_ Alors c'est lui?
_ Tout à fait Boss.
Assis sur une chaise à laquelle il était littéralement attaché, Sunbae regardait avec un air perplexe les trois hommes en face de lui. Un petit homme à l'air de fouine et deux gorilles bodybuildés. Le Roona pensa que le monde criminel était décidément rempli de clichés.
Comment en était-il arrivé à cette situation? Disons que les proxénètes ont leur façon de travailler et n'aiment pas vraiment qu'on vienne chambouler tout ça.
Trois jours plus tôt, c'est avec la sensation de draps propres et soyeux couvrant son corps que l'homme aux cheveux gris se réveillait. Une douce odeur de café lui parvenait aux narines alors qu'il essayait de se rappeler de l'endroit où il était. La mémoire lui revint alors que la porte de la chambre s'ouvrit. Clara, une jolie jeune femme, accessoirement prostituée, rencontré par Sunbae à son arrivée sur Rokade entra dans la chambre, une tasse de café à la main.
_ J'ai pensé que ça te ferais du bien après hier soir, dit-elle en lui tendant le breuvage encore chaud.
Il rougit à l'évocation de "hier soir". Après le succès de son travail en coopération avec un psychopathe du nom de Dorian Silverbreath, le Roona avait passé la soirée entre la joie d'avoir gagné plus d'argent qu'il n'en avait jamais eu et la paranoïa causé par l'obligation de rester discret sur l'obtention dudit pactole. Il apprenait sur le tas les inconvénients de la vie de criminel, notamment ne pas pouvoir se laisser aller à une orgie de débauche et de luxe après une opération réussi, les autorités locales ayant tendance à se méfier des pauvres devenus riches en une nuit.
La soirée et les célébrations se résumèrent à quelques verres chez Dorian avant de se faire chasser par l'intéressé à l'alcool mauvais. Dépité et seul dans un lieu inconnu aux alentours de trois heures du matin, il retourna à la seule maison dont il connaissait encore l'emplacement. Il était arrivé chez Clara après plusieurs minutes de marche et avait tambouriné à la porte de la belle jusqu'à ce qu'elle vienne lui ouvrir, exaspérée par le bruit.
A peine eut-elle ouvert la porte que Sunbae s'engouffra dans la maison, sans lui laissait le temps de lui mettre le coup sur la tête qu'il aurait mérité pour réveiller les braves gens, et i lui lança quelques billets avec un air dédaigneux.
La suite était plus confuse mais il se rappelait avoir accusé la jeune femme de lui avoir menti sur la nature de son travail avant de se vanter de ses gains puis de s'annoncer comme le Macro Prolo : protecteur des putes et futur homme très riche.
Après c'était le trou noir.
L'attitude de Clara avait cependant tendance à le rassurer, peut être ne s'était-il pas tant comporté comme un trou du cul que ses souvenirs ne le laissaient entendre. Puis elle reprit la parole.
_ Par rapport à hier soir, je suis prête à passer l'éponge car ton projet me plaît bien, et que tu m'as filé un sacré paquet de pognon, mais revient foutre le bordel chez moi complètement bourré en pleine nuit et je t'assure que tu le regretteras. Compris?
_ Mon projet?
_ Ton syndicat des putes, je crois que t'as appelé ça : Le Sein Ducat. J't'ai même noté les adresses de quelques bordels que tu pourrais allez voir. J'te conseille d'ailleurs de te dépêcher si tu veux faire tout ce dont tu m'a parlé hier.
Tout ceci avait été dit de manière très professionnelle, comme si sa secrétaire était venu lui rendre compte des chiffres de la veille. Il ferma les yeux, prit une gorgée de café et se mit à penser que cette impression, même fugace, de diriger une entreprise était diablement agréable. Même s'il ignorait ce qu'il était censé faire maintenant malgré ce que venait de dire Clara.
