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A la vôtre, monsieur le soldat !

Après quelques longues heures de navigation au gré des vagues, Lina vit enfin une île pointer le bout de son nez au loin. Cela tombait bien : elle était fatiguée, exténuée d'avoir passé son temps à ramer et puis, surtout... Elle avait très soif.
Elle avait réussi grâce à son arc à pêcher un poisson comestible qu'elle avait mangé cru. Le goût étant plus qu'immonde et le palais de la belle plutôt fin, elle n'eut pas le courage de le finir. Néanmoins, le peu qu'elle avait ingurgité avait suffit à la remettre d'aplomb. Son soucis maintenant, c'était que le poisson était bourré de sel. Et le sel, ça déshydrate...
Bref. Encore un dernier effort, quelques coups de rame bien puissants – du moins, puissants à la manière de rouquine- et la voilà arrivée aux côtes d'une nouvelle île.

Cheveux aux vents, Lina amarra sa modeste barque à un rocher près du port. Elle attacha solidement la corde à celui-ci pour éviter toute mauvaise surprise à son retour. Lorsque ceci fut fait, elle se laissa glisser contre la paroi rocheuse et s'assit sur le sable. Elle prit une longue respiration et se mit à sourire tout en laissant sa main s'enfoncer dans le matériau granulaire jaune et chaud. Nul doute : c'était bon d'avoir les pieds sur terre.
Au bout de cinq bonnes minutes la rouquine se releva, motivée, et se décida à aller visiter ce lieu. C'était la première fois qu'elle quittait le royaume de Bliss pour découvrir de nouveaux horizons et elle n'était pas peu excitée de cette expérience.
Elle s'avança vers le port, là où la population commençait à se faire plus dense et prit le chemin principal qui menait vers la ville.

Ce qui la marqua en premier fut un nombre incroyable d'attractions en tout genre. Lina n'avait jamais vu ça... Il était déjà arrivé qu'à Bliss il y ait des festivals avec des petits manèges. Cependant, là, c'était comme si toute l'île était faite de ça et en grandeur nature. Ébahit, subjuguée par cet ensemble de jeux divers et variés, Lina continua sa route. Cette île lui rappela les livres qu'elle avait pu lire sur la composition de South Blue. Elle en avait passé des heures à se documenter et à regarder les images de ces lieux étranges, différents, aussi loufoques que celui-ci.
Après quelques minutes de réflexion, elle réalisa qu'elle était arrivée à la station balnéaire la plus prisée de tout South : SunaLand.

En observant les divers passants qui marchaient ça et là, elle se rendit compte que c'était plus qu'une évidence et se sentit bête de ne pas avoir fait le lien plus rapidement.
Tout le monde avait l'air en vacance et heureux. Lina se rendit alors compte que, contrairement à Bliss, une aura de paix et de légèreté se ressentait sur cette île. Elle respira une grande goulée d'air et se sentit tout de suite plus détendue.
Elle passa devant un café. En voyant les clients et leurs jus d'orange bien frais, la rouge sentit tout de suite à quel point sa bouche était desséchée. Heureusement pour elle, elle avait pensé à embarquer sa bourse et le porte feuille qu'elle avait très légalement emprunté pour une durée indéterminée à Bliss. Cependant, lorsqu'elle s'approcha de la vitrine et qu'elle vit les prix des boissons à l'unité, son cœur manqua un battement. Elle aurait dû s'en douter : les stations balnéaires étaient ce qu'il avait de plus cher en matière de consommation... Elle soupira. Alors qu'elle allait se résigner à entrer dans le café et payer un simple verre de jus d'orange une somme astronomique à l'égal de la perte d'un rein, elle remarqua au loin un attroupement de personnes. Intriguée, elle se rapprocha discrètement d'eux...

C'était un groupe composé de plusieurs hommes assez costauds, peut être des soldats de la marine en vacance. Impossible de savoir, aucun d'entre eux n'avait son uniforme. Cependant, il était plutôt rare de voir une concentration d'un tas d'hommes au même endroit... Lina haussa un sourcil. Cette station balnéaire accueillait donc tout type d'individu. En présumant que ce fussent des soldats de la marine, elle repéra rapidement l'homme qui devait être le chef de cette bonne troupe. Il en imposait clairement plus que ses hommes... Une idée traversa furtivement l'esprit de la rouge et un sourire malicieux se dessina sur ses lèvres roses.

Et si je m'amusais un peu, moi aussi, songea-elle. Ni une, ni deux, elle s'approcha doucement de cet homme, l'air un peu perdue, innocent. Quitte à se tromper. Au culot. Dégainant son plus beau sourire et son regard le plus charmant, elle arriva en face de lui et plongea ses iris violacées dans les siennes.
_ Est-ce qu'un soldat pourrait offrir un verre à une charmante jeune femme de passage sur Sunaland ?

Et elle attendit la réponse, toujours souriante.
    Des vacances… Je ne pensais jamais en avoir. Je n’aurais jamais imaginé avoir du temps libre, même dans mes fantasmes les plus fous. Depuis mon enrôlement volontaire dans la Marine, à aucun moment, je n’avais été tranquille. Certes quelques temps-morts étaient venus parsemer l’année, mais je croulais toujours sous les obligations et le manque de liberté se faisait durement ressentir. Je nourrissais l’envie d’aventures et d’autres sensations… Découvrir d’autres horizons, étoffer ma culture et élargir mon champ du possible étaient les désirs qui me consumaient à petit feu… J’avais vraiment envie de changer d’air. Surtout que j'en avais marre des histoires de kidnapping d'enfants.

    Une semaine après mon retour sur Tanuki et ma promotion un peu surprise - et surtout en retard vu que j’avais appris que cette dernière s’était effectuée à peine après mon départ pour mon village natal, je pris alors les devants contre les avis de mes fiers hommes et me dirigeai vers le bureau du colonel afin de réclamer un peu de nouveauté et de tranquillité. C’était couillu, vraiment couillu, surtout après avoir été promu, mais je n’en pouvais plus. Chaque petit incident dans la ville de Lavillière brûlait à petit feu le peu de patience que j’avais. Je m’étais surpris à engueuler salement un mioche qui taquinait un peu une de ses amies. J’évitais même certains entraînements - ce qui ne m’était jamais arrivé auparavant et je m’adonnai à mon autre passion que j’avais oubliée : grimper partout. La liberté de pouvoir se déplacer où on voulait, c’était le pied…

    Lorsque mon supérieur me reçut, j’affirmai mes positions et mes désirs, envers et contre tous… Je n’étais tout de même pas très serein, l’arrière de mon crâne pulsait de douleur à force de le gratter. Puis, après de longues secondes dans un silence de mort, le colonel Grey, d’habitude inexpressif, finit par m’offrir un maigre sourire et d’accepter mes vacances… À mes frais, bien entendu. Cela voulait dire que mon salaire et celui de mes hommes… Eh bien, on pouvait les oublier… Mais c’était le prix de la liberté. Je ne le contredis pas, les chefs avaient toujours raison. Cependant, en annonçant la nouvelle à mon équipe, leur mécontentement fut tel que j’étais obligé de prendre aussi leur frais au niveau du voyage… Misère.

    Ce fut donc une semaine plus tard que Nick, Juno, Iban et moi, nous retrouvions sur la fameuse île de Suna Land, parfait endroit pour se détendre. Et, pour information, c’était moi qui avais décidé de la destination. Comment avais-je obtenu cette information ? À force de tourner en rond, j’avais fini par glaner quelques infos par-ci par-là et l’envie d’aller visiter un parc d’attractions grandissait en moi. Vu que nous étions en vacance, au diable l’uniforme de Marine, ces derniers restèrent à la garnison. Contre toute attente, de mon côté, j’avais même laissé de côté mon kimono, un peu trop austère. Je voulais m’amuser moi !

