J’avais beau être matinal, j’avais quand même assez mal. Il devait être quatre heures du matin lorsque mon réveil m’extirpa de mon sommeil. Le pire, c’était que ce celui-ci fut d’une très courte durée. À chaque fois que mes yeux se fermaient, l’image du cadavre de Doroteo m’apparaissait et me réveillait en sursaut. Et, si ce n’était pas lui que je voyais mort, la mort tragique d’un de mes hommes se jouait devant moi, me hantait et m’empêchait de trouver le repos. Ce dernier n’arriva seulement, car j’étais littéralement tombé de sommeil, exténué par les entraînements que je m’infligeais et les rondes que mon grade m’imposait.
Cela faisait une petite semaine que j’avais effectué ma dernière mission… Mission que j’aurais pu éviter si j’avais été plus attentif… C’était entièrement de ma faute, malgré les dires de mon équipe, et même de mes supérieurs. Si le temps n’avait pas émoussé mon intérêt pour les tours de garde et que j’écoutais mon instinct, j’aurais coffré cet enfoiré de kidnappeur avant qu’il ne sévisse et toute cette histoire aurait été terminée en moins de temps qu’il faut pour dire « Kuala Lumpur »… Mais, avec tant de si, je finirais par couper toute la forêt sur Boréa.
Pourquoi devais-je me réveiller aussi tôt ? Parce qu’à peine remis sur pied suite à mon duel contre Wincho Sadus, le colonel Grey m’avait convoqué dans son bureau afin de me proposer une mission, malgré mon grade et mon expérience. J’aurais très bien pu refuser, mais l’inactivité me rendait chèvre. Je devais m’occuper les idées, sinon j’allais devenir fou. J’acceptai alors sans soucis cette mission et, lorsque je demandai de plus amples détails sur celle-ci, je n’eus pour information qu’un horaire et un lieu. Malgré ma maigre expérience dans le rang de la Marine, j’avouai être un peu surpris par autant de secrets et, après plusieurs longues minutes – si ce n’était une bonne heure d’intense négociation à grand renfort de mes amis, je réussis à lui tirer les vers du nez, enfin très légèrement.
L’ordre de mission ne venait pas de lui, mais de la branche d’élite de la Marine et lui-même était un peu dans le flou. Il ne comprenait pas pourquoi « la belle et merveilleuse branche de l’élite ultime » - le ton de sa phrase fut extrêmement sarcastique, avait besoin « d’un piètre caporal de la ridicule branche Régulière » - il manqua d’exploser la tasse qu’il tenait dans ses mains en disant cela. Je le regardai avec un rictus légèrement paniqué et échangeai quelques regards avec mon escouade. J’étais très loin d’être au courant des griefs entre les deux sections de la Marine, même si je savais très bien la différence. Pour moi, on faisait tout le même boulot : faire régner la paix sur toute la surface du globe. On n’avait pas le même maillot, mais on avait tous le même objectif. Il y avait tout de même une exigence pour cette mission, c’était de se présenter sur les lieux en tenue de civil… Quelque chose d’assez surprenant.
Je m’étais donc réveillé alors que le soleil ne pointait même pas le bout de son petit nez, car je devais me rendre sur les lieux pour cinq heures. Ce fut alors avec dynamisme et volonté que je me préparais… Du moins, de mon point de vue. Si je pouvais sortir de mon corps et me regarder, je dirais que je me déplaçais à la vitesse d’un mollusque asthmatique à qui on lui aurait donné des calmants. Je fus tellement lent que, encore en sous-vêtement en train de me brosser les dents tout en observant cette tête de zombie déterré que j’avais dans le miroir, j’entendis quelqu’un frapper à ma porte. Sans m’habiller ni même retirer la brosse à dents, j’ouvris tout en baragouinant avant même de voir les personnes, parce que je savais qui s’était :
« Chalut les gars…
- Putain, vieux… T’abuses là… Lança Nick qui était accoudé au mur à côté de la porte. Il sortit un petit billet de sa poche pour le passer sèchement à Juno qui pouffa légèrement. Tiens, v’là ton pognon, crevard.
