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C'est le jour

Aujourd'hui était un mercredi. Un jour des plus banals pour les culs-terreux de l'Amerzone. C'était le jour qui suivait le mardi, et précédait le jeudi. Pour Camille en revanche, il en était tout autrement. Vautré sur son vieux fauteuil de bureau – une épave de cuirs et de coussins couverte de tâches suspectes – celui-ci dormait paisiblement. Enfin « dormait », il fermait les yeux et tentait d'ignorer le bordel ambiant du fort parce qu'il n'avait rien de mieux à faire. Jusqu'à ce moment en tout cas.

    - Cam' ! Hurla une voix rauque.


Surpris, le caporal sursauta, renversant par la même une lampée de Rhum sur son trône favori, avant de diriger son regard vers un homme grassouillet aux cheveux poivre et sel.

    - C'est le jour, annonça-t-il.

Ces trois mot suffirent à arracher un long soupir à Camille. Ce dernier était un oiseau de nuit et s'arrangeait le plus souvent pour réaliser ses patrouilles précisément la nuit. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, les abrutis de cette île ont tendance à aller noyer leurs vies misérables dans les tavernes ou à dormir à ces heures-là. Les crimes en tout genre étaient plus rares, tout comme la probabilité de se retrouver nez à nez avec un dangereux malade. Et puis il aimait bien la fraîche atmosphère de ces patrouilles nocturnes.

Mais pas aujourd'hui, non aujourd'hui c'était sa patrouille de jour obligatoire. Tout le monde devait s'en acquitter à raison d'une par semaine, à l'exception du commandant de la base. Sa peine s’alourdit quand son supérieur hiérarchique posa sa main sur un gamin tout chétif en ouvrant sa à nouveau sa bouche.

    - Et voici le nouveau. Il va t'accompagner aujourd'hui. Ramène-le moi en un morceau celui-là, ordonna-t-il sur un ton dédaigneux.

Il faut dire que deux semaines plus tôt, deux matelots fraîchement recrutés dans la garnison du fort Plud s'étaient faits assassinés. Les malheureux avaient surpris des voleurs en flagrant délit en début de soirée et s'étaient sentis un devoir de les arrêter. Une erreur qu'ils ne risquaient plus de commettre maintenant qu'ils reposaient dans le cimetière. Mais la faute initiale incombait évidemment au Caporal Vetinari responsable de la grille des patrouilles qui avait mis ensemble deux novices sans la moindre expérience. Une tâche qu'il réalisait le plus souvent en plongeant sa main dans un sac rempli de petits papiers avant de sortir progressivement chaque nom des sous-fifres de la caserne. Bref, Camille avait fait une bourde, pas la première, et certainement pas la dernière puisque tout le monde s'en contrefoutait.

Le petit galopin qui venait de lui être confié faisait une tête de plus que lui. Il avait un visage rayonnant de fraîcheur sans un poil de barbe et portait à merveille un uniforme de matelot plus blanc que blanc.

    - Tu vas à une cérémonie aujourd'hui le bleu ?
    - Non Caporal !
    - Ah.


Camille se leva de son siège avec une lourdeur déconcertante. Il enfila son gilet en cuir et fit signe au matelot de le suivre. La caserne était dans un état déplorable. Une couche de poussière recouvrait le sol parsemé de bouteilles vides, de cigarettes usagées ainsi que de déchets plus ou moins reconnaissables. Le tout flottant dans une lourde odeur de renfermé et de transpiration.

Dehors le soleil était haut dans le ciel et annonçait une chaude journée. La lumière vint agresser les fragiles pupilles du Caporal Vetinari qui décida de prendre une gorgée de rhum. A côté de lui, le matelot se tenait droit dans une forme impeccable, à la limite d'un garde-à-vous.

    - Comment tu t'appelles matelot ?
    - Johnny, Caporal !
    - Parfait Johnny. Roule toi dans la boue qu'il y a juste là.


