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Bla Bla Flaque

Soupirant de malaise, Raphaël, du haut de son nouveau statut de reporter, s’effondra sur le bastingage. La tête pendante, la bouche sèche, les muscles lourds, il resta là, de longues minutes à inspirer un air toxique, un poison qui se répandait dans ses poumons comme un feu de forêt. Rien ne lui échappait, tout mourrait sur son passage. Le contact du bois sur sa tempe le brûla mais il n’y fit même pas attention ses yeux arides dégoulinant d’avidité pour l’étendue de fraîcheur sur laquelle il glissait. Il maudit les dieux de lui infliger pareil supplice.

Au bord de l’évanouissement, il se laissa guider par le désespoir. Il tendit une main secourable vers le grand océan, le suppliant de venir le chercher, de l’emmener et d’à nouveau lui faire connaître les plaisirs de leurs jeunes années.

Il suffoqua encore et finit par trouver la force de se relever. Il se pencha par-dessus-bord, la tentation était trop grande. Il n’y avait pas d’autres alternatives, c’était son seul échappatoire.

"N’y pense même pas, je ne viendrais pas te chercher si tu te noies. Crétin. "

Tournant la tête avec une énergie dont il ne se serait pas cru capable, il jeta un regard noir à la rousse venue perturber sa souffrance. Trop occupé à surveiller les étranges aiguilles de son Magnétopose, Nova ne le regarda même pas. Depuis tout le temps qu’ils ne s’étaient pas vus, elle avait acquis de bien solides compétences en navigation et préparait avec soin leur arrivée sur Grand Line. Il la trouvait mûrie.

"Mais il fait trop chaaaaaaaaud…. J’en ai marre.
- Tu ne crois pas que tu exagères, il fait à peine 30 degrés, on a connu bien pire sur Amerzone.
- Je pouvais encore me baigner à l’époque… " continua de se plaindre l’enclume.
" Et voilà pour Monsieur. "

Sadiquement versée au-dessus de la tête du mal en point, une trombe d’eau vint lui rafraichir les idées. L’attaque, soudaine, fût si marquée par le changement de température qu’il se crut congelé et vaporisé en un même instant. Raphaël se redressa droit comme un i, manquant de défoncer la poutre sur laquelle il prit appui, dégoulinant de flotte et d’amertume pour le voyage qu’il était en train de vivre. Il secoua ses cheveux pour le sécher et reprendre ses esprits, et ne tarda pas à identifier son agresseur, l’arme du crime encore à la main.

"MAIS T’ES COMPLETEMENT MALADE ?!
- Je voulais juste t’aider à te remettre d’aplomb mon grand, t’inquiète pas tu vas vite sécher héhé. "

Parl'en mediumslateblue

Traître ultime, enflure sans vergogne, le vice du troisième protagoniste n’avait aucune limite. Gingerbread, que ce soit oui ou non son vrai nom, était le propriétaire du navire sur lequel Raphaël mourrait à petit feu. Sous ses airs de jeune entrepreneur rêveur et bienveillant se cachait en fait le pire des tortionnaires, capable de vous faire imaginer les meilleures vacances de votre existence pour finalement vous contraindre au pire.

C’est tout du moins le portrait de lui que se faisait Raphaël, explorateur du dimanche, sans un sou, obligé de partager les frais d’un voyage vers Grand Line avec des parfaits inconnus, par une chaleur insupportable… et des putains d’embouteillage à l’entrée de la Flaque.

"C’est difficile pour tout le monde t’sais. Fais un effort, on a promis d’aider Ging’ et depuis qu’on est parti, tu n’as fait que te plaindre ! On serait encore sur Suna Land s’il n’avait pas été là ! " à l’air fâché et à la retenue de Nova, le vert comprit qu’en sous-texte elle aurait voulu rajouter « peut-être même en prison ». Ce qui le renfrogna d’autant plus, elle exagérait.
"N’importe quoi ! Si je suis là, c’est grâce à vous ! J’aurais jamais pu faire cette croisière inaugurative sans vous, vous êtes tombés du ciel les gars !
- Mouais… On a pas eu beaucoup de succès… et je sers pas à grand-chose… et pourquoi il y a autant de monde dans ces tunnels… Ils font chier tous, moi aussi je veux un peu de fraîcheur...qu’ils avancent merde!
- Encore une raison pour que Bla Bla Flaque fonctionne ! Les voies maritimes sont bien trop embouchées, il faut qu’on décongestionne tout ça ! Plus d’entraide pour des voyages plus sûrs et moins longs ! T’en fais pas pour nos premiers passagers, même si on avait été que tous les trois l’important c’est de faire parler de nous. Et là, c’est toi qui intervient !"

Bla Bla Flaque, un réseau d’échange et de contacts de particuliers à particuliers qui permettrait à tous de partager les frais, le matériel et les compétences pour voyager d’une île à une autre sans engagement. Une formidable idée sur le papier, opportunité pour les jeunes voyageurs de tisser des premiers liens et de rencontrer leurs futurs compagnons d’aventure, mais dans les faits tout était à faire pour Gingerbread et les initiatives sociales comme la sienne n’étaient pas toujours bien aidées par le gouvernement. Au moment où son ancien partenaire, seul navigateur compétent à son bord, l’avait abandonné, il avait eu la chance de croiser la route de Raphaël et Nova. Eux aussi désireux de traverser la Flaque, ils avaient naturellement -ou tout du moins avec la très lourde insistance de la rousse- décidé de s’associer au moins de façon temporaire.

Quelques jours plus tard, ils accueillaient leurs premiers passagers et au bout de la première partie de leur voyage, ils arrivaient enfin en vue de la Flaque. Dédale invraisemblable de galeries creusées à même la roche de Red Line, l’endroit même s’il abritait mille périls, était connu pour être la voie d’accès la plus sûre à l’équateur. Cela ne voulait pas pour autant dire qu’on y était à l’abri des pillards, des tueurs et des monstres des mers, mais ceux-ci pour contourner les dispositifs de sécurité étaient toujours plus enclins à emprunter des voies détournées et des canaux inexplorés. Le goût de la l’aventure ou de la folie. Pour les civils et les commerçants, il s’agissait simplement d’être prudent et d’emprunter la route principale… Une idée visiblement partagée par beaucoup de personne ce jour-là.

"Oui bah… ce reportage je suis aussi censé le faire sur la Flaque… et pour le moment on y est pas donc pas trop la motiv’, t’vois. Ca me tue qu’ils monopolisent la cale aussi… il doit y faire si frais… De l’ombre bordel…
- Je… m’attendais pas non plus à ça m’enfin on a peut-être moyen d’y gagner gros derrière. Le but c’est quand même que nos convaigueurs nous laissent de bons avis.
- Mouais…
- Bon… puisque tu as autant l’air de mourir d’ennui que de la sécheresse, tu viens me filer un coup de main ? J’allais proposer de quoi se désaltérer aux autres- "

*TUUUUUUUUUUUT* *TUUUUUUUUUUUUUUT*

"BON LES BLAIREAUX ! VOUS VOUS DECIDEZ A AVANCER OU FAUT QUE JE VIENNE APPRENDRE A VOTRE NAVIGATEUR A PAS SE FOUTRE LE GOUVERNAIL DANS LE CUL ?! "

Cordial, le capitaine du vaisseau qui les suivait dans l’interminable file cherchant à s’engouffrer dans les entrailles du monde, tenait à leur indiquer qu’ils pouvaient avancer de quelques centaines de mètres pour prendre la suite de leur prédécesseur. Ils allaient enfin pouvoir pénétrer dans les cavernes. Les joies des embouteillages et du savoir vivre.

"MAIS TA GUEULE. " lui répondit l’ancien croupier avec un air exaspéré et un majeur en supplément.

