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Une sale histoire

CHAPITRE 1 : ENTRE LES PERTES


Premier sous-chapitre : Une sale histoire


Je pense que notre destin ne peut seulement résulter de nos actions, c’est une conclusion à laquelle j’ai décidé de me plier après avoir vu le corps de Quinn tranché en morceaux, Mélidiane nue et lacérée, père pendu et le corps de mère éparpillé un peu partout dans la maison, chaque nouvelle découverte agissait comme un coup de marteau sur un métal en fusion. Mon cerveau bouillonné puis se contracter, mes yeux s’embuaient jusqu’à friser l’aveuglement, j’étais incapable de porter un coup car le combat contre mon père m’avait épuisé, j’étais à bout, au milieu d’un cauchemar, comme lors d’une quelconque terreur nocturne, mais le plus terrifiant était le fait que tout était réel. Je venais de tout perdre, en un battement de cils, tout ce qui comptait avait disparu. Une image me revenait à chaque partie du corps de ma mère retrouvée, celle de Julias, ce traître, ce félon, cette ordure de premier ordre, cet enfant du démon, aucune injure ne pouvait soulager ma peine. Sur le mur de la maison une dague était plantée, permettant le maintien d’un message qui disait :

- « Ne crois pas m’avoir trompé, j’attends ton réveil ».

Le message était suivi d’un petit bonhomme souriant, impuissant, je m’attendais à mourir ce jour-là, j’ai alors crié :

- MONTRE-TOI RACLURE DE CHIOTTE

C’était tout ce qui m’était venu à l’esprit, toute ma force était parti avec ce cri, je m’étais ensuite affalé à terre, larme aux yeux, j’en voulais à la terre entière, personne n’échapperait à mon courroux, il fallait juste que je me repose, un petit peu, un tout petit peu…

Je me suis réveillé 2 jours plus tard, seule la faim me tenait en éveil, me maintenait debout, j’en avais oublié le mystérieux message ainsi que mon aussi mystérieuse survie, encore un autre mystère à éclaircir, mais il me fallait trouver à manger, j’aurais alors tout donné pour un repas de maman, maman … Rien que l’emploi mental de ce terme me coupait la respiration, peu importe combien de temps passerait, je n’en serais probablement jamais remis. Il me semble que même la vision d’un champ de bataille m’aurait paru douce vis-à-vis de ce déferlement incompréhensible de haine. Je revoyais Julias, heureux, patient, gentil, appliqué, intelligent, puis, je me repassais la dernière image que j’avais de lui, tenant père par la gorge, quelque chose l’avait également détruit, car ce n’était pas lui, même sa face n’était plus la même, et le temps n’expliquait pas un tel changement, même si 4 ans étaient passés depuis notre dernière rencontre. Tout en y réfléchissant, je me voyais, courant dans la forêt, les vêtements déchiré et couvert de boue, à la recherche d’un écureuil, d’un chat sauvage, d’un cerf, de n’importe quoi pouvant calmer ma faim. Je n’avais jamais été très bon chasseur mais on dit que la nécessité fait des miracles alors … Ramassant un caillou, je tirai sur un lapin … loupé. J’allais devoir me concentrer sur une cible plus grosse et moins rapide, mon cerveau en ébullition, je me repassais en mémoire l’ensemble des animaux présents dans les forêts d’East Blue :

« Un putois ? Non, la chair était trop dure et avait un goût plus qu’écœurant dès la première bouchée, un raton laveur ? Quel idiot, c’était à 90% la même chose qu’un putois. Un écureuil peut-être ? Hmmm, trop rapide. »

Ma réflexion continua ainsi pendant près de 30 minutes alors que je parcourais toute la forêt alentour au pas de course, sans trouver de solution viable, j’avais soif, faim, froid, j’étais épuisé, en pleine remise en question, est-ce que ça valait vraiment le coup ? Est-ce que vivre avait vraiment un sens ? Comment l’affirmer ?