Le jeune matelot fixa son supérieur avec incompréhension pendant quelques secondes avant de s'exécuter, non sans une certaine déception pour sa magnifique tenue qu'il venait d'acquérir. Quelques allers retours suffirent à transformer le traditionnel uniforme en une sorte de vague accoutrement marron dégoulinant.

    - Je suis certain que tu tiens à la vie Johnny.
    - Oui Caporal !
    - Alors à partir de maintenant tu te démerderas pour trouver un autre uniforme pour tes patrouilles. Parce que se balader avec un uniforme de la marine – flambant neuf qui plus est – dans l'Amerzone c'est comme se balader avec une cible de la taille d'un éléphant tout en hurlant « Venez me planter un couteau dans le dos s'il vous plaît ». Et le pire dans tout ça Johnny c'est qui se je me balade avec toi, cette cible est contagieuse.
    - Ce sera fait, Caporal...


Les deux Marins du Fort Plud entamèrent alors le début de leur patrouille. Camille connaissait si bien le chemin qu'il pouvait, en fermant les yeux, savoir où il se situait juste à la sensation du sol dans ses pieds. Aujourd'hui en revanche, il rivait son regard sur l'horizon pour éviter toute complication avec le bleu qui l'accompagnait et ne cessait de l'assaillir de questions.

    - Donc j'ai juste à suivre une route prédéfinie tout en vérifiant que tout le monde est en sécurité ?
    - Voilà.
    - Et si je me retrouvais, hypothétiquement, dans une rue face à une personne malavisée violentant une autre personne ?
    - Tu changes de rue.

Camille s'arrêta subitement tandis que Johnny entamait un discours de jeune vierge effrontée sur la justice et comment il se devait d'aller secourir la personne hypothétiquement violentée. Il apercevait un navire qui s'approchait du port, recouvrant le fier drapeau du gouvernement mondial.

Il n'y avait que deux types de raisons pour lesquelles la Marine venait accoster sur l'Amerzone : les bonnes et les mauvaises. Sauf que n'importe qui vivant ici savait qu'il n'y avait aucune bonne raison de venir accoster sur cette île de dépravés.
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Le vaisseau n’était pas un croiseur, mais guère plus qu’une de ces frégates légères de patrouille comme l’on en voyait beaucoup, avec un ordre de mission officiel parfaitement défini : l’état des lieux et un compte-rendu exhaustif de l’ensemble des infrastructures militaires de l’île d’Amerzone. En somme, rien d’exceptionnel, étant donné les barèmes intentionnellement revus à la hausse pour permettre de conserver cette garnison à l’état de dépotoir. Et si la philosophie derrière le statu quo était facilement compréhensible, la raison prescrite dans l’ordre de mission aurait pu faire hausser quelques sourcils ; il était bien évident et bien entendu que la véritable raison était ailleurs, l’Amerzone étant un endroit parfait pour tester les augmentations du système  Z0-l4 en environnement extrême et climat variable.

Dès le premier pas posé sur le ponton grinçant, les odeurs de poisson que l’on soupçonnait d’avoir pourri avant de griller s'infiltrant dangereusement par son nez légèrement retroussé par le choc olfactif, Judith savait qu’elle avait posé le pied dans un endroit mal famé. Ledit endroit mal famé étant un quai militaire, cela donnait le ton au reste de l’île. La cyborg soupira et secoua lentement la tête, avant d’ordonner aux marins de débarrasser  la cargaison… Avant de réaliser qu’il n’y en avait pas. Des dockers qui attachaient les amarres du navire, certes oui, mais nul homme du rang céans, ce qui eut le don d’emmerder passablement Judith. C’était pour leur médicaments et leurs merdes qu’elle se rouillait –littéralement- le cul sur ce marécage, fulmina-t-elle intérieurement passé même pas 5 minutes à terre (sur le ponton, pour être précis).

Mais de loin, elle pouvait voir deux culs-terreux marchant dans la rue de la corniche, en pas régulier et armés de leur fusil de service. Plus près, un homme et une femme, habillés comparablement, mais parfaitement immobiles et armés également semblaient faire la garde, tout en jetant des regards hésitants vers le navire qui venait de débarquer.