- Par ici la monnaie. Faut qu’t’arrêtes de parier pour lui, t’as trop confiance ! D’puis quelques jours, c’est pire qu’un escargot.
- Vo-vous y allez un peu fort. Rétorqua Iban tout en serrant la lance dans ses mains. Ch-chef, vous devriez peut-être accélérer un peu, on va finir par être en retard.
- Lui, accélérer ? Il est au max là ! Encore un peu et il va exploser… Oh. »
Un silence de mort s’invita brutalement dans la discussion. Aucun mot ne sortit de ma bouche, toujours occupée par la brosse, mais d’un simple regard aussi sombre que les ténèbres elles-mêmes, je leur fis vite comprendre de se la fermer. Ils déglutirent un à un lorsque du doigt, je désignai tout le bâtiment d’un mouvement circulaire. Traduction : s’ils continuaient, ils devront nettoyer chaque sol, chaque mur, chaque coin et recoin de cette garnison pendant une semaine. Tous se mirent au garde-à-vous… Enfin, à part le bleuté qui se pointa en protestant, car il n’avait rien fait. Mes yeux se braquèrent en un instant sur lui et je pénétrais limite dans sa tête tellement mon regard était perçant. Le pauvre grimaça, tourna sur lui-même comme un automate et mima le mouvement de ses camarades. Un léger sourire en coin se dessina sur mon visage et je me retournai afin de fermer la porte et de finir de me préparer.
Une fois bien afféré, je menai mes hommes vers le point de rendez-vous qui se trouvait non loin de la gare ferroviaire de Lavilliere, endroit que je ne connaissais pas. Étant donné que je ne devais pas porter mon uniforme de Marine, je portai mon kimono fétiche, teinté de rouge et de noir, avec mon ample veste de la même couleur, le sceau du dojo Kan apposé sur le dos. L’argenté, Juno, s’était préparé de la même manière, juste les couleurs qui différaient. Quant au blond et rosé, Nick, celui-ci se pavanait dans les rues avec un manteau marron-cuivré, un jean foncé et un pull violet. N’ayant sans doute eu pas le temps de se coiffer, il avait juste grossièrement attaché ses cheveux à l’arrière, laissant tout de même ceux-ci tombés le long de ses épaules. Pour finir, le lancier, Iban, portait un long manteau blanc et bleu ciel, assez près du corps avec un pantalon blanc.
Les discussions sur le chemin allaient de bon train. Les vannes fusaient, l’ambiance était bonne enfant. Je voyais bien que mes gars essayaient de me détendre… Et ça me faisait du bien. J’avais de la chance d’être tombé sur eux.
Il nous fallut une vingtaine de minutes afin de rejoindre l’endroit indiqué par le colonel. C’était une petite maison paumée qui ne dénotait pas du tout avec le reste des autres bâtisses, parfait pour rester inaperçu. Mais c’était quoi cet endroit ? Ca ressemblait vraiment à un coupe-gorge, je ne serais pas étonné de finir dans le caniveau avec la gorge tranchée… Je secouai légèrement la tête afin de chasser toutes les pensées noires, mais ce mouvement me provoqua un léger vertige, heureusement compensé par le tireur d’élite qui m’attrapa l’épaule afin d’éviter la chute malencontreuse. Un air inquiet sur le visage, il se pencha vers moi, me scruta pendant quelques secondes et murmura :
« Hé, tu nous fais quoi mec ? Ca va ? T’as dormi récemment ? Tu t’nourris au moins ?
- Au vu de-de ses traits tirés et de la maigreur au niveau de ses joues, je-je n’ai pas l’impression qu’il subvienne à ses besoins. Enchaîna le lancier en esquissant une petite grimace.
