- C'est pas qu'on a quelque chose contre vous capitaine Biutag... mais on a rien pour non plus.
Rien de tel que la paix pour que les héros et les braves ne s'engraissent et ne s'affaissent. Pancho Shima, colonel - paraît-il - émérite de la marine régulière s'était donné la peine de recevoir cet invité de marque qu'était le capitaine corsaire nommé sous les augures de Greed. Plus qu'une invitation mondaine entre gens du même monde pour ne pas dire entre raclures, recevoir le cafard dès qu'il arrivait sur une île tenue par le gouvernement mondial tenait du protocole. Dissipé, peut-être même facétieux et taquin, Joe avait le don de créer quelques menus remous partout où il s'installait. D'aucuns - mauvais esprits - auraient même été jusqu'à prétendre que sa présence avait quelque chose de nuisible pour tous ceux susceptibles de l'approcher.
Pancho n'était ni un zélé contributeur à l'effort de guerre du G.M ni un parangon de Justice. Qu'on lui foute la paix, il n'en demandait pas plus. Des années entières à administrer ce nid de casinos et de bordels l'avaient ramolli si tant est qu'il y ait jamais eu quoi que ce soit de solide en cet homme. Sa vie était un long fleuve tranquille car, en dépit de la présence massive de flibustiers venus frayer et se ruiner dans les tripots de Kikai, la paix régnait. À croire que le vivre ensemble n'avait besoin que de flux massifs d'argent pour que le ciment puisse prendre.
Vivre ensemble, n'était décidément pas le crédo du cafard. Pragmatique, calculateur même, il était parvenu à la conclusion selon laquelle les cadavres généraient plus de fortunes que les vivant du moment que les cartouches étaient destinées aux bonnes personnes.
Un colonel mal rasé assis dans son fauteuil à remuer délicatement le whisky dans son verre, un corsaire à l'allégeance douteuse trônant devant son bureau les bras croisés, on avait là le plus beau portrait de la déliquescence de ce corps constitué autrefois honorable qu'était la marine. L'un et l'autre se jaugeaient mollement, considérant celui qu'ils avaient en face comme un fieffé casse-couille venu rompre la monotonie de sa roublardise. Pancho laissa passer un filet de whisky entre ses dents pour en savourer l'arôme.
- Et là mon colonel ! C'est comme ça qu'on reçoit ses alliés, que dis-je, ses frères d'armes ?! hin-hin-hin. Qui vous dit que l'entente ne sera pas cordiale ? Je viens, je vaque, je vais, je ne fais rien de mal. Alors pourquoi tant de remontrances déjà ? Hein ?!
Avec la sournoiserie d'un virus venant demander à un système immunitaire de baisser sa garde, Joe aussi aspirait à la paix, celle qu'on lui foutait pendant qu'il s'adonnait à quelques activités que la loi tend à réprouver. Seulement, il laissait des traces derrière lui, des traces dont l'odeur se rapprochaient dangereusement du souffre tant la poudre y était mêlée. Le colonel sortit un rapport qu'il posa sur son bureau avant de se gratter le ventre, faisant étalage de son absence absolue de prestance.
- Il s'est passé des choses capitaine...
Des "choses" pour le moins fâcheuses puisque sur Allod, île qu'il avait quitté il y a trois jours à peine, un débit de boisson avait pris feu avec à l'intérieur des officiers de marine et les compagnons du cafard, courageusement abandonnés à leur triste sort par un capitaine aussi responsable que soucieux de leur bien-être. Le rapport faisait étalage de la curieuse incidence entre le début de l'incendie et la présence de Greed sur les lieux du crime.
- Ah tiens ? Un incendie ? C'est curieux. Mais je me suis renseigné colonel, la plupart des casinos ici sont construits de sorte à éviter les incendies criminels. Vous pouvez dormir sur vos deux oreilles.
Rangeant le document, Pancho étouffa une légère quinte de toux avant de se rincer à nouveau le gosier - plus généreusement cette fois. Grinçant des dents du fait de l'âcreté du liquide venu lui écorcher l'œsophage, il reporta son regard sur cet encombrant corsaire.
- Capitaine Biutag... Le simple fait que vous ayez cherché à vous renseigner sur la propension des casinos à prendre feu vous rend déjà suspicieux à mes yeux.
Il y avait de quoi.
- Écoutez... je veux pas de conflit ou de je ne sais quoi. Vous capturez des pirates ? Tant mieux. Vous gagnez à la roulette ? Mes félicitations. Mais... si j'apprends qu'il y a eu des pillages d'établissement durant votre présence ici... j'appelle directement Marie-Joie pour avoir une dizaine de croiseurs en renfort.