Kant, tu reconnais quelqu’un ?

Lᴇs ᴅᴇᴜx ᴜɴɪᴛés sᴜʀ ʟᴇ ᴘᴏɴᴛ : Sᴏʟᴅᴀᴛs Kᴀᴋᴜ Mɪᴛᴄʜɪ, ᴇᴛ Tᴀᴍ Dᴜᴋᴇ, ᴇɴ ᴘᴏsᴛᴇ à Aᴍᴇʀᴢᴏɴᴇ.
Aᴜᴛʀᴇs ᴜɴɪᴛᴇs ʜᴏʀs ᴅᴇ ᴘᴏʀᴛᴇᴇ ᴇғғᴇᴄᴛɪᴠᴇ.

Tu te fous de moi.

Lᴇ ᴄᴀʜɪᴇʀ ᴅᴇs ᴄʜᴀʀɢᴇs ᴅᴜ ᴘʀᴏᴊᴇᴛ K-4-NT ɴᴇ ʀéғèʀᴇ à ᴀᴜᴄᴜɴ ᴍᴏᴍᴇɴᴛ à ᴜɴᴇ ғᴏɴᴄᴛɪᴏɴ ᴅ’ʜᴜᴍᴏᴜʀ à ʙᴜᴛ sᴀᴛʏʀɪǫᴜᴇ ᴏᴜ sᴀʀᴄʀᴀsᴛɪǫᴜᴇ ᴅɪʀɪɢéᴇ sᴘéᴄɪᴀʟᴇᴍᴇɴᴛ ᴄᴏɴᴛʀᴇ sᴏɴ ᴘʀᴏᴘʀᴇ ᴜᴛɪʟɪsᴀᴛᴇᴜʀ.

Sans autre cérémonie, Judith s’avança vers eux, en leur faisant signe de s'approcher.

-Eh ! cria-t-elle. Qu’est-ce que vous foutez ?
Elle mit ses deux doigts dans sa bouche et siffla à l’addresse des deux autres, avant de leur faire signe de venir. Sans attendre les ‘patrouilleurs’ (et sans certitude qu’ils étaient réellement de la Marine, même si  les baraquements du fort n’étaient pas si lointains), Judith s’entreprit d’informer consciencieusement les incompétents de leur infraction au protocole.


-Les gars, les gars, les gars…
Se lamenta-t-elle sur un ton faussement magnanime. Ce n'est pas comme si elle allait faire suite avec un rapport disciplinaire de toute manière, aussi voulait-elle faire passer le message de manière un tant soit peu constructive, avant que tout soupçon de sang-froid ne disparaisse de son corps mécanique.Lorsqu’un officier descend sur un foutu ponton, il faut le signaler et réclamer l’attention des gens dessus. Plus encore, lorsque y’a un foutu navire qui vient d’accoster.

-On aurait bien voulu, chef, fit l'homme qui réussit à trouver le courage de répondre après quelques secondes de flottement. Mais l’sergent était parti et puis y’a des gars qu’étaient censé garder à vot’ niveau et du coup…

-Ntss-Ntss, interrompit Judith en levant un index réprobateur, l'agitant pour mieux marquer sa désapprobation. Déjà, c’est ‘Mon Lieutenant’, mon grand, et pas ‘chef’. Ou ‘Madame’, quand on sait pas. Putain, vous avez fait le camp où on vous a juste envoyé dans ce bourbier sans formation ? On balance son sergent et ses potes ? Allez, montez prendre vos merdes, que je vois plus vos faces de trou-du-cul.

Les marins s’exécutèrent, avec pour toute réponse un sourire narquois et oui m’dame à moitié maugréé. Il était bien entendu évident pour eux que Judith ne connaissait rien des pratiques amerzoniennes. Foutaises. J’ai vécu à Terminal. Je sais ce que c’est que de se planquer pour survivre. Judith attendit les bras croisés les arrivants pour leur servir un autre speech.