Il devait l'interroger et ouvrit donc les yeux avant de prendre la parole mais fut interrompu par ce qui lui faisait face. Il avait remarqué que son hôte portait un tablier sans y faire attention mais, maintenant qu'elle lui tournait le dos pour sortir, il fut surpris par son apparente nudité. Il appréciait encore le gigotement notable de certaines zones charnues que la porte se refermait sans qu'il ne put faire autre chose que rougir, s'étrangler avec son café, tousser en renversant le liquide brûlant sur sa poitrine et étouffer un cri de douleur.
S'il avait été moins surpris, il aurait surement remarqué le sourire impertinent et le clin d'œil de la prostituée et aurait pu déduire les évènements de la veille plutôt que de passer, vainement, les minutes qui suivirent à chercher la signification de ce "dos nu".
Quelques heures plus tard, c'est dans un tout autre environnement que se trouvait Sunbae. A l'intérieur de "La Grive Oisive", bordel doté d'une solide réputation et à la fréquentation élevée, il attendait quelqu'un. Première des adresses marquées par Clara, elle l'avait noté d'une étoile qui avait intrigué le jeune homme. Qui compris une fois sur place.
Julia Carmin.
Employée de la Rainbow House, futur co-possession du Roona si tout se passait comme prévue, elle était également l'une des rares personnes au courant de ses projets. Privée de ses revenus pour quelques temps, elle n'avait pas tardé à trouver un moyen de compenser ses pertes pensa-t-il.
Bref, il avait vu sa photo et avait tout de suite compris une chose : bourré ou pas, il conservait le même mode de raisonnement. S'il souhaitait créer une organisation protégeant les intérêts des prostituées au sein d'un environnement tel que celui de Rokade, il lui fallait attaquer par le bas de la pyramide. Qui, dans son bon droit, offrirait naturellement des avantages à ses employés s'il n'y était pas obligé?
Les moines d'où il avait grandi, aimaient dire que l'on pouvait juger de la valeur d'un homme à sa façon de traiter ceux lui étant inférieurs. Sun' doutait que les proxénètes du coin aient une telle grandeur d'âme, il fallait donc leur forcer la main. Prendre les rênes de Rokade étant un objectif inatteignable, il ne pourrait les amener à faire ce choix qu'avec beaucoup de négociations et le poids du nombre.
La solution était donc évidente : il devrait créer son organisation dans le secret et rassembler des partisans avant de pouvoir passer à la suite.
Et la personne qui lui semblait le plus à même de l'aider dans cette tâche n'était autre que Julia Carmin. Elle semblait avoir une certaine réputation dans le milieu et leurs précédentes entrevues lui avait laissait l'impression d'une femme tout à la fois capable et intelligente, bien qu'elle l'effrayait un peu. Il était sûr qu'elle saurait lui indiquer les personnes à voir et peut être même faire du lobbysme pour son compte.
C'est donc avec un grand sourire qu'il accueillit l'arrivée de la pulpeuse et séduisante rouquine.
_ ... et c'est pour ça que j'ai besoin de ton aide.
Sunbae venait de finir son exposé sur son projet et ses réflexions sur la manière de le mener à bien. Il attendait maintenant la réponse de Julia.
Celle-ci l'avait écouté attentivement. L'homme l'intriguait depuis qu'elle avait fait sa rencontre quelques jours plus tôt et il continuait de la surprendre. Elle pensait qu'il aurait mit plus de temps avant de se lancer et pas avec quelque chose de déjà défini. Il semblait clair sur ses intentions et ses idées mais paraissait également un peu trop confiant.
_ Et si les grands patrons se rendent compte de ce qu'il se passe?
_ Ce sera pas bon, c'est certains mais si c'est pour les filles que tu t'inquiètes je pense pas qu'elles craignent grand chose. Comme je l'ai dit plus tôt, la main d'œuvre ça coute cher et c'est chiant à remplacer. On est jamais à l'abri d'un massacre en règles mais ça me semble peu probable. Je pense que c'est moi qui prendrait, histoire de faire un exemple et éviter que des idées de droits sociaux reviennent à la mode.
_ Eux peuvent se permettre de s'attaquer directement à la tête sans s'occuper de la masse.
_ Ca reste généralement la meilleure solution. C'est ce que je ferais si j'étais eux en tout cas, pourquoi punir des dizaines d'individus si en tuer une seule calme les autres?
