin tout chétif en ouvrant sa à nouveau sa bouche.
Il faut dire que deux semaines plus tôt, deux matelots fraîchement recrutés dans la garnison du fort Plud s'étaient faits assassinés. Les malheureux avaient surpris des voleurs en flagrant délit en début de soirée et s'étaient sentis un devoir de les arrêter. Une erreur qu'ils ne risquaient plus de commettre maintenant qu'ils reposaient dans le cimetière. Mais la faute initiale incombait évidemment au Caporal Vetinari responsable de la grille des patrouilles qui avait mis ensemble deux novices sans la moindre expérience. Une tâche qu'il réalisait le plus souvent en plongeant sa main dans un sac rempli de petits papiers avant de sortir progressivement chaque nom des sous-fifres de la caserne. Bref, Camille avait fait une bourde, pas la première, et certainement pas la dernière puisque tout le monde s'en contrefoutait.
Le petit galopin qui venait de lui être confié faisait une tête de plus que lui. Il avait un visage rayonnant de fraîcheur sans un poil de barbe et portait à merveille un uniforme de matelot plus blanc que blanc.
Camille se leva de son siège avec une lourdeur déconcertante. Il enfila son gilet en cuir et fit signe au matelot de le suivre. La caserne était dans un état déplorable. Une couche de poussière recouvrait le sol parsemé de bouteilles vides, de cigarettes usagées ainsi que de déchets plus ou moins reconnaissables. Le tout flottant dans une lourde odeur de renfermé et de transpiration.
Dehors le soleil était haut dans le ciel et annonçait une chaude journée. La lumière vint agresser les fragiles pupilles du Caporal Vetinari qui décida de prendre une gorgée de rhum. A côté de lui, le matelot se tenait droit dans une forme impeccable, à la limite d'un garde-à-vous.
Le jeune matelot fixa son supérieur avec incompréhension pendant quelques secondes avant de s'exécuter, non sans une certaine déception pour sa magnifique tenue qu'il venait d'acquérir. Quelques allers retours suffirent à transformer le traditionnel uniforme en une sorte de vague accoutrement marron dégoulinant.
Les deux Marins du Fort Plud entamèrent alors le début de leur patrouille. Camille connaissait si bien le chemin qu'il pouvait, en fermant les yeux, savoir où il se situait juste à la sensation du sol dans ses pieds. Aujourd'hui en revanche, il rivait son regard sur l'horizon pour éviter toute complication avec le bleu qui l'accompagnait et ne cessait de l'assaillir de questions.
Camille s'arrêta subitement tandis que Johnny entamait un discours de jeune vierge effrontée sur la justice et comment il se devait d'aller secourir la personne hypothétiquement violentée. Il apercevait un navire qui s'approchait du port, recouvrant le fier drapeau du gouvernement mondial.
Il n'y avait que deux types de raisons pour lesquelles la Marine venait accoster sur l'Amerzone : les bonnes et les mauvaises. Sauf que n'importe qui vivant ici savait qu'il n'y avait aucune bonne raison de venir accoster sur cette île de dépravés.
- - Cam' ! Hurla une voix rauque.
Surpris, le caporal sursauta, renversant par la même une lampée de Rhum sur son trône favori, avant de diriger son regard vers un homme grassouillet aux cheveux poivre et sel.
- C'est le jour, annonça-t-il.
Ces trois mot suffirent à arracher un long soupir à Camille. Ce dernier était un oiseau de nuit et s'arrangeait le plus souvent pour réaliser ses patrouilles précisément la nuit. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, les abrutis de cette île ont tendance à aller noyer leurs vies misérables dans les tavernes ou à dormir à ces heures-là. Les crimes en tout genre étaient plus rares, tout comme la probabilité de se retrouver nez à nez avec un dangereux malade. Et puis il aimait bien la fraîche atmosphère de ces patrouilles nocturnes.
Mais pas aujourd'hui, non aujourd'hui c'était sa patrouille de jour obligatoire. Tout le monde devait s'en acquitter à raison d'une par semaine, à l'exception du commandant de la base. Sa peine s’alourdit quand son supérieur hiérarchique posa sa main sur un gamin tout chétif en ouvrant sa à nouveau sa bouche.