-Repos les gars. Bon, vous savez qui est le troufion de la corvée registre ? Vous savez, pour maintenir les allers et retours et s’assurer qu’on n’est pas dans un moulin ? Parce que pour l’instant, je vois aucun marin, mais un sacré paquet de couillons déguisés en sac de blé. Puis ensuite vous allez aider les copains en soute ? Il y a du matos à débarquer. Vous savez, l'aspirine pour décuver et la soude pour vos morpions, là.


Judith y allait un peu durement, mais cela pouvait s’expliquer par plusieurs points. Le principal étant que l’humidité ambiante commençait à sérieusement à l’importuner, mais aussi parce qu’elle savait que ces gens ne faisaient que vivre une gueule de bois permanente traçant ses débuts à leur affectation ici, et que quelques engueulades durant le service n’allaient point faire de mal à cette gente qui n’allait pas tarder à découvrir son côté ‘conciliant’.
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Camille but bruyamment dans sa bouteille avant de grommeler en avançant vers le port. Il avait reconnu l'embarcation : c'était les ravitaillements. En général une bande de types attirés par la prime pour les longs déplacements en mer. Lorsqu'ils arrivaient jusqu'ici, ils restaient tout juste le temps de tout balancer sur le pont avant de repartir aussi sec. Non, personne n'appréciait l'Amerzone et ça tombait bien, l'Amerzone n'appréciait pas les étrangers non plus.

Au fur et à mesure qu'il s'approchait, une vague silhouette se transformait en une jeune femme saisissante. Elle était fine, propre, bien habillée et sans une faute de style par-dessus le marché. Autant dire un mouton à cinq pattes sur cette île et plus particulièrement au Fort Plud où le taux de testostérone explosait tous les records (ce qui était sans doute la raison du bordel permanent qui s'y était installé depuis de nombreuses années).

    - Je suis nerveux, je sens que je vais faire une bêtise, avoua Johnny à voix basse.
    - Tu peux jamais te planter en étant matelot. Tu salues tout ce qui bouge et tu repeins le reste.


Avant d'arriver à sa hauteur, les deux marins eurent tout juste le temps de voir leurs collègues s'exécuter en tremblotant comme des flans suite à leur réprimande. Le Caporal Vetinari sut alors qu'il était question d'accueillir du gratin. « Saloperie d'officier » pensa-t-il. La dame en question leur servit le speech classique. Un petit peu de « bouge ton cul » par-ci, un petit peu d'humour par là, un soupçon de condescendance et tadaaa, le tour était joué. Pour un Officier d'un grade donné, la catégorie des imbéciles commence au grade immédiatement supérieur ; celle des idiots à celui immédiatement inférieur.

Le bleu s'apprêta à partir immédiatement à la tâche mais fut retenu par son Caporal qui lui chuchota quelques mots. Le matelot fit alors volte-face pour repartir dans la même direction par laquelle il était arrivé, en courant cette fois.

    - Lieutenant? Repris Camille en pivotant sa tête à droite puis à gauche. Je ne vois rien à saluer pourtant.

Le ton caressait la limite du dédain. Certes, le Caporal n'avait pas non plus sa tenue de fonction, mais lui tout le monde le connaissait sur l'île. A l'inverse cette étrangère ne pouvait que grimper dans l'échelle de suspicion.

    - Qu'est-ce qui me dit que vous avez pas détourné cette frégate en vous faisant passer pour ce que vous n'êtes pas ?


Le regard était vigilant et l'esprit affûté malgré les litres d'alcool engloutis depuis son réveil. Pas question de se faire avoir. Les Amerzoniens rendaient la vie dure aux représentants du gouvernement mondial, les escroqueries de ce genre étaient monnaie courante. Qui plus est, la chevelure soyeuse de cette demoiselle laissait penser qu'elle n'avait pas eu affaire à la sueur et aux sels marins auxquels tout homme en poste sur un navire est confronté.