Alors découragé, je me suis stoppé dans ma course, puis je me suis à pleurer, à demander pourquoi, pourquoi moi ? Pourquoi moi précisément ? Avais-je énervé un quelconque Dieu ? Avais-je offensé le tout-puissant ? Toutes mes croyances s’étaient envolé, je ne savais pas comment faire, ni même quoi faire, j’étais perdu et dans un état lamentable, et aucune de mes lamentations, aucune de mes larmes ne changerait cette fatalité.
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Cet épisode de ma vie dura pendant encore une grosse demi-journée, durant laquelle je ne resterai conscient qu’une heure d’affilée au maximum, ce qui rendait ma progression plus que laborieuse. A vrai dire, je ne sais toujours pas pourquoi j’ai continué, je pense que je m’étais mis en tête qu’il ne s’agissait que d’un mauvais cauchemar, m’entraînant moi-même dans une sorte de catatonie psychologique, durant laquelle l’activité de mes nerfs n’était réduite qu’à une seule et unique action : marcher pour les retrouver. Bien entendu, ce but n’était qu’une idiotie parmi celles qui peuvent peupler un esprit ravagé, mais il m’empêchait de penser au suicide. Il m’empêchait de renoncer.

Pendant cette marche macabre, qui pourtant n’avait pour but que la vie, se dessinait autour de moi un paysage de plus en plus « humain », ce qui signifie que la forêt devenait de moins en moins dense, les chemins de terre étaient sillonnés de trace de chars et au loin, des lumières. Bien entendu, j’en étais parfaitement inconscient, j’avais même oublié la nécessité de manger, qui avait pourtant causé mon premier réveil. Cela faisait maintenant prêt de deux jours que je n’avais ni mangé ni bu, et au loin se dessinait une première lueur d’espoir, comme une bise hivernale après un été caniculaire.

Quelques kilomètres me séparaient du village, le problème de ces petits villages se résume en leur ouverture d’esprit, c’était simple : les habitants étaient en général xénophobes, et ce peu importe la couleur de peau ou la race de l’individu, ce dernier était rejeté dans tous les cas car non natif de ce qu’ils appelaient alors « le comté » ou alors « la région ». Ces idiots n’avaient aucune connaissance géographique et ignoraient le fait qu’ils étaient isolés au beau milieu de nulle part, à une quarantaine de kilomètres du premier gros bourg de l’île, et ils estimaient qu’ils avaient plus d’importance que les autres.

J’imagine que vous vous imaginez relativement facilement la suite, les enfants du village m’ayant aperçu sur la seule route traversant leur lieu de résidence, ils se sont employés, et avec ferveur, à prévenir leurs parents à grands coups de « EHHHHH » « OHHHHHHHH » et de « Papa, un vagabond !».

Ces cris causèrent un premier sursaut, réveillant quelque peu mon esprit endoloris par mon chagrin, et me forçant à lever les yeux vers la cause de ces derniers. C’est certainement en voyant cette armée paysanne, littéralement, brandir leur marteau et leur fourche vers moi, que j’ai pris peur, sachant pertinemment qu’ils savaient manier leurs armes de telle manière que mon état m’empêcherait de les contrer, je prenais alors pleinement conscience de ma faiblesse, en 3 jours je m’étais plus dépensé que je ne l’avais fait en 18 ans.

Il fallait absolument que je fuis, mais je n’en avais pas non plus la force, je devais trouver une solution, peut-être que le mensonge serait la bonne idée, alors j’ai ouvert la bouche et j’ai dit, du moins je pensais l’avoir fait :

- Attendez, attendez ! Je … je suis de la Marine, j’en…j’enquête sur un meurtre depuis maintenant 3 jours mais le coupable m’a volé tout mon inventaire avant-hier, je n’ai plus rien il faut m’aider … Je vous en prie…

En plus de sortir le mensonge le plus ridicule de ma vie, je n’ai finalement réussi à dire que le premier mot avant de m’évanouir, à nouveau.
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Je me demande encore aujourd’hui, qu’est-ce qui a été le plus étonnant entre mon réveil et ce qui s'est ensuivi.

Je me suis réveillé dans une sorte de pièce en bois, dans laquelle la température était à la limite de celle pouvant être ressentie sur les pôles, cette dernière ne devait pas mesurer plus de 10 mètres carrés, et n’offrait aucune porte de sortie à l’œil nu. Le temps que mon cerveau s’accommode à tout cet afflux d’information et je me rendis compte que j’avais était enfermé dans une prison, comme un malpropre.

