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Les vacances du rire


Personne ne sait réellement d’où vient le nom de l’île de Mustikkamaa, qui signifie « myrtille » dans une vieille langue un peu barbare, que quelques locaux arrivent encore un peu à déchiffrer. Cela aurait pu se comprendre, si l’île était la spécialiste de la tarte à la myrtille, mais ce n’était pas le cas. C’est un îlot dans South Blue, avec des températures agréables, des plages de sable fin et des eaux à une température honorable. Au centre, la montagne Eua trônait avec toute sa majesté et sa végétation folle. Il y avait beaucoup d’arbres, de moustiques, des fleurs exotiques, mais c’était tellement feuillu, et si peu habité, que peu de personnes s’y aventuraient, ou osaient y mettre un pied. Non, vraiment, les plages, les cocotiers, et le sable fin, ainsi que la station balnéaire Mazerier était un paradis bien trop beau pour qu’on ose s’aventurer dans la montagne.
Une destination parfaite pour les vacances, s’était donc dit Caoirse. Après sa mirobolante aventure sur Boréa avec le Caporal Kan et son bras de fer avec le vieux Joseph, elle avait bien le droit d’en profiter, non ? Deux semaines de vacances sous les arbres, les doigts de pieds en éventail, c’était bien ce qu’il lui fallait. La blonde se les était imaginées, elle en avait même rêvé sans cesse dans les deux semaines qui ont précédé son départ de Tanuki.

Dans ses songes, elle avait senti la brise fraîche du vent dans ses cheveux , le soleil tannant peu à peu sa peau blanche de squelette –mais pas trop quand même, parce qu’elle est quand même pas une saucisse qu’il faut griller – pour lui donner enfin un teint doré et appréciable, les après-midis à ne rien faire, ses cernes et sa fatigue qui disparaîtraient enfin.

Caoirse l’avait attendu, et elle y était enfin. Ce que la jeune Coat ne savait cependant pas, c’était une des particularités de l’île, qui allait probablement lui pourrir ses congés. Sur le petit papier faisant la promotion de Mustikkamaa qu’elle avait prise parmi tant d’autres, le slogan était clair : « Venez vous payer une bonne tranche de rigolade ! ». Original, bref, précis et accrocheur. Mais la tranche de rigolade, elle était à prendre au premier degré. Les eaux des côtes de l’île, en plus d’être idylliques, libéraient ces derniers jours, un gaz hilarant plutôt puissant qui déridait les plus tristes et les plus coincés des hommes. Les habitants et tous ceux qui venaient sur cette île passaient donc les journées, hilares, tout en mettant en œuvre l’une des traditions de ce petit îlot bien singulier qui rythme tout autant les longues journées de plage et de soleil : les canulars ou les blagues.

~

- Hahahaha, c’est la quinzième balle puante qu’on me balance à côté de moi ! J’en peux plus, hahahahaha !

Caoirse avait passé son après-midi à rire et ses abdominaux n’en pouvaient littéralement plus. Et si on comptait le nombre de blagues ou de canulars qu’elle s’était pris dans la figure toute la journée, on était bien loin du cadre idyllique qu’elle avait espéré. Des seaux d’eau sur la tête, les coussins péteurs, les pétards, les bananes dans l’escalier, la tarte à la crème dans la tête, elle avait eu droit à tout, ou presque. D’où la nécessité qu’elle se renseigne un peu mieux les prochaines fois.

- Se payer une bonne tranche de rigolade, hahahaha, mon cul oui ! Ils parlaient de canulars et de blagues, houhouhou, mais pas de gaz hilarant, nom de dieu !

Elle commençait même à avoir mal à la mâchoire, ce qui était quand même plus inquiétant. Si elle se retrouvait coincée à cause d’une crampe, la bouche ouverte, elle aurait bien  l’air maligne, tiens. Seul Coquelicot - qu’elle avait bien évidemment emmené pour son petit voyage – semblait ne pas sentir les effets du gaz hilarant. La jeune femme commençait déjà à en avoir marre au bout d’une journée et elle rangeait déjà sa serviette pour retourner dans le petit cabanon exotique qu’elle louait pour l’occasion. Les effets du gaz étaient moins importants, d’après les locaux, qui commençaient à en avoir aussi par-dessus la tête. Ils avaient beau avoir cherché, impossible de trouver une piste sur ce qui pouvait expliquer l’apparition du gaz. Une poche de celui-ci qui se serait ouverte récemment ? Cela restait un mystère. Quoi qu’il en soit, la jeune femme, hilare, gravit les marches en pierre à toute vitesse qui la ramèneraient au petit village tout frais se trouvant sous les arbres de l’orée de la forêt.

