- Je crois que l’été est finalement arrivé.
Rayonnante, Wu Quang savourait les douceurs du soleil qui lui faisait concurrence. C’était sur ce balcon que tout avait commencé, un matin, lorsque l’on était venu la prévenir de l’absence de son mari. Les premiers engrenages de sa stratégie à se mettre en marche.
Aujourd’hui, stratégie il n’y avait plus. Délivrée de ses obligations d’agente, l’impératrice pouvait enfin rentrer dans son véritable rôle, le seul qu’elle avait apprécié interpréter. Elle n’était plus une actrice, mais la véritable épouse d’un souverain qu’elle aimait sincèrement.
Des mois s’étaient écoulés depuis les soulèvements de l’hiver. Les moussons avaient finalement laissé place à un temps chaud et sec, propice au développement des nombreuses plaines fleuries et à l’exploitation des rizières. C’était en cette période que Kanokuni resplendissait le plus, teinté de mille couleurs. Il n’avait alors plus rien à envier aux arcs-en-ciel fleuris du Sultanat des Pétales ou à la verdure de Kageberg. Dehors, les paysans en tenues légères récupéraient leurs récoltes et faisaient leurs réserves pour le prochain hiver.
Pour la première fois, Wu pouvait enfin s’avouer fière de diriger un tel pays.
Au fil du temps, les grondements du peuple s’étaient transformés en clameur. Bien évidemment, une telle chose ne s’était pas faite automatiquement : il avait fallu pour cela négocier avec la révolution et faire des compromis pour que tout un chacun puisse être entendu. De ce fait, un conseil législatif composé de l’empereur, du chef local de la révolution, du Haut-Prêtre Zenhiliste, du chef des armées et de plusieurs représentants du peuple avait été instauré. Ce fût à partir de ce moment que la cohabitation fût définitivement établie.
Humant l’air frais d’une journée bien remplie, l’impératrice était déjà en train de revoir mentalement son emploi du temps lorsque le capitaine des gardes toqua à la porte de sa chambre.
- Je suis venu avertir sa Seigneurie que sa diligence est fin prête.
- J’arrive dans une minute.
Si d’habitude le rôle de l’impératrice était de répondre aux doléances du peuple et gérer les finances du pays depuis la capitale, cette semaine exceptionnellement il était question de se déplacer dans le pays pour rencontrer les différents dirigeants et faire acte de présence auprès du peuple. Son premier trajet incluait de se rendre aujourd’hui jusqu’à Jing en passant par le temple de Xiao.
Sa reconstruction pratiquement terminée, Jing était, selon ce qu’elle avait entendu, encore plus resplendissante qu’elle ne l’était déjà auparavant. L’une des premières décisions du conseil avait d’ailleurs été de placer la ville sous la direction officielle de l’Armée Révolutionnaire. Là-bas, Zao démontrait désormais toute l’étendue de ses talents de meneurs d’hommes dans un domaine civil : à la façon d’un intendant, il gérait la ville en totale autonomie et n’avait de comptes à rendre qu’au conseil dont il faisait partie. Cela empêchait ainsi toute ingérence du couple impérial dans ses affaires.
Avec le temps, les tensions entre le révolutionnaire et l’ancienne agente du gouvernement s’étaient apaisées sans toutefois disparaître complètement. Leurs rapports restaient ainsi courtois mais strictement liés au travail. En dehors de cela et de l’image qu’ils devaient montrer au peuple, rien ne les empêchait de se détester secrètement lorsqu’ils étaient loin l’un de l’autre. Des fois, il arrivait même à Wu d’espérer que le coup du sort arrache la vie de son ennemi juré pour qu’un autre révolutionnaire prenne sa place, mais ça n’était pas dans l’intérêt des Jingois.
Et aujourd’hui, elle devait s’entretenir avec l’intendant.
Finalement apprêtée, l’impératrice quitta alors ses appartements pour rejoindre le cortège de gardes et de porteurs qui l’attendaient à la sortie du palais. Loin d’être excitée à l’idée de passer plusieurs heures dans une petite boite hermétique, elle n’en montra pourtant rien et grimpa les quelques marches dépliables qui l’invitaient à se rendre dans son palanquin.
Si Jing et Zao occupaient principalement son esprit, elle s’obligea alors à penser à la rencontre intermédiaire qu’elle allait faire avec le nouveau Petit Pétale de Rose, un certain Hua Wei. Malheureusement, l’ancien Haut-Prêtre avait disparu lors des inondations, probablement emporté par les forts courants qui avaient isolé le temple. Si les circonstances de sa mort demeuraient floues, l’impératrice ne pouvait que se satisfaire de la disparition du vieil homme sénile qui avait engagé les citoyens de l’empire à suivre la révolution.
Saisissant une feuille de papier et un crayon, elle commença alors à écrire des notes sur les différents discours qu’elle allait être amenée à écrire, lorsque le cortège s’arrêta soudainement. Ne faisant pas cas des aléas du voyage, elle continua son travail jusqu’à ce que des voix puissent se faire entendre assez fort pour la perturber. Parmi celles-ci, celle du capitaine des gardes et…
- Laissez, capitaine, vous ne voyez pas qu’il s’agit de nos amis journalistes ? intervint la souveraine, la moitié du corps dépassant de l’une des nombreuses fenêtres tapissées de rideaux cerclant l’habitacle.
En effet, figuraient devant le cortège les deux jeunes gens étant intervenus durant la bataille de la Place du Dragon, ceux qui avaient fait basculer la balance et aidé à instaurer une trêve. Si la raison de leur présence était inconnue pour l’impératrice, celle-ci ne put s’empêcher de les inviter à partager son palanquin. Au moins pendant un petit bout de chemin.
Et si la providence faisait bien les choses, jusqu’à Jing peut-être.