Les bonnes manières et la patience se perdaient.
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Promotion qu'ils ont dit. Ah c'est sûr, Grand Line c'est pas une pédiluve où barbotent les derniers des pisseux, y'a un petit côté prestige qui plaît bien, vais pas cracher dessus. Mais promotion mon cul. Tout ce beau monde au bureau, y savent que j'ai assez rempli les caisses pour alimenter au moins dix divisions de marine pour la décennie à venir ; le pire c'est que j'exagère pas et que je suis même en dessous de la vérité. Et là, un beau jour, les huiles du Cipher Pol se sont levées et se sont dit de bon matin en abordant l'ordre du jour "Tiens ! Et si on donnait une promotion à ce brave Derrick ?". Et là-dessus bien sûr, tout le monde à dit "oui" à l'unisson en ne manquant pas de faire mes louanges.

Permettez que j'y crois pas une seule seconde ?
Dans les faits, la promotion j'aurais du l'avoir depuis une paie. Seulement, voilà : y me suspectent de détourner une partie de ce que je leur fait gagner. C'est injuste. C'est vrai, ça je nie pas, mais c'est injuste.
Me suis octroyé une petite commission sur mes méfaits gouvernementaux, et alors ?! La belle affaire ! Z'ont bien touché 95% de mes rapines ! Dès lors où on en croque, on joue pas les regardant sur la provenance ou sur le fournisseur, on dit "merci" et on encaisse et la ferme. Eux, z'ont juste encaissé. Pire encore, je les suspecte même d'enquêter sur ma gueule. Moi ! Un type presque intègre ! On croit rêver.

Cette "promotion", c'est juste une manière de me faire quitter les îles que j'ai arpenté depuis que je suis môme. Des décennies passées à monter des réseaux, des combines, enfin de quoi alimenter le G.M et un peu ma trogne en passant. Bah voilà, tout est à refaire. Et à tous les coups ils vont gueuler quand ils verront que les rentrées de berries habituelles commenceront à tarir.

Donc "promotion".
Grand Line, rien que ça. Ils auraient pu dépêcher... je sais pas, une frégate de la marine, de quoi me mener à mes quartiers d'affectation quoi. Mon cul tiens ! Même pas un pédalo ! Paraît-il que pour des soucis de discrétions inhérents à ma fonction - ouais, ils ont utilisé le terme "inhérent", c'est dire s'ils pètent plus haut que leur cul au bureau - je dois passer sur Grand Line incognito.
Comme si je m'étais déjà fait chier à jouer la carte de la discrétion. Tout le monde me connaît sur les Blues et se doute bien pour qui je bosse. Ça a jamais emmerdé qui que ce soit que je sache.
Enfin si... un ou deux gougnafiers de première. Mais ça, c'est comme tout. Un bon sac, quelques pierres pour lester le corps, et hop ! Pu de problème.

Alors comme le dernier des bagnards en fuite, je me retrouve à devoir jouer les clandestins. Bordel mais je suis pas Joe le clodo ! Ces ordures du bureau, je leur réserve un chien de ma chienne. Mes réseaux seront de l'autre côté de Red Line ? Bon vent ! Je m'en ferai d'autres ici, des plus prolifiques encore, et là, c'est pas juste cinq pour cents que je détournerai pour mes glorieux états de service. Vous avez voulu jouer aux cons ? Pas de bol, vous êtes tombé sur un troisième dan.

"Bla bla Flaque"... Encore des petits cons qui pensent avoir inventé l'eau qui mouille en créant un système de co-navigation. On paie, bien sûr, comme pour toute compagnie de transport maritime, mais attention ! Là c'est différent ! C'est solidaire ! Et ça change tout.
Je t'en foutrais moi du solidaire. Si c'était un tel altruiste amoureux des relations humaines il ferait ça par charité. En gros, son système là à ce Gingerbread, c'est juste une compagnie de transport clandestine pour pas avoir à payer de taxes.
"Comment monsieur le marine ? Je suis pas déclaré ? Mais enfin... ce n'est pas une compagnie maritime, c'est un réseau solitaire". Vu que les mouettes respectent le droit, y le laisseront passer son chemin. Et pis, d'ici trois ou cinq ans, y'en a au G.M qui vont commencer à se dire "Tiens... c'est drôle tous ces pirates qui réussissent à passer sur Grand Line sans qu'on en soit averti" et pis y commenceront à légiférer. En attendant, y'aura bien trois bataillons de crasseux édentés avec prime qui seront passés de l'autre côté de Red Line.

Merci qui ? Merci Blabla Flaque !

Tu vas voir que je vais pas me priver pour le faire chanter celui-ci quand on sera passés. Ma protection dûment rémunérée contre mon silence, c'est comme ça qu'on commence à bâtir des réseaux. Putain, je reprends déjà du service et j'ai même pas passé Grand Line ! Y'a pas à dire je suis vraiment un travailleur consciencieux et respectable.

*TUUUUUUUUUUUT* *TUUUUUUUUUUUUUUT*

Et vas-y que ça répond "Ta gueule". Y'a pas à dire, c'est bon enfant à la Flaque. Le pauvre con qui vient de répondre ça va se prendre une bonne dizaine de marins sur le coins de la gueule. Sur la flaque, c'est pas la marine qui viendra à son secours, ici c'est une petite zone de non-droit des familles, y m'en dira des nouvelles. S'il lui reste des dents bien sûr.
Je remonte sur le pont - j'étais en cuisine ; sans commentaire - et qu'est-ce que je vois ? Le couillon qui braille des insanités, il est sur notre bateau. Ce serait pas très discret de lui péter la nuque, m'enfin ça l'est pas non plus vraiment de nous faire haranguer par tous les marins du coin pour notre lenteur.

Vite fait je trouve le capitaine au gouvernail. Ah non ! Pas le capitaine, j'oubliais, "Le meneur de notre croisière solidaire", suis-je bête. C'est pas son titre ronflant qui m'empêche de le choper par le col pour lui chantonner quelques cantiques.

- Plus.... vite....

Vu que je peux pas balancer l'autre truc vert par-dessus bord - pas tout de suite en tout cas - on va essayer de donner satisfaction aux grognards derrière. Conciliant le père Oletto, y veut pas d'embrouilles, juste la paix de l'esprit et du flouze pour le gouvernement.

- Mais enfin monsieur, c'est dangereux, il y a des récifs partout et...

- Plus..... vite....

Je sais pas si c'est parce qu'il a senti que mes doigts commençaient à se serrer autour de son cou ou parce qu'il avait pas compris la première fois, mais ça y'est, là d'un coup, le capi... enfin le... le meneur de... de mon cul sur la commode, y commence à s'activer et à donner des ordres. On fend pas la bise non plus, mais derrière y sont contents. C'est déjà ça de fait. Récapitulons la liste des choses à faire pour être tranquille à bord :

1. Contenter ceux derrière histoire de pas attirer l'attention.
2. Jeter l'autre con par-dessus bord histoire qu'y recommence pas.
3. Aller grignoter un morceau histoire de pas décéder d'hypoglycémie spontanée.

Faudra attendre que ça soit plus sombre pour passer à l'étape deux. Vais essayer de sympathiser avant. Juste le temps de paraître moins suspect que je ne le suis déjà.
Hop, j'approche l'air de rien, une tape amicale dans le dos - les gens détestent ça, c'est bien pour ça que je le fait - et j'entame la discussion. Sociable que je suis, j'ai jamais trop de mal à me faire des copains à bord.

- Pr'mière fois sur Blabla Fl'que ?

- Comment vous avez deviné ?

Qui me demande avec sa tête d'ahuri.

- Le doigt d'honneur m'a mis sur l'piste. Faut pas trop les z'emmerder derrière, une fois sur deux, ç'un pirate. Si on s'prend un coup de canon dans les miches, on saura à qui qu'c'est qu'on a affaire.

