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Préparer le terrain

- Rhaa ! Mais gigote pas comme ça andouille ! Comment t'veux qu'ça sorte sinon ?!
- Aïe ! Mais vas-y doucement aussi !
- Franchement... Au moment où ça devenait excitant...
- Parle pour toi ! C'est pas toi qui te l'ai prise dans le... WAAH !
- Et voilà ! C'est retiré !

   Fier de moi, j'exhibe une écharde grosse comme mon index devant les autres clients du bar qui hésitent à applaudir. Bill, le propriétaire de l'établissement, pousse un long soupir en astiquant son verre fendu. Le même qu'il tient depuis bien cinq bonnes minutes. Faut dire qu'il était aux premières loges depuis le début du spectacle : à peine assis sur mon tabouret que mon voisin de gauche, un certain Jerry, vient me casser les pieds en disant que ma tête lui revient pas. Et d'autres osent me dire que l'alcool y est pour quelque chose...
   Comme si l'alcool pouvait changer la vision des choses ! C'est pas parce que j'aime pas un type qu'après une cuite il m'apparaîtra sympathique. Ni l'inverse ! Du coup j'ai cogné. Du coup il est tombé sur une table et s'est éraflé le bas du dos sur le bord d'une chaise abîmée. Résultat : une belle écharde et un ivrogne gémissant.

- Bien ! Maintenant que ma bonne action de la journée est faite : j'peux boire un verre Bill ?
- La même chose que d'habitude ?
- La même. Avec un glaçon. Et un vrai.

   Pendant que le barman s’attèle à sa tâche, Jerry se redresse et me fixe de son regard trouble :

- Euh... T'serais pas ce mercenaire qui fait des trucs bizarres sur commande ?
- J'suis pas vraiment mercenaire mais... dans l'idée c'est ça.
- C'est bien c'que j'disais : ta tête me r'vient pas.

   Putain.
   Y en a qui comprennent pas la première fois, ça je le sais. Mais j'ai pourtant fait l'effort de bien faire rentrer le message ! Va falloir le graver...
   Une veine à mon front palpite tandis que ma paupière tressaute sous l'effet de la colère. Je sers le poing, la bouche déformée par un rictus haineux. Le pauvre bougre ne sait pas ce qui l'attend.

- C'est comme ça que t'parles à un futur Roi ?!

   En position de frappe, j'inspire à fond avant de détendre mon bras d'un coup et d'envoyer valser ce sale con dans le décor, bien plus fort que la fois précédente*. Un "CRAC" sonore laisse entendre qu'il n'a pas eu le temps de préparer sa mâchoire à l'impact. Encastré dans le mur, il ne bouge plus.
   Autour de moi, le silence s'est fait. Tous les yeux sont dans ma direction, alors que je respire fort, afin de regagner mon calme. Bill tient ma commande de sa main tremblante et renverse la moitié du liquide sur le comptoir. Blême, il constate l'étendue des dégâts. Je me retourne vers lui, hausse les épaules et lui dis :

- T'as qu'à mettre ça sur ma note. T'façon j'ai plus soif : à l'idée de boire le même jus qu'ces pisseuses à grande gueule, ça m'dégoûte.

   Je m'apprête à sortir quand, le bras tendu vers la poignée de la porte, je me retourne et lance :

- Et si quelqu'un a un souci, j'suis chez moi ! Impasse de la Grisaille !

   Quand je pense que j'étais venu me détendre au lieu de m'emmerder dans mon bureau, à attendre des clients plus absents que jamais... C'est bien beau de posséder un bordel pour arrondir ses fins de mois, mais si le comptable suffit à faire tout le travail, à quoi je sers moi ? Sans parler de ce Sunbae et de son syndicat à la con ! Enfin, tant que ça n'empêche pas le business je ne peux rien en dire. Et puis un associé reste un associé.
   Dans tous les cas, il me faut un nouvel employeur et vite, parce que l'ennui risque de me faire faire n'importe quoi. Plus encore que ce qu'il venait de se passer.

   Arrivé devant chez moi, je m'arrête à nouveau. Une pensée me vient : mon coup de sang au bar n'a pas dû plaire à tout le monde. Et si... Non quand même pas. Qui oserait ? J'ai des relations. Mais vu que j'ai crié où j'habitais...

- Tséhéhé... Quel con.

   Je ne suis pas spécialement paranoïaque. Je préfère le terme de "prudent". Et c'est par prudence que je me dis qu'un Argument ne suffira pas toujours à me protéger.

