CHAPITRE 1 :
Deuxième sous chapitre : Grandir, c'est compliqué
Pour se faire pardonner de leurs actes, les habitants du village qui m’avaient emprisonné m’ont nourri et logé durant une dizaine de jours, m’évitant ainsi pas mal de problème car le froid était mordant et pouvait, en une dizaine de minutes, devenir la cause d’engelure aggravée entraînant amputation et parfois mort. Le sachant autant qu’eux, je me suis décidé à les pardonner relativement rapidement, sachant pertinemment de quoi mon frère était capable, je me devais de comprendre leur peur et leur chagrin. Bien qu’ils soient effectivement d’un naturel renfermé, ils m’ont appris qu’ils acceptaient d’accueillir les étrangers tant que ceux-ci étaient respectueux. Ils ont aussi contrecarré mes expertises quant à la prison, seules deux personnes y avaient séjourné et non pas 5. J’avais encore beaucoup de travail à ce sujet.
Je leur ai demandé ce que mon frère avait fait des enfants, ses derniers étaient rentrés chez eux dès que j’ai été arrêté, et mon frère aurait profité de mon inconscience pour se délecter de mon impuissance. L’image même de son visage me donnait envie de vomir, je n’éprouvais qu’un seul désir, le tuer et offrir ses restes aux chiens, et je le ferais, quoique cela me coûte.
Ce séjour chez les paysans fût marqué par la sympathie et l’entraide, bien que beaucoup avaient des secrets plutôt sombre, je faisais en sorte de ne rien faire remarquer à personne tant que ces derniers ne dépassaient pas une certaine limite, j’entends par là, la mort et le viol. Pour ces deux cas précisément, je n’avais aucun problème à mener l’enquête et à dévoiler leurs horreurs au plein jour. Les enfants ont fini par m’appeler shérif tellement j’étais appliqué dans ma tâche, j’ai fini par faire emprisonner deux violeurs et un meurtrier, m’appliquant à comprendre leurs raisons, qui parfois, dans certaines circonstances, pouvaient paraître valable. Enfin, dans le cas du meurtre, les viols eux, sont impardonnables, et mon jugement était le même pour tous, un coup de massue sur les parties.
Le matin du quatrième jour, je me suis décidé à faire un tour dans le village afin d’en faire une cartographie mentale et de me souvenir de chaque rue et de chaque maison. Le village en lui-même était charmant, recouvert par la neige qui lui donnait un côté féerique. Le village était construit en cercle concentrique autour de ce qui semblait être la salle des fêtes, une énorme bâtisse avec un toit de paille, prenant la forme d’un I majuscule avec deux couloirs parallèles aux extrémités servant de salle de jeu et de salle de réception. L’architecture de cette dernière était somme toute basique mais plutôt impressionnante pour des hommes travaillant la terre et n’ayant que peu d’intérêt pour tout autre domaine.
Le style du village en lui-même était assez médiéval, mélangeant les maisons en bois et les maisons en pierre, les cheminées tournaient à plein régime, les enfants couraient dans les rues et les adultes riaient et se serraient la main. Une sérénité qui paraissait tellement naturelle. J’en étais ému. Positionné dans une clairière, à 600 mètres des arbres qui l’entourait, le village était peuplé de 700 âmes et était principalement tourné sur la menuiserie et le travail du bois sous toutes ses formes, ce qui expliquait partiellement l’existence des bâtisses en bois, dépassé de nos jours car inflammable, peu solide et peu isolante.
Les rues serpentaient entre les maisons, donnant ce côté rustre et pourtant si vrai à ce village. Leur disposition n’était pas vraiment belle à voir, mais pourtant elles donnaient au village cette authenticité qui faisait son charme, le tout était vraiment beau à voir et je pense que c’est une image que je n’oublierai pas de sitôt.
Ayant fini mon petit tour, je me décidai à redescendre dans le village afin de prendre mon petit déjeuner en compagnie de ma famille d’accueil, la famille Dulkir. Trois enfants allant de 8 à 17 ans. Ils avaient était impressionnés par mon histoire et voulaient absolument m’aider du mieux qu’ils pussent, comment leur expliquer que c’était quelque chose d’impossible ? Je me trouvais dans une impasse, dont les murs étaient en acier forgé et où la seule arme à ma disposition était un bout de bois. J’étais pour ainsi dire, perdu. Et je ne pouvais pas non plus rester chez eux, sachant parfaitement que mon frère était capable de revenir pour les exterminer.
- Ersten, reste avec nous encore quelques jours !
- Je partirai dans dix jours, je ne peux pas me permettre de vous mettre en danger
- Ohhhhhh mais tu dois encore m’apprendre ta technique là !
- Dix jours suffiront amplement Philip !
Philip Dulkir était le plus petit de la famille, à 8 ans il était passionné par la Marine et répétait à qui voulait l’entendre qu’il deviendrait Amiral en Chef, et je dois dire que c’était quelque chose de tout à fait probable, étant donné l’entrain avec lequel il s’entrainait, il était déjà plus fort que tous les gamins de son âge. En seulement deux jours il était devenu fan de moi et essayait tant bien que mal de répéter chacun de mes mouvements, c’était amusant, il me rappelait Quinn sur certains points.
- Va pas te faire mal gamin, t’as tout ton temps pour devenir marin
- C’est toi le gamin Famir ! Et j’veux pas être marin j’veux être amiral gros nul !
Famir était l’aîné de la famille, 17 ans et la tête pleine de rêve, c’était un grand gaillard, travailleur et appliqué il avait arrêté les cours pour devenir le plus grand des menuisiers n’ayant jamais existé, c’était une bonne idée, la menuiserie rapportait énormément et apporter le respect de toutes les classes confondues, c’était un métier vraiment utile.
- Ne brise pas les rêves de notre petit frère idiot, aide le plutôt en lui construisant un bateau !
- Un bateau pour aller ou Julia ? On est à 40 miles de la première mer, tu vois ce petit luron faire tout le trajet un bateau sur le dos ?
En s’imaginant la scène, tout le monde éclata de rire, Julia était la sœur des deux gaillards, à 15 ans elle était une élève appliquée et intéressée et elle me demandait souvent de l’aide pour ses devoirs, pour comprendre le pourquoi du comment, même si ses yeux trahissaient son attirance pour moi, je restais relativement à l’écart de toute proposition, car je ne voulais pas d’engagement avec personne, sachant pertinemment que la plus grande faiblesse des guerriers résulte dans leur attachement à leurs proches. Pour battre mon frère, je devais être seul.