    Niveau vestimentaire, j’avais opté pour un pantacourt noir assez large au niveau des jambes afin de ressentir le vent au niveau de mes chevilles, une très légère veste bleu ciel histoire d’ajouter un peu de gaîté, un tee-shirt beige unis pour le côté classique et des chaussures montantes, marrons foncés, chaussures que je laçai et pliai pour plus de confort. Du côté du blond, il avait laissé ses cheveux voleter au grès du vent et, dans son excentricité, il surenchérit avec des vêtements aux couleurs vives. Tee-shirt rouge, pantalon bleu et une longue veste beige, ce qui piquait quand même pas mal les yeux. Concernant le bretteur, sa tenue était plus sobre et on l’en remerciait : un débardeur noir, un manteau noir et un pantalon bleu nuit. Ses cheveux argentés n’en sortaient qu’encore plus brillant. Pour finir, Iban, fidèle à lui-même, s’habilla tout de blanc et bleu, comme à son habitude, toujours aussi près du corps. À chaque fois que je le voyais, je me disais que son côté timide et réservé devait être qu’une simple façade, pour sortir avec des fringues pareilles. On n’était peut-être pas raccord, mais au moins, une chose était sûr : on était voyant. Et pour preuve, à peine était-on arrivé sur l’île que l’on se faisait déjà accoster.

    Il devait être aux alentours de midi, les gens se baladaient bras dessus bras dessous dans la joie et la bonne humeur. Nous, nous étions en quête d’un petit remontant, car les gorges s’asséchaient à cause du climat estival de l’île. On s’était habitué au froid et au vent de Boréa, alors retrouver des températures normales, au départ, ce n’était pas vraiment le pied. Et, par-dessus tout, on était à la recherche d’un endroit spécifique qui m’était venu aux oreilles par hasard, un endroit où l’on pouvait déguster de bonnes pâtisseries autour d’un bon alcool, servi par des personnes très… Charmantes. Là, ce n’était pas moi qui avais choisi la destination : j’avais eu le malheur d’échapper cette information lors d’une soirée arrosée.

    D’un coup, alors que nous déambulions dans notre petite recherche infructueuse tout en discutant de tout et de rien, je fus stoppé net par quelqu’un que je manquai même de bousculer. Mais c’était quoi ces gens qui se croyaient tout permis ?! On n’arrêtait pas comme ça les gens ! Elle allait voir de quel bois je me chauffais, cette personne qui m’arrêtait. Cependant, la surprise de croiser deux améthystes surplombées d’un foyer écarlate m’arrêta dans mon élan et me décrocha légèrement la mâchoire. Je soulevai tout de même un sourcil lorsqu'elle m’appela « soldat »… À croire que les habitudes de la Marine avaient la peau dure. Il était vrai qu’on gardait une formation assez resserrée et qu’on avait tendance à perdre notre regard un peu partout.

    Au moment où j’allais ouvrir la bouche pour lui répondre, je vis le tombeur de ses femmes fondre sur celle-ci comme un albatros sur sa proie. Les cheveux blonds au vent, Nick se retrouva rapidement au côté de la jeune femme et glissa son bras au-dessus de ses épaules, même s’il dut se cambrer légèrement. Il s’éclaircit très légèrement la voix et lui répondit de sa voix la plus douce :

    « Nous serions ravis de partager un verre avec vous…
    - Irrécupérable… Murmura Juno en se frottant le front.
    - Nick… S’il te plaît, t’te calmes ou j’te calme ? Enchéris-je en tapant légèrement du pied.
    - Woah ça va hein ? Ok, j’ai compris. Répondit-il en se désengageant, laissant la pauvre fille tranquille.
    - Franchement, ton cas est navrant… Je secouai légèrement la tête, dépité, mais je la relevai pour regarder la demoiselle. Excusez-le, il a besoin de décompresser. En tout cas, il a quand même raison sur un point : on serait ravi de vous tenir compagnie autour d’un verre. En plus, vous arrivez au bon moment ! On cherche un établissement qui devrait se trouver dans les parages. Est-ce que vous êtes du coin ? Est-ce que vous savez si le Red café est dans le coin ? »

    Pendant quelques secondes, un léger silence s’installa, laissant le temps à la demoiselle de répondre. D’un coup, le médecin se décida d’enchaîner :

    « Che…
    - Oh, pas de grade ici Iban, on est là pour se détendre.
    - O-oui Kagami, murmura le bleuté alors qu’il désignait un bâtiment du doigt. Je crois qu’on l’a trouvé. »

    Ce fut à l’unisson que les regards se tournèrent vers la cible et les yeux de chacun s’illuminèrent comme des sapins de noël. La devanture était plutôt chique, dans les tons boisés avec une touche de rouge. Des néons trônaient au-dessus de la porte, pour le moment éteints, décrivant les lettres de l’établissement qu’on cherchait : le Red Café. Et, comme dans les bruits de couloir que j’avais entendu, des jeunes femmes habillées en domestique distribuaient des tracts de la boutique. Tandis qu’un déglutis peu ragoûtant sortit de la gorge du blond, j’étais juste émerveillé devant quelque chose que je ne connaissais pas. Un léger sourire sur le visage, je me tournai vers la demoiselle et lui proposai :

    « Si vous voulez nous accompagner ? »

    Eh merde… Voilà que je parlais comme Nick. Ce mec déteignait vraiment trop sur moi.
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    Que peut-on dire d'un échange de regard durant quelques secondes mais semblant intemporel ? Lina devait se l'avouer ; en accostant cet homme, elle ne s'attendait pas à ce qu'il ait d'aussi beaux yeux, encore plus noirs que la nuit. Malgré ses airs malicieux et son allure de pseudo-Sainte Nitouche, elle fut surprise. Ce qui la rappela à la réalité fut un bras, assez robuste, se déposer au-dessus de ses épaules. La rouge tiqua un peu puis tourna légèrement sa tête vers cet inconnu. Ses longs cheveux blonds lui chatouillaient le visage, si bien qu'elle dû retenir un petit rire.

    _ Nous serions ravis de partager un verre avec vous..., dit l'étrange énergumène d'une voix cristalline.

    Avant même qu'elle n'ait eu le temps de dire quoique ce soit, l'homme au regard sombre rappela son ami à l'ordre à sa manière. Il se tourna vers Lina et s'excusa, lui disant aussi qu'elle était la bienvenue pour boire un verre avec eux. La rouge esquissa un sourire malicieux. La partie était gagnée, un verre gratuit en poche.

    _ Est ce que vous savez si le Red Café est dans le coin ?

    Elle secoua la tête en guise d'acquiescement.

    _ Je ne suis pas d'ici,
    dit-elle, cependant, je pense savoir où il est. Je suis justement passée devant un café il y a une vingtaine de minutes, ce doit sûrement être celui-là.

    Et, elle agrémenta sa phrase d'un large sourire lumineux dont elle avait le secret. Au même moment, un des hommes interpella le soldat au regard sombre. Il allait l'appeler chef quand celui-ci le rappela une nouvelle fois à l'ordre, lui disant qu'ils étaient ici pour se détendre. La rouquine avait donc vu juste, ce qui augmenta sa satisfaction personnelle.

    _ O-oui Kagami,
    renchérit l'homme un peu gêné.

    Donc, voilà le nom du chef de ces marines. Kagami. C'était un prénom original. Elle le trouvait même plutôt joli. Perdue dans ses pensées, elle se rendit compte que tous les soldats regardaient dans une seule et même direction. Elle suivit leurs regards et vit que le fameux Red Café était juste sous leurs yeux...
    Un lieu plutôt classe et qui portait bien son nom. En plissant ses yeux, Lina remarqua plusieurs femmes déambuler dans le café et habillées avec une sorte de tenue de soubrette. D'autres distribuaient des tracts à l'entrée de celui-ci. Intriguée, elle sentie un regard se poser sur elle qui la stoppa dans ses tribulations.