C'est pas contre vous hein ! Mais hein... voilà quoi.
Sans se braquer, stoïque, Joe acquiesça vivement à ce qui venait de lui être dit.
- Vous inquiétez pas, je comprends tout à fait. Aucun problème.
On l'aurait cru sincère tant il avait répondu avec entrain et bonhomie.
- Je vais faire un peu de tourisme, m'imprégner de la culture locale, faire des promenades sur la plage, jouer aux machines à sous et passer un bon moment avant de repartir la tête pleine de souvenirs inoubliables.
Aurait-il crié au colonel «Je me contrefous de tes menaces de fonctionnaire espèce d'infâme connard d'éléphant de mer à la manque» que l'impression dégagée par cette dernière phrase eut été interprétée de la même manière. Il avait l'art et la manière de se foutre du monde. Le cafard était nuisible, le cafard cafardait, on ne pouvait pas lutter contre certaines réalités bien ancrées dans la nature. Que ce soit d'une manière ou d'une autre, Greed allait contrarier le gouvernement mondial. C'était inéluctable.
- Ce sera tout pour les politesses d'usage colonel ? Je peux vous envoyer chier et prendre congé ?
D'un air de dire "Je vous en prie", Pancho fit signe à son invité qu'il était libre de sévir. Aujourd'hui un Dimanche, les casinos étaient fermés, cela lui permettait de bénéficier d'un sursis de plusieurs heures avant de devoir montrer les muscles. Ce n'est que lorsque le cafard disparut du collimateur qu'il soupira lucide :
- Avec des alliés comme ça... on se passera d'ennemis.
Il n'avait pas menti. En tout cas, seulement partiellement, ce qui pour lui était un effort en soi. Joe s'adonnait aux activités stériles et rébarbatives du vacancier moyen. Recouvert de sa toison de fourrure noire en dépit de la chaleur, un cafard touffu et à casquette - son Burn Bazooka reposant sur l'épaule - errait sur la plage seul. Seul, car on ne venait pas à Kikai pour se bronzer le joufflu. Même si les casinos demeuraient résolument clos en ce jour, les bordels récoltaient les malheureux ludopathes qui, en manque de carte à tripoter, se reportaient la mort dans l'âme sur des demoiselles aux tarifs abordables.
Greed ne donnait pas dans le stupre. Toute pulsion issue des bas instincts était chez lui retranscrite en soif cupide qu'aucune somme d'argent ne pouvait suffisamment désaltérer. S'il marchait sur la plage ainsi irradié par le soleil couchant, ce n'était pas par mélancolie mais par nécessité.
Sur une île où l'on se vautrait dans l'oseille, on ne savait pas s'emparer des réels trésors pourtant à portée de main. Avide compulsif, Joe n'était pas intéressé par l'idée de manier les jetons. À dire vrai, il exécrait les jeux de hasard. Le hasard était selon lui une aberration scientifique et toute forme de chance ne survenait pas ex nihilo mais était provoquée par une pluralité de facteurs échappant généralement au commun des mortels. Sa force, c'était de déterminer ces facteurs et les faire agir selon son bon vouloir ; la chance, le cafard la provoquait.
Parmi les facteurs susceptibles de faire sa fortune : un plan. Fouiller les archives bibliothécaires menait à bien des découvertes valant parfois tout l'or du monde, ou en tout cas, à des sommes capables de ravir son homme. L'île entière était parsemée de galeries souterraines. Il ne s'agissait pas d'égouts, c'était autre chose, quelque chose censé demeurer secret mais qu'un zélé architecte - manifestement trop orgueilleux et trop fier de son ouvrage - n'avait pu s'empêcher de consigner dans les archives de la ville dans l'espoir d'accéder à la postérité à titre posthume. Si le plan du cafard consistant à cheminer sous terre jusqu'à se situer sous les coffres-fort des casinos afin de mieux rafler le pactole une fois le sol percé venait à se concrétiser, la postérité de l'architecte irait de paire avec une peine de mort justement assortie. L'orgueil s'apprêtait à faire le lit de la cupidité.
- Nous y voilà.
L'accès au souterrain se faisait via une trappe métallique en principe recouverte de sable sur la partie Ouest de la plage. En principe, car quelqu'un avait déblayé avant lui. Il ne serait pas seul dans les dédales qui l'attendaient.