L'a l'air mal à l'aise quand je cause de pirate. Touriste va. Il est venu avec sa gueuse pour s'encanailler là où les flots sont plus agités. Je leur laisse pas une semaine. Qu'est-ce que je dis moi ? Je leur laisse pas vingt-quatre heure vu que je vais les foutre à la flotte ici-même !
Ouais, les deux, j'aime bien les chiffres pairs et pis je peux pas blairer les rouquines.

- M'invitez à manger ? Voyage solidaire oblige, pouvez pas passer à côté d'l'aubaine hein ?!

Que je leur dit avec un grand sourire. Toujours poser les questions de sorte à ce que la réponse ne puisse pas être "non" sans que ça risque de provoquer une gêne. Les gens fuient le malaise, alors y préféreront sûrement se ruiner pour me payer le dîner que de répondre à la négative.
Moi le malaise je connais pas. La preuve, je vais me faire entretenir à leurs frais avant les buter pour ma convenance. Bah faut croire que ça me gêne pas des masses.
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D’un coup d’oeil à Gingerbread, Raphaël comprit qu’il n’avait pas le choix : il allait devoir faire un effort. À bien y penser, son comportement était ridicule et il ne se serait jamais permis un tel manque de savoir vivre en temps normal. À croire que la chaleur faisait fondre sa cervelle. Il accueillit les familiarités de son passager avec un maigre sourire et lui laissa le plaisir de lui passer un savon, des quatre pauvres conavigueurs que Ging’ avait réussi à embarquer; il lui était encore le plus sympathique.

Pas gâté par la nature avec son drôle d’air de magouilleur et ses traits adipeux, il était celui qui s’était montré le plus avenant et le moins embêtant. Cela ne faisait pas bien longtemps qu’ils voyageaient ensemble, mais le vert appréciait déjà sa compagnie. Peut-être bien parce qu’à suer encore plus que lui, il avait aussi l’air de pas mal souffrir de la chaleur. Peine partagée est une demi peine, ou un truc comme ça sans doute.

Où est-ce que vous étiez passé d’ailleurs, ça faisait un moment qu’on ne vous avait pas vu sur le pont ? Trouvé un bon coin d’ombre ?
- Muais, l’était temps qu’on trouve un d’frais dans ces grottes.” lui répondit-il avec l’envie manifeste de changer de sujet. Raphaël acquiesça, distrait par les quelques matelots, engagés par Ging’, qui s’affairaient à déployer les voiles et suivre les indications de Nova. Leur navire, agité de quelques secousses, se laissa lentement prendre par le courant de la Flaque. Ils avancaient enfin à vitesse de croisière et l’air frais qui transpirait de la cave était pour le vert une résurrection.
Un peu plus et j’y allais à la nage… Bon qu’est-ce qu’on se prépare ?

Laissant ses deux compagnons piloter la manoeuvre du navire, domaine duquel ils faisaient bien de l’éloigner, Raphaël invita son hôte à passer la porte de la cuisine. L’architecture classique de leur embarcation était celle d’une petite caravelle, conçue pour naviguer efficacement même avec un équipage réduit, on n’y trouvait rien de bien luxueux. Du pont on pouvait facilement accéder à la cuisine, pièce principale à l’ambiance chaleureuse -surtout par temps de canicule- et dont le mobilier laissait à désirer. C’était là qu’on venait se réfugier aux dernières heures du jour, ici aussi qu’on apprenait à se connaître et qu’on échangeait des histoires. Une pièce pittoresque où il était bon de venir s’installer.

Un homme, la soixantaine, barbe drue et blanchie par des années de service sur les mers, était confortablement installé sur une chaise, le journal à la main. Il leur jeta un regard rapide, s’acquitta d’un petit mouvement de tête pour les saluer et retourna finir l’article qu’il venait de commencer. Une jeune femme lui faisait face, griffonnant quelques croquis sur son cahier de dessin. À leur entrée elle lâcha son stylo, son visage se creusa d’une moue désobligeante et elle quitta sa chaise.

Je vais dehors.

Ses yeux dévisagèrent l’obèse quand elle passa à côté de lui et elle serra davantage ses bras croisés autour de son carnet, comme pour le protéger. Un instant plus tard, la porte se refermait sur eux.

J’comme l’impression qu’la gamine apprécie pas ma trogne héhé.
-  Je ne suis pas sûr qu’elle apprécie grand chose. Je me trompe Colonel Radcliffe ?
- Jeunesse et rébellion… Comme dirait sa mère. ‘Conneries de laxiste.
- Un sandwich ça vous ira ?” commença à s’activer Raphaël tandis que son interlocuteur s’asseyait.
Mon bon Oletto, vous allez exploser à forcer d’accepter les invitations de tout le monde, vos manies de morfal vous perdront ! Bien heureux que vos jeunes années d’officier vous aient forgé une si bonne constitution, votre coeur se serait déjà noyé dans tout ce gras autrement bwahahaha ! En tout cas c’bien bête d’avoir perdu un élément comme vous dans l’armée, une valeur sûre ! Regardez-moi toutes les larves de cette nouvelle génération, regardez ma nièce…
- Les blessures d’guerre pardonnent pas, l’petit monde peut pas s’enhardir d’avoir eu aussi belle carrière que la vôtre colonel. ‘Tout cas passer de gradé à torche-papier, fallait bien que j’compense, ‘comprenez ?” lui répondit le concerné, une poignée de chips fourrée dans la bouche et un soda, empruntée à la dite nièce, dans la main.
- Bwahahaha, z’êtes un bon Oletto, mais ça ne vous réussit pas ! Et bientôt le garde-manger sera vide, il n’en faudrait pas deux comme vous !
-Au pire, il y a toujours du stock dans la calle.” s’amusa Raphaël en faisant référence à leur chargement qui sortait de l’ordinaire.

Qu’un autre trait d’esprit ait voulu percer ou non, il fût aussitôt coupée par une voix claironnante qui montait l’escalier menant à la cale. Agnès Bovary, femme d’un âge avancé et  dernière à s’être embarquée à bord de l’aventure Bla Bla Flaque, n’était pourtant pas celle qui était venu avec le moins de bagages. Pour satisfaire ses besoins, il avait fallu remonter les vivres et le matériel entreposé dans la cale et les répartir un peu partout où on avait pu. Un gros chantier, mais ses boucles soigneusement coiffées et les bagues d’où débordaient ses doigts bouffis d’opulence, étaient témoins de ce qu’elle pouvait apporter de réputation à la petite entreprise en devenir.

Vous en faites un petit boucan ici, c’est incroyable ! Mes petits viennent à peine de s’endormir.

Une vie d’ennui avait, à la ruine et à la mort de son mari, donné à cette femme déchue des envies aventureuses et un besoin de s’impliquer, en personne, dans les associations caritatives dont elle n’était plus à-même de jouer les ambassadrices porte-monnaie. Raphaël doutait que ce soit pour le mieux...

Eh merde… je lui aurai pas donné la bonne flasque ?..
- Hum ?
- Non rien.

… et il n’était visiblement pas le seul.

Arrêtez un peu avec cette petite tête d’idiot Andersen.” corrigea-t-elle aussitôt l’ancien croupier qui venait de se laisser distraire “Avec de pareilles manières, ce n’est pas bien étonnant que ma petite Nina ne vous apprécie et ne vous lui laisse pas servir son entrecôte !” continua-t-elle d’enfoncer celui qui ressemblait à présent, et à bien des égards, à un domestique.
Hmp…” commença Raphaël avant qu’on ne l’interrompe.
Toujours charmante ma bonne Agnès, pas trop difficile de porter deux jours de suite la même tenue ?
- Ne jouez pas aux vieux cons avec moi Arthur, vous pourriez être un de mes petit-fils mais je suis encore en état de vous voler dans les plumes.
-Calme, calme. On s’préparait à casser la croûte ma chère, v’vous joignez à nous ?
- Non, non. J’ai beaucoup de travail avec mes petites bêtes, elles sont si adorables mais ont besoin de tant d’attention ! Le don de soi ça vous prend aux tripes, ça éteint les flammes de l’appétit, j’ai hâte de voir le coeur de tous ces petits enfants malades s’illuminer en rencontrant leur nouveau compagnon ! Une nouvelle chance pour eux !
- De devenir des fiottes ouais.
- ...
- C’était d’ailleurs très aimable à vous de venir me donner un petit coup de main mon cher Derrick, vous avez été a-do-rable avec eux ! C’est dire s’ils vous apprécient, certains de mes petits n’ont même pas voulu se remontrer quand je suis redescendu sans vous Fufufu. Maintenant que j’en parle, ma petite Nina ne serait-elle pas remonté avec vous ? Je ne l’ai pas vu depuis que je me suis absenté pour me rafraîchir.