    _ Si vous voulez nous accompagner ?


    Elle répondit, une expression énigmatique au visage et le regard insistant :

    _ Avec plaisir.

    Et ils se mirent tous en route vers l'eldorado de SunaLand. Ils furent à l'intérieur en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. L'une des soubrettes les accueilli et les installa à une table où elle leur donna une carte des boissons. Dur de ne pas saliver face à tout ce choix...
    Lina, qui avait pris soin de s'asseoir en face de Kagami, prit quelques minutes pour choisir ce qu'elle voulait. Dans sa tête, son choix se porta vers un jus d'orange, revigorant. En attendant que quelqu'un vienne prendre leurs commandes, elle se pencha doucement vers le chef des soldats. Entortillant une mèche écarlate de cheveux autour de son index, elle le dévisagea quelques instants avant d'engager une nouvelle fois la conversation.

    _ Dites m'en plus sur vous, monsieur le chef de ces charmants soldats.


    Elle appuya sur le mot « chef », regard malicieux, se rappelant qu'il ne voulait justement pas qu'on l'appelle comme ça sur cette île.

    _ C'est plutôt rare de voir des marines en vacance... Vous avez dû les mériter pour qu'on puisse vous accorder ce précieux temps de repos si je ne m'abuse. Alors ? Que pensez-vous de Sunaland ?


    Elle lança un regard furtif vers l'une des soubrettes et, mesquine, souffla dans sa barbe ;

    _ Et de ses habitantes...


    Elle plongea son regard dans les iris noires de son interlocuteur, attendant impatiemment ses réponses.
      Eh bien… Au moins, on n’allait pas être trois pauvres mecs seuls à se rendre dans un maid café. Cela l’aurait fait un peu mal : on aurait pu nous prendre pour des crève-la-faim alors qu’on cherchait juste un endroit où se détendre et faire autant plaisir à nos bouches qu’à nos yeux. Qu’y’avait-il de mal à se rincer l’œil en même temps que le gosier ? De mon côté, je n’en voyais aucun. Surtout que cette demoiselle qui nous accompagnait avait l’air d’être d’une très bonne compagnie, tant mieux pour moi.

      Tout en secouant légèrement la tête afin de faire voler mes longs cheveux blond et rose au vent, je glissai discrètement mon bras derrière sa nuque, je plaquai doucement ma main contre son épaule et la rapprochai un peu de moi. Cependant, un regard noir, pesant et inquisiteur m’interrompit dans mon geste, un frisson me parcourant tout l’échine. Je tournai alors la tête de manière saccadée, tel un robot et, lorsque mes yeux croisèrent ceux du jeune sous-lieutenant, mon sang et mes ardeurs se gelèrent presque instantanément. Un léger sourire crispé se figea sur mon visage tandis que je m’éloignai de notre accompagnatrice et, d’un ton maladroit, je me permis une petite réflexion :

      « J’vais finir en sorbet banane litchi si tu continues à m’regarder comme ça, Kagami… Et j’pense pas que ça se marie très bien.
      - T’es vraiment un taureau… Rétorqua le brun en soufflant légèrement du nez. Tu vois du rouge, tu fonces…
      - J’dirai même qu’il s’en fout du rouge, Enchaîna le blanc-bec, dès qu’y’a une fille, il fonce !
      - Toi, ta gueule ! Si j’veux l’avis d’un putain d’diablotin albinos, j’te ferai signe !
      - Oh, t’as un problème, m’sieur ‘dès qu’j’vois une fille, j’deviens un cygne’ ?!
      - OH, ON S’CALME LA, ok ?! Moi, j’veux juste boire un coup tranquillement, alors vos gueules, compris ? Ponctua t-il avant de me pousser de l’épaule et d’accompagner la fille dans le bar. »

      Après un échange d’éclair avec le sabreur tandis que notre petit médecin observait la scène avec un air atterré sur le visage, tout le monde suivit Kagami dans le restaurant, ce dernier poussa tranquillement la porte.

      À peine eut-on foulé les premières planches composant le plancher de l’établissement qu’une jeune demoiselle vêtue d’une tenue de soubrette bien moulante et d’un serre-tête en forme d’oreille de chat nous accueillit avec petit sourire timide et une légère rougeur sur les joues. Sans le vouloir, mes yeux la scannèrent de haut en bas, mais un coup de coude venant de mon supérieur me stoppa une nouvelle fois dans mes agissements. Quant à lui, aucune once de réaction disproportionnée émana de lui, comme si la vue de cette maid lui faisait ni-chaud ni-froid… Un vrai glacier ce type. Il demanda juste une table pour cinq personnes et suivit le guide sans broncher.

      On s’installait alors tranquillement et, direct, je remarquai quelque chose qui m’agaçait légèrement : cette fille qui nous accompagnait n’avait d’yeux que pour le chef. Elle s’était assise délibérément devant lui et le dévorait presque du regard. Putain, il n’y avait que pour lui tandis que moi, je devais me coltiner un emmerdeur de première et un mec quasiment invisible, bordel. Pour noyer mon chagrin –et vu que c’était Kagami qui payait, je commandai un bon vieux rhum Prestige et une tarte à la pomme parce que j’avais une faim de loup. Le jeune officier subalterne commanda un jus de pomme céleste en plaisant sur le côté « divin » de la chose – ce qui ne fit rire personne. L’albâtre prit de son côté une bonne vieille bière blonde et un pain au chocolat. Pour finir, le médecin de service se contenta d’un jus multivitaminé et d’un croissant au beurre.

      En attendant nos commandes, ce fut la demoiselle qui ouvrit les hostilités en… S’adressant immédiatement au sabreur à deux lames. Mais bordel ! Il avait quoi ce mec ? Un charme magnétique ? A moins qu’il l’avait payé juste pour me faire chier… Ouais, non, je délirais un peu. Sans une grande pression, le jeune homme bascula légèrement sa chaise en arrière et resta en équilibre sur ses deux pieds, les deux mains derrière la tête, avant de répondre sans vraiment la regarder, peut-être afin d’éviter le regard de braise de son interlocutrice :

      « On vient juste d’arriver, donc je ne peux pas vous dire grand-chose sur ce que je pense de cet endroit. Ca m’a l’air plutôt joyeux : les gens sont détendus, c’est bon enfant, l’endroit est plutôt beau. C’est plutôt calme malgré le monde… Bref, c’est super…
      - Et les filles sont super sexy ! Le coupai-je avec entrain. »

      Malencontreusement, dans mon entrain, mon pied-droit faucha la chaise de l’ébène qui tenta de vaincre la gravité afin de se redresser… Mais cette dernière était bien trop forte.

      Soudain, alors qu’il allait s’exploser le crâne contre le sol, Kagami déposa ses deux mains par terre et, profitant de l’élan procuré par la chute, effectua un saut en arrière afin d’atterrir quelques mètres plus loin. Pas de chance pour lui : au niveau de son point de chute se trouvait une jeune serveuse avec un plateau qu’il bouscula… Mais, tout en souplesse, il se redressa, attrapa le plateau et la fille qui tombait et remit cette dernière sur pied et le plateau dans ses mains. La fille écarquilla les yeux, ne comprenant pas vraiment ce qu’il venait de se passer. Le jeune homme s’excusa et, tout en revenant à la table, me fusilla du regard. Il redressa sa chaise, s’assit et lâcha un petit :

      « Toi, la statue, 2h… »

      Un silence de mort s’installa autour de la table, je déglutis bruyamment… Putain, pas la statue dans la garnison, elle était affreusement lourde. Pour détourner l’attention, je repris la parole en plantant mes yeux bleus dans ceux écarlates de la demoiselle :