Technique utilisée:


Dernière édition par Dorian Silverbreath le Lun 04 Sep 2017, 13:33, édité 2 fois
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C'est déjà la fin de l'après-midi et je suis de nouveau sorti. Depuis quelques temps, j'ai repéré un commerce plutôt intéressant, du côté des quartiers troglodytes. C'est dans l'un des renfoncements rocheux les plus imposants que se situe une boutique de petite taille ayant pour emblème un Jolly Roger souriant et pour nom "Le Flibustier Heureux".
    La devanture n'a rien de bien exceptionnel, mis à part le fait qu'elle est implantée dans un monticule de pierre à l'entrée d'une grotte.
    J'entre à l'intérieur.

    Première chose que je remarque : ça sent la poudre à plein nez ; deuxième chose : en plus des mousquets et des munitions d'arme à feu, il y a ça et là des pistolets exposés un peu partout et même des râteliers sur lesquels sont maintenus des sabres de toute sorte, ainsi que des masses, des machettes, des bâtons et des couteaux. Il y en a tant, répartis dans un espace si restreint, que l'on se sent presque étouffé par le nombre. Difficile de dire si l'ensemble est cohérent ou simplement chaotique.
    Alors que je songe à cette dernière éventualité, le tenancier se montre, sorti de derrière un rideau usé et semi-opaque au fond du magasin. Un petit bout d'homme à tête de fouine, dont le sourire dérangeant laisse voir un trou entre ses incisives supérieures et ses molaires. Ses petits yeux plissés rajoutent quelque chose de malsain à sa physionomie. Mais ne me demandez pas d'expliquer pourquoi, c'est surtout une question d'intuition. Et d'expérience.

- Bienvenue ! Que puis-je faire pour vous ?
- Salut. J'viens voir vos flingues... Jolie collection que vous avez là.
- Merci. Il m'a fallu beaucoup de temps pour assembler tout ça. Et de main d’œuvre.
- Vous avez beaucoup de fournisseurs ?
- Autant qu'il y a de récupérateurs et de fossoyeurs sur ce caillou. Et leur travail ne s'arrête jamais.
- J'suppose que vous les payer en échange du renflouement de stock ?
- Pour la plupart... Disons que le Responsable des forces armées voit d'un bon oeil la présence des marchands d'arme sur Rokade, alors j'ai droit à quelques aides financières pour supporter certaines arrivées.
- Je vois.

    Mes yeux scrutent les murs de droite et de gauche pendant que l'autre continue de vanter les mérites de ses soutiens et la réussite de son commerce. A la recherche d'un coup de cœur, mon regard s'arrête sur un canon brillant, caché entre deux fusils de la Marine revisités.

- Alors ? Une idée du genre d'arme qu'il vous faut ?
- Ouais... Le genre clinquant à la vue de tous, mais dissimulable sous un manteau.
- Un pistolet en somme ? Type chromé et gros calibre ?
- Nan, plutôt brillant. Le calibre importe peu, tant que l'impact visuel est là.
- Mmh...
- Un peu d'décoration aussi. Quitte à tirer sur quelqu'un, autant faire ça bien, histoire de rendre l'acte noble.
- Noble ?
- Oh voyez ça comme une signature... Ouais c'est ça : un truc unique, qui convient à quelqu'un d'unique.

    Le vendeur me dévisage, d'abord circonspect, puis d'un air pas convaincu. Mais je m'en fiche : je m'approche de l'arme que j'ai repérée et affiche un sourire de plus en plus large à mesure que j'aperçois ses formes et son teint.

- Vous avez des goûts précis. Un peu trop pimpants à mon sens mais précis.
- Je m'branle de c'que vous pensez. De toute façon j'crois bien que j'ai trouvé ce que j'cherchais.

    Je prend en main le pistolet qui me fait de l’œil depuis tout à l'heure. Un six-coups doré au barillet et au manche noirs. Le tout n'est ni trop grand ni trop petit, tenant parfaitement dans ma main, comme fabriqué sur mesure. Je caresse doucement le cuir sombre de mon pouce jusqu'à retracer les courbes du crâne gravé derrière le barillet, sous le chien et le cran de mire.
    Je me tourne vers le marchand qui observe mon choix et sourit à son tour :

- Excellent... Excellent choix, monsieur ! Une arme unique en effet, si je ne m'abuse !
- Unique comment ?
- Unique comme ayant été faite sur Hat Island, à North Blue, pour l'un des juges y faisant régner l'ordre. Le représentant de la loi, un type devenu riche grâce à ses mines, a utilisé l'or de ses propres excavations pour fabriquer l'engin que vous tenez. Je dois avouer qu'il s'agit d'un des bijoux de ma collec...
- Combien ?