Julia plissa les yeux. Il lui semblait étrange que ce nouveau venu sur Rokade, de ce qu'elle savait un honnête citoyen, se soit habitué si vite à la façon de pensée des locaux. D'une certaine manière, elle trouvait cela plus effrayant que bien des choses horribles qu'elle avait pu voir par le passé.
D'un autre côté, son plan pouvait marcher. Mettre la pression sur les patrons et les forcer à céder devant de possibles revenus alternatifs. Trouver un système qui conviendrait à tout le monde serait compliqué mais pas totalement impossible.
Elle réfléchit encore un moment face à son interlocuteur, silencieux, en attente de sa réponse.
"C'est décidé", pensa-t-elle en se levant.
_ Allez, c'est parti tu m'as motivé!
_ Et on va où, parvint à demander Sunbae alors que Julia l'entrainait à sa suite.
_ Voir une vieille amie. Exactement la personne qu'il te faut.
_ Et tu peux te barrer, comme ça? C'est pas genre, ton nouveau job?
_ Sauf que j'ai une réputation moi, Monsieur. N'importe quelle propriétaire de bordel du coin est prêt à m'accueillir avec d'excellentes conditions. Mon nom à l'entrée suffit à faire venir des clients.
_ T'as déjà la belle vie quoi...
_ Exactement!
Ils sortirent ensemble de l'établissement et Sunbae ne put s'empêcher de ressentir un frisson lui parcourir l'échine alors que nombre de regards jaloux le cernaient...
Cela peut paraître étrange mais les îles criminelles aussi ont une échelle sociale des quartiers. Mais si on réfléchit, les voleurs et autres escrocs aiment autant le luxe que n'importe qui. Quoiqu'il en soit, le duo se trouvait maintenant dans les "quartier huppés".
Devant eux se dressait une maison que Sunbae se surprit à qualifier de "coquette". Julia lui expliqua brièvement la situation.
Cette bâtisse appartenait à Mama Pipeau, ancienne maquerelle ayant gravit les échelons de la prostitution avant de prendre sa retraite, forte d'une richesse tranquillement amassée aux fils des ans. Elle avait possédé plusieurs maisons closes et était encore bien implantée dans le milieu. De nombreux propriétaires de bordels venaient encore chercher ses conseils ou même lui envoyaient des filles pour les former. D'après la rousse, se mettre cette femme de leur côté c'était déjà s'offrir une crédibilité, que ce soit pour approcher les filles ou les macs.
Une fois les explications finies, ils frappèrent à la porte.
Un homme de grande taille au visage fermé vint leur ouvrir. Malgré ses allures de maître d'hôtel, tout dans sa posture comme dans sa voix faisait penser à un militaire. Sunbae s'attendait presque à voir un homme en uniforme venir le saluer en l'appelant "Commandant".
_ Madame Julia, que nous vaut le plaisir? Demanda-t-il sans que le ton de sa voix ne reflète ses mots.
_ Bonjour James, je viens présenter cet homme à Mama, il pourrait l'intéresser.
Le dénommé James observa le jeune homme de la tête aux pieds, avant d'acquiescer et de les inviter à rentrer.
Si notre héros avait qualifié l'extérieur de "coquet", nul autre description que "luxueuse" ne lui vint une fois à l'intérieur. Tout n'était qu'apparat et démonstration de richesse. Les murs étaient recouvert de peintures d'artistes célèbres et de draperies de soie brodés d'or, le sol de tapis richement décorés et même le plus petit des couloirs bénéficiait d'au moins un objet décoratif démontrant la richesse de son propriétaire.
Malgré cela, et même si un spécialiste définirait la décoration de "surchargé", le tout donnait une impression d'harmonie. Si certains objets pouvaient paraître superflus, aucun ne semblait "déplacé".
Quoiqu'il en soit, si le but de la décoration était d'impressionner le tout venant alors c'était réussi et le Roona était plus que curieux de rencontrer cette fameuse Mama.
Dans ce qui semblait être un salon, James les invita à s'asseoir et à attendre l'arrivée de leur hôte.
_ Tout à fait Boss.