      « Et vous, que faites-vous ici ? Vous ne me semblez pas être accompagné, vous voyagez seule ? Il faut être sacrément courageux pour se balader seule ces temps-ci, avec tout ce qui se passe. Mais, ne vous inquiétez pas, nous sommes ici pour assurer votre sécurité… Vous pouvez compter sur moi. Finis-je en lui faisant un léger clin d’œil.
      - On d’vrait plutôt la protéger de toi, ‘spèce de détraqué.
      - Quoi ?! Putain, Juno, j’vais t’crever !
      - Euuuuh… Excusez-moi… »

      Une petite voix fluette nous stoppa directement et je tournai la tête pour remarquer une autre serveuse, un plateau avec nos commandes dans les mains. Aaaah, enfin… J’avais la dalle. Je m’écartai un peu et elle déposa toutes ces bonnes choses sur la table… À la bouffe !
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      Nonchalant, le marine bascula légèrement sa chaise. Le temps d'une seconde, Lina se dit qu'il devait être vraiment costaud pour pouvoir tenir simplement par la force de ses deux jambes. Avec son petit  gabarit, elle en serait incapable.
      Elle se concentra sur celui-ci, ignorant quelque peu volontairement les autres hommes qui les accompagnaient. Tandis qu'elle écoutait le fameux Kagami lui expliquer ce qu'il pensait de SunaLand, la rousse remarqua quelque chose : il ne la regardait pas.

      _ Et les filles sont super sexy !


      Lina cligna rapidement des yeux, déposant son regard de feu sur celui qui venait de prononcer ces mots, c'est-à-dire le même qui quelques instants auparavant avait tenté une approche plutôt originale envers elle. Celui-ci l'avait sorti de ses tribulations mentales et elle devait se l'avouer ; elle avait été plutôt surprise par sa réflexion furtive.
      Au même moment, elle remarqua que le chef de cette joyeuse troupe avait manqué de s'aplatir la tête contre le sol en effectuant une sorte de salto arrière. La rouquine écarquilla les yeux, en l'espace de quelques millièmes de secondes venaient de se passer un tas d’événements plutôt surprenants. Et ce n'était pas fini !
      L'ébène eut la malchance d'atterrir juste à côté d'une serveuse qu'il bouscula. Cependant, avec classe et charisme, le marine ne se laissa pas abattre. Il se redressa et attrapa le plateau, la serveuse, et les remis exactement comme ils étaient. La pauvre jeune femme ne comprit pas tout de suite ce qui venait de lui arriver...
      Menton déposé sur la paume de sa main, Lina n'avait manqué aucun bout de cet étrange spectacle. Un sourire légèrement dessiné sur les lèvres, elle regarda l'homme s'excuser et revenir à la table. Décidément, il était plutôt doué et pleins de surprise, ce Kagami...
      Quelque peu hypnotisée malgré elle par cet étrange personne, elle ne remarqua même pas le blond se faire passer un savon sous ses yeux.

      C'est d'ailleurs celui-là même qui la coupa de ses rêveries orientées vers l'ébène. Ses yeux aux couleurs de l'océan se plantèrent dans les siens, ce qui surpris la jeune femme. Il entama une conversation.

      _ Et vous, que faites-vous ici ? Vous ne me semblez pas être accompagné, vous voyagez seule ? Il faut être sacrément courageux pour se balader seule ces temps-ci, avec tout ce qui se passe. Mais, ne vous inquiétez pas, nous sommes ici pour assurer votre sécurité… Vous pouvez compter sur moi.

      Il lui adressa un clin d'oeil plein de sous entendus. Avant même qu'elle ne puisse répondre, un autre marine lui lança :
      - On d’vrait plutôt la protéger de toi, ‘spèce de détraqué.
      - Quoi ?! Putain, Juno, j’vais t’crever !

      Elle rit discrètement de ce charmant numéro. Au même moment, une douce voix féminine se fit entendre. C'était la serveuse qui, commandes à la main, semblait un peu gênée par ce qui était en train de se passer. Elle déposa chacune des commandes sur la table puis partit.
      Lina attrapa son jus d'orange et déposa ses lèvres roses autour de la paille. Elle avala le liquide fruité et se sentit tout à coup revigorée. Elle reposa son verre sur la table, un large sourire aux lèvres et se tourna vers le beau blond.

      _ J'entame un voyage, dit-elle, pour l'instant seule. Mais j'espère pouvoir être un jour accompagnée. A plusieurs, c'est toujours plus amusant.

      La main sur le petit bout de plastique, elle tourna légèrement la paille dans le verre afin de créer un petit tourbillon. Son regard se fit soudain plus lointain.

      _ J'ai toujours eu l'envie irrépressible de voyager, de voir le monde. Il y a tellement de chose à découvrir et à apprendre...

      Dans un sens, ce qu'elle disait était vrai. Mais elle savait pertinemment que ce n'était pas seulement ça qui l'avait poussé à quitter son petit cocon Blissien.

      _ Sinon, continua-t-elle, merci pour la proposition mais je suis capable de me défendre seule.

      Sourire malicieux aux lèvres et regard un peu provocateur, elle sortit de son gros baluchon qui était disposé à ses pieds un fourreau. Elle dégaina légèrement son sabre, pour faire comprendre au blondinet qu'elle n'était pas si faible que ça. Puis elle reposa son bel attirail au fond du sac. Elle ne s'en rendit pas tout de suite compte mais elle l'avait mal refermé et sous le poids de l'épée celle-ci dépassait un peu du sac, la rendant visible aux yeux de tous.

      _ Et vous ? Je suppose que vous avez l'occasion de voir des paysages divers et variés avec votre travail, je me trompe ?

      Avant même d'avoir la réponse d'un des soldats, un homme qui passait juste à côté du siège de Lina se baissa furtivement, prit le sabre de celle-ci et prit ses jambes à son cou. La jeune femme tiqua, tout s'était passé très vite.

      _ Qu'est ce que ?!


      L'expression faciale de la rousse, qui était jusque-là calme et sûre d'elle, se décomposa. Elle se leva en quatrième vitesse et n'eut le temps que de crier à l'homme de s'arrêter, ce qu'il ne fit évidemment pas.
        Putain… Je voyageais avec des crève-la-faim. À peine la jeune serveuse eut déposé les gâteaux et les boissons sur la table que le bleuté et le blond se jetèrent dessus comme s’ils n’avaient rien mangé depuis plusieurs semaines, alors que notre dernier repas datait de même pas trois heures. Peut-être avaient-ils peur que je leur pique toutes leurs victuailles vu que j’avais tout payé. Quant à Juno, il m’intriguait : il observait avec une forte attention de ses yeux jaunes perçants la demoiselle qui nous accompagnait, les deux coudes bien posés sur la table et le menton posé sur ses mains. Enfin… Non, ce n’était pas elle, la cible de toute cette concentration, mais plutôt les personnes qui se trouvaient juste derrière. Elles nous jetaient certains regards furtifs de temps en temps, avant de chuchoter dans leur coin. Je ne l’avais pas remarqué avant, mais j’entendais aussi certains rires… Ils étaient sans doute impressionnés par la démonstration que j’avais effectuée juste avant.