- La ferme vous deux… J’vais bien…
- … »
Lentement, je décrochai la main de mon ami sur mon épaule et lâchai un long soupire d’ennui au moment de croiser le regard avec l’autre bretteur. Même si celui-ci n’était pas très bavard, son attitude parlait pour lui. Au fond, il s’inquiétait pour moi et désapprouvait entièrement mes agissements. Les mots qu’il avait prononcés à l’hôpital retentissaient encore dans mes oreilles. Je lui offris un maigre sourire en coin et me tournai vers la porte d’entrée. Celle-ci était métallique, d’assez bonne facture et possédait un judas, parfait pour voir les personnes extérieures tout en étant à l’abri à l’intérieur.
D’un geste mou, je frappai plusieurs fois sans m’annoncer. Quelques secondes plus tard, je vis le judas glisser, laissant apparaître une paire d’yeux qui fit un balayage. Aucun mot ne fut échangé, la personne ferma l’ouverture et la porte s’ouvrit dans un grincement qui me vrilla légèrement les oreilles… Et pas que les miennes si je me fiais au doux juron prononcé par l’argenté. Seulement, un juron pouvait en cacher un autre… Et on eut le droit à un petit moment tout en poésie. Nick se sentit alors obligé de frapper Juno pour qu’il se taise, mais ne fit que jeter de l’huile sur le feu. C’étaient des vrais gamins… Je devrais sans doute les arrêter… Mais j’avais tellement la flemme… Mais c’était quand même hommes… Mais ils me fatiguaient… Mais si je les laissais, ils finiraient par en arriver aux mains.
Tout en étant à la limite de me décrocher la mâchoire en baillant, je décrochai mes deux armes et leur décochai un petit coup bien senti au niveau du front. Les deux se stoppèrent immédiatement, se frottèrent la marque rouge et protestèrent sur mes méthodes.
« Les mecs… Si vous continuez… Je vous cloue au sol avec des statues, ok ? Les menaçai-je avant de bâiller une nouvelle fois. »
Ils se figèrent, restèrent stoïques plusieurs secondes pendant lesquelles le bleuté et moi, nous étions engouffrés dans la bâtisse et ils finirent par nous suivre en se faisant la tête. De vrais gamins…
Une fois à l’intérieur, une ambiance lourde et pesante me saisit dans la seconde et me pétrifia un instant. Acérées comme des couteaux de lancer, une trentaine de paires d’yeux se plantèrent sur moi à peine après avoir mis un pied dans la pièce principale, mais un nouveau bâillement me détendit dans la foulée. La pièce n’était pas très grande et pratiquement toute la surface était occupée par une table rectangulaire où siégeait la plupart des personnes, quelques âmes restant debout.
Habituellement dans ce genre de situation, être le centre de cette espère d’attention me dérangeait. Cette dernière était malsaine, comme si la plupart des gens ici se demandaient ce qu’une bande de gus comme mes hommes et moi faisait ici. Je les sentais me jauger avec leur air hautain… Mais là, je n’en avais complètement rien à carrer. Ma mâchoire craqua une nouvelle fois tandis que je me grattai l’arrière du crâne tout en cherchant quelque chose du regard. Après un léger silence, je décidai de prendre la parole histoire de briser la glace :
« Caporal Kagami, à votre service. Les autres mecs derrière moi, c’est mes gars. Nick, le blond tireur d’élite. Commençai-je à énumérer tout en les désignant mollement du doigt.
- Yosh ! S'exclama t-il avec un sourire brillant.
- Juno, le teigneux bretteur à la tignasse argenté…
- … Ta gueule. Murmura le principal intéressé
- Et Iban, notre médecin et lancier aux cheveux bleus.
- Bon-bonjour…
- Et on est là pour une mission… Un nouveau décrochement de la mâchoire m’interrompit, mais j’ai aucune idée du pourquoi d’cette mission. Le seul truc que j’ai réussi à choper, c’est un nom. Est-ce que y’a un certain Lieutenant d’élite Mountbatten dans l’assemblée ?