Rayonnante, Wu Quang savourait les douceurs du soleil qui lui faisait concurrence. C’était sur ce balcon que tout avait commencé, un matin, lorsque l’on était venu la prévenir de l’absence de son mari. Les premiers engrenages de sa stratégie à se mettre en marche.
Aujourd’hui, stratégie il n’y avait plus. Délivrée de ses obligations d’agente, l’impératrice pouvait enfin rentrer dans son véritable rôle, le seul qu’elle avait apprécié interpréter. Elle n’était plus une actrice, mais la véritable épouse d’un souverain qu’elle aimait sincèrement.
Des mois s’étaient écoulés depuis les soulèvements de l’hiver. Les moussons avaient finalement laissé place à un temps chaud et sec, propice au développement des nombreuses plaines fleuries et à l’exploitation des rizières. C’était en cette période que Kanokuni resplendissait le plus, teinté de mille couleurs. Il n’avait alors plus rien à envier aux arcs-en-ciel fleuris du Sultanat des Pétales ou à la verdure de Kageberg. Dehors, les paysans en tenues légères récupéraient leurs récoltes et faisaient leurs réserves pour le prochain hiver.
Pour la première fois, Wu pouvait enfin s’avouer fière de diriger un tel pays.
Au fil du temps, les grondements du peuple s’étaient transformés en clameur. Bien évidemment, une telle chose ne s’était pas faite automatiquement : il avait fallu pour cela négocier avec la révolution et faire des compromis pour que tout un chacun puisse être entendu. De ce fait, un conseil législatif composé de l’empereur, du chef local de la révolution, du Haut-Prêtre Zenhiliste, du chef des armées et de plusieurs représentants du peuple avait été instauré. Ce fût à partir de ce moment que la cohabitation fût définitivement établie.
Humant l’air frais d’une journée bien remplie, l’impératrice était déjà en train de revoir mentalement son emploi du temps lorsque le capitaine des gardes toqua à la porte de sa chambre.
- Je suis venu avertir sa Seigneurie que sa diligence est fin prête.
- J’arrive dans une minute.
Si d’habitude le rôle de l’impératrice était de répondre aux doléances du peuple et gérer les finances du pays depuis la capitale, cette semaine exceptionnellement il était question de se déplacer dans le pays pour rencontrer les différents dirigeants et faire acte de présence auprès du peuple. Son premier trajet incluait de se rendre aujourd’hui jusqu’à Jing en passant par le temple de Xiao.
Sa reconstruction pratiquement terminée, Jing était, selon ce qu’elle avait entendu, encore plus resplendissante qu’elle ne l’était déjà auparavant. L’une des premières décisions du conseil avait d’ailleurs été de placer la ville sous la direction officielle de l’Armée Révolutionnaire. Là-bas, Zao démontrait désormais toute l’étendue de ses talents de meneurs d’hommes dans un domaine civil : à la façon d’un intendant, il gérait la ville en totale autonomie et n’avait de comptes à rendre qu’au conseil dont il faisait partie. Cela empêchait ainsi toute ingérence du couple impérial dans ses affaires.
Avec le temps, les tensions entre le révolutionnaire et l’ancienne agente du gouvernement s’étaient apaisées sans toutefois disparaître complètement. Leurs rapports restaient ainsi courtois mais strictement liés au travail. En dehors de cela et de l’image qu’ils devaient montrer au peuple, rien ne les empêchait de se détester secrètement lorsqu’ils étaient loin l’un de l’autre. Des fois, il arrivait même à Wu d’espérer que le coup du sort arrache la vie de son ennemi juré pour qu’un autre révolutionnaire prenne sa place, mais ça n’était pas dans l’intérêt des Jingois.
Et aujourd’hui, elle devait s’entretenir avec l’intendant.
Finalement apprêtée, l’impératrice quitta alors ses appartements pour rejoindre le cortège de gardes et de porteurs qui l’attendaient à la sortie du palais. Loin d’être excitée à l’idée de passer plusieurs heures dans une petite boite hermétique, elle n’en montra pourtant rien et grimpa les quelques marches dépliables qui l’invitaient à se rendre dans son palanquin.
Si Jing et Zao occupaient principalement son esprit, elle s’obligea alors à penser à la rencontre intermédiaire qu’elle allait faire avec le nouveau Petit Pétale de Rose, un certain Hua Wei. Malheureusement, l’ancien Haut-Prêtre avait disparu lors des inondations, probablement emporté par les forts courants qui avaient isolé le temple. Si les circonstances de sa mort demeuraient floues, l’impératrice ne pouvait que se satisfaire de la disparition du vieil homme sénile qui avait engagé les citoyens de l’empire à suivre la révolution.
Saisissant une feuille de papier et un crayon, elle commença alors à écrire des notes sur les différents discours qu’elle allait être amenée à écrire, lorsque le cortège s’arrêta soudainement. Ne faisant pas cas des aléas du voyage, elle continua son travail jusqu’à ce que des voix puissent se faire entendre assez fort pour la perturber. Parmi celles-ci, celle du capitaine des gardes et…
- Laissez, capitaine, vous ne voyez pas qu’il s’agit de nos amis journalistes ? intervint la souveraine, la moitié du corps dépassant de l’une des nombreuses fenêtres tapissées de rideaux cerclant l’habitacle.
En effet, figuraient devant le cortège les deux jeunes gens étant intervenus durant la bataille de la Place du Dragon, ceux qui avaient fait basculer la balance et aidé à instaurer une trêve. Si la raison de leur présence était inconnue pour l’impératrice, celle-ci ne put s’empêcher de les inviter à partager son palanquin. Au moins pendant un petit bout de chemin.
Et si la providence faisait bien les choses, jusqu’à Jing peut-être.