Assis sur une chaise à laquelle il était littéralement attaché, Sunbae regardait avec un air perplexe les trois hommes en face de lui. Un petit homme à l'air de fouine et deux gorilles bodybuildés. Le Roona pensa que le monde criminel était décidément rempli de clichés.
Comment en était-il arrivé à cette situation? Disons que les proxénètes ont leur façon de travailler et n'aiment pas vraiment qu'on vienne chambouler tout ça.
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Trois jours plus tôt, c'est avec la sensation de draps propres et soyeux couvrant son corps que l'homme aux cheveux gris se réveillait. Une douce odeur de café lui parvenait aux narines alors qu'il essayait de se rappeler de l'endroit où il était. La mémoire lui revint alors que la porte de la chambre s'ouvrit. Clara, une jolie jeune femme, accessoirement prostituée, rencontré par Sunbae à son arrivée sur Rokade entra dans la chambre, une tasse de café à la main.
_ J'ai pensé que ça te ferais du bien après hier soir, dit-elle en lui tendant le breuvage encore chaud.
Il rougit à l'évocation de "hier soir". Après le succès de son travail en coopération avec un psychopathe du nom de Dorian Silverbreath, le Roona avait passé la soirée entre la joie d'avoir gagné plus d'argent qu'il n'en avait jamais eu et la paranoïa causé par l'obligation de rester discret sur l'obtention dudit pactole. Il apprenait sur le tas les inconvénients de la vie de criminel, notamment ne pas pouvoir se laisser aller à une orgie de débauche et de luxe après une opération réussi, les autorités locales ayant tendance à se méfier des pauvres devenus riches en une nuit.
La soirée et les célébrations se résumèrent à quelques verres chez Dorian avant de se faire chasser par l'intéressé à l'alcool mauvais. Dépité et seul dans un lieu inconnu aux alentours de trois heures du matin, il retourna à la seule maison dont il connaissait encore l'emplacement. Il était arrivé chez Clara après plusieurs minutes de marche et avait tambouriné à la porte de la belle jusqu'à ce qu'elle vienne lui ouvrir, exaspérée par le bruit.
A peine eut-elle ouvert la porte que Sunbae s'engouffra dans la maison, sans lui laissait le temps de lui mettre le coup sur la tête qu'il aurait mérité pour réveiller les braves gens, et i lui lança quelques billets avec un air dédaigneux.
La suite était plus confuse mais il se rappelait avoir accusé la jeune femme de lui avoir menti sur la nature de son travail avant de se vanter de ses gains puis de s'annoncer comme le Macro Prolo : protecteur des putes et futur homme très riche.
Après c'était le trou noir.
L'attitude de Clara avait cependant tendance à le rassurer, peut être ne s'était-il pas tant comporté comme un trou du cul que ses souvenirs ne le laissaient entendre. Puis elle reprit la parole.
_ Par rapport à hier soir, je suis prête à passer l'éponge car ton projet me plaît bien, et que tu m'as filé un sacré paquet de pognon, mais revient foutre le bordel chez moi complètement bourré en pleine nuit et je t'assure que tu le regretteras. Compris?
_ Mon projet?
_ Ton syndicat des putes, je crois que t'as appelé ça : Le Sein Ducat. J't'ai même noté les adresses de quelques bordels que tu pourrais allez voir. J'te conseille d'ailleurs de te dépêcher si tu veux faire tout ce dont tu m'a parlé hier.
Tout ceci avait été dit de manière très professionnelle, comme si sa secrétaire était venu lui rendre compte des chiffres de la veille. Il ferma les yeux, prit une gorgée de café et se mit à penser que cette impression, même fugace, de diriger une entreprise était diablement agréable. Même s'il ignorait ce qu'il était censé faire maintenant malgré ce que venait de dire Clara.
Il devait l'interroger et ouvrit donc les yeux avant de prendre la parole mais fut interrompu par ce qui lui faisait face. Il avait remarqué que son hôte portait un tablier sans y faire attention mais, maintenant qu'elle lui tournait le dos pour sortir, il fut surpris par son apparente nudité. Il appréciait encore le gigotement notable de certaines zones charnues que la porte se refermait sans qu'il ne put faire autre chose que rougir, s'étrangler avec son café, tousser en renversant le liquide brûlant sur sa poitrine et étouffer un cri de douleur.