- … Quel nom de… »
L’argenté ne put finir sa phrase : un malheureux coup de talon au niveau du tendon du mollet le fit tomber dans un petit cri de douleur tandis que je ne pouvais contrôler mes bâillements et que Nick se fendit la poire. La belle bande d’élément… J’en avais marre de ses gars…
Cela faisait une petite semaine que j’avais effectué ma dernière mission… Mission que j’aurais pu éviter si j’avais été plus attentif… C’était entièrement de ma faute, malgré les dires de mon équipe, et même de mes supérieurs. Si le temps n’avait pas émoussé mon intérêt pour les tours de garde et que j’écoutais mon instinct, j’aurais coffré cet enfoiré de kidnappeur avant qu’il ne sévisse et toute cette histoire aurait été terminée en moins de temps qu’il faut pour dire « Kuala Lumpur »… Mais, avec tant de si, je finirais par couper toute la forêt sur Boréa.
Pourquoi devais-je me réveiller aussi tôt ? Parce qu’à peine remis sur pied suite à mon duel contre Wincho Sadus, le colonel Grey m’avait convoqué dans son bureau afin de me proposer une mission, malgré mon grade et mon expérience. J’aurais très bien pu refuser, mais l’inactivité me rendait chèvre. Je devais m’occuper les idées, sinon j’allais devenir fou. J’acceptai alors sans soucis cette mission et, lorsque je demandai de plus amples détails sur celle-ci, je n’eus pour information qu’un horaire et un lieu. Malgré ma maigre expérience dans le rang de la Marine, j’avouai être un peu surpris par autant de secrets et, après plusieurs longues minutes – si ce n’était une bonne heure d’intense négociation à grand renfort de mes amis, je réussis à lui tirer les vers du nez, enfin très légèrement.
L’ordre de mission ne venait pas de lui, mais de la branche d’élite de la Marine et lui-même était un peu dans le flou. Il ne comprenait pas pourquoi « la belle et merveilleuse branche de l’élite ultime » - le ton de sa phrase fut extrêmement sarcastique, avait besoin « d’un piètre caporal de la ridicule branche Régulière » - il manqua d’exploser la tasse qu’il tenait dans ses mains en disant cela. Je le regardai avec un rictus légèrement paniqué et échangeai quelques regards avec mon escouade. J’étais très loin d’être au courant des griefs entre les deux sections de la Marine, même si je savais très bien la différence. Pour moi, on faisait tout le même boulot : faire régner la paix sur toute la surface du globe. On n’avait pas le même maillot, mais on avait tous le même objectif. Il y avait tout de même une exigence pour cette mission, c’était de se présenter sur les lieux en tenue de civil… Quelque chose d’assez surprenant.
Je m’étais donc réveillé alors que le soleil ne pointait même pas le bout de son petit nez, car je devais me rendre sur les lieux pour cinq heures. Ce fut alors avec dynamisme et volonté que je me préparais… Du moins, de mon point de vue. Si je pouvais sortir de mon corps et me regarder, je dirais que je me déplaçais à la vitesse d’un mollusque asthmatique à qui on lui aurait donné des calmants. Je fus tellement lent que, encore en sous-vêtement en train de me brosser les dents tout en observant cette tête de zombie déterré que j’avais dans le miroir, j’entendis quelqu’un frapper à ma porte. Sans m’habiller ni même retirer la brosse à dents, j’ouvris tout en baragouinant avant même de voir les personnes, parce que je savais qui s’était :
« Chalut les gars…
- Putain, vieux… T’abuses là… Lança Nick qui était accoudé au mur à côté de la porte. Il sortit un petit billet de sa poche pour le passer sèchement à Juno qui pouffa légèrement. Tiens, v’là ton pognon, crevard.
- Par ici la monnaie. Faut qu’t’arrêtes de parier pour lui, t’as trop confiance ! D’puis quelques jours, c’est pire qu’un escargot.