    Les explications de sa création me suffisent. Un outil conçu pour faire respecter la loi.

- ... Eh bien je dirai... Disons...
- Le prix n'est pas fixé ?
- Si si ! Voilà : Trois millions de berrys.
- ...
- ...
- C'est une blague ?
- Pas vraiment.
- A ce prix-là vous m'mettez le plein de munitions dans un sac.
- Vous délirez !

   D'un geste vif, je sors un sabre de son râtelier et le brandis sous la gorge du commerçant à tête de fouine :

- Vous pouvez répéter ?
- J-je vais chercher un sac !
- J'sens que nous aurons l'occasion de faire affaire souvent vous et moi.

    Tiens d'ailleurs : qu'est-ce qui met un frein à la Loi ? Les problèmes, tout simplement. Et qu'est-ce qui résout les problèmes ?

- Voilà... Tout y est.
- Merci. J'aimerais faire graver un nom dans le cuir du manche.
- Bien sûr bien sûr ! Lequel ?
- Solution.


Dernière édition par Dorian Silverbreath le Lun 04 Sep 2017, 13:37, édité 1 fois
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Fort de ma nouvelle arme, je me pose tranquillement sur la chaise de mon bureau. la pièce est toujours aussi sobre, claire malgré un volet cassé s'ouvrant et se refermant au gré du vent, à peine gênée par le trop plein de documents et de feuilles volantes rédigés de ma main. Tant d'informations et de savoirs accumulés sur les différents habitants de l'île, sur les affaires qui marchent, sur la géopolitique et sur l'économie de base... Un jour je classerai tout ça, mais en ayant retenu la plupart, je ne me sens pas plus pressé que ça.

    J'ouvre la gazette du jour, la première page étant consacrée à un article sur les enquêtes du détective "Sait-Tout". Rien de bien intéressant en soi. Je me demande même comment un type pareil peut se targuer d'être un vrai détective en étant si médiatisé. Sans doute que les Rokadiens trouvent divertissant de suivre les aventures du seul enquêteur reconnu de l'île. Un passe-temps bien fade selon mes critères.
    Où est le sang ? Où est l'action ? L'excitation qui va avec ? A quoi cela sert-il de mettre à mal des pauvres types s'ils ne comprennent pas la leçon ? Il faut que le message pénètre leur chair... Ou qu'ils disparaissent simplement, comme toute mauvaise herbe qui se respecte. Si j'apparaissais ainsi dans le journal, les lecteurs en auraient pour leur argent, je peux vous l'assur...

   Toc toc.

    Je sors de mes rêveries. Je me lève de mon siège et m'approche de la porte. J'ouvre :

- Ouais, c'est pour qu...
- Dorian ! T'es un homme mort !

    Sans trop comprendre, je me prend un coup de poing en pleine face et le choc me fait reculer. Trois individus rentrent à l'intérieur de ma maison et le premier me chope par le haut de mon débardeur avant de me flanquer son genou dans l'estomac.
    Le souffle coupé, je me retrouve plié en deux. Un autre en profite pour m'attraper par la tignasse et me foutre à terre. Le dernier m'envoie son pied dans le ventre. Et ils se mettent à m'enchaîner de la sorte jusqu'à ce que, entre deux grognements de douleur, je dégaine mon revolver doré. Je ne pensais pas devoir l'utiliser aussi vite :

   PAN !

    Tous s'arrêtent de cogner. L'un des hommes reculent d'un pas, puis tombe à la renverse, une main sur le flanc. Je me redresse tant bien que mal sous le regard stupéfait des deux agresseurs. Ils ne s'attendaient pas à ce que je me défende de la sorte :

- Mais... T'as jamais eu d'flingue avant !
- Les temps changent... Maintenant déguerpissez avant que j'vous fasse à chacun un deuxième trou d'b...

    PAN !

    Une balle me frôle l'oreille et va s'enfoncer dans le mur derrière moi. Le mec à terre avait dégainé son propre pistolet. Profitant de la situation, son premier compère sort le sien tandis que le dernier brandit un couteau.

- On a appris pour Jerry. Faut vraiment être con pour crier son adresse dans un endroit bondé ! Surtout sur Rokade ! On va t'faire la peau espèce de...

