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Chasse au droïde



Une ruelle, à l’ombre du soleil brûlant. Deux poivrots de l’après-midi sont en plein débat, s’interrogeant sur l’étrange secousse qu’a subit la ville avant-hier.

« - C’était sacrément gonflé ! – s’exclame le premier homme.
- De quoi ?
- Bah tu sais, il paraît que les autorités ont rasé l’immeuble abandonné, en périphérie de la ville là, l’autre jour.
- L’espèce de squat là ? – s’interroge le deuxième homme.
- Ouais, c’est pour ça qu’j’ai perdu ma partie de fléchettes, rappelle-toi.
- Ah ouais, c’est vrai, maintenant que tu l’dis.
- Mais ce n’est pas ça le problème, Jeannot, le vrai problème, c’est qu’les autorités se CROIVENT tout permis.
- Ah ouais, ouais, c’est clair. – acquiesce Jeannot, l’air dubitatif.
- Tu reprendrais pas une p’tite mousse ?
- J’ai déjà ce qu’il me faut dans ma mignonette, t’inquiète. »

Sur ces belles paroles, je dévisse le bouchon de mon flacon d’ivresse. J’attrape le goulot avec ma mâchoire métallique, engloutissant un liquide brun et huileux ; un sentiment de satiété s’empare de mon estomac. Un moment de répit, c’est tout ce qu’il me faut.

« - J’aime beaucoup ton chapeau d’ailleurs, il fait très… très..
- Chic.
- Ouais c’est le mot, tu l’as acheté où ?
- Je l’ai volé, mais sinon, c’est au coin de la rue en tournant à gauche. Ils font des vêtements pas mal à petit prix. »

Mon compagnon de beuverie lève le sourcil, s’interrogeant inconsciemment sur mon intégrité ; mais dans la seconde d’après, le sourire aux lèvres, me parle de l’alignement des étoiles. Je soupçonne un début de perte de mémoire. J’mets mes zygomatiques à la tâche, j’arbore un rictus en fixant le ciel bleu. J'imagine que c'est l'œuvre de ma bonne étoile. Putain, j'l'ai pas volée celle-là.

Quelque chose m’interpelle, une ombre malsaine et envoûtante se répand de plus en plus sur le mur auquel je m’adosse. Une paluche de gaillard me frappe l’épaule, une secousse qui m’fait vibrer un court instant.

« - Excusez-moi, messieurs. – râle un mystérieux inconnu. »

J’ai mes circuits qui déconnent, mes muscles auxiliaires se tétanisent. Qui est cette foutue personne. J’prends mes jambes à mon cou. Dos à mon interlocuteur, je m’agite comme une frêle gazelle, pourchassée par un lion féroce. Mon rythme de câblage s’accélère, mes jambes s’envolent. Après avoir parcouru quelques centaines de mètres, j'reprends mon souffle. J’ai l’étrange sensation d’être poursuivi, d’être traqué par une poignée de prédateurs. Pas n’importe lesquels non, ceux que j’ai dupé.

Je me revois encore, quelques heures plus tôt. Ce matin, dans le port ; j’ai aperçu ce groupuscule faire les dockers. Ouais j’en suis sûr. Carrément, même. J’ai vu l’pâtissier là, avec ses gâteaux cosmiques. Il empilait des caisses de poiscailles avec son frère, Raoul. Il y avait même le demi-géant là, il chargeait les frégates de la marine ; l’air de rien. Les autres, je n’sais pas. Ah si attends, ça m’revient. Le mec complètement vicelard, il s’occupait d’un salon de thé. Bordel, ils sont partout.

« - Excusez-moi, monsieur.
- Qu’est-ce qu’il y a enc…
- Laissez-moi entrer chez moi s’il vous plaît.
- Mais… »

Je regarde à mes pieds, un tapis en poils de sanglier avec une bienvenue en guise d’inscription. Mes yeux se lèvent, un vieil homme se dresse devant moi, canne à la main. Mon cerveau se laisse refroidir, mes émotions instables s’engouffrent dans le nid de ma rationalité.

« - Ah euh, oui pardon. Entrez, faites comme chez-vous. – lui dis-je en ouvrant sa porte et en lui faisant signe de circuler de la main. »

Le vieillard me regarde avec curiosité, tout en passant le palier. Il inspecte mon étrange barbe rousse, qui n’est pas du tout en accord avec ma perruque blonde platine. S’en suit un claquement de porte, d’une rare violence. J’approche mon visage de la fente de la porte.

« - Vous devriez peut-être fermer à clé avant de partir de chez vous. – ajouté-je avec héroïsme.
- Je sortais juste les poubelles, maintenant, fichez moi l’camp ! – rétorque-t-il avec pusillanime.
- Ouais, ouais. »

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J'me retrouve seul, à l'arrêt, dans une allée blindée de personnes. J'emboîte le pas, histoire de n'pas être confondu avec une boite aux lettres. Alors j'avance, les mains dans les poches, le crâne enterré dans les épaules. Le soleil tape fort sur ma carcasse métallique, j'en ai des frissons. L'objectif maintenant, c'est de partir de cette île. Direction le port clandestin, celui où sont amarrées quelques chaloupes remplies de liqueurs en tout genre. Tant que je quitte la ville, j'esquive mes hallucinations, mes détracteurs.

Ce repère de contrebandiers se trouve à une bonne trentaine de minutes à cheval, autrement dit, à deux longues heures pour moi. Luvneelpraad, me voilà. J'emprunte la voie la plus rapide mais la plus dense, celle des pauvres.

Un quart d'heure passe, les bousculades se font de plus en plus insistantes. J'ai l'impression de suivre un banc de sardines en plein ballet aquatique. Je n'ai ni le droit aux excuses, ni le droit aux insultes, juste à des regards accusateurs. J'y manque même de perdre ma perruque à deux fois, sous la charge d'un âne à demi-aveugle. Grotesque situation, je décide donc de me séparer du sentier tracé. Stupéfaction, lorsqu'un charmant paysan vient à m'attraper la nuque avec force et vigueur, me ramenant dans le droit chemin en un dizième de seconde.

« - Ne t'égare pas, mon ami. » - me susurre-t-il à l'oreille.

Interloqué par ce moment stressant à souhait, je fais volte-face à mon tour. Un bouseux me dévisage avec du sang plein la gueule, avec des vêtements de bagnard en piteux état.

« - T'as réussi à t'évader, toi aussi ? » - lui rétorque-je avec bluff.

Il lève un sourcil avant de reprendre la discussion.

« - Chhht, ferme-la et avance. On en reparlera à Luvneelpraad.»

Ce dernier s'engouffre dans la masse, disparaît progressivement dans la foule. Des interrogations se heurtent à ma raison, ai-je fait le bon choix ? Je décide, avec panique, de m'enfuir à grandes enjambées dans les plaines agricoles de Luvneel. Je sillonne les rangées de vignes, passant d'une ligne à l'autre, entâmant une partie de cache-cache avec mes pensées démesurées.
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