C’était sans compter la peau de banane qui se trouvait sur son chemin.

~

Abraham Tait, Samuel Gez et Daniel Lespinay, trois petits comptables de North Blue, à l'air lugubre et aux visages coincés sur une expression d'indifférence, jouaient aux cartes dans leur petite grotte. Une petite grotte pas très connue sur Mustikkamaa et qui leur servait de cachette. Ils jouaient donc aux cartes, et plus précisément à la coinche - ce qui reste assez étonnant, puisque personne n'a jamais réellement réussi à jouer à ce jeu, ou au moins à le comprendre - malgré l'humidité qui résidait dans cette petite grotte, seulement illuminée par un feu de bois posé dans un coin.

- C'est à ton tour, Samuel.
- Je suis sûr que tu as triché, j'ai encore un jeu de merde.
- Daniel, Samuel. On dirait que la pompe a encore un problème.
- Quoi, encore ? Je vous avais bien dit que c'était du matériel tout pourri, et que compte tenu de notre budget, et de nos dernières dépenses, nous pouvions nous permettre un achat bien meilleur en qualité !
- Tant pis, le principal, c'est que ça marche. Les habitants doivent être en train de rire à en avoir mal aux côtes. Pouah.
- Au moins, ça leur apprendra à abandonner leurs traditions rigolotes, et ça sera une nouvelle contrée convaincue que le rire n'a rien de plaisant ou de drôle.
-Brrr. Arrêtez, rien qu'en entendant ces mots, j'ai les oreilles qui frisent et l'estomac qui a des élans d'acidité à m'en retourner la gorge. En attendant, c'est toujours à toi, Samuel.
- C'est vrai. Mais tu as triché, le jeu n'est plus équilibré du coup.
- J'arrive pas à la refaire démarrer. Il doit y avoir un soucis sur le tuyau ou sur la sortie du gaz. Continuez sans moi, je vais essayer d'aller voir ce qu'il cloche.

Abraham empoigna son fusil qu'il avait sur à côté de sa chaise, chopa un cigare, réarrangea son costume et mit un masque à gaz, avant de sortir de la grotte. Il allait trouver celui qui se trouvait drôle à contrecarrer leurs plans.
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Les rives de Mustikkamaa dégageaient une atmosphère étrange, comme un rire forcé que le paysage vous donne sans prendre la peine de tâter le terrain émotionnel. La jeune femme et son enfant avaient débarqué quelques jours plus tôt ici, fuyant au possible leurs souvenirs récents. Elles avaient besoin d’air. La gamine avait adoré dès le premier jour se retrouver ici, sur une plage qui la faisait rire. Rire, c’était la première fois de sa vie qu’elle ressentait un tel bonheur. Sa mère avait trouvé plus ennuyant la situation actuelle. Ses deux dernières années passées sur l’île de Barnanos avaient laissé des traces et l’arrivée sur cette île du fou-rire avait créé un curieux mélange.

C’était douloureux, très douloureux, de rire quand on n’avait qu’une envie ; pleurer.

« Maman ! Regarde ! Hihihi !
-Oui ma chérie ?
-Si on s’éloigne un peu par là, on rit beaucoup moins, c’est rigolo.
-C’est vrai ma chérie, ça te dis d’explorer un peu l’endroit ? »

La gamine ne se fit pas prier, ni une, ni deux, elle commença à courir vers l’intérieur des terres. Cela fit sourire Elie. Le premier vrai sourire qu’elle esquissait depuis l’arrivée sur l’île. Le premier vrai sourire depuis les rares qu’elle avait pu faire à Manshon. La jeune comédienne inspira un grand coup. Comment en était-elle arrivée là, à ruminer les mauvais souvenirs des dernières années de terreur ?