Comme tous les autres habitants de la calle, Nina était une mignonne boule de poils dont s’était entichée l’ancienne bourgeoise. Redonner le sourire à des enfants malchanceux en leur apportant un peu d’amour, là était un des buts poursuivi par son association. Sans le sou après avoir flambé tout ce que son feu époux lui avait légué, elle avait entendu parler de Bla Bla Flaque et sauter sur l’occasion de bénéficier d’un transport non-taxé et à moindre frais. Pleine de promesses dans ses projets et son réseau, elle avait rapidement convaincu Gingerbread des quelques aménagements à effectuer. Au plus grand bonheur du reste de l’équipage.

Et si le bon Derrick avait eu la moindre d’idée de ce qu’il était advenu de cette chère Nina, il se garda bien de le dire ou en tout cas n’en eu pas le temps. Un bruit de choc résonna dans tout le navire et les convives furent bousculés de leurs chaises. Tout ce qui n’était pas fixé se renversa et la pauvre madame Bovary atterrit et écrasa son bien aimé Oletto.

Alors qu’elle sursautait d’angoisse pour ses petits, Raphaël se précipitait à l’extérieur pour voir la cause de ce chahut.

Quelle merde nous est encore tombée dessus… pt’ain.


Dernière édition par Raphaël Andersen le Mer 28 Mar 2018 - 17:49, édité 2 fois
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Et voilà que mon second rôti de ce soir se fait la malle pour s'écraser sur ce foutu pont bien dégueulasse. À bien y réfléchir, c'était plutôt propre quand on a embarqué. En levant la tête, c'est à peine perceptible mais putain... y'a des dépôts qu'arrêtent pas de tomber. Pour l'instant c'est juste de la poussière, mais dans dix ans, l'est pas dit que des pans entiers de cette foutue grotte ne s'écrasent pas sur les bateaux qui y cheminent.
J'ai peut-être paumé un rôti, mais dans l'affaire je viens de remporter une dinde. La veuve Bovary qui s'écroule sur moi. Osseuse comme elle est, j'y ai perdu au change. Elle relève la tête un peu hébétée pis là elle me regarde dans les yeux et me dit à voix basse :

- Bon sang Oletto... qu'est-ce qui nous arrive ?

En voilà une qu'est veuve depuis trop longtemps à mon avis. Pour une bonne aventure en mer, faut des compagnons de voyage, ça j'ai, une péripétie, là on vient d'en avoir une, et une romance. À défaut de mieux je vais peut-être me farcir la mère Bovary avant qu'on ait atteint le plancher des vaches, ne serait-ce que par principe.
Mais en attendant, faut que je fausse compagnie à tous les mondains autour de la table pour aller voir ce qu'y se passe. L'idée c'est d'être le premier à me lever pour aller voir, ça faire très "gars concerné et professionnel" alors que franchement, j'en ai rien à carrer de savoir pourquoi ça a secoué comme ça.

Ah, l'autre chiasseux verdâtre m'a devancé en proue. C'est un associé récent de l'affaire Blabla Flaque après tout, ça se comprend qui se sente concerné.

- Je peux savoir pourquoi on s'arrête comme ça ?!

Y'a pas à dire, y pose les bonnes questions. C'est à ça qu'on voit qu'il a l'étoffe d'un chef et qui devrait être bombardé capitaine. Après, s'il avait été un peu perspicace, l'aurait vu que devant nous, le passage est quand même foutrement étroit. Tiens, y'a même sa greluche là, la fausse rousse qui lui dit qu'a fallu jeter l'ancre à la hâte pour éviter de sombrer. Corrigé par une donzelle devant tout le monde... Le colonel a raison, y'a une épidémie de fiottes en ce bas monde et le seul remède c'est la poudre.
Allez Raph, montre-nous que c'est toi le chef à bord même si c'est pas toi le capitaine, colle-lui donc sa paire de baffe à celle-là. Défends ton honneur merde, y'a tout l'équipage qui te regarde en train de te faire haranguer par la femelle.

Que...
Oh le con. Y se gratte l'arrière du crâne et a un petit rire gêné en constatant qu'il avait tort d'enguirlander le troufion à la barre. C'est insoutenable, je peux pas le laisser se soumettre comme ça.

- Mais si ça passe ! Que j'dis.

- Non ça passe pas ! Que m'répond l'autre larve à la barre.

- Bien sûr qu'si ! Larg'ment même ! Que j'rétorque poliment.

- Et je vous dis que non, on risque de sombrer si on tente le passage.

- Donc z'admettez qu'y a JUSTE un risque, pas une c'rtitude !


Là je le tiens l'autre. Qu'est-ce qu'il a à me contredire pour commencer ? Y secoue la tête avec un faux air dépité.

- Si on m'offre un paquet de cacahuètes et qu'on me dit que dedans y'en a juste une seule qui contient un poison mortel, j'en mangerai aucune. Là, y'a grosso modo une chance sur deux pour qu'on y passe. Donc c'est non.

- ...... m'en fous, je mange pas de cacahuètes.

Et hop, remballé le trou du cul au gouvernail. De toute façon j'ai gagné la bataille des arguments par avance vu que j'ai les moyens de lui péter les bras si y se plie pas à ma volonté. Ouais, la rhétorique on dira ce qu'on veut, c'est avant tout une affaire de prise de masse. Aura raison le dernier debout sur le ring.
Là-dessus je me retourne. D'abord le colonel me congratule pour ne pas être une lopette, y me dit que c'est vrai quoi, qu'on peut pas vivre sans prendre de risques dans la vie et.... après j'ai décroché, l'a commencé à me parler de ses jeunes années et ça m'intéresse pas des masses. À côté y'a la folle aux chats que je vais peut-être troncher ce soir et qui me regarde avec ses yeux de merlan frit qui ne demande qu'à passer à la casserole, pis encore à côté, y'a Raphael Andersen.
C'est pour sauver son honneur que j'insiste pour qu'on passe. Parce qu'à la base, c'est lui qu'a décidé qu'on passerait par là, et un vrai bonhomme ça a toujours raison, même quand ça a tort.

- Alors cap'taine ? On fait quoi ?

Gingerbread tire une tronche pas croyable. C'est lui le capitaine et y voit que je l'ai destitué pour attribuer son rang à Raph. Bah Raph, même avec son nouveau titre de capitaine - malgré les protestation de l'autre con - il hésite. Mais enfin, le choix est pourtant évident.

- Je sais pas trop... faut admettre que Gingerbread et Nova marquent un point. Des navires, pour traverser on en a qu'un et on va pas le mettre au fond de l'eau juste parce que...

- Lopette. *tousse* *tousse*

Le colonel à la rescousse. Ça c'est de l'officier à l'ancienne qui sait galvaniser ses troupes. Y sait trouver les mots qui faut pour aider son monde à se décider.

- Mais... que... pardon ?

- *tousse* Lopette *tousse* que j'ajoute l'air de rien.

Pis d'autres s'y mettent à leur tour, plus pour nous imiter et se conformer que par conviction, mais y nous rejoignent. Bien vite, y'a la moitié du vaisseau qui se met à toussoter quelques "encouragements" pour que l'autre vert y prenne la bonne décision.

- Vous perdez votre temps, Raph va jamais se laisser influencer par des provocations aussi stu....