« Clairement, il y a une couille dans le potage », se dit-il.
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C'était une belle journée, à priori.  Le soleil irradiait tout le monde de sa chaleur aveuglante et l'île se chargeait d'étouffer les survivants avec un taux d'humidité tellement élevé que trois minutes passées dans l'ombre suffisaient à faire transpirer le plus frileux des quidams. Une belle journée, pour les Boréalins qui ne connaissaient de l'été que trois jours où la petite laine devenait facultative. Pour Judith Zola néanmoins, ainsi que l'ensemble de son équipage, par contre, la journée venait de prendre une tournure pour le moins ennuyeuse, sinon emmerdante. Et tandis que le soldat en face d'elle avait proféré ses énormités, évacués de sa nonchalante bouche de nonchalant de troufion, Judith considéra ses options avec soin. La première option, et sans doute la plus intuitive en stock,était un cassage de dents en bonne et due forme, à l'instar de cet amiral qui fusillait tout ceux qui désobéissaient à ses ordres. Option qui, pour Judith, l'habituée des coups de bâtons et des idiots, semblait, de secondes en secondes, être l'option la plus séduisante de toute.

L'autre option, que Judith n'aimait pas du tout  mais dont d'autres officiers autrement plus raffinés raffolaient, était de ne rien faire céans et de simplement faire passer le soldat en procédure disciplinaire. La procédure disciplinaire dans ce cas n'allait guère risquer d'aller loin, Amerzone étant la pire affectation de l'ensemble des Blues. En plus de cela, l'homme pouvait éventuellement avoir de la famille à nourrir, et Judith ne pouvait se permettre de priver de ses gages ne serait-ce qu'un idiot impertinent, elle qui ne connaissait que très bien les souffrances de la privation.

Mais il restait encore une option.

Mᴏʏᴇɴ ᴅᴇ ᴘʀᴇssɪᴏɴ ɪɴᴜᴛɪʟᴇs. Rᴇᴄᴏᴍᴍᴀɴᴅᴇ ʀᴀᴘᴘᴇʟ à ʟ'ᴏʀᴅʀᴇ ɪᴍᴍéᴅɪᴀᴛ.

Oui... Ouiiiii.... Plus de condescendance, voilà ce qu'il leur fallait, pensa-t-elle.

-Mon grand, commença-t-elle sur un ton doucereux d'abord, je pense que toi et tes gens sont des braves, et je ne sais pas si vous avez été formé ici, mais ça en a tout l'air vu votre niveau d'ignorance à toi et tes petits camarades. Si j'ai été la première à descendre, c'est pour apporter à votre officier de consigne ce papier-là (elle l'agita brièvement avant de le ranger dans sa poche), j'ai signalé 10 minutes avant mon amarrage mon arrivée au QG. Tu veux qu'on réveille ton chef pour confirmer ? C'est ton droit, si tu veux passer pour un con, et que ton collègue l'officier de consigne se retrouve radié pour avoir quitté son poste, alors qu'en portant ce que vous portez, vous êtes tous autant coupables que lui. Alors tu ouvres bien tes écoutilles, espèce d'imbécile, espèce d'idiot, tu fermes ton bec qui sent comme un tonneau de grog avarié. Je suis pas ici pour foutre des rapports, mais je te jure sur ma vie que si tu essaies de rendre les choses personnelles, j'en ferai de même. Alors tu décanilles tout de suite en soute et tu pars aider tes amis.

Judith lui avait dit ces mots en crescendo, chaque mot un peu plus dur que celui d'avant, à tel point que les marins s'attroupèrent discrètement lorsqu'elle prononçait sa dernière phrase. Mais sa dernière phrase, elle prononça doucement en s'approchant d'un pas de trop. L'odeur de l'alcool bu se fit sentir d'autant plus sous cette senteur caractéristique de mélasse trop longtemps restée en cale.


-Continue à te comporter comme un parasite comme ça, et ne t'étonne pas si personne ne veuille jamais te muter, à te saoûler un midi comme un déchet humain et en manquant de respect à tes chefs.


