Shimotsuki, Kawai – Automne 1622
Une pluie fine, des nuages bas, un vent glacial... Toutes les conditions étaient réunies, semblait-il, pour ternir l'humeur de Juusan. Mais il en faudrait plus pour gâcher cette journée. La veille, la fillette avait soufflé ses douze bougies. Enfin, façon de parler. Ses parents n'avaient pas les moyens de lui acheter un gâteau, et encore moins des bougies. Elle s'était contentée de la petite chanson traditionnelle. Puis on lui avait demandé de faire un vœux. Elle avait fait le même, celui qu'elle faisait chaque année depuis cinq ans. Cette année, il avait tout de suite été exaucé. Toute la famille était réunie autour de la grande table de bois massif quand le patriarche l'avait officiellement annoncé : elle allait devenir une élève de maître Chun.
~
Elle ne dormait plus depuis un moment. Ce n'était cependant pas encore l'heure de se lever. Les règles étaient claires, on ne sortait pas de son lit avant le cri du coq. Les lueurs du soleil commençaient à peine à teinter l'horizon, et le volatil n'avait pas encore chanté. Elle essaya encore une fois de rêver. Se voyant, plus grande, aux côtés de son grand frère Juuichi. Il était mal en point, pris au piège de son adversaire. Et elle arrivait, plongeant héroïquement sur l'ennemi, avec son sabre couleur argent, pour le sauver. En un coup, à peine, les plans du mécréant étaient déjoués et son grand frère la prenait dans ses bras pour la remercier. C'était une scène récurrente qu'elle se plaisait à imaginer.
Le coq cria enfin. Elle n'avait presque pas dormi mais cela importait peu. Elle sauta du lit, atterri avec souplesse sur le plancher malgré la hauteur – son lit était juché sur celui de Nana, lui même monté sur celui d'Hachi. Ses sœurs émirent un léger gémissement et se retournèrent dans leurs draps. Juusan fonça sur le lit de Juuichi, et lui retira sa couverture d'un geste brusque.
- Debout gros paresseux !
Il brailla et tenta en vain de récupérer le couvre lit tombé à terre tout en gardant les yeux fermés. Peine perdue. Il râla de plus belle, ce qui réveilla le reste de la fratrie. La fillette ne fit pas attention aux réprimandes qui grandissaient dans le dortoir. Elle se précipita vers son coffre, l'ouvrit sans discrétion et se vêtit des quelques habits qu'elle possédait : un short bleu délavé surmonté d'un t-shirt blanc tâché et sale. Un regard par la petite fenêtre qui transperçait le toit lui indiqua qu'une tenue chaude serait utile. Aussi, elle enfila un sweat à capuche rose qui commençait à devenir trop petit pour elle. Même en tirant frénétiquement sur les manches, ses bras dépassaient d'une bonne vingtaine de centimètres du vêtement.
Elle enfila ses bottines, ses mitaines et retourna près du lit de Juuichi pour le secouer à nouveau. Si elle avait pu sauter sur son lit, elle l'aurait fait sans ménagement. Il se trouve que le onzième de la famille était placé sous le quatrième, lui même installé sous le neuvième. Elle ne pouvait donc pas bondir sur la couchette sans se cogner la tête.
- Juuichi ! Tu m'avais promis de te lever aux aurores avec moi pour mon premier jour !
- Mais assommez là ! ... hurla Juu.
- J'suis trop loin … gémi Yon.
- J'suis trop crevé … ajouta Juuni.
- Allez ! Lève toi ! Debout ! Debout ! Debout !
- Juuichi ! Lève toi bon sang et emmène là très loin d'ici ! ... implora Nana.
- D'accord … céda ce dernier.
Il se cogna la tête en se levant, comme à chaque fois. Il la frotta tandis que Juusan alla récupérer ses vêtements et son sabre dans le coffre qu'elle lui jeta à la figure, sans ménagement.
- Je vais nous préparer un thé !
- Humf …
Elle se précipita dans l'escalier de bois, traversa la pièce principale où ses parents dormaient et ouvrit précipitamment la porte de la cuisine. Son père jura. Elle sortit la bouilloire d'un placard et la remplit avant de la placer sur une plaque de la vielle gazinière en fonte. Elle ralluma le feu et sortit deux tasses non assorties – elle avait cassé la plupart des tasses du service à thé et avait dû les remplacer avec l'argent qu'elle avait gagné en aidant les voisins. Elle les remplit d'une cuillère de miel et attrapa deux pommes. Son grand frère choisit ce moment pour passer l'encadrement de la porte, les yeux encore embués par le sommeil. Elle lui fourra sa pomme dans la bouche, attrapa la bouilloire qui sifflait et versa l'eau chaude dans les tasses. Miracle, aucune n'avait été cassée.
