Alba, Glaschù – Printemps 1627
Jour 1
Jour 1
Même au milieu de cette nuit froide et humide, le port était en effervescence. C'était comme si les habitants se préparaient à l'arrivée d'une tempête. Pourtant, le ciel était clair et dégagé. Les étoiles se donnaient en spectacle et la Lune, belle et bien pleine, éclairait même les ruelles les plus étroites. A part un vent violent à vous glacer les os, il n'y avait aucun signe avant coureur d'un éventuel déchaînement des éléments.
La jeune femme laissa l'équipage de l'Abhainn et s'engagea rapidement dans la rue principale. L'air lui mordait le visage et la laissait transie de froid. Ses vêtements n'étaient clairement pas adaptés à la température locale. Son séjour en pleine mer lui avait appris les caprices du temps. Aussi, elle avait réussi à troquer son short contre un vieux jean délavé. Mais cette "nouvelle" acquisition, ainsi que son manteau de cuir, ses bottines et ses mitaines ne suffisaient pas à la garder bien au chaud.
A cette heure, aucune boutique n'était ouverte pour lui procurer d'autres vêtements. Sa priorité était donc de trouver un endroit où se loger et manger à petit prix. L'un des matelots du navire qui l'avait amené jusqu'ici, natif de la ville, lui avait indiqué une taverne au nom prometteur : « Le Porc qui fouette ». Selon lui l'établissement préparait des plats bien garnis, et proposait des lits en dortoir pour une bouchée de pain.
Il lui avait donnée ses indications sur un bout de papier à moitié déchiré. Elle tentait tant bien que mal de déchiffrer les hiéroglyphes sans s'arrêter pour ne pas finir congelée. Difficile d’exécuter deux tâches en même temps alors que des bourrasques glacées jouaient avec vos nerfs.
Au bout d'une demi-heure elle trouva enfin la dite merveille. Il lui sembla avoir fait six fois le tour de la ville mais qu'importe, la taverne était bien là. Après avoir rapidement vérifié le nom de l'établissement sur la pancarte, elle se dépêcha d'entrer sans prendre le temps d'examiner plus en détail son aspect extérieur.
La rouquine ferma les yeux, jouissant de la chaleur qui réanimait ses membres. Une odeur aigre de viande mijotée aux épices mélangée à celle de la bière renversée - qui devait maintenant coller au parquet - lui chatouillait les narines. Elle ne s'était pas rendue compte à quel point la faim et la soif l'avait tenaillée jusqu'à maintenant.
En ouvrant les yeux Juusan s'aperçut que la totalité des personnes présentes dans la salle la dévisageait. Elle se sentit rougir mais supposa que la soudaine chaleur qui réanimait ses joues endolories en était autant responsable que la honte qui lui montait au visage. Finalement, elle se dirigea lentement vers le comptoir et s'y accouda en essayant d'oublier tous les visages qui la détaillaient comme un vulgaire animal de foire.
C'est alors le regard le plus intimidant qui lui ait jamais été donné de rencontrer qui lui fit face. L'homme qui la fixait de l'autre côté du bar était imposant. Géant même. Il était si grand que sa tête touchait presque le plafond. Ses yeux d'un gris translucide, sa peau claire et ses cheveux d'un noir d'encre lui donnaient un air de mort vivant. Des tatouages recouvraient entièrement ses bras et le t-shirt blanc qu'il portait semblait pouvoir se déchirer à tout moment à cause des muscles du bonhomme qui l'étiraient à outrance.
Elle dut avaler sa salive pour se donner le courage de parler. Quelques rires gras de clients qui se délectaient de la scène se firent entendre.
- Bonjour … monsieur …
Elle dut s'arrêter et avaler sa salive une seconde fois pour continuer. S'il ne faisait pas si froid dehors, elle aurait déjà déguerpi depuis longtemps.
- Je souhaiterais un bon repas et un lit chaud … j'ai de quoi payer … un peu … s'il vous plaît.
Le géant ne lui répondit pas tout de suite, il se contenta de l'observer avec un regard indéchiffrable. Elle avait l'impression qu'il pouvait l'embrocher à tout moment avec un sabre pour la mettre à rôtir sur le feu de la cheminée.
- Et pourquoi ferai-je une chose pareille? ... demanda-t-il finalement.