S'il avait été moins surpris, il aurait surement remarqué le sourire impertinent et le clin d'œil de la prostituée et aurait pu déduire les évènements de la veille plutôt que de passer, vainement, les minutes qui suivirent à chercher la signification de ce "dos nu".
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Quelques heures plus tard, c'est dans un tout autre environnement que se trouvait Sunbae. A l'intérieur de "La Grive Oisive", bordel doté d'une solide réputation et à la fréquentation élevée, il attendait quelqu'un. Première des adresses marquées par Clara, elle l'avait noté d'une étoile qui avait intrigué le jeune homme. Qui compris une fois sur place.
Julia Carmin.
Employée de la Rainbow House, futur co-possession du Roona si tout se passait comme prévue, elle était également l'une des rares personnes au courant de ses projets. Privée de ses revenus pour quelques temps, elle n'avait pas tardé à trouver un moyen de compenser ses pertes pensa-t-il.
Bref, il avait vu sa photo et avait tout de suite compris une chose : bourré ou pas, il conservait le même mode de raisonnement. S'il souhaitait créer une organisation protégeant les intérêts des prostituées au sein d'un environnement tel que celui de Rokade, il lui fallait attaquer par le bas de la pyramide. Qui, dans son bon droit, offrirait naturellement des avantages à ses employés s'il n'y était pas obligé?
Les moines d'où il avait grandi, aimaient dire que l'on pouvait juger de la valeur d'un homme à sa façon de traiter ceux lui étant inférieurs. Sun' doutait que les proxénètes du coin aient une telle grandeur d'âme, il fallait donc leur forcer la main. Prendre les rênes de Rokade étant un objectif inatteignable, il ne pourrait les amener à faire ce choix qu'avec beaucoup de négociations et le poids du nombre.
La solution était donc évidente : il devrait créer son organisation dans le secret et rassembler des partisans avant de pouvoir passer à la suite.
Et la personne qui lui semblait le plus à même de l'aider dans cette tâche n'était autre que Julia Carmin. Elle semblait avoir une certaine réputation dans le milieu et leurs précédentes entrevues lui avait laissait l'impression d'une femme tout à la fois capable et intelligente, bien qu'elle l'effrayait un peu. Il était sûr qu'elle saurait lui indiquer les personnes à voir et peut être même faire du lobbysme pour son compte.
C'est donc avec un grand sourire qu'il accueillit l'arrivée de la pulpeuse et séduisante rouquine.
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_ ... et c'est pour ça que j'ai besoin de ton aide.
Sunbae venait de finir son exposé sur son projet et ses réflexions sur la manière de le mener à bien. Il attendait maintenant la réponse de Julia.
Celle-ci l'avait écouté attentivement. L'homme l'intriguait depuis qu'elle avait fait sa rencontre quelques jours plus tôt et il continuait de la surprendre. Elle pensait qu'il aurait mit plus de temps avant de se lancer et pas avec quelque chose de déjà défini. Il semblait clair sur ses intentions et ses idées mais paraissait également un peu trop confiant.
_ Et si les grands patrons se rendent compte de ce qu'il se passe?
_ Ce sera pas bon, c'est certains mais si c'est pour les filles que tu t'inquiètes je pense pas qu'elles craignent grand chose. Comme je l'ai dit plus tôt, la main d'œuvre ça coute cher et c'est chiant à remplacer. On est jamais à l'abri d'un massacre en règles mais ça me semble peu probable. Je pense que c'est moi qui prendrait, histoire de faire un exemple et éviter que des idées de droits sociaux reviennent à la mode.
_ Eux peuvent se permettre de s'attaquer directement à la tête sans s'occuper de la masse.
_ Ca reste généralement la meilleure solution. C'est ce que je ferais si j'étais eux en tout cas, pourquoi punir des dizaines d'individus si en tuer une seule calme les autres?