        Enfin, j’étais en vacance et je comptais en profiter ! J’attrapai donc nonchalamment mon verre de pomme céleste et portai la paille à la bouche tout en prêtant une oreille attentive aux réponses de notre jolie invitée. Un grand sourire illumina mon visage lorsqu’elle parla de cette envie irrépressible de voyager et je ne pus m’empêcher de rebondir sur le sujet :

        « Aaah, l’aventure… Ce désir insatiable d’élargir son horizon et sa culture… L’appel irrationnel de l’inconnu… Se jeter sur un coup de tête dans un bateau pour parcourir ces vastes étendues de mer à la découverte de son soi et de ses limites. Moi aussi, je suis animé par cette passion dévorante. Moi aussi, je rêve d’aventure et de l’inconnu… Fouler toutes les terres, mettre les pieds là où personne n’est jamais allé, ou très peu de personne... M’enfin, il est beau pour le moment l’aventurier… À siroter un verre de pomme céleste dans un parc d’attractions… Il est beau l’homme qui rêve d’aventure, mais qui est coincé sur un putain de glaçon, à faire des rondes toute la journée, à aider les vieilles à récupérer leur chat. Cependant ! Enchaînai-je en levant mon verre au ciel. Un jour, oui un jour… Je reprendrai ma route vers les contrées inconnues de la route de tous les périls ! … Oups, désolé de vous avoir coupé, vous pouvez continuer…
        - T’es sûr que y’a pas d’alcool dans ton verre ? Plaisanta le tireur d’élite, son verre de rhum à la main. »

        Je sentais de lourds regards se poser sur moi. La plupart des gens dans le café me jugeaient, certains étaient amusés. Tout tremblotant à cause de cette soudaine pression sociale, je posai lentement mon verre sur la table et me recroquevillai sur ma chaise. Putain, pourquoi je devais toujours faire ce genre de discours quand on me parlait d’aventure ? J’étais tellement en manque…

        Les chuchotements se turent après quelques minutes et la demoiselle aux cheveux embrasés put continuer de raconter sa petite histoire et, surtout, nous faire l’étalage de son accompagnateur : un katana plutôt bien forgé. A l’unisson, l’argenté et moi haussâmes un sourcil, assez intéressé d’avoir devant nous une manieuse de sabre. Pour ce qui était du blondinet, un petit sifflement admiratif s’échappa de ses lèvres encore posées sur son verre.

        « Et… Vous savez vous en servir ? Se permit le jeune bretteur quand même avec une pointe de défi dans la voix
        - Juno, calme tes ardeurs… On n'est pas là pour se battre, mais pour se détendre, ok ? »

        Il était vraiment irrécupérable ce type. À chaque fois qu’il voyait un bretteur, la flamme du combat s’allumait et ne pouvait être éteinte qu’après avoir assouvi ses penchants psychotiques.

        Tout d’un coup, du coin de l’œil, j’aperçus l’une des personnes qui étaient assises derrière notre interlocutrice se lever précipitamment et s’approcher avec hâte à notre table. D’un geste prompt, assuré et rapide, cette personne s’empara du sabre qui dépassait du baluchon et détala tel un lapin vers là sortie. Un joli « Putain » m’échappa de ma bouche quand la pensée d’un moment tranquille s’évapora en même temps que l’homme. Et bordel ! Je ne pouvais même pas retourner la table pour me lever rapidement, sinon la pauvre fille la recevrait en pleine tête. Vite, vite… Putain, allez ! Oh… Oui, c’est bon !

        Tandis que mes fiers hommes se mirent à la poursuite du voleur tout en gueulant « ARRÊTEZ VOUS ! » - enfin, c’était Nick qui gueulait, je fouillai en une demi-seconde le dessus de table que j’avais sous les yeux. La fourchette du gâteau ? Non, elle risquerait de se planter dans le crâne du mec. L’assiette ? Non plus, les risques de lui couper la nuque étaient trop grands. Pareil pour les verres… Le bougeoir en plastique ! Parfait ! Avec agilité, j’attrapai mon projectile de fortune tout en faisant voler la table sur le côté et un léger déclic pratiquement imperceptible se fit entendre lorsqu’il s’échappa de mes mains à une vitesse défiant tous les lanceurs de baseball alors que le voleur avait un pied en dehors du maid café, poursuivis de près par Juno… Qui avait dégainé son arme ! Putain, mais j’allais finir par l’enfermer lui !

        Le projectile fendit l’air, sifflant dans les oreilles de mes hommes qui stoppèrent subitement leur course, et, juste avant de heurter le dos du fieffé malandrin, un nouveau bruit s’éleva, ce qui signifiait que la simple décoration en plastique pesait dorénavant aussi lourd qu’un boulet de canon. L’impact ne se fut pas dans la dentelle et l’homme décolla du sol avant de s’écraser lourdement contre le mur d’une autre bâtisse, cinq mètres plus loin. J’espérais juste que le craquement que j’avais entendu n’était pas celui de la colonne vertébrale du jeune homme qui avait cédé sous la force du projectile. En tout cas, il était pas mal sonné.

        Rapidement, Iban arriva à sa hauteur, s’assura de son état de santé et, une fois rassuré, lui passa les menottes avant de nous faire signe que tout allait bien. L’argenté soupira longuement tout en rangeant son sabre tandis que Nick sirotait tranquillement son verre qu’il avait gardé pendant la course-poursuite. Ce fut alors avec une certaine nonchalance que je sortais aussi du café, je récupérai le sabre de la femme et lui tendit avec un léger rictus :

        « Faites-y plus attention la prochaine fois… Le sabre est la chose la plus importante pour un bretteur… Allez les gars, on l’amène à la garnison, ça lui fera les pieds.
        - Et nos vacances ? S’interrogea le médecin qui redressait le voleur qui était mal tombé.
        - Ah… mais putain, merde t’as raison. Vas y, relâche-le… J’ai pas fini mon verre en plus… C'est ma tournée !
        - Tu… Tu plaisantes ?
        - Mais bien sûr triple buse que j’plaisante ! Putain, toujours aussi crédule c'lui-là ! Vous v'nez les gars ?
        - Euh... Attends Kagami… Je crois qu’on a d'la visite… Enchaîna le jeune albâtre tout en dégainant son arme. »

        Je jetai un regard par-dessus mon épaule et je remarquai que les autres personnes assises à la fameuse table possédaient eux aussi des sabres et voulaient en découdre.

        « Des amis à vous ? Ponctua Nick alors qu’il finissait son verre et qu’il le jeta par terre. »

        Ces vacances s’annonçaient des plus merdiques !


        Dernière édition par Kan Kagami le Jeu 26 Avr 2018 - 16:19, édité 1 fois
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        Les yeux écarquillés, Lina accusait le coup. Elle songea que la vie avait un drôle de sens de l'humour, étant donné que c'était la deuxième fois en très peu de temps que l'on essayait de la voler... De l'argent, ça passe encore. Mais pas le katana. Elle y tenait comme à la prunelle de ses yeux. Elle mit quelques secondes avant de réaliser ce qu'il se passait. Lorsqu'elle y parvint, elle se rendit compte que les hommes de l'ébène était déjà en train de partir à la poursuite du voleur. Elle secoua sa tête, faisant danser ses cheveux roux, puis se leva, déterminée elle aussi partir à l'assaut.

        Tout à coup, quelque chose passa à grande vitesse près d'elle. Une sort de projectile venait d'être lancé. Il atterrit sur l'étrange énergumène qui décolla du sol et alla s'écraser contre un mur. La rouquine cligna frénétiquement des yeux et se tourna vers Kagami. C'était lui qui venait de lancer le boulet de canon improvisé. Malgré son anxiété, Lina s'apaisa un peu et sourit.

        _ Beau tir, soldat, dit-elle.

        Elle se retourna et partit rapidement en direction du point de chute de l'homme. Lorsqu'elle fut à sa hauteur, elle se rendit compte que le choc avait dû être plutôt rude vu la tête que celui-ci tirait. Elle lança un regard vers le café et se demanda si ce Kagami était réellement humain... Les menottes étant déjà mises autour des poignets du voleur, chacun se détendit un peu. Lina souffla de soulagement. La présence soudaine de l'ébène à côté d'elle la fit légèrement sursauter. Il lui tendit son sabre.

        _ Faites-y plus attention la prochaine fois… Le sabre est la chose la plus importante pour un bretteur…,
        lança-t-il un sourire énigmatique aux lèvres.

        La rouquine resta interdite. Quelques rougeurs apparurent sur ses joues, dues à une forme de honte. Il avait raison. Elle n'avait rien vu venir et la surprise avait complètement anéantie ses réflexes. Elle se sentit tout à coup très faible. Elle avait encore tellement de chose à apprendre... Elle regarda son sabre et le serra de sa main droite. La gêne laissa rapidement place à un sentiment de détermination. Lina ne se laisserait plus jamais abuser de la sorte, elle se le promit.
        Elle fut tirée de ses tribulations par la voix d'un des hommes de Kagami.