- Allons bon. Va falloir que je fasse du ménage maintenant.
Rien de tel que la paix pour que les héros et les braves ne s'engraissent et ne s'affaissent. Pancho Shima, colonel - paraît-il - émérite de la marine régulière s'était donné la peine de recevoir cet invité de marque qu'était le capitaine corsaire nommé sous les augures de Greed. Plus qu'une invitation mondaine entre gens du même monde pour ne pas dire entre raclures, recevoir le cafard dès qu'il arrivait sur une île tenue par le gouvernement mondial tenait du protocole. Dissipé, peut-être même facétieux et taquin, Joe avait le don de créer quelques menus remous partout où il s'installait. D'aucuns - mauvais esprits - auraient même été jusqu'à prétendre que sa présence avait quelque chose de nuisible pour tous ceux susceptibles de l'approcher.
Pancho n'était ni un zélé contributeur à l'effort de guerre du G.M ni un parangon de Justice. Qu'on lui foute la paix, il n'en demandait pas plus. Des années entières à administrer ce nid de casinos et de bordels l'avaient ramolli si tant est qu'il y ait jamais eu quoi que ce soit de solide en cet homme. Sa vie était un long fleuve tranquille car, en dépit de la présence massive de flibustiers venus frayer et se ruiner dans les tripots de Kikai, la paix régnait. À croire que le vivre ensemble n'avait besoin que de flux massifs d'argent pour que le ciment puisse prendre.
Vivre ensemble, n'était décidément pas le crédo du cafard. Pragmatique, calculateur même, il était parvenu à la conclusion selon laquelle les cadavres généraient plus de fortunes que les vivant du moment que les cartouches étaient destinées aux bonnes personnes.
Un colonel mal rasé assis dans son fauteuil à remuer délicatement le whisky dans son verre, un corsaire à l'allégeance douteuse trônant devant son bureau les bras croisés, on avait là le plus beau portrait de la déliquescence de ce corps constitué autrefois honorable qu'était la marine. L'un et l'autre se jaugeaient mollement, considérant celui qu'ils avaient en face comme un fieffé casse-couille venu rompre la monotonie de sa roublardise. Pancho laissa passer un filet de whisky entre ses dents pour en savourer l'arôme.
- Et là mon colonel ! C'est comme ça qu'on reçoit ses alliés, que dis-je, ses frères d'armes ?! hin-hin-hin. Qui vous dit que l'entente ne sera pas cordiale ? Je viens, je vaque, je vais, je ne fais rien de mal. Alors pourquoi tant de remontrances déjà ? Hein ?!
Avec la sournoiserie d'un virus venant demander à un système immunitaire de baisser sa garde, Joe aussi aspirait à la paix, celle qu'on lui foutait pendant qu'il s'adonnait à quelques activités que la loi tend à réprouver. Seulement, il laissait des traces derrière lui, des traces dont l'odeur se rapprochaient dangereusement du souffre tant la poudre y était mêlée. Le colonel sortit un rapport qu'il posa sur son bureau avant de se gratter le ventre, faisant étalage de son absence absolue de prestance.
- Il s'est passé des choses capitaine...
Des "choses" pour le moins fâcheuses puisque sur Allod, île qu'il avait quitté il y a trois jours à peine, un débit de boisson avait pris feu avec à l'intérieur des officiers de marine et les compagnons du cafard, courageusement abandonnés à leur triste sort par un capitaine aussi responsable que soucieux de leur bien-être. Le rapport faisait étalage de la curieuse incidence entre le début de l'incendie et la présence de Greed sur les lieux du crime.
- Ah tiens ? Un incendie ? C'est curieux. Mais je me suis renseigné colonel, la plupart des casinos ici sont construits de sorte à éviter les incendies criminels. Vous pouvez dormir sur vos deux oreilles.
Rangeant le document, Pancho étouffa une légère quinte de toux avant de se rincer à nouveau le gosier - plus généreusement cette fois. Grinçant des dents du fait de l'âcreté du liquide venu lui écorcher l'œsophage, il reporta son regard sur cet encombrant corsaire.
- Capitaine Biutag... Le simple fait que vous ayez cherché à vous renseigner sur la propension des casinos à prendre feu vous rend déjà suspicieux à mes yeux.
Il y avait de quoi.
- Écoutez... je veux pas de conflit ou de je ne sais quoi. Vous capturez des pirates ? Tant mieux. Vous gagnez à la roulette ? Mes félicitations. Mais... si j'apprends qu'il y a eu des pillages d'établissement durant votre présence ici... j'appelle directement Marie-Joie pour avoir une dizaine de croiseurs en renfort.