- Vo-vous y allez un peu fort. Rétorqua Iban tout en serrant la lance dans ses mains. Ch-chef, vous devriez peut-être accélérer un peu, on va finir par être en retard.
- Lui, accélérer ? Il est au max là ! Encore un peu et il va exploser… Oh. »
Un silence de mort s’invita brutalement dans la discussion. Aucun mot ne sortit de ma bouche, toujours occupée par la brosse, mais d’un simple regard aussi sombre que les ténèbres elles-mêmes, je leur fis vite comprendre de se la fermer. Ils déglutirent un à un lorsque du doigt, je désignai tout le bâtiment d’un mouvement circulaire. Traduction : s’ils continuaient, ils devront nettoyer chaque sol, chaque mur, chaque coin et recoin de cette garnison pendant une semaine. Tous se mirent au garde-à-vous… Enfin, à part le bleuté qui se pointa en protestant, car il n’avait rien fait. Mes yeux se braquèrent en un instant sur lui et je pénétrais limite dans sa tête tellement mon regard était perçant. Le pauvre grimaça, tourna sur lui-même comme un automate et mima le mouvement de ses camarades. Un léger sourire en coin se dessina sur mon visage et je me retournai afin de fermer la porte et de finir de me préparer.
Une fois bien afféré, je menai mes hommes vers le point de rendez-vous qui se trouvait non loin de la gare ferroviaire de Lavilliere, endroit que je ne connaissais pas. Étant donné que je ne devais pas porter mon uniforme de Marine, je portai mon kimono fétiche, teinté de rouge et de noir, avec mon ample veste de la même couleur, le sceau du dojo Kan apposé sur le dos. L’argenté, Juno, s’était préparé de la même manière, juste les couleurs qui différaient. Quant au blond et rosé, Nick, celui-ci se pavanait dans les rues avec un manteau marron-cuivré, un jean foncé et un pull violet. N’ayant sans doute eu pas le temps de se coiffer, il avait juste grossièrement attaché ses cheveux à l’arrière, laissant tout de même ceux-ci tombés le long de ses épaules. Pour finir, le lancier, Iban, portait un long manteau blanc et bleu ciel, assez près du corps avec un pantalon blanc.
Les discussions sur le chemin allaient de bon train. Les vannes fusaient, l’ambiance était bonne enfant. Je voyais bien que mes gars essayaient de me détendre… Et ça me faisait du bien. J’avais de la chance d’être tombé sur eux.
Il nous fallut une vingtaine de minutes afin de rejoindre l’endroit indiqué par le colonel. C’était une petite maison paumée qui ne dénotait pas du tout avec le reste des autres bâtisses, parfait pour rester inaperçu. Mais c’était quoi cet endroit ? Ca ressemblait vraiment à un coupe-gorge, je ne serais pas étonné de finir dans le caniveau avec la gorge tranchée… Je secouai légèrement la tête afin de chasser toutes les pensées noires, mais ce mouvement me provoqua un léger vertige, heureusement compensé par le tireur d’élite qui m’attrapa l’épaule afin d’éviter la chute malencontreuse. Un air inquiet sur le visage, il se pencha vers moi, me scruta pendant quelques secondes et murmura :
« Hé, tu nous fais quoi mec ? Ca va ? T’as dormi récemment ? Tu t’nourris au moins ?
- Au vu de-de ses traits tirés et de la maigreur au niveau de ses joues, je-je n’ai pas l’impression qu’il subvienne à ses besoins. Enchaîna le lancier en esquissant une petite grimace.
- La ferme vous deux… J’vais bien…
- … »
Lentement, je décrochai la main de mon ami sur mon épaule et lâchai un long soupire d’ennui au moment de croiser le regard avec l’autre bretteur. Même si celui-ci n’était pas très bavard, son attitude parlait pour lui. Au fond, il s’inquiétait pour moi et désapprouvait entièrement mes agissements. Les mots qu’il avait prononcés à l’hôpital retentissaient encore dans mes oreilles. Je lui offris un maigre sourire en coin et me tournai vers la porte d’entrée. Celle-ci était métallique, d’assez bonne facture et possédait un judas, parfait pour voir les personnes extérieures tout en étant à l’abri à l’intérieur.