        _ Je crois qu’on a de la visite…

        Elle suivit le regard du brun et se rendit compte que le voleur de sabre avait quelques amis à lui dans le café. Étrangement, Lina ressentit une vague d'excitation en elle. Elle allait se battre et prouver autant à Kagami qu'à elle-même de quoi elle était capable. Elle reprit le contrôle d'elle-même et inhala une grande goulée d'air.
        _ Des amis à vous ?
        Ayant reprit du poil de la bête, la rouge regarda Nick un large sourire aux lèvres.
        _ Non, mais on peut toujours faire connaissance, dit-elle en dégainant son katana.

        En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, les brigands sortirent du café et se retrouvèrent nez-à-nez face à la jolie troupe. Sans trop réfléchir, la rouquine prit les devant en s'avançant vers eux.

        _ C'est pas très très gentil de vouloir me chiper mon sabre, vous savez ?

        Elle fit la moue en haussant les épaules puis un doux sourire provocateur se dessina sur ses lèvres. Les hostilités étaient lancées.
        Ni une, ni deux, les hommes se dirigèrent en trombe sur les marines, tel des bêtes enragées. L'un d'entre eux alla vers Lina et la rouge se mit à se battre. Évidemment, son adversaire était physiquement beaucoup plus fort qu'elle et elle ne pouvait que le ressentir lorsque leurs deux sabres cognaient l'un contre l'autre.
        Ne pouvant continuer à ce rythme-là, Lina esquiva les attaques du brigand comme elle le pouvait, réfléchissant en même temps à un moyen de le vaincre. Elle se rendit compte que de part la masse corporelle de son adversaire qui était plus lourde, celui-ci se déplaçait légèrement plus lentement qu'elle. Elle profita de cette caractéristique à son avantage. Le prochain coup que celui-ci tenta d'envoyer vers elle, elle le para avec son épée et se déplaça en même temps rapidement sur le côté. Surpris par la vitesse de la jeune femme, avant qu'il n'ait eu le temps de lui assoner un autre coup, la rouquine utilisa l'une de ses techniques les plus fortes : le Red Slash. Elle passa de son pied droit à son pied gauche très rapidement puis arriva à donner son premier coup de la journée.
        Même si elle était plutôt faible physiquement, grâce à son agilité et à sa vitesse, le coup fut plutôt bien dosé ce qui fit basculer son adversaire en arrière. Celui-ci atterrit par terre.

        Un large sourire de victoire se dessina sur les lèvres de la rouquine mais rien n'était encore fait. Elle s'en rendit compte lorsqu'elle reçut un gros coup dans le dos qui la propulsa contre le mur du café.
        Sa respiration se coupa pendant quelques secondes. Lorsqu'elle recouvra ses esprits, elle s'appuya difficilement sur ses bras et se mit à tousser. Elle releva la tête ; juste au dessus d'elle, l'homme qui avait sûrement dû lui donner ce coup en traître allait lui abattre son épée sur elle.
          « Ah ! Pas mal la répartie ! S’exclama Nick, toujours aussi surpris
          - … J’admets.
          - J’crois qu’j’suis amoureux…
          - Le c-coup d’f-foudre !
          - Irrécupérable. Tu dis ça à chaque fois… Soupirai-je longuement. Calme un peu tes ardeurs, ou garde-la pour nos invités.
          - Mais c’est qu’des mecs…
          - Ah bon, ça te dérange maintenant ? Lança instinctivement Juno, pile en plein cœur.
          - Mais ta gueule toi !
          - … Nos v-vacances… Geignit Iban en laissant tomber les épaules et le voleur qui lâcha un petit ‘Aie’.
          - »

          On était détendu, très détendu… Peut-être un peu trop même. En tout cas, la demoiselle en voulait, c’était beau à voir. Elle alla provoquer seuls les personnes qui sortaient du bar pour en découdre, sous les sifflements admiratifs de notre obsédé national. La jeune Scarlett engagea même les hostilités contre l’un des sang-chaud tandis que le reste de la bande se jeta sur nous, prêt à casser du touriste. La chose qu’il n’avait pas pensée, et ça malgré le spectacle dont ils avaient été témoins il y a quelques minutes, était que nous n’étions pas de simples touristes. Ils étaient une bonne dizaine d’enragés, la plupart armés d’épées. L’un d’entre eux s’avança vers nous, il avait l’air d’être le chef… Un peu plus costaud que les autres, quoi qu’un peu plus petit, un chapeau tricorne, une veste noire et des épaulettes dorées… Ne me dites pas que…

          « Eh ! Mais c’est des putain d’marine ! Venez ici qu’j’vous étripe bande de chiens galeux ! Commença t-il à beugler en postillonnant.
          - Hmm… Charmant…. Soupirai-je longuement tout en m’essuyant le visage. J’avais déjà pris une douche…
          - Enfin un peu d’action…
          - Hey, j’bois là, donc on se calme.
          - Snif… F-foutu… Sanglota le médecin.
          - Ecoutez… On est en vacance… Et j’ai pas envie d’faire d’la paperasse. Donc on va faire comme si on ne s’était jamais vu, que rien ne s’est passé et que vous ne m’aviez pas traité de sale chien, ok ?
          - Mais t'es complètement taré ? J'veux m'fritter moi... J'me fais chier comme un rat crevé sur cette île à la con... Pour une fois qu'y'a une baston, faut qu'tu t'la joues...
          - Ferme là… Je tente une approche diplomatique.
          - Diploma-quoi ?
          - J-je veux monter dans une mon-montagne russe… Continua Iban en taquinant le voleur avec sa lance déplié.
          - Hm… J’vais plutôt vous égorger et vous pendre et vous écarteler. Dans ce sens-là. Ha ha ha ha ha ! Je suis Locke 'Mad' Nottley.
          - Hmm... Nottley… Nottley… Nottley… Marmonna le blond en fouillant des notes qu’il avait dans son sac. Ah, trouvé ! Locke 'Mad' Nottley… Un pirate notoire de South Blue… Ses méthodes sont quand même assez extrêmes. Il est du genre à torturer ses victimes, même morte… Et à leur faire d’autre chose horrible.
          - Q-Quel genre ? Osa le médecin.
          - Tu veux pas savoir.
          - Moi, j'aim'rais savoir comment tu sais tout ça ?
          - J'ai fait mes recherches, au cas où...
          - Maniaque...
          - Ta gueule...Sinon, sa tête mise à prix à… 7 000 000 Berrys… Pfiou, pas mal. Eh Tu m’écoutes Kagami ? »

          Honnêtement non, mon attention était plus portée sur eux capta mon regard. Sous son air complètement débraillé et déphasé, il avait sa main portée à sa ceinture dans une drôle de posture, comme s’il cherchait quelque chose et il ne regardait pas vers nous. Il était plutôt intéressé par quelque chose d’autre, au vu de son sourire détraqué et de ses rictus séniles… Si je suivais son regard… Oh putain.

          D’un pas léger et vif, je me déplaçai entre la petite masse humaine sans asséner de coup sur mon chemin. J’évitai le moindre écart afin de rejoindre au plus vite cet homme qui sortait un pistolet caché dans son pantalon afin de viser la fille aux cheveux flamboyants, prêt à l’abattre dans le dos. Putain ce sale lâche ! Lorsque je fis à sa portée, je lui attrapai l’arme qu’il tenait sous son regard choqué et activai mon fruit. D’un coup, un bruit effroyable se fit entendre, un craquement d’os, suivi d’un râle de douleur et d’un bruit sourd. Alors que le brigand avait son doigt posé sur la gâchette, j’avais multiplié le poids de son flingue par cent, ce qui lui brisa le doigt et lui déboîta l’épaule par la même occasion, l’obligeant à le lâcher. Ce dernier tomba lourdement au sol, creusant légèrement la terre sous l’impact. Avec un sourire mauvais sur le visage, J’abattis un de mes sabres sur la partie déjà endolorie de l’enfoiré qui avait voulu interrompre un duel. Le pauvre gueula une nouvelle fois et rejoignit le sol, se recroquevillant sous la douleur.