Cela étant dit, mes tortionnaires avaient pris le soin de me fournir des repas, en l’occurrence deux, ce qui signifiait qu’il ne m’adressait pas la parole, sinon il n’aurait pris la peine de me fournir un second repas, mais également qu’il s’était écoulé entre 6 et 12h depuis mon évanouissement. Le jour était éclatant, je le savais de par les seules ouvertures sur l’extérieur qu’offrait la pièce, des petits barreaux espacé d’environ quatre centimètres, large de deux et haut d’une dizaine. La pièce en elle-même était tout juste assez haut pour moi, m’empêchant d’être vraiment à l’aise et me forçant à rester assis.

Les deux repas, bien que frugal et simple, m’avaient suffisamment requinqué pour mettre en place une première stratégie d’évasion, rester ici c’était risquer l’hypothermie, les villageois avaient empêché que cela n’arrive en me couvrant d’une peau de loup fraichement tanner. Du loup, cela signifiait qu’ils avaient soit des chiens de bergers, réactifs et agressifs, capables de tuer un loup, soit des chasseurs suffisamment habiles pour le faire. Cela pouvait potentiellement me faire un voir deux ennemis supplémentaires.

À la vue du bois, ils avaient également des bucherons et à la disposition de l’ensemble, des gens d’expérience mais encore plein de vigueur, entre 35 et 45 ans, maximum. Me rappelant peu à peu ce qui s’était passé la veille, je revoyais les enfants, ils n’étaient pas du tout amusés par la situation qui s’offrait à eux mais plutôt effrayé.

Deux explications possibles à ceci, soit leurs parents les ont couverts d’histoire à dormir debout sur les monstres des forêts et les âmes errantes, pour qu'ils n'arpentent pas la forêt en pleine nuit avec leurs petits copains du village. Soit c’est un village extrêmement paisible qui ne reçoit que très peu de visiteurs, et donc l’existence même de possible visiteur fait craindre de mauvaise nouvelle, peut-être donc des anciens de la Marine dans le village, ou des maris partis à la recherche d’un énième pirate.

Afin de vérifier mes hypothèses, j’ai décidé d’arpenter chaque recoin de ma cage pour en étudier tous les aspects, me souvenant de chaque leçon avec mon père, dans les bois, à suivre les proies, mais aussi dans les maisons, à flairer un autre type de proie. Je me rappelais aussi de chaque traité de science, me permettant de calculer, de mesurer et de comprendre tous les phénomènes observables.

En m’y prenant de la sorte, j’ai réussi à estimer que la dernière visite dans cette foutue prison devait dater d’au moins 1 an, selon les traces les plus récentes, le bois était sec, rigide, mais marqué par le temps, certaines traces de couteaux étaient présentes, toutes positionnées à des endroits différents mais cela ne traduisait aucunement le nombre de prisonniers qui avait été enfermé ici, il me fallait comparer la force impliquée dans chaque coup, et, se faisant, j’ai pu estimer à 5 le nombre de prisonniers étant passé par cet endroit. Ce qui faisait de moi quelqu’un de vraiment spécial, en soi.

Après une longue réflexion, j’ai décidé d’attendre de voir le temps de latence existant entre les repas, mon dernier ayant été tiède, et à la vue de la température, je me doutais qu’il avait été posé là une dizaine de minutes avant mon réveil. Mon hypothèse se confirma trois heures plus tard alors qu’on m’apportait mon troisième repas de la journée, je fus surpris de voir un jeune homme sans chargé.

Il devait avoir 16 ans maximum et ne dépasserait pas le mètre 80, ses yeux traduisaient une grande douceur, d’un bleu sombre, frôlant la couleur des abysses, ses mains, elles, étaient les mêmes que Quinn … NON je ne devais pas y repenser, pas maintenant qu’une telle occasion se présentait. Il me fallait être sans merci, je devais partir.