- Et voici le nouveau. Il va t'accompagner aujourd'hui. Ramène-le moi en un morceau celui-là, ordonna-t-il sur un ton dédaigneux.
Il faut dire que deux semaines plus tôt, deux matelots fraîchement recrutés dans la garnison du fort Plud s'étaient faits assassinés. Les malheureux avaient surpris des voleurs en flagrant délit en début de soirée et s'étaient sentis un devoir de les arrêter. Une erreur qu'ils ne risquaient plus de commettre maintenant qu'ils reposaient dans le cimetière. Mais la faute initiale incombait évidemment au Caporal Vetinari responsable de la grille des patrouilles qui avait mis ensemble deux novices sans la moindre expérience. Une tâche qu'il réalisait le plus souvent en plongeant sa main dans un sac rempli de petits papiers avant de sortir progressivement chaque nom des sous-fifres de la caserne. Bref, Camille avait fait une bourde, pas la première, et certainement pas la dernière puisque tout le monde s'en contrefoutait.
Le petit galopin qui venait de lui être confié faisait une tête de plus que lui. Il avait un visage rayonnant de fraîcheur sans un poil de barbe et portait à merveille un uniforme de matelot plus blanc que blanc.
- Tu vas à une cérémonie aujourd'hui le bleu ?
- Non Caporal !
- Ah.
Camille se leva de son siège avec une lourdeur déconcertante. Il enfila son gilet en cuir et fit signe au matelot de le suivre. La caserne était dans un état déplorable. Une couche de poussière recouvrait le sol parsemé de bouteilles vides, de cigarettes usagées ainsi que de déchets plus ou moins reconnaissables. Le tout flottant dans une lourde odeur de renfermé et de transpiration.
Dehors le soleil était haut dans le ciel et annonçait une chaude journée. La lumière vint agresser les fragiles pupilles du Caporal Vetinari qui décida de prendre une gorgée de rhum. A côté de lui, le matelot se tenait droit dans une forme impeccable, à la limite d'un garde-à-vous.
- Comment tu t'appelles matelot ?
- Johnny, Caporal !
- Parfait Johnny. Roule toi dans la boue qu'il y a juste là.
Le jeune matelot fixa son supérieur avec incompréhension pendant quelques secondes avant de s'exécuter, non sans une certaine déception pour sa magnifique tenue qu'il venait d'acquérir. Quelques allers retours suffirent à transformer le traditionnel uniforme en une sorte de vague accoutrement marron dégoulinant.
- - Je suis certain que tu tiens à la vie Johnny.
- Oui Caporal !
- Alors à partir de maintenant tu te démerderas pour trouver un autre uniforme pour tes patrouilles. Parce que se balader avec un uniforme de la marine – flambant neuf qui plus est – dans l'Amerzone c'est comme se balader avec une cible de la taille d'un éléphant tout en hurlant « Venez me planter un couteau dans le dos s'il vous plaît ». Et le pire dans tout ça Johnny c'est qui se je me balade avec toi, cette cible est contagieuse.
- Ce sera fait, Caporal...
Les deux Marins du Fort Plud entamèrent alors le début de leur patrouille. Camille connaissait si bien le chemin qu'il pouvait, en fermant les yeux, savoir où il se situait juste à la sensation du sol dans ses pieds. Aujourd'hui en revanche, il rivait son regard sur l'horizon pour éviter toute complication avec le bleu qui l'accompagnait et ne cessait de l'assaillir de questions.
- - Donc j'ai juste à suivre une route prédéfinie tout en vérifiant que tout le monde est en sécurité ?
- Voilà.
- Et si je me retrouvais, hypothétiquement, dans une rue face à une personne malavisée violentant une autre personne ?
- Tu changes de rue.
Camille s'arrêta subitement tandis que Johnny entamait un discours de jeune vierge effrontée sur la justice et comment il se devait d'aller secourir la personne hypothétiquement violentée. Il apercevait un navire qui s'approchait du port, recouvrant le fier drapeau du gouvernement mondial.
Il n'y avait que deux types de raisons pour lesquelles la Marine venait accoster sur l'Amerzone : les bonnes et les mauvaises. Sauf que n'importe qui vivant ici savait qu'il n'y avait aucune bonne raison de venir accoster sur cette île de dépravés.