    Je tire sur l'énergumène avant qu'il ne finisse sa phrase et saute me planquer derrière ma table de bureau. Faut vraiment être con pour menacer quelqu'un d'aussi près sans prendre la peine de faire feu. Plus d'action, moins de parlotte que diable ! Ils apprennent rien, les malfrats de nos jours...
    Pendant que cet idiot s'effondre, du plomb entre les yeux, le blessé réplique. Sa blessure l'empêche de viser juste et ses balles viennent abîmer le mobilier. Celui au couteau fonce dans ma direction. Je range Solution et libère Argument, mon bâton d'argent, grâce auquel je bloque une attaque, puis une autre. Je passe à l'offensive à mon tour et le bougre esquive. Je manque de défoncer mon bureau lorsque mon adversaire me repousse du pied. Celui à terre n'ose pas appuyer sur la détente, de peur de toucher son camarade.

    Puis je l'entends pousser un cri de surprise avant de gargouiller bruyamment : on vient de lui trancher la gorge. Mon adversaire se retourne et j'en profite pour lui éclater le crâne d'un violent coup sur le sommet de la tête.
    Les trois cadavres gisent sur mon sol, salissant le carrelage que j'avais nettoyé la veille, par ennui. Et j'allai devoir recommencer ! Je m'extasie putain !

   ... C'était ironique.

    Face à moi se tient désormais un quatrième individu. Une sorte de soldat en uniforme avec un sigle étrange sur l'épaule, représentant un oiseau doré. Il porte des lunettes en demi-lune sur un nez fin. Ses cheveux noirs sont impeccablement gominés en arrière et ses yeux noirs et froids me dévisagent sans sourciller. Le premier de la classe imbu de lui-même, cachant son orgueil derrière une fausse modestie révoltante. Celui-ci range son sabre et me toise de haut en bas avant de tousser. C'est presque vexant.

- Dorian Silverbreath ?
- Ça dépend, qui l'demande ?
- Je suis envoyé par mon maître, quelqu'un avec qui vous avez déjà travaillé par le passé.
- J'ai travaillé avec beaucoup d'personnes par le passé. Et la majorité s'faisaient appeler "maître" par leurs larbins.
- Monsieur Victor Bahìa, grand économiste de Saint Uréa.
- Oh... Celui-là...

    J'avais effectivement été employé une fois par Victor. A l'époque il se faisait appeler Le Brocanteur et m'avait fait désossé un galion dans le Cimetière d’Épaves. Très vite la situation s'était envenimée avec la présence de pirates de pacotilles et d'un groupuscule révolutionnaire. Mais après le succès de cette mission, il m'avait laissé entendre qu'il reviendrait pour d'autres services.

- Et que m'veut-il, ton patron ?
- Je l'ignore. Je suis seulement là pour vous juger.
- Me juger ?
- Sur son ordre je dois m'assurer que vous êtes digne de travailler avec lui.
- Qu'est-ce que c'est qu'cette merde...
- Vous allez passer un test d'aptitude. En tant qu'officier responsable de la communication et de l'information, c'est moi qui ait été choisi pour vous observer.
- Tss ! Et j'dois faire quoi au juste ?

    L'autre ne répond pas de suite, se contentant de me regarder m'énerver petit à petit. Je suppose qu'à ses yeux, mon test a commencé. J'allai devoir faire très attention à mon comportement : je sais déjà à quel point le vieux Bahìa peut être à cheval sur le professionnalisme et l'efficacité. Mais pour l'instant, j'ai pas tellement envie de rester calme, vu la tête à claque que je vais devoir me coltiner.

- Contentez-vous de me suivre pour l'instant.
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- Bon. Qu'est-ce que j'fous là ?

    Nous sommes arrivés dans un entrepôt sur les quais que je connaissais bien : il y a quelques temps, j'étais venu sur ordre du Responsable des finances pour mettre fin aux magouilles de l'ancien secrétaire du Centre d'Acheminement des Ressources. Au départ, j'ai cru que c'était l'Intendant Larry Tournel qui était en tord et je l'ai torturé et tué avant de me rendre compte de ma bourde... Enfin bon, je m'étais bien amusé quand même.
    L'officier à l'oiseau doré se tourne vers moi, réajustant ses lunettes au passage :

- Vous êtes déjà venu ici, je me trompe ?
- ... Et qui vous l'a dit ?
- Un ouvrier du Centre. Il vous a reconnu un jour que vous vous promeniez par là. Il a même parlé d'un discours.
- Vous avez fait votre enquête à ce que j'vois...
- Ça fait partie de mon travail. Je dois apprendre à vous connaître. A tout savoir sur vous.
- On est pas marié que j'sache.