Je le laissai donc rentrer dans la cellule et d’un coup de genou, je l’assommai, ayant appuyé tout le poids de mon corps sur sa tête dès que ce dernier a eu le malheur de se baisser afin de poser mon plateau à terre. À partir de cet instant, il me restait 3 choses importantes à faire, prendre l’arme du gamin (une pelle), refermer la cellule et manger le repas, une fois ces trois choses faites, je pourrais alors m’échapper.
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Seul problème, le manque de réalisme de mon plan, il était audacieux de penser pouvoir tromper des paysans qui étaient à la fois aguerris quant à tout ce qui concerne la survie mais qui en plus de ça, était sur les gardes vis-à-vis des étrangers. Je voyais gros, trop gros, ce qui me faisait paraître stupide, et ce à mes propres yeux.

J’ai quand même décidé de mettre mon plan à exécution car je n’avais aucune autre idée valable ou viable en tête, et parce que le gamin se réveillerait dans les 5 minutes et que les paysans, eux, viendraient me vider de mes entrailles d’ici une petite dizaine de minutes. J’avais avalé le repas, frugal et au gout discutable mais revivifiant et je m’étais armé de la pelle quand un des chiards du village cria de toutes ses forces « L’ETRANGER S’ECHAPPE ».

J’avais beaucoup de mal avec cette notion d’étranger, car je ne me sentais pas comme tel, nous étions de la même île, de la même race et de la même nation, enfin, en dehors de notre lieu de naissance, rien ne nous dissocier réellement, alors, à quoi bon s’acharner sur les visiteurs . Et ils s’étonnent qu’on les traite d’arriéré et d’ignare, quelle blague.

Enfin bref, ni d’une ni de deux, je clouai le bec du petit d’un coup de pied et je filai à toute vitesse, l’hiver empêchait les courses à pied, entre bottes enfoncées dans la neige et plaque de verglas, il était difficile, pour nous autres, honnêtes citoyens, de fuir nos détracteurs avec aisance. Autant vous dire que tout ce que j’ai dit juste au-dessus, m’est arrivé.

Vous vous attendez peut-être à une histoire un peu spéciale, comme par exemple, un retour à la case départ suivi de l’aide d’un habitant ouvert d’esprit avec un minimum de jugeote et de savoir-vivre. Et bien pas du tout, ils étaient tous idiots. J’ai effectivement était rattrapé, et j’ai dû attendre une bonne semaine avant qu’une occasion, somme toute, extraordinaire, se présente à moi.

Au fil des jours qui passaient, je reprenais à la fois des forces mais aussi de la vigueur, autant dans mes réflexes physiques que dans mes réflexions mentales. J’avais appris à connaître chacun de mes geôliers, sans ne jamais leur avoir adressé la parole, mes yeux vert pâle scrutaient chaque détail pouvant préciser un quelconque problème, une quelconque faille ou une quelconque faiblesse.

Prenons en exemple, ce petit-là, humm, Jaime si je me souviens bien … Oui ça doit être ça, eh bien ce petit gars fait des nuits blanches deux fois par semaine, le mardi et le jeudi, et essaie tant bien que mal de le cacher à ses parents, car il s’amuse à tuer des animaux dans la grange de ses voisins. Comment je l’ai découvert ? Vendredi matin dernier, il était chargé de m’apporter mon petit déjeuner, ses cernes étaient incroyablement marqués, ce qui ne peut être expliqué par une seule nuit blanche, car l’ayant analysé le week-end à travers ses maudits petits barreaux, sa tête n’étaient pas la même suivant les jours de la semaine, j’en ai facilement déduit qu’entre vendredi et dimanche, le garçon dormait bien, mais qu’en dehors de ce laps de temps, c’était légèrement plus compliqué. Pour ce qui est des dates précises, il me suffisait d’entendre les commérages quant aux meurtres d’animaux dans la grange des « Holstern » et de regarder le comportement de Jaime, il faisait tout pour qu’il ne puisse pas être soupçonnable, malheureusement pour lui, il avait face à lui un vrai professionnel de l’observation, à défaut d’en être un de l’évasion …

Comment ai-je découvert que c’était lui, il n’a pas changé de vêtement une seule fois entre samedi et Lundi, mais curieusement entre Mardi et Vendredi, il a changé 4 fois de vêtements, tout en prenant bien soin de garder les mains le long du corps, prétextant qu’il avait froid. C’est quand, Vendredi, au moment du déjeuner, il a levé ses mains afin de déposer mon plateau, que j’ai pu apercevoir, ces 6 petites taches marron, typique d’une éclaboussure. Ma théorie étant déjà bien avancée, il me fallait prendre un risque afin de la confirmer, et sa réaction fut celle escomptée, celle d’un prédateur protégeant sa proie, ou bien d’une mère couvant ses enfants, ses deux dernières étaient relativement similaires au final.