          « CONNARD !! TOUCHE PAS A L’UN D’MES HOMMES ! TUEZ-LE !! » Hurla le capitaine pirate.

          D’un coup, les autres fauteurs de troubles se retournèrent pratiquement tous vers moi et, au lieu d’être complètement terrorisés par ce qu’il venait de se passer, ils préférèrent me sauter en même temps dessus, sans avoir une once de compassion pour leur compagnon au sol. Mais ils avaient un grain, c’était pas possible ! Rapidement, je devais la cible d’une avalanche de coups d’épée donnée un peu au hasard, que j’esquivai ou parai sans trop de soucis… Sous le regard de mes hommes qui semblaient se tourner les pouces. Pas un pour rattraper l’autre.

          Sans grande difficulté, je parai tous les coups de sabre vers ma direction, tout en jetant un petit regard vers Scarlett qui, avec un magnifique jeu de jambes, se glissa sous la garde de son adversaire et lui asséna un coup prompt et vif, ce qui le fit tomber à terre. Un léger sourire se dessina sur mes lèvres, le poing serré de la victoire –oui, j’utilisai qu’une seule main pour me défendre. Mon sourire se mua en surprise lorsque j’aperçus le capitaine courir dans le dos de la victorieuse.

          « ATTENT- ! » Essayai-je de la prévenir, mais en vain.

          Un énorme coup de pied l’envoya s’écraser contre le mur du café et, pendant qu’elle reprenait difficilement sa respiration, l’odieux malfrat commença à lever son épée pour la trancher en deux, un sourire amplement vicié et dégueulasse. Putain, elle allait se faire buter et moi, j’étais encore aux prises avec cette bande d’incapable. Dégagez dégagez dégagez !! J’en étalai un d’un revers du sabre, un autre d’un coup d’estoc, un troisième d’un coup de genou dans le plexus solaire, tandis que Nottley était au bord de l’extase. Il savourait son moment, ça se voyait… À se lécher les babines… C’était dégueulasse.

          Ce fut à ce moment-là qu’une chose dans le coin de mon œil me rassura instantanément. J’arrêtai ma traversée de la marée et je repris mon petit jeu d’esquive. Mad finit par se lasser et tenta d’abattre son sabre sur la pauvre fille, mais il ne rencontra que les lames acérées de Juno qui l’accueillit avec grand plaisir. Ce dernier fut suivi par Iban et Nick qui se retrouvèrent à genoux aux côtés de Scarlett. Le premier était très hésitant à la toucher… Tandis que le deuxième trépignait d’avance. Il l’attrapa même dans ses bras, la souleva du sol façon princesse… Mais il allait s’arrêter un jour ?

          « Ne vous inquiétez pas… Votre prince charmant est là.
          - Tu m’dégoûtes… Rétorqua l’argenté.
          - Ah oui ?! Eh bien j’vais t’crever comme les autres marines que j’ai butés !
          - Mais j’t’ai pas sonné, sale porc !! »

          L’épéiste donna un coup de pied tout en sautant en arrière, ce qui créa de la distance avec le capitaine pirate qui reprit facilement son équilibre quelques mètres plus loin, même pas étonné une seule seconde. Il arbora un autre sourire sadique et lécha son sabre sur toute la longueur en ajoutant :

          « Hm… T’es un mec ou une femme ? Parce que tes traits fins… J’ai envie d’les découper en rondelle…Et de me les farcir…
          - … Tu m’dégoûtes…
          - Ah, réutilisation de réplique, elle a trouvé son destinataire ! Plaisanta Nick, avant de reporter son attention sur la jeune femme. On va laisser ces maniaques de l’épée tranquille… Allez Iban, on y va.
          - O-ok… »

          Et ils s’éloignèrent un peu du conflit afin de regarder les blessures de Scarlett.
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          Pendant ce temps, de l’autre côté de la rue, je m’entraînai non sans entrain mon esquive et mes parades contre la dizaine de pirates qui attentait à ma vie. J’étais en vacances, je voulais en profiter pleinement… Mais qui dit vacances ne voulait pas dire pas d’exercice. Je virevoltai donc entre les différentes lames et autres coups de poing et de pied. J’avais un petit sourire aux lèvres lorsque je remarquai plusieurs clients du Maid Café, ainsi que plusieurs serveuses. Mon sourire dût les agacer pas mal au vu de leur expression se déformant de rage. J’en entendais même certains pester et m’injurier… Mais l’un d’entre eux me fit perdre un peu ma concentration lorsqu’il me supplia même de le laisser me toucher. Merde, ce con !

          Sans prévenir, un coup-de-poing me frappa juste au niveau de la tempe et m’étala face contre terre, me faisant bouffer de l’herbe au passage sous la stupeur du public. Certains me huèrent même. Fais chier... Alors que je broutais l’herbe, les coups ne s’arrêtèrent pas, au contraire. J’avais l’impression d’avoir cinquante mecs sur le dos en train de me tabasser au sol, c’était pathétique. En plus, à cause du choc, le monde tournait autour du moi… Ou c’était moi qui tournais autour du monde… Ou on tournait en même temps. En tout cas, je n’étais pas en très bonne posture, mais j’arrivai tout de même à rouler sur le sol afin d’esquiver la pluie de lames se déferler sur moi.

          Après plusieurs roulades habiles, je finis par sortir de cette horde d’assoiffé de sang et pus reprendre mes esprits en me relevant non sans peine. Je titubai encore légèrement, mais au moins mes yeux retrouvaient lentement leur place en face des trous. Je secouai un peu la tête et me mis deux bonnes claques afin de me remettre en scelle. Mais, merde… Je m’étais quand même laissé toucher par ces… Ces… Ces moins-que-rien qui ne valaient même pas un sous ! J’étais encore trop faible… Ou pas assez concentré… Ou trop laxiste… Ou tout ça à la fois… Mais certainement trop confiant. Je devrais plutôt me mettre en tête que chaque combat, je pouvais risquer la mort, plutôt que prendre tout à chaque fois au-dessus de l’épaule. Allez, Kagami, c’est reparti.

          Je soufflai longuement, les yeux fermés, je décrochai mon deuxième katana de ma ceinture et, d’un coup de pied vif sur le sol, je me jetai dans la mêlée, prêt à en découdre. Je les pris de court, arrivai devant deux d’entre eux et leur assenai chacun une volée de coups qui les envoya directement au tapis. À peine eus-je le temps de me retourner que quatre autres pirates m’attaquèrent à l’unisson. Les armes en opposition, leurs lames se plantèrent dans mes fourreaux, un genou plié au sol. J’entendis derrière moi deux personnes se ruer vers moi, prêt à me planter leur sabre dans le dos. Je poussai alors avec force sur mes jambes tout en mobilisant l’explosivité de mes bras afin de repousser mes premiers assaillants et je me retournai avec vivacité pour parer les deux coups destinés à m’embrocher.

          Sans attendre, je lâchai mes deux katanas en même temps pour toucher les deux épées et ainsi les rendre trop lourdes pour leur porteur. Ceux-ci n’eurent pas la force de faire contrepoids et laissèrent tomber les deux masses au sol dans un bruit sourd, sans comprendre pourquoi. Je profitai donc de l’effet de surprise pour rattraper mes armes au vol, cependant avec les mains croisées. Ainsi, dans cette position, je pouvais infliger de puissant revers et mis mes deux adversaires hors d’état de nuire. Juste après, je fis face aux restes des pirates encore debout et en finis assez rapidement après des échanges rapides et des utilisations de fruits habiles. J'entendis plusieurs clameurs derrière moi, ainsi que des applaudissements. Ca faisait du bien de se faire mousser, parfois.