- Merci... dit l'adolescent lorsque sa sœur lui tendit sa boisson.
Ils burent et mangèrent en silence. Une fois leur petit déjeuner pris, ils rangèrent la cuisine et sortirent. Dans la pièce principale, devant la porte d'entrée, leur mère les attendait avec un visage attendri. La femme déposa un baiser sur le front de Juuichi, qui, du haut de ses quatorze ans venait de la dépasser, puis attrapa le visage de Juusan dans ses mains.
- Fais bien attention à toi. Et toi prend bien soin de ta petite sœur dit-elle en se retournant vers son neuvième fils.
- Oui, maman ! ... répondirent-ils en cœur.
Juuichi ouvrit la porte en faisant une belle révérence à la petite qui sortit le sourire aux lèvres.
Le coq cria enfin. Elle n'avait presque pas dormi mais cela importait peu. Elle sauta du lit, atterri avec souplesse sur le plancher malgré la hauteur – son lit était juché sur celui de Nana, lui même monté sur celui d'Hachi. Ses sœurs émirent un léger gémissement et se retournèrent dans leurs draps. Juusan fonça sur le lit de Juuichi, et lui retira sa couverture d'un geste brusque.
- Debout gros paresseux !
Il brailla et tenta en vain de récupérer le couvre lit tombé à terre tout en gardant les yeux fermés. Peine perdue. Il râla de plus belle, ce qui réveilla le reste de la fratrie. La fillette ne fit pas attention aux réprimandes qui grandissaient dans le dortoir. Elle se précipita vers son coffre, l'ouvrit sans discrétion et se vêtit des quelques habits qu'elle possédait : un short bleu délavé surmonté d'un t-shirt blanc tâché et sale. Un regard par la petite fenêtre qui transperçait le toit lui indiqua qu'une tenue chaude serait utile. Aussi, elle enfila un sweat à capuche rose qui commençait à devenir trop petit pour elle. Même en tirant frénétiquement sur les manches, ses bras dépassaient d'une bonne vingtaine de centimètres du vêtement.
Elle enfila ses bottines, ses mitaines et retourna près du lit de Juuichi pour le secouer à nouveau. Si elle avait pu sauter sur son lit, elle l'aurait fait sans ménagement. Il se trouve que le onzième de la famille était placé sous le quatrième, lui même installé sous le neuvième. Elle ne pouvait donc pas bondir sur la couchette sans se cogner la tête.
- Juuichi ! Tu m'avais promis de te lever aux aurores avec moi pour mon premier jour !
- Mais assommez là ! ... hurla Juu.
- J'suis trop loin … gémi Yon.
- J'suis trop crevé … ajouta Juuni.
- Allez ! Lève toi ! Debout ! Debout ! Debout !
- Juuichi ! Lève toi bon sang et emmène là très loin d'ici ! ... implora Nana.
- D'accord … céda ce dernier.
Il se cogna la tête en se levant, comme à chaque fois. Il la frotta tandis que Juusan alla récupérer ses vêtements et son sabre dans le coffre qu'elle lui jeta à la figure, sans ménagement.
- Je vais nous préparer un thé !
- Humf …
Elle se précipita dans l'escalier de bois, traversa la pièce principale où ses parents dormaient et ouvrit précipitamment la porte de la cuisine. Son père jura. Elle sortit la bouilloire d'un placard et la remplit avant de la placer sur une plaque de la vielle gazinière en fonte. Elle ralluma le feu et sortit deux tasses non assorties – elle avait cassé la plupart des tasses du service à thé et avait dû les remplacer avec l'argent qu'elle avait gagné en aidant les voisins. Elle les remplit d'une cuillère de miel et attrapa deux pommes. Son grand frère choisit ce moment pour passer l'encadrement de la porte, les yeux encore embués par le sommeil. Elle lui fourra sa pomme dans la bouche, attrapa la bouilloire qui sifflait et versa l'eau chaude dans les tasses. Miracle, aucune n'avait été cassée.
- Merci... dit l'adolescent lorsque sa sœur lui tendit sa boisson.
Ils burent et mangèrent en silence. Une fois leur petit déjeuner pris, ils rangèrent la cuisine et sortirent. Dans la pièce principale, devant la porte d'entrée, leur mère les attendait avec un visage attendri. La femme déposa un baiser sur le front de Juuichi, qui, du haut de ses quatorze ans venait de la dépasser, puis attrapa le visage de Juusan dans ses mains.
- Fais bien attention à toi. Et toi prend bien soin de ta petite sœur dit-elle en se retournant vers son neuvième fils.
- Oui, maman ! ... répondirent-ils en cœur.
Juuichi ouvrit la porte en faisant une belle révérence à la petite qui sortit le sourire aux lèvres.
Dernière édition par Juusan le Dim 26 Nov 2017 - 8:59, édité 9 fois