   Ce binoclard me sort par les trous de nez. Il se contente d'ailleurs d'avancer jusqu'à une double porte au fond de l'entrepôt. Une pièce que je reconnais rapidement de l'extérieur : c'était celle dans laquelle j'avais interrogé Larry... La nostalgie me gagne.
    Il ouvre. L'image se mélange à ma mémoire tandis que le son que j'entends à l'intérieur remplace certains de mes souvenirs : l'endroit est toujours le même stock à viande que la dernière fois, avec ses crochets et ses plans de travail rougis par le sang et les entrailles. Mais à la place des cris de l'Intendant, ce sont les gémissements étouffés de deux individus assis sur une chaise, dos à dos. Sur leur tête, un sac en toile de jute. Le truc bien désagréable qui gratte et qui pue dans lequel on met généralement des pommes de terre.
    Attachés les mains dans le dos, sans doute bâillonnés, ils ne peuvent rien faire d'autre que lâcher des "Mmh !" dans notre direction, espérant être sauvés. L'envoyé de Bahìa me regarde et dit :

- Je vais pouvoir vous expliquer la situation : l'un d'eux est un contrebandier qui gêne mon maître aux abords de Saint-Uréa. Nous l'avons capturé alors qu'il fuyait par ici, à la recherche d'un de ses contacts : notre autre prisonnier. Nous avons fait d'une pierre deux coups. Monsieur Bahìa souhaite récupérer la part qu'il a perdu à cause des activités du premier, marchandant des produits douteux selon lui, et il a besoin des informations du deuxième pour cela. Malheureusement, aucun des deux ne souhaite divulguer d'informations sur le contenu de ses marchandises, ni sur les moyens mis en oeuvre pour les obtenir. Encore moins l'endroit où se les procurer.

- Et récupérer leur recette ne suffit pas ?
- Tout profit est bon à prendre. Agrandir son réseau d'actions est une démarche plus qu'utile lorsque l'on est économiste.
- Vous savez quoi, pour l'instant ?
- Leurs noms : Hilda Sisdas et Jaime Lerôme. C'est lui, le contrebandier.
- J'suis étonné que l'officier en charge de la communication et de l'information soit incapable d'obtenir des résultats...
- Monsieur Bahìa tenait à ce que vous soyez celui qui les interrogerai... De manière plus poussée. S'il est satisfait, nous devrons travailler ensemble à l'avenir.
- Tous les deux ?!
- La plupart des personnes dans le milieu me connaissent déjà, à Saint-Uréa. Vous êtes un parfait inconnu là-bas : vous seriez plus libre d'agir que je ne le suis. Mais pour cela, nous avons besoin de savoir si vous êtes capables de "certaines choses".
- Ouais en gros, si j'suis capable de martyriser des pauv' gens pour leur faire cracher l'morceau quoi.
- Par exemple.

    Je m'approche des deux prisonniers et retire le sac sur leur tête. Affolés, d'abord par l'odeur, puis par la vue des porcs ouverts et de ma gueule d'ange, leurs yeux deviennent ronds et ils gémissent de plus belle sous leur bâillon. Je soupire :

- J'espère vraiment que ce travail en vaut la peine. Parce que j'préfère nettement faire ça dans l'intimité. C'est assez privé, comme relation tout de même.

    Le rictus au coin de mes lèvres trahit ma pensée : rien qu'à l'idée de jouer avec deux pantins sous le regard contemplatif de ce voyeur, je frémis d'impatience. L'excitation me gagne petit à petit et ma langue vient doucement caresser ma lèvre inférieure, d'un coin à l'autre.
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- Alors Jaime... Paraît que t'as des choses à raconter sur ce que tu fais à Saint-Uréa, j'me trompe ?

    En disant ces mots, je retire le bâillon de la bouche de l'homme, un quarantenaire avec un début de calvitie, quelques cheveux rabattus sur le haut du caillou et une vilaine entaille au niveau de l'arcade.
    Il respire fort. Fuyants, ses yeux passent plusieurs fois de la pièce à moi tandis que ses épaules tremblent. J'approche mon visage du sien, toutes dents dehors, et commence à tâter mes armes. Mes doigts glissent sur le manche du couteau à ma ceinture.
    L'autre est une jeune femme, la vingtaine, avec de longs cheveux châtains et ondulés et des yeux verts. Plutôt tige que fleur, Hilda possède ce nez en trompette que j'affectionne tant... Je libère la pression sur ses lèvres pulpeuses en attendant la réponse de son compagnon. Elle ne dit mot, perdue dans ses pensées, la tête tournant sur la droite et sur la gauche à la recherche d'on ne sait quoi.