          Une fois la dernière personne mise à terre, je me redressai, aussi frais qu’une petite fleur à l’aube du printemps et je reportai mon attention vers mes compagnons, plus particulièrement Juno… Qui semblait rencontrer des difficultés avec son adversaire. À chaque passe d’armes, il était mené. Chacune de ses tentatives pour mettre à mal le capitaine pirate se résolvait par un échec, sans pour autant prendre des coups. C’était bien la première fois que je voyais quelqu’un lui tenir tête, lui qui taillait dans le vif et fonçait tout droit, mais là… C’était comme ci… Il se limitait. Je le voyais dans ses expressions et son agacement : il réfléchissait. Chacun de ses coups sentait une retenue contre nature. Comme si… Toute son agressivité s’était envolée. D’un côté, j’en étais plutôt fier, à force de le réprimander sur ses pulsions meurtrières à tout-va et à lui répéter que tuer n’était pas la meilleure solution. Je ne pensais pas du tout à ce que mes nombreux discours et punitions finiraient par porter leur fruit… Mais de l’autre côté, le voir aussi démuni face à un simple pirate au pur combat à l’épée me faisait extrêmement mal au plus profond de moi.

          Je ne savais plus quoi faire… Soit je lui donnais un gros coup de pied aux fesses pour qu’il retrouve sa combativité et son mordant, mais je perdrais tout le temps investi pour l’assagir, ou soit je laissais le combat suivre son cours et, peut-être, être témoin d’une de ses premières défaites en duel… S’il perdait, ça lui ferait rentrer encore plus de plomb dans la tête… Non, il risquerait plutôt d’accumuler de la frustration, surtout s’il allait les enchaîner… Il finirait par vraiment tuer quelqu’un… Mais bordel, tout ce temps à lui faire laver la garnison, à lui poser des statues sur les genoux… Tout ça n’aurait servi à rien… Bordel, qu’est ce que j’allais faire ?

          D’un coup, quelque chose me passa juste devant les yeux, me sortant de mes songes. Enfin, quelque chose… Plutôt quelqu’un qui apprenait à voler. Déglutissant légèrement, je tournai la tête vers le point de chute pour y retrouver mon second encastré dans le mur sous plusieurs gravas, du sang se mit à couler le long de sa tempe, imprégnant ses cheveux argentés du couleur vive. Sans même y penser, je me précipitai à ses côtés, lui retirai les débris qui le recouvraient et je le regardai dans les yeux, l’air grave sur le visage. Au moment où je voulus lui parler, il posa une main sur mon épaule, l’attrapa fortement pour se relever et m’ignora totalement.

          « Eh bien alors, une dispute de couple ? Se permit le pirate Locke entre deux rires gras. N’vous inquiétez pas… Z’allez bien vous rabibocher sur mon rafiot… J’vais bien vous dresser.
          - »

          Aucune répartie, aucun commentaire mordant… Mon bras droit restait stoïque, chancelant, des petites perles rouges mouchetant la terre. À ce moment-là, je pris ma décision.

          Dans un silence, je me relevai, les poings serrés, les yeux rivés au sol et, soudainement, je me jetai vers les deux combattants, les deux sabres encore accrochés. Le pirate me remarqua en premier et rit de plus belle avec sa voix roques.

          « Allez, viens t’battre connard ! J’vous prends à deux !
          - … ! T’as pas intérêt d’int-ARGH ! »

          Alerté par le fou, le jeune épéiste se retourna, mais il fit la fortuite rencontre avec l’un de mes poings, ce qui l’envoya balader de l’autre côté de la rue. Fort heureusement, il se rattrapa avant de s’encastrer dans le mur. Il se redressa, la grosse veine bleue de son front pulsant dangereusement et explosa de rage.

          « ESPÈCE D’ENCULE !!!!!!!!! »

          Le hurlement qu’il poussa me fit limite dresser les poils et il se rua vers moi, le sabre à la main. Pendant le court instant qui nous séparait, un sourire se dessina sur mon visage, heureux. Je l’accueillis avec mes deux katanas et sa lame se planta dans les fourreaux. Je l’observai, toujours, ce petit rictus béat au coin des lèvres. Cela faisait du bien de la revoir, cette lueur écarlate dans ses yeux dorés.

          « Mais t’es d’venu fou ou quoi ?! T’aurais pu m’déboîter la mâchoire ou m’tuer, connard ! M’insulta t-il en me crachant limite dessus. Tu veux qu’j’te trucide, c’est ça ?! Et c’est quoi c’putain d’sourire à la con qu’t’as là ?! Qu’est-ce t’as ?! T’es complèt’ment beurré ou quoi ?!
          - Oh, on s’calme les tourt’reaux là… Ou j’vous dépèce !
          - T’vas arrêter d’parler toi ?! Tu m’inondes avec tes putains d’postillons ! »

          En un claquement de doigts, Juno se retourna vers le pirate pour lui trancher le lard, mais ce dernier para le coup et tenta de répliquer. Cependant, l’argenté vociféra une autre insulte des plus fleuries et fit pleuvoir un déluge de lame vers son adversaire qui ne pouvait que reculer. De temps à autre, des légères gerbes de sang s’envolaient, preuve que ses coups portaient. La passe d’armes continua pendant de longues secondes, puis se termina aussi promptement qu’elle a commencé. Le capitaine était exténué par toutes ses attaques qui ne lui laissaient pas le temps de respirer et il finit par se faire prendre de vitesse : le Marine le transperça à plusieurs reprises de part en part. Des petits jets écarlate s’échappèrent à plusieurs reprises et le forban s’écroula au sol. Il leva les yeux vers nous et sourit en coin.

          « Au moins… J’finirai pas en taule… Lâcha t-il, pensant rire pour la dernière fois.
          - Ah ça… N’en sois pas si sûr… Iban ramène ton cul ici vite fait !
          - Qu-quoi ? Mais tu-tu es fous, je v-vais pas soi-soigner ça ! Il p-pue l’al-alcool à pl-plein nez et je pa-parie que ni-niveau hygi-giène corpore-relle, il do-doit pas se la-laver souvent.
          - Soigne-le sinon j’te jure quand on rentre, tu vas laver des p’tits vieux à la maison d’retraite.
          - Nooon, pas les petits vieux… … Bon, qu-quelques organes touchés, mais ça-ça va. Sa vie n’est p-pas en danger… Mais t’as fa-failli toucher le co-cœur Juno. La pro-prochaine fois, fa-fais plus attention…
          - Ta gueule…
          - Eh merde… Se résigna Mad »

          Tranquillement, le toubib se mit à soigner le pirate tandis que l’argenté et moi, nous nous regardions un peu en chiens de faïence. Je lui souris, il m’envoya un coup-de-poing et se retourna sans rien dire pour s’éloigner, les mains dans les poches tandis que plusieurs Marines, alertés par les touristes, se rapprochaient des lieux pour appréhender tout le monde… Même nous. Bah ouais, on ressemblait à de simples touristes. Tiens, j’avais bien fait de l’amener celle-là… Sans hésiter, je sortis ma carte de Sous-lieutenant et je leur expliquai la situation. Après cela, ils arrêtèrent tous les pirates et nous invitèrent à les suivre à la garnison parce que c’était la procédure… Fais chier. Nos vacances, merde ! Tant pis… Je fis signe à tout le monde de me rejoindre… Et surtout à Nick de lâcher la pauvre Scarlett qui avait été seule avec lui. Je m’excusai ensuite après d’elle et nous suivîmes les soldats en lui souhaitant bon voyage tandis que les badauds reprirent leur train-train quotidien.
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