- Bougez-vous, bande de mauviettes !
- Oui maître !
J'avais beau leur dire de m'appeler Patron depuis notre retour sur Rokade avec Bastien Delafosse, ces esclaves que j'ai affranchis puis gracieusement engagés n'en démordent pas. Les vieilles habitudes ne s'oublient pas facilement... Et ça me donne presque envie de leur faire claquer le fouet sur le derche. Manque de bol : je n'en ai pas.
Pour l'heure, nous venons d'arriver au port d'Attalia, sur l'île de Hinu Town. J'ai collaboré avec un marchand du Rocher pour qu'il nous engage en tant qu'hommes à tout faire sur son navire, histoire d'effectuer la traversée tout en étant payés. Cinq milles berrys par tête de pioche, soit cent cinquante-cinq milles au total rien qu'en se déplaçant et en déchargeant des grosses caisses. Il n'y a pas de petit profit.
Que viens-je faire à Hinu Town ? Plusieurs choses en réalité : d'abord faire ma "traversée du désert". Les événements précédents au Royaume de Saint Uréa ont réussi à me foutre le moral en l'air. Ce Victor Bahìa, avec qui j'avais commencé à nouer une vraie relation de confiance, chose pourtant improbable quand on me connaît, a préféré se protéger et ranger ses couilles plutôt que de me soutenir devant sa patronne, en prétextant que ma mission n'était qu'à moitié réussie. Tout ça parce que stopper un groupe de contrebandiers, selon sa demande, a provoqué une attaque de pirates ! Et j'ai été battu. Défaite totale pour ma pomme. Une humiliation que je digère très mal.
Je vais donc pouvoir me noyer dans les bars, plus chers à cause de la chaleur, mais meilleurs et plus appréciables que dans la plupart des tords-boyaux sur les blues. Cela me permettra de me renseigner sur la deuxième raison qui m'a poussé à venir : le Serpent de Dentelles.
Qui est-ce ? Un individu plutôt fameux malgré son impressionnante discrétion. Personne ne sait à quoi il ressemble, mais il s'agit d'un assassin talentueux et d'une source d'informations susceptibles de m'intéresser. Comment je le sais ? Le père Minoël me l'a dit... Mais faut pas chercher à comprendre. Si je disais ça à mes hommes, ils me prendraient pour un fou.
Quoi que c'est peut-être déjà le cas.
- On a terminé, maître.
- Parfait. On récupère not' salaire et on part décoter une auberge.
On quitte notre employeur avec l'argent et commençons à nous déplacer sur les quais d'Attalia jusqu'à rejoindre la rue principale, première artère de la ville où s'agitent la populace et les quelques touristes et baroudeurs. Soulevant de la poussière de partout, emmitouflés dans leurs vêtements amples et leurs voiles, les autochtones donnent le rythme de la marche à tous les autres. Cela a le don d'énerver les monteurs de chameaux, lesquels blatèrent avec impatience alors que des commères déblatèrent des inepties sur les étrangers, cachées dans leurs petits coins d'ombre, à l'abri des palmiers et des préaux en bois et en paille. Les commerçants, la voix éraillée mais le sourire véritable, crient par dessus le tintamarre histoire d'attirer l'attention de clients potentiels en secouant babioles et encenseurs. Les odeurs se mélangent à celle de la sueur des quelques centaines d'êtres humains réunis ici.
Et nous sommes coincés au milieu de tout ça, serrés les uns contre les autres afin de ne pas se perdre, écœurés et déjà fatigués. Bienvenue à un jour de grand marché.
Nous arrivons finalement devant une auberge. J'entre et m'approche du comptoir. Le tenancier me fait face et lève la main pour m'empêcher de parler, un air désolé sur le visage. "Nous sommes complets" qu'il me dit. Je fulmine. J'en ai déjà ras-le-bol. Je sens que cette île de merde va me plaire.
- Eh ben c'est pas trop tôt !
Après avoir fait la quasi-totalité de la ville portuaire à la recherche d'un logis, nous tombons enfin sur la seule taverne en mesure de tous nous prendre, en bordure du désert. C'est pas le grand luxe, le personnel a l'air de flâner, mais au moins la vue est sympa. Et c'est pas trop cher. Sauf que ça m'inquiète pour la bouffe.
Lorsque nos assiettes arrivent, mes craintes se confirment : c'est moche à voir et c'est dégueu. Mais vu qu'il fait un temps à se noircir l'émail, on en convient tous que ça suffira à nous caler. Et puis c'est plus la peine de faire les difficiles. Et au final la fille de l'aubergiste est loin d'être dégueulasse... Elle m'a même gratifié d'un sourire en m'apportant mon plat. Ça suffit à me calmer. Cette nuit je vais faire de beaux rêves.
Y a d'ailleurs intérêt à ce que je dorme bien, parce que demain commencent les recherches.