- Je... Je n'suis qu'un c-contrebandier parmi tant d'autres ! M'faîtes pas d'mal par pitié...

- Malheureusement, c'est pas ce qu'on raconte chez Bahìa. T'as réussi à l'emmerder avec ton commerce. Sauf qu'on sait pas trop ce que c'est apparemment... C'est dommage. Parce que ça l'intéresse. Pi moi aussi d'ailleurs : si j'pouvais avoir un moyen d'pression sur l'une têtes du royaume, j'manquerais pas d'me l'approprier ! T'comprends c'que j'veux dire hein ?
- Des babioles, des armes... Rien d'bien méchant j'vous jure... Rien d'plus...

    Il sanglote presque. Je vois presque la bave accumulée dans sa bouche sortir à chaque ouverture. Répugnant... L'officier me toise sans broncher, bien que ma dernière phrase était clairement faite pour le narguer. Un vrai pro !
    Mais c'est pas le problème pour l'instant. Parce que ce type me saoule déjà : même pas le temps de m'amuser qu'il semble prêt à lâcher l'information que je désire... Il suffirait que je le cogne une ou deux fois pour qu'il avoue. Sauf que c'est là qu'apparaît le hic.

- Ta blessure au front. C'est récent, non ?
- V-votre... Euh... Camarade a commencé à m'interroger...

    D'accord.
    Tout s'explique.

- T'es clairement en train d'te foutre de ma gueule, en gros ?

    Hilda tourne aussitôt la tête dans notre direction, l'officier décroise les bras et Jaime me regarde avec la même expression que si je m'étais foutu à poil devant lui. Bouche bée, il ne sait que répondre. Je lui facilite la chose d'un revers en pleine tempe :

- Alors ?! Tu t'fous d'ma gueule ou pas ?!
- Ouch ! Mais... Je n'comprends pas...
- Si l'autre à côté t'as déjà interrogé, vu la lopette que t'es en train d'nous jouer, t'aurais dû cracher l'morceau y a belle lurette ! Et j'serai pas là à perdre mon temps ! Alors arrête ton cinéma deux secondes et parle si t'veux pas que j'te refasse le portrait façon art abstrait !

     Jaime Lerôme reste un moment stupéfait, la mâchoire tressautant. Puis, d'un coup, il se calme et ferme la bouche. Ses yeux se plissent légèrement tandis que ses lèvres forment un demi-sourire, provocateur et plein d'assurance. A cet instant deux émotions me submergent : le plaisir d'avoir enfin du pain sur la planche et le désir hargneux de lui décalquer la tête tant il a réussi à m'insupporter en l'espace de deux minutes à peine.

- Ha... Haha... Dommage. Ça avait presque marché avec ton copain, même si je trouve qu'il abandonne plutôt vite.
- J'me disais bien. Ça m'paraissait trop simple.
- Quand on travaille dans mon milieu, on apprend d'abord à tromper son monde.
- Et quand on travaille dans le mien, on apprend à se méfier des gens trop honnêtes. Ça tombe bien, non ? Du coup, on peut commencer ?
- Mais je t'en prie, fais-toi plaisir.
- Tu bosses seul ?
- Oui.
- La fille derrière toi, tu la connais ?
- Mmh... Non.
- Tu refourgues quel genre de camelotes pour que ça ait un impact sur les apports commerciaux de Victor Bahìa ?
- Des bibelots.
- Tu t'les procures où ?
- Chez ma mère.
- Et tu les caches où ?
- Dans la tombe de ma mère.
- Bien.

     Nous nous sourions mutuellement. La guerre est déclarée et celui qui l'emportera sera le plus résistant, l'un psychologiquement, l'autre physiquement :

- Au moins nous sommes certains que tu n'vends pas des bib'lots, que t'bosses pas seul et qu'ta mère a rien à voir là-dedans. On progresse.
- Ah tu trouves ? J'pensais que vous saviez déjà tout ça. Ou alors vous êtes vraiment tous cons chez les Condors...

    PAF !

    Je lui flanque une nouvelle gifle qui manque de le faire tomber avec la chaise. Je continue de lui sourire tandis qu'il crache quelques gouttes de sang :

- Évite de trop t'la jouer par contre, on est pas encore assez intimes tous les deux... Par contre, tu m'as parlé des Condors... C'est quoi ça ?
- La milice privée de l'économiste. Des pions qu'il utilise pour ses basses besognes et pour sa sécurité...