- Ah ouais ? Moi une lopette ?! Est-ce qu'une lopette irait lui-même prendre la barre en mains ?!

Personne répond. Y'a un petit silence gêné qui se profile. Même lui y se rend compte qu'il a dit une connerie. Mais y se démonte pas hein ! Y se saisit du gouvernail au grand dam du vrai capitaine et y gueule "Monsieur Oletto ! Allez sur les récifs devant nous pour guider notre trajectoire." Ce à quoi je lui répond qui faut dire "s'il vous plaît" parce qu'on n'est pas des chiens non plus. Une fois qu'y s'est exécuté, je bondis du bastingage, sautant de rocher immergé en rocher immergé pis je fais les signes qui faut pour les aider à manœuvrer.

- Ça passe, ça passe !

Bon, ça frotte un peu à tribord, et pis un peu à bâbord aussi, mais dans l'ensemble, on pourra pas me dire que ça bloque. Y'aura des rayures sur les planches, certes, et alors ? La belle affaire ! L'aura qu'à dire que le vaisseau a eu les dégâts au cours d'une bataille contre les pirates. Les dames adorent les histoires de batailles contre les pirates. Si ça se trouve, en baratinant bien, y finira par en serrer une qui deviendra la mère de ses enfants. En fait, je viens probablement de lui assurer un mariage radieux à l'autre vert, et y le sait même pas. Ingrat va.
Oula merde, j'aurais pas dû me disperser dans mes songes, j'ai entendu un craquement. C'est sans doute rien de grave. Dans le pire des cas, le bateau est en bois, le bois ça flotte toujours, donc y va pas non plus couler.

Une fois que le bâtiment est passé, je retourne sur le pont d'un saut pour impressionner mon monde. Bon, je me suis foulé la cheville en atterrissant, mais ça, personne n'a besoin de le savoir. Faut avoir l'air classe, même si putain, ça fait un mal de chien.

- Capitaine ! Y'a une brèche dans la cale !

Gingerbread se retourne vers moi en fronçant les sourcils.

- Bah quoi ? Y'a aucune preuve qu'les deux événements soient corrélés !

On veut rendre service et on récolte que des critiques. Tous des ingrats.


Dernière édition par Derrick Oletto le Mar 3 Avr 2018 - 11:11, édité 1 fois
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"AU SECOOOOOURS ! MES PETITS, NON MES PETITS REVENEZ ! REVENEZ ! Oh mon dieu, non ils ne savent pas nager !!! MES PETITS ! "

À présent sauvé par la fraîcheur des cavernes, la douche froide arrivait trop tard pour Raphaël. À l’alerte du matelot, le véritable capitaine s’était précipité de reprendre les commandes et Nova la barre pour leur permettre d’accoster au plus vite sur le bas-côté. Ne pouvant se permettre de rester en plein milieu de l’axe principal, elle les avait amenés à dévier  de la sûreté de cette route. Une manœuvre qui amènerait probablement de nouvelles complications, mais à présent qu’ancre jetée dans une petite crique, ils étaient à l’abri de sombrer, il fallait s’occuper de problèmes plus immédiats.

"MAIS ! Ne voyez vous pas que mes petits amours sont en train de s’éparpiller, de se perdre dans ces immondes grottes ?! REAGISSEZ ENFIN ! REAGISSEZ ! SAUVEZ-LES ! "

Complètement dépassée par les événements, la pauvre Agnès Bovary en devenait hystérique et tonnait sur tous les bras qui passaient à sa portée. Quand on lâcha une échelle de cordes pour constater depuis la terre ferme les dégâts sur la coque, elle fût la première en bas à courir et à vociférer. Et pour une fois, c’était pour de bien bonnes raisons. En effet, la brèche faite dans la cale par les exploits du croupier ne s’était pas seulement contentée de permettre l’infiltration d’eau dans, mais également d’offrir une voie de sortie parfaite aux petits animaux avides de grand air. Et tandis que certains flottaient, plus ou moins inertes dans le sillage du navire, d’autres profitaient de l’aubaine d’un accostage pour explorer de nouveaux horizons… de la façon la plus désorganisées possibles.

Si bien qu’en quelques instants, tunnels, crevasses et autres passages, dont on ne savait rien d’où ils mèneraient, avaient été investis par une nouvelle espèce de touristes.

Et bien sûr personne pour écouter l’ancienne rentière. Quand Gingerbread essaya de calmer la situation en lui expliquant que la plupart des ses bêtes étaient encore à bord, elle s’en prit encore plus violemment à Raphaël qui, coupable de plusieurs chefs d’accusation, ne trouva pas la force de répliquer. Il tenta même de lui proposer son aide, mais elle refusa sèchement :

"Et puis quoi encore ?! Pour que vous nous perdiez comme vous avez perdu ce pauvre rafiot, plutôt la damnation ! D’ailleurs mes petits n’oseraient même pas approcher avec une catastrophe comme vous dans les parages ! Non, c’est monsieur Oletto qui va m’accompagner, n’est-ce pas mon cher Derrick ? Retrouvons au moins ma petite Nina. "

Et ne laissant même pas une chance au bureaucrate de répondre, elle l’empoigna avec la force de ses jeunes années et intimant d’un ton sec à deux matelots de les accompagner avec des torches, disparue au premier angle.  

La scène laissa les autres interdits un instant, jusqu’à ce que la voix sardonique de la nièce du colonel ne vienne plomber le silence.

"Elle peut toujours chercher la vielle, il l’a taillé en pièce sa Nina. Va probablement faire de même avec elle. Bon débarras.
- Quelle connerie est-ce que t’es encore en train de raconter gamine ?...
- Qu’on ferait mieux de s’casser et d’les laisser là. " lâcha-t-elle avant de remonter l’échelle de cordes, furieuse et rattrapée par l’impatience de son oncle.
- Tes sautes d’humeur commencent à me courir sur le haricot, tu ferais mieux de te rendre utile plutôt que de caqueter. Va falloir réparer ce rafiot !
- Et on ne devrait pas s’inquiéter de ce qu’elle vient de dire sur Oletto plutôt ? Pour un peu il nous coulait tous, je le sens pas et je suis prêt à la croire " commenta timidement, presque pour lui-même, Gingerbread qui n’avait plus de capitaine que le titre.
"Connerie ! Oletto va calmer la Bovary, qu’ils retrouvent ou non  ses chiards, il a l’art et la manière le bonhomme. Nous on doit colmater et… regardez-moi un peu ce qu’on a dans le coin… " se penchant pour ramasser au milieu d’un bouquet de vase une grosse bille blanche, fuselée comme une balle de revolver, il en arma son barillet "Trouvez-moi d’autre de ces graines de vase flaqueuse et tout le bois que vous pouvez. Il devrait y en avoir un peu partout dans le coin, je vais vous faire des miracles ! " pour appuyer son propos il tira  et, dans une explosion de poudre végétale, une épaisse mousse résineuse se déployait sur le navire et resserrait les planches défoncées de la coque.

En effet, le marin n’en était pas à sa première panne. Loup de mer aguerri, il avait acquis de solides connaissances sur le monde et savaient se débrouiller dans la plupart des occasions comme un bon porte-parole de sa génération.  Son agacement envers ses impotents héritiers n’en était que plus grand, et s’il avait bien réussi à faire passer sa passion et sa culture des Pop Green à sa nièce, celle-ci n’y trouvait aucune application pratique. Lui-même n’aurait su s’avouer s’il s’agissait d’un réel mépris ou d’une tentative désespérée de créer des liens, avant que sa trace sur terre ne disparaisse et qu’on ne l’oublie, toujours était-il qu’il ne mâchait jamais ses mots.

En un instant il avait repris les opérations en main et, secondé par Gingerbread qui ne doutait pas une seconde de son expertise, les réparations furent effectuées à grand renfort de bois de réserve, de planches flottantes et de cette vaseuse magie.