- Parce que … vous … vous êtes un tavernier … que vous avez une taverne … avec de la nourriture … des lits …
- Vraiment ?
- Oui … et j'ai aussi de quoi payer ... réussit-elle à articuler en retrouvant un peu de courage.
Pour appuyer ses dires, elle agita sa petite liasse de billets sous son nez. Il lui attrapa vivement la main. Elle déglutit une troisième fois. Cette fois-ci une petite goutte de sueur coula le long de sa tempe. Il lui arracha les billets de la main et se mit à les compter, un par un.
- Vous … com … combien cela me coûterait pour un repas et une nuit ?
Sans répondre, il prit un billet de cinq mille et un de mille, les mit dans sa poche de pantalon et lui rendit le reste. Six-mille Berrys lui sembla un peu exagéré pour un taudis pareil. Mais elle n'osa protester. Elle récupéra vivement son argent et le remit dans sa poche de jean.
- Je … j'espère qu'à ce prix là, la bière et le whisky sont offerts...
Le bonhomme la toisa et sourit légèrement. Enfin, elle avait l'impression de discerner un léger sourire en coin. Il s'empara d'un verre, le remplit de bière à la tireuse et le posa sans délicatesse sur le bar.
- Allez vous asseoir. Je vous apporterai le repas lorsque ce sera prêt. Le whisky est offert par la maison à tous clients restant pour la nuit. Il vous sera servit plus tard. Je vous indiquerai le dortoir des femmes à la fin de mon service.
Elle allait s'emparer de son verre lorsqu'il la retint par le bras.
- Mais avant cela … je vais devoir vous demander de me laisser votre sabre. Pas d'arme ici, c'est la politique de la maison. Ou vous acceptez, ou vous dégagez. Et quel que soit votre choix je garde le fric bien sûr.
La jeune femme se retourna. Les visages de la salle n'étaient vraiment pas amicaux. Cependant, ils étaient beaucoup moins intimidants que celui du patron. De plus, cela signifiait qu'aucun d'eux ne portait d'arme, ce qui était plutôt rassurant finalement.
Elle dénoua le laçage de sa lame et la céda à contre cœur. Il la prit et la rangea sans ménagement avec les autres armes confisquées dans un placard à balai situé juste derrière lui.
Juusan attrapa son verre délicatement – ce n'était surtout pas le moment de le faire tomber par maladresse – et se dirigea vers les tables.
La jeune femme laissa l'équipage de l'Abhainn et s'engagea rapidement dans la rue principale. L'air lui mordait le visage et la laissait transie de froid. Ses vêtements n'étaient clairement pas adaptés à la température locale. Son séjour en pleine mer lui avait appris les caprices du temps. Aussi, elle avait réussi à troquer son short contre un vieux jean délavé. Mais cette "nouvelle" acquisition, ainsi que son manteau de cuir, ses bottines et ses mitaines ne suffisaient pas à la garder bien au chaud.
A cette heure, aucune boutique n'était ouverte pour lui procurer d'autres vêtements. Sa priorité était donc de trouver un endroit où se loger et manger à petit prix. L'un des matelots du navire qui l'avait amené jusqu'ici, natif de la ville, lui avait indiqué une taverne au nom prometteur : « Le Porc qui fouette ». Selon lui l'établissement préparait des plats bien garnis, et proposait des lits en dortoir pour une bouchée de pain.
Il lui avait donnée ses indications sur un bout de papier à moitié déchiré. Elle tentait tant bien que mal de déchiffrer les hiéroglyphes sans s'arrêter pour ne pas finir congelée. Difficile d’exécuter deux tâches en même temps alors que des bourrasques glacées jouaient avec vos nerfs.
Au bout d'une demi-heure elle trouva enfin la dite merveille. Il lui sembla avoir fait six fois le tour de la ville mais qu'importe, la taverne était bien là. Après avoir rapidement vérifié le nom de l'établissement sur la pancarte, elle se dépêcha d'entrer sans prendre le temps d'examiner plus en détail son aspect extérieur.
La rouquine ferma les yeux, jouissant de la chaleur qui réanimait ses membres. Une odeur aigre de viande mijotée aux épices mélangée à celle de la bière renversée - qui devait maintenant coller au parquet - lui chatouillait les narines. Elle ne s'était pas rendue compte à quel point la faim et la soif l'avait tenaillée jusqu'à maintenant.