    Je me tourne vers l'officier qui hausse les épaules, sans chercher à le contredire. J'observe à nouveau son insigne et cela fait alors sens à mes yeux. Je reviens à mon jouet :

- Laisse-moi t'avouer un truc, Jaime... J'suis peut-être pas l'type le plus malin au monde, mais j'suis loin d'être con. T'as dû l'remarquer. Et comble du comble, j'suis pas non plus un Condor. Moi j'bosse pas pour Victor. Pas directement en tout cas. C'qui veut dire que si j'te fais du mal, c'est seulement parce que j'en ai envie... L'seul souci que j'risque d'avoir en te butant, aussi lentement que possible, c'est d'pas être payé. T'vois où j'veux en venir ?

    Oh que oui il voit où je veux en venir. Sa pupille tressaille tandis que son regard s'éclaire un instant. Il commence à douter de ce qui l'attend. C'est le moment que choisit la donzelle pour ouvrir sa gueule :

- Hé ! J'ai rien à voir là-dedans moi ! Faîtes-moi sortir d'ici !
- Ferme-la toi ! Va pas nous compliquer les choses !
- Ouais parfait'ment ! Je m'occupe de toi plus t...

    Attend voir...

- Tu la connais alors ?
- Non !

    Réponse rapide. Ferme, mais rapide. Il me fixe sans sourciller... Il a repris contenance. Juste pour ça, j'ai envie d'enfoncer mon bâton d'argent dans la gorge de cette idiote jusqu'à ce qu'elle manque de s'étouffer. Ça lui apprendrait à ouvrir sa gueule au meilleur moment !
    Je fais craquer mes épaules, mes phalanges et même mes coudes. Je m'approche du plan de travail et découvre tout un arsenal d'outils à la fois simples et astucieux. Des merveilles du déliement de la langue ! Pinces, écarteurs, scalpels tordus, tenailles, presses bois à levier... Je prend un joujou dans chaque main et me tourne vers Jaime, excité comme un gamin :

- Et si on amusait, maintenant ?
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Hors-RP : Ce post est placé sous balises, en raison de son contenu. C'est un choix personnel réfléchi et conscient. Si vous êtes mineur, je vous conseille de passer votre chemin. Certains pensent que des mots ne peuvent pas heurter la sensibilité des plus jeunes, moi je dis que l'imagination peut-être la source de bien des malaises. Avec toute mon affection ( What a Face ) et peu d'excuses : moi-même.


Déconseillé aux moins de 16 ans:
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- Bon eh bien... Ça s'est pas si mal passé qu'ça !
- Comment avez-vous compris ?

    Nous finissons de ranger notre bazar, le Condor et moi. Je tourne la tête dans sa direction et pointe du doigt mon menton :

- Ce genre de fossette, c'est une signature. Un héritage génétique. Si l'un des parents l'a, l'enfant aussi. Il se trouve que les deux avaient cette double-dune, ainsi que les yeux verts, sans parler des traits du visage, en y regardant de plus près... Ça faisait beaucoup de ressemblances.
- Et pour le commerce de Jaime ?
- Le tatouage d'sa fille : j'ai déjà vu des nénettes de Rhétalia. J'reconnais ce genre de marque. C'était pas dfficile de faire le lien ! Après il suffit de laisser libre cours à son imagination, de se mettre à la place de l'autre andouille... C'est c'que j'aime dans ce genre d'interrogatoire : on crée une relation tellement intime avec sa victime que très vite on apprend à la connaître, à savoir ce qu'elle pense... On fait ressortir ce qu'y a de meilleur en elle, ou de pire... Très souvent, c'est sa vraie nature qui refait surface et c'est là que l'tout devient vraiment jouissif. On devient l'maître, celui qui dirige, qui juge, qui arrache tout c'que possède l'autre alors que son identité-même s'étiole.
Enfin bref, pas besoin d'être un génie pour faire le rapprochement : c'était qu'un pervers détraqué qui utilisait sa fille et certainement le reste de sa famille comme objets d'plaisir, histoire de mieux refourguer sa camelote.