"Je… je ne sais pas ce qu’il m’a pris, je suis vraiment désolé. " trouva enfin le courage de s’exc user Raphaël, une planche de bois à la main.
-T’inquiète… Je ne te pensais juste pas aussi près de ta fierté hahaha ! Mais il n’y a pas qu’auprès de moi qu’il va falloir t’excuser, ce débile de gratte-papier t’as bien retourné la tête.
- Ouais… je ne me sens pas ouf pour Ging’…
- C’est à l’autre qu’il en veut pas à toi, va juste lui parler, il te collera de corvée d’épluchage de patates pour quelques jours et se sera réglé.
- Haha…. J’ai peut-être même mieux, je crois que j’ai une idée pour mon reportage. D’une pierre, deux coups, de l’inédit pour Selfmidge et de la pub pour Bla Bla Flaque… j’ai juste pas envie de passer pour le fainéant après ce qu’il vient de se passer… si tu vois où je veux en venir... " finit enfin par lâcher l’ancien croupier avec une grimace gênée.
"… Oui. Je vois. " grimaça de concert Nova, se rappelant sa hantise qu’on puisse faire le lien entre le pouvoir de Raphaël et certains événements de Suna Land1, avant de se raviser "Très bien, fais ton truc. Je vais chercher la matériel et je viens t’aider à tourner. "

Posant sa planche de bois à disposition des charpentiers, Raphaël enfila ses précieux gants blancs avec une certaine fierté. Et sans qu’il n’ait eu besoin de se concentrer, il puisa dans ses forces pour déployer de puissantes mains d’œuvre afin d'accélérer le travail de recherche et de rendre moins pénible le travail physique.  Il allait s’occuper de regagner un peu d’estime de lui-même.  

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Et hop. Refroidie la géronte. Sur ces entre-faits, je referme la braguette de mon pantalon et je la regarde qu'est inerte sur les roches froids et humides sur lesquelles elle se repose. Ouais, je l'ai tronchée la vieille. Ça a fait du bien par où ça passe visiblement, elle crie pu après ses animals de merde. Faut dire qu'elle avait pas vu le loup depuis longtemps, et la faune lupine l'a un peu changée des petites zozios.
Ça faisait longtemps que j'avais pas secoué une vieille. C'est bien, ça change de la routine. Si on met l'odeur de marée de côté, on passe même un bon moment.

- OoooOOoh Derrriiiiick.... mon beau légionnaaaiiiire.

La voilà qui divague. J'y suis pas allé avec le dos de la cuiller faut dire, l'a pu trop les idées en place mamie.

- Le légionnaire faut qu'y r'trouve son régiment ma p'tite dame. C'est la guerre voyez-vous.

De toute façon avec les tirs d'artillerie que j'y ai envoyé à celle-ci, elle est pas prête de me courir après pour m'en empêcher. Elle va bien passer par la case fauteuil roulant. En attendant, on va la laisser sécher sur les cailloux, elle emmerdera personne comme ça.
Bon, me voilà débarrassé d'une gêne, l'esprit éclairci par le batifolage et le cœur léger, j'ai même pu envie de zigouiller l'autre tanche. Je vais peut-être le faire quand même, mais l'envie y sera plus. Pendant que la vioc ronronne en pansant sa plaie béante, je m'en retourne au vaisseau. C'est pas tout ça de dévergonder le troisième âge, mais j'ai du boulot.
Putain, c'est vrai que la coque est dans un état.... Elle a pas juste été percutée, elle est ouverte tout du long. Oh le chantier. Voilà ce qui arrive quand on laisse un inverti verdoyant tenir le gouvernail, y'a de la casse. Je l'ai toujours su que ça mènerait au drame.

Tu pourrais colmater ça avec le cul de tous les bons à rien qui sont à bord qu'on irait pas bien loin. Pas besoin d'avoir frayé sur les chantiers-naval pour savoir que l'excursion est compromise. Vu les courants et l'étroitesse du passage, on pourra pas venir nous remorquer de sitôt. Eh bah on va passer au plan B.

- Mais.... mais... mais qu'est-ce qu'il fout ?! Eh toi ! Le gros là ! Tu fais quoi ?!

Comment ça "le gros là" ? On désigne les gens à partir de leurs caractéristiques physiques maintenant ? Est-ce que je l'ai appelée "la morue maquillée comme une pute" celle-ci ? Non. Un peu de courtoisie enfin, on est pas des bêtes. En partant de bêtes, toute l'animalerie de l'autre débris commence à me les briser menu. Vas-y que je te fous des coups de pieds dans toutes ces merveilles de mère nature. Z'ont rien à foutre dans mes pattes pendant que je désosse le vaisseau.

- J'nous sauve, voilà c'que j'fais. Pétace.

La fin de phrase est pas remarquablement élégante, mais elle a au moins le mérite d'être justifiée et avérée. Y sont tous là à attendre comme des cons que la Providence vienne leur souffler au cul pour faire avancer le bateau. C'est plié les enfants, on n'ira pas plus loin. Mieux vaut prendre tout ce qu'on peut avant que ça ne coule entièrement. L'autre truie continue de geindre que je devrais pas faire ci ou ça. Mais je l'emmerde la petite dame, et si l'est pas contente, elle aussi va se retrouver à sécher auprès de la vieille Bovary. Y'a que comme ça qu'elles comprennent.

- Oletto, vous êtes bien sûr qu'il n'y a pas d'autres alternatives ?

Même le colonel essaie d'y croire. J'arrache une nouvelle partie de la coque comme un bœuf et j'y réponds :

- Pu maint'nant. Reste toujours la nage à la rigueur...

Le trait d'humour fait pas trembler les zygomatiques de tout ce beau monde. C'est la première fois qu'y z'échouent pour la plupart j'imagine. C'est sûr, y'a mieux pour se retrouver isolé du monde. Pas de végétation, rien à bouffer, rien à boire et Grand Line en bout de course. Non, y'a pas à tortiller du cul, on n'a pas tiré le tiercé gagnant. Pas une raison pour se laisser abattre non plus. On a toujours le Log Pose et de quoi flotter encore quelques temps. L'inconvénient c'est que le radeau y va pas peser bien lourd. On est de trop. Si seulement on était moins nombreux putain... Un putain de radeau pour six, mais je suis pas Kiril Jeriev moi, je peux pas fabriquer ça en deux temps trois mouvements. Je sèmerais volontiers un ou deux cadavres pour servir de flotteurs. Mais bon... arriver à mon prochain bureau d'affectation sur les dépouilles faisandées et gonflées de flotte de civils... même moi je trouve que ça fait mauvais genre. C'est dire.

Sont désemparés, à se demander s'y doivent m'aider à construire le radeau ou m'en empêcher. Un saut bien vif pour atterrir sur le pont et je fais tanguer ce qui reste du vaisseau, là-dessus, un Soru des familles et je fuse coude en avant vers le mât. Personne a rien vu venir. Le mât manque de s'écraser sur la gueule du vert, mais l'en réchappe de justesse. Tant pis.
J'aurais pu les prévenir, mais y z'auraient cherché à m'empêcher de faire ça.

- Pourquoi vous avez pété le mât bordel ?!

- Parc'que maint'nant, z'avez pu l'choix, vous d'vez m'aider à construire ce sat'né radeau.

Y l'ont mauvaise. Y peuvent. Seulement, le temps qu'on perd en broutille commence à être vital. Des denrées non périssables, j'ai vérifié - par acquis professionnel hein - y'en a pas des masses. Plus tôt on aura décampé d'ici, plus tôt on arrivera sur une île. En attendant, vaches maigres.
Pour qu'y se résolvent à suivre mon plan, j'étais obligé de les foutre dos au mur, annihiler tout espoir. Si on veut que quelqu'un aille dans son sens, faut lui fermer toutes les autres voies possibles. Encore une astuce du métier qui me sert aussi bien en affaire qu'en survie. LE C.P a du bon.