C'est pas contre vous hein ! Mais hein... voilà quoi.
Sans se braquer, stoïque, Joe acquiesça vivement à ce qui venait de lui être dit.
- Vous inquiétez pas, je comprends tout à fait. Aucun problème.
On l'aurait cru sincère tant il avait répondu avec entrain et bonhomie.
- Je vais faire un peu de tourisme, m'imprégner de la culture locale, faire des promenades sur la plage, jouer aux machines à sous et passer un bon moment avant de repartir la tête pleine de souvenirs inoubliables.
Aurait-il crié au colonel «Je me contrefous de tes menaces de fonctionnaire espèce d'infâme connard d'éléphant de mer à la manque» que l'impression dégagée par cette dernière phrase eut été interprétée de la même manière. Il avait l'art et la manière de se foutre du monde. Le cafard était nuisible, le cafard cafardait, on ne pouvait pas lutter contre certaines réalités bien ancrées dans la nature. Que ce soit d'une manière ou d'une autre, Greed allait contrarier le gouvernement mondial. C'était inéluctable.
- Ce sera tout pour les politesses d'usage colonel ? Je peux vous envoyer chier et prendre congé ?
D'un air de dire "Je vous en prie", Pancho fit signe à son invité qu'il était libre de sévir. Aujourd'hui un Dimanche, les casinos étaient fermés, cela lui permettait de bénéficier d'un sursis de plusieurs heures avant de devoir montrer les muscles. Ce n'est que lorsque le cafard disparut du collimateur qu'il soupira lucide :
- Avec des alliés comme ça... on se passera d'ennemis.
***
Il n'avait pas menti. En tout cas, seulement partiellement, ce qui pour lui était un effort en soi. Joe s'adonnait aux activités stériles et rébarbatives du vacancier moyen. Recouvert de sa toison de fourrure noire en dépit de la chaleur, un cafard touffu et à casquette - son Burn Bazooka reposant sur l'épaule - errait sur la plage seul. Seul, car on ne venait pas à Kikai pour se bronzer le joufflu. Même si les casinos demeuraient résolument clos en ce jour, les bordels récoltaient les malheureux ludopathes qui, en manque de carte à tripoter, se reportaient la mort dans l'âme sur des demoiselles aux tarifs abordables.
Greed ne donnait pas dans le stupre. Toute pulsion issue des bas instincts était chez lui retranscrite en soif cupide qu'aucune somme d'argent ne pouvait suffisamment désaltérer. S'il marchait sur la plage ainsi irradié par le soleil couchant, ce n'était pas par mélancolie mais par nécessité.
Sur une île où l'on se vautrait dans l'oseille, on ne savait pas s'emparer des réels trésors pourtant à portée de main. Avide compulsif, Joe n'était pas intéressé par l'idée de manier les jetons. À dire vrai, il exécrait les jeux de hasard. Le hasard était selon lui une aberration scientifique et toute forme de chance ne survenait pas ex nihilo mais était provoquée par une pluralité de facteurs échappant généralement au commun des mortels. Sa force, c'était de déterminer ces facteurs et les faire agir selon son bon vouloir ; la chance, le cafard la provoquait.
Parmi les facteurs susceptibles de faire sa fortune : un plan. Fouiller les archives bibliothécaires menait à bien des découvertes valant parfois tout l'or du monde, ou en tout cas, à des sommes capables de ravir son homme. L'île entière était parsemée de galeries souterraines. Il ne s'agissait pas d'égouts, c'était autre chose, quelque chose censé demeurer secret mais qu'un zélé architecte - manifestement trop orgueilleux et trop fier de son ouvrage - n'avait pu s'empêcher de consigner dans les archives de la ville dans l'espoir d'accéder à la postérité à titre posthume. Si le plan du cafard consistant à cheminer sous terre jusqu'à se situer sous les coffres-fort des casinos afin de mieux rafler le pactole une fois le sol percé venait à se concrétiser, la postérité de l'architecte irait de paire avec une peine de mort justement assortie. L'orgueil s'apprêtait à faire le lit de la cupidité.
- Nous y voilà.
L'accès au souterrain se faisait via une trappe métallique en principe recouverte de sable sur la partie Ouest de la plage. En principe, car quelqu'un avait déblayé avant lui. Il ne serait pas seul dans les dédales qui l'attendaient.
- Allons bon. Va falloir que je fasse du ménage maintenant.