- C'est ce qu'il a dit, en effet... Et vous le croyez ?
- Évidemment : l'était plus tordu qu'moi, sans mentir. L'avait beau vendre l'nénuphar d'son enfant aux plus offrants, il l'aimait d'amour véritable. Même moi j'peux rien contre ça. Mais j'peux en profiter. C'est plus fragile qu'ça en a l'air l'amour. Ca s'tord comme le roseau, sans jamais céder, mais c'est justement parce que ça s'plie qu'on peut l'soumettre.
- Il aimait ses esclaves... Et il en a fait des objets.
- J'pense même qu'il les aimait PARCE QUE c'sont devenus des objets ! Mais là, c'est qu'une supposition. C'était un matérialiste et un homme d'affaire avant tout. Et c'est c'qui nous intéresse dans c'cas précis, non ?
- En effet. Où planque-t-il sa marchandise ? Ses autres esclaves ?
- Tout est dans une crique au nord-est de l'île, à quelques centaines de mètres du dernier quai, là où la falaise forme un début d'mâchoire. Après il restera plus qu'à choper sa carte de navigation, son calepin et dénicher l'autre planque sur Rhétalia et à Saint Uréa.
- Parfait. J'informe monsieur Bahìa sur le champ pour lui faire mon rapport... Je tiens à vous féliciter personnellement pour votre travail. Je n'aime guère vos méthodes, et je doute que vous ayez bien la tête sur les épaules.
- Reste poli, p'tite merde...
- Mais au moins vous avez l'esprit qu'il faut pour le travail qui vous attend. Je pense que mon maître vous recontactera très prochainement pour vous faire rejoindre le royaume. Il y aura du pain sur la planche, vous verrez.
- J'ai déjà hâte d'y être ! Par contre une question comme ça mais... Tu t'appelles comment déjà ?
- Je ne l'ai pas dit : Enrick.
- Bon. Bah... Salut Enrick. Mes salutations à ton maître et pense à moi quand t'iras béqueter.

    L'officier me sert brièvement la main avant de hocher la tête et de quitter la pièce, me laissant finir de nettoyer notre chantier. Le travail des ouvriers allait reprendre d'ici une heure, ce qui me laisse juste le temps de finir de laver le sol.
    Derrière moi, les chaises sont bonnes à jeter. Plus rien ne traîne par terre ; il ne reste qu'une flaque rougeâtre qui sent fort le fer et l'urine. Entre mes doigts, quelques cheveux restent collés, dernières reliques de ce qui ornait auparavant la tête de la prostituée. Par respect, comme j'aimais le dire, et par souci de perfection, j'avais terminé de la raser. Chauve, elle gisait désormais avec son père dans un grand sac fermé d'une chaîne et d'un crochet.

    Après une demie-heure et plus de cents coups de serpillère, je traîne derrière moi le linceul commun et l'emmène jusqu'à la flotte. Je regarde une dernière fois la chose d'un air nostalgique avant de la balancer dans l'eau. Et certains pensent que j'ai du mal à m'attacher...
    Je ne dis pas ne pas avoir aimé le moment où ils ont rendu leur dernier souffle : ils avaient l'air si choqués quand après leur avoir fait entendre qu'ils étaient libres j'ai égorgé le père puis la fille. Il paraît que dans une relation, il faut savoir surprendre pour que ça marche. Ça évite l'ennui.

    Je suis passé par chez moi, histoire de laver la lame de mon couteau, ainsi que mon bâton. J'en ai profité pour changer de vêtements aussi. J'irai peut-être faire un tour du côté du marché après, histoire de refaire le stock de pantalons et de teeshirts. Pourquoi pas un marcel cette fois ? Noir de préférence. Les tâches se voient moins...
    En attendant je me retrouve à nouveau assis face à Bill, le barman. A l'endroit exact où j'avais eu une discussion avec Jerry au début de cette histoire.

- Qu'est-ce que j'te sers, Dorian ?
- La même chose que d'hab' Bill.
- Avec un glaçon ?
- Je t'en prie.

    Bill s'arrête un instant d'astiquer le verre qu'il tient et me regarde, étonné. Il doit pas avoir l'habitude que je me montre poli de la sorte. Faut dire aussi que j'exprime un air béa depuis tout à l'heure.

- Eh bah c'est pas souvent qu'tu tires une tête d'la sorte ! Il s'est passé un truc bien ?

    Je m'accoude au comptoir et pose la tête sur mes mains, toutes dents dehors, le regard empli de malice.

- Une journée bien remplie on va dire. Une jeunette aussi d'ailleurs...

    L'autre me sert mon verre sans trop comprendre. Il prend presque peur en m'entendant ricaner tout bas, les yeux fixés sur mon reflet dans le liquide.
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