D’un geste mou, je frappai plusieurs fois sans m’annoncer. Quelques secondes plus tard, je vis le judas glisser, laissant apparaître une paire d’yeux qui fit un balayage. Aucun mot ne fut échangé, la personne ferma l’ouverture et la porte s’ouvrit dans un grincement qui me vrilla légèrement les oreilles… Et pas que les miennes si je me fiais au doux juron prononcé par l’argenté. Seulement, un juron pouvait en cacher un autre… Et on eut le droit à un petit moment tout en poésie. Nick se sentit alors obligé de frapper Juno pour qu’il se taise, mais ne fit que jeter de l’huile sur le feu. C’étaient des vrais gamins… Je devrais sans doute les arrêter… Mais j’avais tellement la flemme… Mais c’était quand même hommes… Mais ils me fatiguaient… Mais si je les laissais, ils finiraient par en arriver aux mains.
Tout en étant à la limite de me décrocher la mâchoire en baillant, je décrochai mes deux armes et leur décochai un petit coup bien senti au niveau du front. Les deux se stoppèrent immédiatement, se frottèrent la marque rouge et protestèrent sur mes méthodes.
« Les mecs… Si vous continuez… Je vous cloue au sol avec des statues, ok ? Les menaçai-je avant de bâiller une nouvelle fois. »
Ils se figèrent, restèrent stoïques plusieurs secondes pendant lesquelles le bleuté et moi, nous étions engouffrés dans la bâtisse et ils finirent par nous suivre en se faisant la tête. De vrais gamins…
Une fois à l’intérieur, une ambiance lourde et pesante me saisit dans la seconde et me pétrifia un instant. Acérées comme des couteaux de lancer, une trentaine de paires d’yeux se plantèrent sur moi à peine après avoir mis un pied dans la pièce principale, mais un nouveau bâillement me détendit dans la foulée. La pièce n’était pas très grande et pratiquement toute la surface était occupée par une table rectangulaire où siégeait la plupart des personnes, quelques âmes restant debout.
Habituellement dans ce genre de situation, être le centre de cette espère d’attention me dérangeait. Cette dernière était malsaine, comme si la plupart des gens ici se demandaient ce qu’une bande de gus comme mes hommes et moi faisait ici. Je les sentais me jauger avec leur air hautain… Mais là, je n’en avais complètement rien à carrer. Ma mâchoire craqua une nouvelle fois tandis que je me grattai l’arrière du crâne tout en cherchant quelque chose du regard. Après un léger silence, je décidai de prendre la parole histoire de briser la glace :
« Caporal Kagami, à votre service. Les autres mecs derrière moi, c’est mes gars. Nick, le blond tireur d’élite. Commençai-je à énumérer tout en les désignant mollement du doigt.
- Yosh ! S'exclama t-il avec un sourire brillant.
- Juno, le teigneux bretteur à la tignasse argenté…
- … Ta gueule. Murmura le principal intéressé
- Et Iban, notre médecin et lancier aux cheveux bleus.
- Bon-bonjour…
- Et on est là pour une mission… Un nouveau décrochement de la mâchoire m’interrompit, mais j’ai aucune idée du pourquoi d’cette mission. Le seul truc que j’ai réussi à choper, c’est un nom. Est-ce que y’a un certain Lieutenant d’élite Mountbatten dans l’assemblée ?
- … Quel nom de… »
L’argenté ne put finir sa phrase : un malheureux coup de talon au niveau du tendon du mollet le fit tomber dans un petit cri de douleur tandis que je ne pouvais contrôler mes bâillements et que Nick se fendit la poire. La belle bande d’élément… J’en avais marre de ses gars…
Dernière édition par Kan Kagami le Sam 30 Sep 2017 - 17:27, édité 1 fois