Julia plissa les yeux. Il lui semblait étrange que ce nouveau venu sur Rokade, de ce qu'elle savait un honnête citoyen, se soit habitué si vite à la façon de pensée des locaux. D'une certaine manière, elle trouvait cela plus effrayant que bien des choses horribles qu'elle avait pu voir par le passé.
D'un autre côté, son plan pouvait marcher. Mettre la pression sur les patrons et les forcer à céder devant de possibles revenus alternatifs. Trouver un système qui conviendrait à tout le monde serait compliqué mais pas totalement impossible.
Elle réfléchit encore un moment face à son interlocuteur, silencieux, en attente de sa réponse.
"C'est décidé", pensa-t-elle en se levant.
_ Allez, c'est parti tu m'as motivé!
_ Et on va où, parvint à demander Sunbae alors que Julia l'entrainait à sa suite.
_ Voir une vieille amie. Exactement la personne qu'il te faut.
_ Et tu peux te barrer, comme ça? C'est pas genre, ton nouveau job?
_ Sauf que j'ai une réputation moi, Monsieur. N'importe quelle propriétaire de bordel du coin est prêt à m'accueillir avec d'excellentes conditions. Mon nom à l'entrée suffit à faire venir des clients.
_ T'as déjà la belle vie quoi...
_ Exactement!
Ils sortirent ensemble de l'établissement et Sunbae ne put s'empêcher de ressentir un frisson lui parcourir l'échine alors que nombre de regards jaloux le cernaient...
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Cela peut paraître étrange mais les îles criminelles aussi ont une échelle sociale des quartiers. Mais si on réfléchit, les voleurs et autres escrocs aiment autant le luxe que n'importe qui. Quoiqu'il en soit, le duo se trouvait maintenant dans les "quartier huppés".
Devant eux se dressait une maison que Sunbae se surprit à qualifier de "coquette". Julia lui expliqua brièvement la situation.
Cette bâtisse appartenait à Mama Pipeau, ancienne maquerelle ayant gravit les échelons de la prostitution avant de prendre sa retraite, forte d'une richesse tranquillement amassée aux fils des ans. Elle avait possédé plusieurs maisons closes et était encore bien implantée dans le milieu. De nombreux propriétaires de bordels venaient encore chercher ses conseils ou même lui envoyaient des filles pour les former. D'après la rousse, se mettre cette femme de leur côté c'était déjà s'offrir une crédibilité, que ce soit pour approcher les filles ou les macs.
Une fois les explications finies, ils frappèrent à la porte.
Un homme de grande taille au visage fermé vint leur ouvrir. Malgré ses allures de maître d'hôtel, tout dans sa posture comme dans sa voix faisait penser à un militaire. Sunbae s'attendait presque à voir un homme en uniforme venir le saluer en l'appelant "Commandant".
_ Madame Julia, que nous vaut le plaisir? Demanda-t-il sans que le ton de sa voix ne reflète ses mots.
_ Bonjour James, je viens présenter cet homme à Mama, il pourrait l'intéresser.
Le dénommé James observa le jeune homme de la tête aux pieds, avant d'acquiescer et de les inviter à rentrer.
Si notre héros avait qualifié l'extérieur de "coquet", nul autre description que "luxueuse" ne lui vint une fois à l'intérieur. Tout n'était qu'apparat et démonstration de richesse. Les murs étaient recouvert de peintures d'artistes célèbres et de draperies de soie brodés d'or, le sol de tapis richement décorés et même le plus petit des couloirs bénéficiait d'au moins un objet décoratif démontrant la richesse de son propriétaire.
Malgré cela, et même si un spécialiste définirait la décoration de "surchargé", le tout donnait une impression d'harmonie. Si certains objets pouvaient paraître superflus, aucun ne semblait "déplacé".
Quoiqu'il en soit, si le but de la décoration était d'impressionner le tout venant alors c'était réussi et le Roona était plus que curieux de rencontrer cette fameuse Mama.
Dans ce qui semblait être un salon, James les invita à s'asseoir et à attendre l'arrivée de leur hôte.
Dernière édition par Sunbae Roona le Jeu 24 Aoû 2017 - 0:25, édité 1 fois