- Oui maître !
J'avais beau leur dire de m'appeler Patron depuis notre retour sur Rokade avec Bastien Delafosse, ces esclaves que j'ai affranchis puis gracieusement engagés n'en démordent pas. Les vieilles habitudes ne s'oublient pas facilement... Et ça me donne presque envie de leur faire claquer le fouet sur le derche. Manque de bol : je n'en ai pas.
Pour l'heure, nous venons d'arriver au port d'Attalia, sur l'île de Hinu Town. J'ai collaboré avec un marchand du Rocher pour qu'il nous engage en tant qu'hommes à tout faire sur son navire, histoire d'effectuer la traversée tout en étant payés. Cinq milles berrys par tête de pioche, soit cent cinquante-cinq milles au total rien qu'en se déplaçant et en déchargeant des grosses caisses. Il n'y a pas de petit profit.
Que viens-je faire à Hinu Town ? Plusieurs choses en réalité : d'abord faire ma "traversée du désert". Les événements précédents au Royaume de Saint Uréa ont réussi à me foutre le moral en l'air. Ce Victor Bahìa, avec qui j'avais commencé à nouer une vraie relation de confiance, chose pourtant improbable quand on me connaît, a préféré se protéger et ranger ses couilles plutôt que de me soutenir devant sa patronne, en prétextant que ma mission n'était qu'à moitié réussie. Tout ça parce que stopper un groupe de contrebandiers, selon sa demande, a provoqué une attaque de pirates ! Et j'ai été battu. Défaite totale pour ma pomme. Une humiliation que je digère très mal.
Je vais donc pouvoir me noyer dans les bars, plus chers à cause de la chaleur, mais meilleurs et plus appréciables que dans la plupart des tords-boyaux sur les blues. Cela me permettra de me renseigner sur la deuxième raison qui m'a poussé à venir : le Serpent de Dentelles.
Qui est-ce ? Un individu plutôt fameux malgré son impressionnante discrétion. Personne ne sait à quoi il ressemble, mais il s'agit d'un assassin talentueux et d'une source d'informations susceptibles de m'intéresser. Comment je le sais ? Le père Minoël me l'a dit... Mais faut pas chercher à comprendre. Si je disais ça à mes hommes, ils me prendraient pour un fou.
Quoi que c'est peut-être déjà le cas.
- On a terminé, maître.
- Parfait. On récupère not' salaire et on part décoter une auberge.
On quitte notre employeur avec l'argent et commençons à nous déplacer sur les quais d'Attalia jusqu'à rejoindre la rue principale, première artère de la ville où s'agitent la populace et les quelques touristes et baroudeurs. Soulevant de la poussière de partout, emmitouflés dans leurs vêtements amples et leurs voiles, les autochtones donnent le rythme de la marche à tous les autres. Cela a le don d'énerver les monteurs de chameaux, lesquels blatèrent avec impatience alors que des commères déblatèrent des inepties sur les étrangers, cachées dans leurs petits coins d'ombre, à l'abri des palmiers et des préaux en bois et en paille. Les commerçants, la voix éraillée mais le sourire véritable, crient par dessus le tintamarre histoire d'attirer l'attention de clients potentiels en secouant babioles et encenseurs. Les odeurs se mélangent à celle de la sueur des quelques centaines d'êtres humains réunis ici.
Et nous sommes coincés au milieu de tout ça, serrés les uns contre les autres afin de ne pas se perdre, écœurés et déjà fatigués. Bienvenue à un jour de grand marché.
Nous arrivons finalement devant une auberge. J'entre et m'approche du comptoir. Le tenancier me fait face et lève la main pour m'empêcher de parler, un air désolé sur le visage. "Nous sommes complets" qu'il me dit. Je fulmine. J'en ai déjà ras-le-bol. Je sens que cette île de merde va me plaire.
[...]
- Eh ben c'est pas trop tôt !
Après avoir fait la quasi-totalité de la ville portuaire à la recherche d'un logis, nous tombons enfin sur la seule taverne en mesure de tous nous prendre, en bordure du désert. C'est pas le grand luxe, le personnel a l'air de flâner, mais au moins la vue est sympa. Et c'est pas trop cher. Sauf que ça m'inquiète pour la bouffe.
Lorsque nos assiettes arrivent, mes craintes se confirment : c'est moche à voir et c'est dégueu. Mais vu qu'il fait un temps à se noircir l'émail, on en convient tous que ça suffira à nous caler. Et puis c'est plus la peine de faire les difficiles. Et au final la fille de l'aubergiste est loin d'être dégueulasse... Elle m'a même gratifié d'un sourire en m'apportant mon plat. Ça suffit à me calmer. Cette nuit je vais faire de beaux rêves.
Y a d'ailleurs intérêt à ce que je dorme bien, parce que demain commencent les recherches.