Je tenais enfin ma carte de sortie.
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- Dis-moi petit, tu es plus couteau ou marteau ?

C’était comme ça que la conversation avait commencé, je savais qu’il utilisait le marteau, car les crânes des pauvres bêtes avaient été écrasés, littéralement, mais je savais que dans la psychologie humaine, l’existence d’un choix pousse toujours à répondre, et surtout à répondre le contraire de ce qui est réellement.

- Marteau.

Le petit souriait, aussi surprenant qu’intéressant, je me retrouvais face à face avec un psychopathe de premier ordre, et je n’avais pas peur, pas du tout. Je pensais avoir coincé un petit, un peu dérangé, mais avec ses raisons, comme beaucoup en ont. Mais non, Jaime n’avait aucun autre motif que la joie inexpugnable de tuer, d’écraser les poulets et les moutons de ses voisins à coup de massue.

- Vous m’avez découvert donc ?

Il semblait sincèrement étonné, quoique satisfait, peut-être d’avoir trouvé un adversaire qu’il jugeait comme étant à sa taille, ce qui, à mes yeux, n’était pas vraiment le cas.

- Ça me semble évident, cela dit, ça n’était pas vraiment compliqué.

Il devait avoir entre 13 et 14 ans, et j’avais été plutôt méchant sur le coup, car, à son âge, j’aurais peut-être à peine fait mieux, car en toute honnêteté, il camouflait vraiment habilement ses actes, profitant de son environnement mais aussi du caractère de chacun, pour éviter tout soupçon.

- A vrai dire, tant que vous ne venez pas m’ennuyer, je m’en moque.

Il était habile et malgré mon coup d’avance, je me dois d’avouer que je me sentais quelque peu dépassé par la psychologie du garçon, qui n’était ni effrayé, ni désolé, ni même inquiet quant à l’idée que je puisse tout révéler aux siens.

- Tu sais, j’ai une langue, et je sais m’en servir.

Je le savais désormais suffisamment réfléchis pour comprendre le sous-entendu, il n’agissait pas par méchanceté mais par plaisir, c’était ses yeux qui parlaient pour lui, il avait encore des yeux d’enfants, là où moi, quelques jours plus tôt, j’étais devenu morne et froid. Je reconnaissais ses yeux là car je lui enviai de toutes mes forces, je donnerais tout pour les récupérer.

- Vous savez, j’ai une famille, des amis, des cousins et des cousines ici, vous, vous avez quoi, à part une gamelle et un peu d’eau ?

C’était la réponse la plus prévisible et pourtant la plus efficace qu’il pouvait apporter, je dois avouer que la complexité de la situation me mettait mal à l’aise et m’empêchait de réfléchir à ma guise, allant jusqu’à troubler ma mémoire.

- J’ai l’intelligence d’esprit de reconnaître le danger quand je l’ai sous les yeux.

Je ne pouvais pas l’utiliser comme carte de sortie diplomatique ? Très bien, j’emploierai donc la force brute. Et c’est dans ces mots que je me devais de remercier père, car malgré le renforcement de mes liens, autour des poings et des pieds, j’avais réussi à m’en défaire dès les deux premiers jours de ma captivité. Sachant parfaitement quand mes repas arriveraient, les gens de la campagne étant souvent très respectueux des horaires, je pouvais ainsi faire semblant d’être attaché lorsqu’ils arrivaient car je ne les avais pas brisés, j’avais juste employé une technique de contorsion basique me permettant de me débloquer facilement de ce genre de situation. Employant ainsi la lutte et le jiu-jitsu, je l’amenais au sol sans un bruit, l’assommer d’un grand coup de coude et l’utilisais comme otage. Le gamin avait 14 ans, et était plutôt gringalet, si, dans la même situation, je m’étais retrouvé face à un adulte, j’aurais surement perdu, mais ses derniers étaient occupés, dans les champs ou dans leurs ateliers, ils mobilisaient donc leurs enfants à leur place, quelle erreur.