- Toi là, la greluche orange ! C'mmence à rationner la bouffe, on en a p'têt' pour longtemps.

Je dis ça, c'est pour eux. Avec les missions que j'ai à mon actif du temps où je bossais dans l'élite, c'est pas la première fois que je me retrouve loin de tout sans rien à bouffer. C'est juste que je m'en voudrais de devoir m'improviser cannibale une fois de plus.

- Et les autres ! Au turbin ! Moi j'arrache, vous vous r'construisez !

Si l'capitaine se plaint, je jure que ça fera une bouche en moins à nourrir.
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"MAIS… MAIS IL EST COMPLETEMENT MALADE ?! "

L’opportunité de Selfmidge. Un bon gros prétexte, ce n’avait jamais été rien de plus.  Depuis le moment où le chef d’entreprise avait commencé à s’intéresser à lui jusqu’à ce que, au détour d’une anodine rencontre, il lui propose de travailler pour lui, le petit croupier qu’il était n’avait jamais eu le courage de sauter le pas. L’offre était irraisonnable, en dehors de toutes ses compétences et de tout ce qu’il avait entrepris jusque-là… mais au fond, si cela lui permettait d’enfin se prendre en main,  pourquoi pas ?  Une nouvelle mer, de nouveaux mystères, un nouveau monde. Une porte de sortie qu’il visait depuis si longtemps.

Alors cela valait bien la peine d’essayer. Trémoussements et démangeaisons nerveuses devant le Video Den Den et ses différents accessoires venus des îles célestes, il n’était clairement pas à son aise. Toutefois l’inconfort ne l’empêchait pas d’être intelligible, le trajet en bateau lui avait permis de longuement réfléchir et discuter du projet Bla Bla Flaque. Bien disposé à tenir sa promesse envers Gingerbread, il savait dès le départ que le premier reportage dépaysant qu’il livrerait au magasin Selfmidge devrait mettre la jeune entreprise au cœur de son sujet. Quelques minutes pour mettre ses idées en place à partir de sa soudaine inspiration, et il avait trouvé un bon angle d’approche. Introduire le sujet. Présenter les problématiques. Se baser sur des témoignages. Montrer du concret. Valoriser son sujet et résoudre les enjeux. Se préparer à conclure.

Il s’appropriait l’art de la présentation d’une découverte en même temps que Nova s’introduisait à sa captation. Elle non plus n’était pas particulièrement à l’aise avec ce matériel : le gastéropode capricieux, les dials venus des îles célestes de plus en plus démocratisés sur les Blues mais dont la technologie audiovisuelle avait toujours de quoi déconcerter. Elle s’était décidée à l’accompagner dans cette galère et prenait son rôle très à cœur, en même temps que les mots de vulgarisation florissaient en Raphaël, elle se laissait transcender par les plans et les points de vue qu’elle découvrait.

Pour le reste des présents, c’était un exercice bien curieux. Gingerbread et son équipage furent les premiers mis à contribution, après tout Bla Bla Flaque était son œuvre, mais même le colonel ne mis pas longtemps à se prêter au jeu et à étaler son expérience et son savoir. D’autant que la capacité du vert l’avait fortement secoué et, entre autre, amené à réviser son jugement sur lui. Les petites mains ouvrières accéléraient et facilitaient les travaux de reconstruction et, même si elles demandaient un effort de concentration non négligeable et provoquaient des grimaces peu photogéniques chez Raphaël, cela en valait la peine.

Tout du moins…  Avant que Derrick Oletto ne revint de ses affaires.

"… C’est une blague…
- L’a vraiment un grain lui, faut tout lui r’dire deux fois. Nous naufragés. Nous pas vouloir crever ici.Quoiq’ certains d’vraient s’abstenir d’naître… Nous survivre en construisant radeau. RA-DEAAAAAAAAAAAU."

Les mains ou l’esprit occupés à autre chose, les dits naufragés n’avaient pas eu le temps d’intervenir qu’un impitoyable fléau était venu s’abattre sur leurs efforts de reconstruction. Médusés, complètement effarés, ils avaient assisté au massacre perpétré par le bout de gras sans que leur corps ne les autorise à réagir. La rousse la première, dont le tournage venait d’être gâché, s’insurgea, Raphaël malgré sa violente migraine voulut faire obstacle, mais il était trop tard. La bête était vive.

"Enfin Oletto… cette fois je ne vous comprends pas, même si elle a ses mérites, ce n’est pourtant pas la solution la plus raisonnable.
- IL N’Y A RIEN À COMPRENDRE ! CE TYPE EST COMPLETEMENT CINGLE ! PUTAIN, MAIS IL FAUT QU’ON L’ARRETE !
- Mon bateau… Mes économies…
- RAPHAËL ?!"

Qu’ils aient été en train de se demander quelle folie Oletto avait-il contracté en pénétrant les sombres cavernes de la Flaque, de l’admirer ou de s’apitoyer sur le destin, personne ne s’était encore mis en travers de sa route. Très mauvaise chose.
Secoué par son amie, Raphaël reprit conscience, ses invocations se dissipèrent et il intercepta le poing de Derrick avant qu’il ne défonça le plancher.

"STOP !
- C’nouveau ces gants de minettes là, le cap’taine a peur de s’prendre une ‘tite écharde ? "  le méprisa-t-il en ignorant royalement les plaintes de la populace, avant que la pression exercé par le vert  ne finisse par l’agacer "QUOI ?! Z’allez quand même pas m’dire qu’faut y’aller avec plus de délicatesse quand même ! Chacun sa façon de bosser !
-Putain mais qu’est-ce que vous avez fumé, le bateau était presque réparé, on était prêt à appareiller et va falloir tout recommencer ! Et le mât putain !
- Ah z’étiez en train de réparer ? C’tait d’la merde pour sûr, c’bateau était déjà merdique. ‘tant r’commencer avec du neuf ! M’tenant s’tu veux bien, y’a du boulot !"

Joignant sa mauvaise foi à son agacement manifeste, il s’apprêta à ponctuer son injonction en écrasant méchamment le pied de Raphaël, mais une corde vint se nouer à sa cheville, le stoppant dans son mouvement. À l’autre bout, Nova.  

"Vos terminaisons nerveuses ont arrêté de fonctionner ou vous le faites exprès ? C’est quoi le délire ? Embarquer à bord d’un navire, tout casser et ramasser le blé après avec vos potes ? D’un c’est con il y a que les puces des clébards à récupérer ! De deux c’est fini vos conneries ! Alors arrêtez-vous où ça va vraiment dégénérer…
-Qu’es’qu’elle piaille encore la grognasse… " accusa l’ample personnage, l’équilibre tout juste mis à mal par le duo qui l’entravait "S’vous continuez à m’faire chier, c’clair que ça va dégéné- *PAF* "

Alors que tapotant le sol de son pied libre, Derrick s’apprêtait à contre-attaque, une poutre vint se fracasser à la base de sa nuque, manquant de peu de lui faire traverser  le plancher.

"Voilà. La prochaine fois on m’écoutera peut-être. "

Ayant daigné interrompre son isolation méditative, la nièce du colonel venait de gracieusement mettre hors-jeu l’opulente menace. Recrue émérite de son école des futurs et futures officiers, la demoiselle tenait, quoiqu’il en dise, beaucoup de son oncle. Et si elle avait imaginé des vacances  scolaires plus profitables qu’un jeu de chien et chat avec cette figure paternelle, elle appréciait toujours de lui prouver sa valeur. Coup de pinceau ou coup de poing, peu importait.