Les fortes têtes, elle connaissait bien. Elle en était une, après tout, et elle ne le prenait pas personnellement. Zola pouvait même laisser passer ça, pour peu d'avoir une explication derrière. Mais c'était le genre de bras de fer qu'elle détestait avoir à mener depuis son passage en prison militaire. Se prendre la tête avec un frère branleur n'était pas dans ses priorités.
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« Des braves »? Non, cette demoiselle n'avait sans aucun doute jamais mis les pieds sur l'Amerzone. En sept ans de service, Camille n'avait pas entendu une seule personne parler en des termes ne serait-ce que vaguement élogieux des marins du fort lud. Les rares fois où des locaux leur adressaient la parole c'était pour leur rappeler à quel point leur incompétence dépassait la totalité des pires déchets de l'île.

Cette introduction presque sympathique permit néanmoins de retenir toute l'attention du Caporal Vetinari qui sentait le peu de confiance qu'il avait s'écrouler au fur et à mesure des secondes. Alors que les remontrances s'accumulaient sur son dos, Camille maudissait cet imbécile de première classe Grolander s'occupant des escargotransmissions. Il devait en avoir moins d'une dizaine à gérer par semaine et il n'était pas foutu de les noter sur un papelard pour en avertir ses supérieurs.

Autour d'eux les marins fixaient la paire de gradés avec attention. Tels des spectateurs devant une bonne baston, ils attendaient la réplique du Caporal avec impatience. Le dénouement leur laissa bien évidemment un amer goût dans la bouche.

    - Au temps pour moi, Lieutenant.


Le salut était approximatif mais au moins était-il fait les mains vides de toute bouteille de rhum. Camille s'empressa ensuite d'exécuter les ordres en bon petit soldat, le regard vide de toute motivation.

Son choix avait été rapide et pour cause. S'il s'agissait effectivement d'un Lieutenant qui se tenait devant lui, alors il s'agissait d'un officier de même rang que le commandant du Fort Plud ou comment dire quelqu'un capable de lui faire vivre le pire enfer pour peu que cela existe en dehors de l'Amerzone. Si en revanche c'était un coup fourré rudement bien orchestré, et bien ce ne serait qu'une autre occasion pour le gouvernement mondial de se ridiculiser. Ici, les membres de la fière Marine n'en étaient plus à ça près.

    - CAAAAAAAAAPOOOOORAAAAAL.


Johnny débarqua à toute vitesse sur le pont, saluant brièvement le lieutenant avant de se pointer face à son mentor le visage dégoulinant de sueur.

    - Pffff... le pfff... commandant est pfff.... introuvable.
    - Et le sergent-chef ?
    - Il fait pffffffff... sa sieste.


Le désespoir pouvait se lire sur le visage du Caporal Vetinari qui jeta un regard impuissant au Lieutenant qui s'impatientait. Il donna la caisse qu'il tenait dans ses bras au matelot qui reprenait tout juste son souffle quand il fut à nouveau interpellé par une voix plus grave cette fois-ci.

    - Oy, le merdeux. Glauque fout le grabuge au Margoulin. Toi et tes troufions vous allez vous en occupez avant que ça dégénère.

L'homme qui venait de débiter ces mots faisait facilement trois têtes de plus que le caporal, et son avant bras était proche de la circonférence de n'importe quelle cuisse du quidam moyen. Aussi, Camille ne se sentit pas d'une folle envie de rétorquer quoi que ce soit.

    - Lieutenant, dit-il en s'approchant, j'imagine que vous avez affaire avec le Commandant... ? Ça vous ennuierait de m'accompagner ?