- SOYONS CLAIRS, CELA FAIS MAINTENANT 16 JOURS QUE JE SUIS RETENU ICI CONTRE MON GRE, JE VOUS SOMME DE ME FOURNIR DES EXCUSES AINSI QUE DES EXPLICATIONS OU JE M’OCCUPE DE CE GARNEMENT COMME IL S’OCCUPE DES ANIMAUX HOLSTERN.

Bien entendu, les habitants n’ont d’abord pas répondu, croyant surement à une hallucination collective ou bien à une blague enfantine, enfin bref, à quelque chose qui n’était pas. J’ai donc dû attendre 5 minutes que le petit se réveille, puis j’ai dû employer toutes mes connaissances en matière de sport de combat, afin de le faire gémir sans causer de lésions irréversible.

- DIS LEUR JAIME, DIS LEUR A QUEL POINT TU SOUFFRE DE PAR LEUR COUARDISE.

Et après les premiers cris, ils étaient tous dehors, arme à la main, gueule fermée et colère marquée. Peut-être pensaient-ils me faire peur . Tss.

- Relâche ce gamin étranger, et tu auras la vie sauve

C’était Gouril qui venait de parler, le forgeron, violeur de sa fille et du fils de son voisin, un soir d’été à la forge. Être observateur n’était pas seulement une question de temps, il fallait choisir ses cibles et tout apprendre jusque dans les moindres détails de leur vie intime, en mêlant leur dire, leurs habits, leurs habitudes, leur manie ainsi que leur expression faciale. En moins d’une semaine un bon observateur connaît tout de sa cible mais aussi de son entourage premier.

- Un violeur qui promet la vie sauve, je t’en prie Gouril ne soit pas ridicule.

La première réaction fut un rire nerveux, puis un regard baissé de sa fille et trois pas plus loin, du fils du voisin, s’ensuivit une bordée d’insultes de la part de l’intéressé, puis d’une charge, unique, en ma direction, marteau tendu. Ridicule. Il n’y avait pas d’autre mot pour désigner ce porc de près de cent quarante kilos, plus gras que musclé, plus gros que vraiment imposant. Ridicule. Il n’y avait pas d’autre mot pour désigner cette charge digne d’un enfant sortant de l’académie militaire, avec un bonnet d’âne sur la tête.
D’un pas de côté, j’esquivai la charge, puis, tendant ma jambe, je lui fis un croche-patte presque instantanément après mon esquive, il s’étala sur le sol sous le rire éteint, mais franc, des deux violés. Je lui pris son marteau des mains, son honneur était déjà brisé, les paysans étaient certes stupides, mais l’aveu des deux victimes était plus que flagrant, ils n’osaient plus réagir et me laissaient agir à ma guise. Alors j’abattis la massue sur ses parties, les brisants nets.

- Qui d’autre ici veut tenter une bêtise de ce genre ?

Pas de réponse.

- Bien, maintenant je veux des explications.

Aucun bruit si ce n’est les hurlements de Gouril. J’abattis donc ma dernière carte, prenant le petit Jaime par les cheveux et positionnant la massue sur la tempe du garçon, j’arquai mon bras puis, d’un mouvement rotatif j’abat…

- NON ATTENDEZ !

Ahh, et bien voilà ce n’était pourtant pas si compliqué.

- Vous, vous, vous êtes bien Ersten Gudric ?

Ils connaissaient donc mon nom, mon instinct me disait alors que tout cela ne présageait rien de bon...

- Oui, pourquoi ?

La réponse allait s’abattre comme un coup de marteau et je le sentais, elle me frapperait aussi assurément que ne le faisait père durant nos entraînements.

- C’est votre frère qui nous a demandés de vous stopper ici, ils savaient que vous arriveriez dans notre village car c’est lui qui vous a guidé inconsciemment, en dirigeant les animaux vers cette direction mais aussi en postant son message à droite du mur de votre maison, vous incitant implicitement à vous rendre à gauche, c’est lui qui mène la danse, il a pris trois de nos enfants en otage, ne nous laissant pas d’autre choix que celui de coopérer …

Alors voilà, c’était lui.
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