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En ouvrant les yeux Juusan s'aperçut que la totalité des personnes présentes dans la salle la dévisageait. Elle se sentit rougir mais supposa que la soudaine chaleur qui réanimait ses joues endolories en était autant responsable que la honte qui lui montait au visage. Finalement, elle se dirigea lentement vers le comptoir et s'y accouda en essayant d'oublier tous les visages qui la détaillaient comme un vulgaire animal de foire.
C'est alors le regard le plus intimidant qui lui ait jamais été donné de rencontrer qui lui fit face. L'homme qui la fixait de l'autre côté du bar était imposant. Géant même. Il était si grand que sa tête touchait presque le plafond. Ses yeux d'un gris translucide, sa peau claire et ses cheveux d'un noir d'encre lui donnaient un air de mort vivant. Des tatouages recouvraient entièrement ses bras et le t-shirt blanc qu'il portait semblait pouvoir se déchirer à tout moment à cause des muscles du bonhomme qui l'étiraient à outrance.
Elle dut avaler sa salive pour se donner le courage de parler. Quelques rires gras de clients qui se délectaient de la scène se firent entendre.
- Bonjour … monsieur …
Elle dut s'arrêter et avaler sa salive une seconde fois pour continuer. S'il ne faisait pas si froid dehors, elle aurait déjà déguerpi depuis longtemps.
- Je souhaiterais un bon repas et un lit chaud … j'ai de quoi payer … un peu … s'il vous plaît.
Le géant ne lui répondit pas tout de suite, il se contenta de l'observer avec un regard indéchiffrable. Elle avait l'impression qu'il pouvait l'embrocher à tout moment avec un sabre pour la mettre à rôtir sur le feu de la cheminée.
- Et pourquoi ferai-je une chose pareille? ... demanda-t-il finalement.
- Parce que … vous … vous êtes un tavernier … que vous avez une taverne … avec de la nourriture … des lits …
- Vraiment ?
- Oui … et j'ai aussi de quoi payer ... réussit-elle à articuler en retrouvant un peu de courage.
Pour appuyer ses dires, elle agita sa petite liasse de billets sous son nez. Il lui attrapa vivement la main. Elle déglutit une troisième fois. Cette fois-ci une petite goutte de sueur coula le long de sa tempe. Il lui arracha les billets de la main et se mit à les compter, un par un.
- Vous … com … combien cela me coûterait pour un repas et une nuit ?
Sans répondre, il prit un billet de cinq mille et un de mille, les mit dans sa poche de pantalon et lui rendit le reste. Six-mille Berrys lui sembla un peu exagéré pour un taudis pareil. Mais elle n'osa protester. Elle récupéra vivement son argent et le remit dans sa poche de jean.
- Je … j'espère qu'à ce prix là, la bière et le whisky sont offerts...
Le bonhomme la toisa et sourit légèrement. Enfin, elle avait l'impression de discerner un léger sourire en coin. Il s'empara d'un verre, le remplit de bière à la tireuse et le posa sans délicatesse sur le bar.
- Allez vous asseoir. Je vous apporterai le repas lorsque ce sera prêt. Le whisky est offert par la maison à tous clients restant pour la nuit. Il vous sera servit plus tard. Je vous indiquerai le dortoir des femmes à la fin de mon service.
Elle allait s'emparer de son verre lorsqu'il la retint par le bras.
- Mais avant cela … je vais devoir vous demander de me laisser votre sabre. Pas d'arme ici, c'est la politique de la maison. Ou vous acceptez, ou vous dégagez. Et quel que soit votre choix je garde le fric bien sûr.
La jeune femme se retourna. Les visages de la salle n'étaient vraiment pas amicaux. Cependant, ils étaient beaucoup moins intimidants que celui du patron. De plus, cela signifiait qu'aucun d'eux ne portait d'arme, ce qui était plutôt rassurant finalement.
Elle dénoua le laçage de sa lame et la céda à contre cœur. Il la prit et la rangea sans ménagement avec les autres armes confisquées dans un placard à balai situé juste derrière lui.
Juusan attrapa son verre délicatement – ce n'était surtout pas le moment de le faire tomber par maladresse – et se dirigea vers les tables.
Dernière édition par Juusan le Sam 24 Mar 2018, 11:10, édité 1 fois