Elle se remémora son arrivée en douce sur l’île. Elle avait organisé cette incursion sur l’île mafieuse à l’aide des moyens que lui procurait son appartenance aux Chevaliers de Nowel. Pendant que les autres s’occupaient d’autres opérations humanitaires, elle avait créé le personnage de Katrina Demetov de toutes pièces, s’était introduite sur l’île et avait réussi à entrer dans la mafia. Tout ça pour un résultat médiocre. Rien n’avait changé et l’attaque de la Marine l’avait même empêchée de fuir jusqu’à un sauvetage récent qu’elle avait organisé de toutes pièces.

Bien sûr elle avait attendu. Attendu de voir si le reste de l’organisation humanitaire allait venir la chercher, mais rien. En y repensant, c’était aussi cette colère de se sentir abandonnée qui l’avait fait tenir. En plus de la gamine. Elle avait sauvé l’enfant de cette île de terreur et l’avait adoptée. C’était sa seule véritable réussite. Elle devait beaucoup à cette enfant. Sinon, elle se serait probablement laissé mourir. Mais pas question de flancher quand on a quelqu’un à sauver.

« MAMAN ! J’AI TROUVE UN TRUC RIGOLO ! »

Elie accéléra la cadence. Savoir sa fille en sécurité lui rendait peu à peu le sourire. La cicatrice s’effacerait vite. Elle serait forte. Pour elle. Cette île, elle l’avait trouvée pour prendre un peu de repos, un peu de distance, mais maintenant qu’elle était passée par là, hors de question qu’elle abandonne sa lutte. Les gens méritaient qu’on les aide.

« Chloé ? Où es-tu ?
-Là Maman, regarde, le gros monsieur, il dort. »

La comédienne s’approcha de l’homme, étalé par terre dans l’herbe. Il respirait, n’était donc pas mort. Mais le fait de le trouver là, au milieu de nulle part, comme assommé par elle ne savait quoi était profondément étrange. Elie sortit de son sac à main une petite bouteille d’eau, s’approcha de l’homme inconscient et versa quelques gouttes sur son front. L’homme ouvrit les yeux. Regarda la jeune femme puis sourit de toutes ses dents avant de déclamer un :

« SURPRISE ! VOUS AVEZ GAGNE LA CHASSE AU MORT, VOUS SEREZ DONC REINE DE NOTRE FÊTE DE CE SOIR, C’EST MERVEILLEUX !
-C’est une blague ?
-Haha, elle est bien bonne celle-là. Pour une fois, non. Ce soir nous organisons une petite fête en l’honneur de l’humour. Nous commémorons la disparition de Henry G. Hollow, notre maître absolu de l’humour festif. Au programme, vannes à gogos, cocktails humoristiques, jeux drôles et toutes sortes de trucs bien marrants. On aurait pu choisir au hasard notre reine de la soirée, mais c’était bien plus marrant de faire ça comme ça. Suivez-moi, nous allons vous préparer. Votre fille sera aussi à l’honneur et vous repartirez avec des lots superbes.
-Oh non, je suis encore tombée sur un abruti... »

***

Les trois comptables à la mine apathique regardèrent leur montre à peu près en même temps. 16H55. Il était largement temps de faire bouillir l’eau. À 17 heures précises ils devaient boire leur thé, comme le voulait la coutume. Une minute de plus aurait de très graves répercussions sur leur agenda et ils devraient décaler tout un emploi du temps soigneusement étudié. D’autant que ce soit était le grand soir. Là où l’humour allait disparaître de cette île. À l’occasion de la grande fête du rire, plus d’un habitant allait mourir de rire.

« Un gâteau rassi avec votre thé ?
-Volontiers.
-Un demi pour moi.
-Ça ne va pas, nous avons un compte de gâteaux très précis, tu peux pas n’en prendre qu’un demi Daniel, c’est zéro ou un.
-Va pour un alors, mais un petit si possible.
-Ne vous disputez pas trop fort, je risque de manquer le moment où l’eau frémit.
-Ce serait abominable.
-J’en conviens. »

Suite à cette discussion endiablée, les trois hommes prirent tous trois leurs tasses de porcelaine et leurs gâteaux rassis et trempèrent le biscuit. Puis, d’un commun mouvement, aspirèrent une première gorgée, se brûlèrent la langue puis soufflèrent sur leur tasse fumante. Boire le thé était toujours un moment d’une extrême convivialité.
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