Habituellement le Caporal Vetinari ne s'aventurait jamais de jour en ville sans quelques uns des matelots les plus expérimentés mais la situation l'empêchait de larguer un supérieur au beau milieu du ponton pour aller chercher du renfort. Le bar du Margoulin était tout proche, c'était l'occasion de réparer sa connerie tout en refilant toute la responsabilité à ce lourdaud de Glauque qui n'avait de commandant que le nom.
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Trois silhouettes avançaient dans le long couloir mal éclairé du Margoulin. Les murs en pierres étaient noircis par la crasse accumulée depuis des années. Les pas étaient asynchrones et difficiles tant le sol jonché d’alcool bon marché était devenu poisseux. Au fond de la galerie se trouvait une porte vitrée qui peinait à étouffer le brouhaha provenant de l’intérieur.
Camille n’en menait pas large au milieu des deux personnes qui l’accompagnaient : l’une pouvait mettre un terme à sa vie – sans doute dans d’atroces souffrances – à tout moment et l’autre lui pourrir sa carrière plus vite que ne l’eut fait l’ancien lieutenant d’élite Glauque en pissant du haut des remparts sur la table d’un contre-amiral. Il s’agissait de l’un de ces rares moments où il regrettait de ne pas être un de ces bureaucrates haut placés assis pépère sur un luxueux fauteuil en cuir à se demander quel repas lui serait servi à midi.

    - Tu comptes l’ouvrir cette porte ou simplement rester devant à la fixer avec tes yeux de merlan frit ?

Caporal. Ils oubliaient toujours le « caporal ». Pas que Camille soit particulièrement attaché au protocole mais merde, avec « tout » le boulot qu’on lui refilait sous prétexte qu’il était plus gradé que les matelots du camp, il ferait beau voir qu’on lui reconnaisse pas ça avec un Caporal finement prononcé dans les règles de l’art. Mais bon, supérieur oblige, il se contenta d’un rictus en guise de réponse avant de s’exécuter.
D’un coup, le vacarme jusque-là contenu se déversa sur eux. A l’intérieur on retrouvait plusieurs tables de jeux où se concentrait une partie de la population du bar tandis que le reste étaient assis au comptoir ou sur des tables en bois discutant affaire et coup bas autour d’un alcool à base de poudre noire que seul un amerzonien pouvait apprécier…

    - Glauque est sur la gauche en train de se faire plumer comme un bleu et il commence à voir rouge. Il fout le bordel, vous ramassez.


Clair, concis, brutal. Cogneur ne portait pas ce surnom par hasard. Il occupait la fonction d’éjecteur : c’est comme un videur, mais Cogneur mettait plus de cœur à l’ouvrage. Or il ne pouvait s’occuper de Glauque. La gestion du Fort Plud par ce cher Lieutenant Glauque arrangeait tout le monde puisqu’il ne faisait à peu près rien en dehors de boire – une des rares caractéristiques communes qu’il partageait avec Camille. Ainsi quand l’une de ses beuveries quotidiennes posait problème, c’était les sous-fifres qu’on venait chercher et tabasser si besoin était pour éviter le renouvellement des écarts de leur commandant. D’autant que son passage dans la marine d’élite refroidissait les amerzoniens qui voulaient s’y risquer.
Camille traversa la salle en direction de son commandant non sans faire un détour auprès du bar pour y récupérer une bouteille de rhum. C’était loin d’être le meilleur mais au moins allait-il servir de motivation.
La mystérieuse visiteuse quant à elle attirait de nombreux regards sur sa personne. Impossible de passer inaperçu dans un bar où vous êtes la seule personne à ne pas avoir les organes sexuels qui pendouillent, notamment quand la personne se révélait particulièrement féminine en dépit de son appartenance militaire.

    - COMMENT CA ELLE ETAIT PAS LA LA BOULE… *BURP*
    - Ca c’est parce que vous êtes pas attentifs commandant. On en est donc à trois millions de berrys, votre voilier et deux larbins en corvée nettoyage pour la quinzaine qui arrive.
    - J’chuis sûuuuur que l’machin, la boule, l’était sous *burp* celle-là, fit-il en pointant le gobelet d’un doigt tremblotant.
    - Elle était pourtant sur celle-ci.
    - J’CROIS, que vous essuyez, ssuiyez, que vous esseuillez… que vous m’roulez dans la semoule. J’aime pas b’en ça *hips*. ELLE ETAIT OU LA BOULE ?!