"
-Bordel… Merci…
- J’allais le crever ce gros connard ! Oh putain ce que ça m’aurait défoulé !
- Bon… et maintenant ? Ging’ ? "

La victoire modeste, la jeune femme se contenta d’aider Raphaël à descendre le poids mort de Derrick du navire. Un sourire imperceptible s’adressait toutefois à son oncle qui grommela mais ne chercha pas à se la ramener. Le temps que tout le monde se remette de ce qu’il venait de se passer, on avait attaché solidement Derrick sans trop savoir ce qu’on comptait en faire. Les moins scrupuleux proposaient déjà de l’abandonner ici et de mettre le plus de distance possible entre eux et lui.
Le bateau n’était pas loin de franchir le stade d’épave et on décida que ce serait une perte de temps que d’essayer de le réparer entièrement, on allait colmater les zones inondables, tâcher de regagner la voie commerciale et faire en sorte d’être remorqué jusqu’à un chantier naval.  Le gouvernail et l’essentiel des fonctions principales du bateau n’avaient pas encore été trop malmenés.

"Non, non Ging’  tu arrêtes tes conneries. On est plus en train de parler de ton entreprise là, mais de nos vies. Ce mec est dangereux et il n’est probablement pas seul, on doit se barrer immédiatement !
- Et la Bovary ? Qu’est-ce qu’on en fait ? Elle veut pas le lâcher… T’imagine si personne ne vient jamais les chercher ?
- Pas une grande perte.
- JE VOUS ENTENDS ! BARBARES ! Ce ne sera jamais pire qu’être à votre bord, dangers ambulants ! marin du dimanche ! Si ça peut m’éviter de remonter sur votre épave, je préfère encore coloniser cette terre avec mon cher Derrick ! Oh Derrick répondeeeez ! " tentait toujours de le réveiller la vieille dame qu’on empêchait d’aller le libérer.
"Tu vois, elle n’est pas contre.
- ...on peut bien les foutre tous les deux dans le canot et se les trimbaler jusqu'au prochain port. Au pire si ça s'agite trop on coupe la corde, au mieux on aura la paix.
- Et qu’est-ce qu’on fait nous, si le bateau se décide définitivement à couler ?
- On espère que cette BA remette notre karma dans le positif ? "

On s’accorda et dès que le colonel, bien moins bavard qu’avant, annonça que l’épave était capable d’appareiller, tout le monde remonta à bord et on fit du mieux possible pour rebrousser chemin. Derrick Oletto et Agnès Bovary, bien ficelés et fouillés en conséquence profitaient -à différents degrés de conscience- de leur lune de miel dans la traînée du navire alors que s'éloignaient déjà la plage et la foule de petites bestioles mignonnes qui y avaient débarqué. Les colons d’une nouvelle époque.


Dernière édition par Raphaël Andersen le Mar 10 Avr 2018 - 16:34, édité 1 fois
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Ah, je suis pu inconscient. En tout cas je suis toujours ligoté.

- Oh ! Déligotez-moi ! Que je dis plein de bon sens. Tiens ? Vous nous z'avez sorti de la Flaque ?

Commence à y avoir de la lumière.
  • https://www.onepiece-requiem.net/t19217-fiche-technique-derrick-
« … ne cesseront jamais de vous étonner ses propriétés étonnantes. Alors si vous aussi vous avez l’âme d’un aventurier mais que le travail manuel et les petites réparations vous font peur, les graines de vase flaqueuse seront votre roue de secours jusqu’au prochain chantier naval ! Et comme leur cueillette n’est pas aisée, la Flaque vient à vous dans les magasins Selfmidge ! Découvrez en exclusivité ces produits dans tous vos magasins Selfmidg-
- Mais.... mais... mais qu'est-ce qu'il fout ?!
- J'nous sauve, voilà c'que j'fais. Pétasse.
»

L’extrait vidéo s’interrompit, laissant les deux jeunes gens ,qui venaient de le revisionner pour la troisième fois, interdits. L’image et le son n’étaient pas parfaits, du fait de l’âge de leurs matériels et de la fatigue qui commençaient à peser sur le Video Den Den, et le reportage avait ses longueurs mais tout était compréhensible et l’essentiel était là, quelques mauvaises blagues improvisées par le colonel en supplément. Seulement la fin était amère.

"Quel gros con franchement, on va être obligé de couper. " s’énerva encore Nova en référence au coup de folie de Derrick qui était arrivé au moment le plus inapproprié.
- Hum… je pense honnêtement que ça passe, je ne suis même pas certain que ça soit diffusé vu que le but était de faire mes preuves. Une destination, une idée de produit exotique à exploiter, c’est tout ce qui les intéresse.
- C’est toi le boss.
- Ce qui me fait juste chier c’est de ne pas avoir tenu ma promesse à Ging’, c’est à peine si je parle de Bla Bla Flaque en début de vidéo, bonjour la pub… " se renfrogna Raphaël qui, en tant que bon amateur, n’avait encore aucune idée qu’une vidéo puisse être montée.
"Il ne t’en voudra pas va, vu l’état du bateau et le coût des réparations, l’inauguration de sa boîte tombe… un peu à l’eau… *pfff* pardon, c’était de mauvais goût. "

La jeune femme se releva, encore sur les nerfs, elle avait grand besoin de se défouler et l’humour n’était clairement pas le bon exutoire. La nuit tombait et les premiers rayons de lune étaient annonciateurs d’un peu de fraîcheur. Ils étaient vraiment bien tombés. Presque trop, comme si leurs sauveurs avaient été leur sacre, venu les récompenser d’avoir porté la croix Oletto. Providence ou non, un petit équipage marchand les avaient remorqués eux et leur pénitence, toujours bien ficelée dans sa barque, jusqu’à la sortie de la Flaque et de là jusqu’au Port des Jumeaux. La confiance des marchands, dont le capitaine était une ancienne recrue de la marine –reconverti par vocation-, avait été gagnée par la nièce du colonel qui avait fait ses premières classes avec lui.

Le navire était une épave, Bla Bla Flaque un projet encore bien lointain et une fois arrivés à bon port, chacun avait repris sa route. Le colonel et sa nièce avait décalé leur correspondance pour le Royaume de l’Absurde au lendemain, d’abord parce qu’ils étaient en retard mais également pour s’occuper de Derrick Oletto. À son réveil, il s’avérerait que le bougre était un agent du gouvernement, probablement agacé par sa récente mutation, on conclurait à une folie passagère induite par une insolation et aucune poursuite ne serait engagée. Agnès Bovary, furieuse d’avoir été aussi mal traitée, maudit tous les occupants du navire sur une cinquantaine de générations et se dépêcha d’escorter ses précieux « amours » -en tout cas ceux qu’il restait- jusqu’à « un environnement plus sain ».

Quant à Raphaël et Nova, eux n’avaient eu qu’une hâte : trouver une auberge pour se reposer et se remettre de cette première traversée. Une fois le bateau remis à flot, il n’avait pas été si simple de gagner la route principale. Bêtes marines, tunnels étroits et rapides leurs étaient tombés dessus plus violemment que mille maux et cela tenait du miracle que les réparations sommaires aient tenus jusque-là… peut-être encore plus que sur leur barque Derrick Oletto et Agnès Bovary s’en soient sortis en un seul morceau.

L’idée avait été aussitôt regrettée, mais revenir en arrière n’avait plus été possible dès lors que le bateau avait été remis à l’eau. Le sablier défilait.

"Tu as eu Ging’ ?
- Oui, pendant que tu prenais ta douche. Il est passé au chantier naval avec ses gars, ils savent pas encore trop ce qu’ils vont faire et si les réparations valent leurs coûts. L’idée de rester un peu dans le coin et de monter une nouvelle affaire avait l’air de lui trotter dans la tête, ça ne m’étonne pas trop de lui. M’enfin, ils devraient tous repasser par-là dans la soirée.
- D’accord... Et nous ? "

La question avait été repoussée depuis leur arrivée. Ils savaient déjà qu’il leur faudrait une ou deux journée aux ports des jumeaux pour s’organiser et envoyer leur reportage à Selfmidge, mais ils savaient également qu’ils n’étaient pas question de s’installer ici et qu’il ne l’avait jamais été de suivre Gingerbread.

"Prenons le premier train qui passe. "
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