Glauque s’était levé en tapant du poing sur la table, littéralement. Un bruit presque insignifiant au milieu du vacarme du Margoulin mais suffisamment fort pour attirer l’attention du Caporal qui après s’être servi un verre, puis deux, puis trois, commençait à oublier la raison de sa présence ici.

    - Commandant, on va p’tet arrêter le tir avec le bonneteau, d’autant qu’un gradé est passé nous voir, conclut Camille sur une voix chuchotée.
    - Y F’RAIT BEAU VOIR !

Le voilà qui atterrit sur la table d’un saut agile qui ne laisserait pas deviner sa cinquantaine bien tassée et son ventre bedonnant. L’équilibre était approximatif. Le regard se voulait perçant mais c’était surtout la main qu’il venait de poser sur le manche de son katana en bois brut qui alerta l’œil attentif de Cogneur. Mauvaise nouvelle pour le Caporal Vetinari. En un mouvement du bras, Cogneur rameuta une meute de sbires qui étaient dispersés dans le bar.

    - Et sinon, hormis se déglinguer le foie en un temps record au milieu d’un bar miteux vous avez d’autres talents Lieutenant Glauque ? Manifestement pas celui de former et d’éduquer vos subordonnées de ce que j’ai pu en voir jusqu’ici.


La voix s’était imposée en maître dans la salle. Le silence qui la suivit en fut le témoin. Des chuchotements prirent alors le relais tandis que Glauque se retournait pour faire face à son interlocutrice l’air ébahi.

    - Et puis, en toute franchise, quitte à choisir un coin pour vous torcher la tronche à n’en plus savoir saluer un camarade officier, vous pourriez prendre un établissement un tant soit peu décent avec autre chose que des abrutis en manque qui se sentent en ébullition dès qu’une femme y entre.

Les esprits s’échauffèrent : c’était la réplique de trop. D’abord des insultes puis un premier courageux vint poser sa main sur l’épaule de Judith. En deux mouvements souples, il se retrouva face contre terre, le visage enfoncé dans le sol par la bottine du lieutenant Zola. Camille profita de la situation pour faire descendre son commandant de la table.

    - Commandant il faudrait p’tet mieux garder votre katana dans son fourreau et qu’on rentre rapidement chez nous cette dame, enfin ce lieutenant vient de nous livrer le ravitaillement…

Qui dit ravitaillement dit alcool, et qui dit alcool dit plus besoin de ramener quotidiennement ses fesses ici. Aussi, il acquiesça d’un vague grognement.
Le lieutenant Zola quant à elle s’était lancé dans une mêlée sans fin. Cogneur avait refusé toute utilisation d’arme à feu ; avec la quantité de rhum qui trainait, la moindre balle perdue allait enflammer toute la baraque. Aussi, la plupart s’étaient jetés sur elle avec leur sabre tandis que les plus sournois attendaient une opportunité avec des poignards.
Les os brisés se multiplièrent dans un fracas de métal et de cris. L’apparente frêle demoiselle venait de déplier une lame à l’aide d’un mécanisme rudement sophistiqué attaché à son bras droit et s’en servait avec une habileté redoutable. Un ou deux malheureux passèrent à travers une fenêtre déjà brisée.
Dans le fond de la taverne, les deux fiers (barré) membres du fort Plud s’échappèrent furtivement du chaos par la porte de derrière laissant seule leur « collègue » sans la moindre vergogne.
Une dizaine de minutes plus tard, Cogneur interrompit les festivités. Le lieutenant Zola avait laissé derrière elle une jolie montagne d’amerzoniens plus ou moins conscients. Quelques égratignures étaient venues abîmer son visage et sa tenue impeccable. Satisfaite de l’efficacité de ses améliorations cybernétiques, elle quitta Amerzone en direction du port. Avant d’embarquer sur sa frégate, elle jeta un dernier coup d’œil sur le fort qui trônait à l’horizon. Sur son visage se lisait la même expression avec la quelle repartait tous les étrangers à cette île : le dégout.
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