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Le prix du fer

« - Où est-il ? Où est le Malvoulant ? Où est ton Empereur ?!

- T’aimerais bien le savoir hein ! Tu croyais que Teach serait assez idiot pour tomber dans l’panneau ? Mais tu veux savoir à quel point tu t’trompes ? »

L’Empereur des Machines bataillait désormais depuis plusieurs heures, lui et ses hommes. Lui et ses cyborgs, ses pacifistas. Treize était en sang et en flammes, les quelques populations civiles vivant sous la protection du Malvoulant se réfugiaient où elles le pouvaient tandis que les nombreux pirates, en poste dans les parages, repoussaient la vague de mechas. Les deux camps luttaient férocement et aucun ne semblait avoir le dessus sur l’autre.

Jin ne sentait pas le vent tourner pour autant. Si le commandant à la barbe en feu lui opposait résistance, il se savait largement supérieur à lui. Ses rouages et ses boulons lui permettaient de dominer le combat : ses blessures se colmataient aisément, son huile ne s’échappait pas à gros bouillons. Pour le pirate maquillé, la chance était moindre : son bras avait disparu dans une attaque tranchante et son visage grandement tuméfié.

« - Abandonne le combat, tu ne peux pas gagner ! Rejoins-moi et apprends de ma force, de mon intelligence. Tu seras bien mieux traité avec moi.

- J’ai pas besoin d’être bien traité, tas de ferraille ! J’suis l’un des commandants du Malvoulant et le gouverneur de Treize, t’as rien qui m’intéresse ; maintenant crève ! »

À nouveau le pirate abattit un puissant coup que l’homme-robot para non sans effort ni difficulté. Sa peau métallique se brisait à chaque coup et cette curieuse chair apparaissait au grand jour. Des câbles reluisants enroulés sur eux-mêmes à la place des muscles, des organes en ferraille… Sans son fruit du démon, Jin n’aurait jamais pu tenir tête à une telle bestiole.

Mais chaque coup qu’il recevait, il le renvoyait d’un coup de poing-piston enrobé de haki dans le visage. Le pauvre Barbe-en-feu ne devait plus avoir les idées très claires désormais. Ce dernier assaut l’avait envoyé à terre et il était plus que vulnérable ; l’opportunité était trop grande. Et pendant que Blackbone se redressait au-dessus de son adversaire pour venir éclater sa boite crânienne avec un puissant coup de talon, un événement inattendu frappa Treize comme une myriade de boulets de canons.

Kabom ! Bom ! Blom !

Non, les nuages noirs n’y étaient pour rien, ce qui venait soudainement d’être projeté hors de l’épaisse brume qui s’étalait au large était bien des boulets. Les belligérants subissaient une attaque venue d’un troisième front.

« - Il est là, c’est lui ! Il est venu nous sauver hé hé hé ! » exulta le pirate tout en saisissant le pied levé de son ennemi pour le projeter contre le sol à son tour.

Si Jin avait encore été humain, une goutte de sueur aurait dévalé le long de sa colonne vertébrale. Mais au lieu de cela, les fentes mécaniques qui composaient ses yeux se rétrécirent simplement. Esquivant alors les attaques de Barbe-en-feu qui redoublait d’ardeur maintenant qu’il se savait sauvé, il essayait de percer une nouvelle stratégie à travers cette situation.

Ses alliés avaient énormément fait fondre les rangs du Malvoulant : seuls quelques capitaines pirates et leurs équipages continuaient à tenir la ville, déjà en partie aux mains d’En Marche. Les Pacifistas, eux, ne s’arrêtaient jamais et détruisaient tout ce qui était destructible. C’étaient ses ordres.

Ils obéissaient.

Quelques instants passèrent puis une nouvelle salve fut tirée. Un boulet faillit percuter les deux belligérants qui se soustrayèrent à la charge de justesse. Et au moment où leurs deux regards cherchèrent l’origine du projectile, ils virent alors la proue d’un navire apparaître hors du brouillard qui, ils s’en rappelaient désormais, n’était même pas là une demi-heure auparavant.

Ils eurent alors tous deux un mauvais pressentiment, lorsque l’un ne parvint pas à reconnaître le navire de son Empereur et l’autre discerna le premier le pavillon rouge au sommet du grand mat.

Une dernière salve fut alors tirée depuis ce navire qui commençait déjà à descendre ses canots, sage décision visant à esquiver les récifs, tandis que derrière apparaissait une flotte entière. Une flotte gigantesque composée de plusieurs dizaines, peut-être même une centaine de bâtiments de toutes tailles.

« - C-ce n’est pas Teach…

- Non, c’est bien pire. »

Le message, la marque noire. Trois jours seulement. Comment était-ce possible ? Il avait entendu des histoires sur cet homme, mais il n’aurait jamais supposé que celui-ci puisse manipuler les éléments au point de ramener sa flotte entière ici, ce jour-là, sur Treize. Sa flotte, son armada…

Mais qu’était-ce face à son armée de Pacifistas de dernière génération ??

Profitant de l’étonnement pour prendre son adversaire à revers, Jin récupéra prestement une lame par terre et effectua une taillade dans sa direction. Surpris par la lame de vent, le commandant n’esquiva que de peu l’attaque qui vint lui entamer les côtes sur toute leur hauteur. Il chuta, gravement blessé.

« - Cela ne change rien à mes plans, je n’ai que faire d’un apprenti Empereur qui croit pouvoir marcher sur mes platebandes. Vous mourrez, ainsi que votre Empereur et tout ce que vous possédez sera à [b]moi[b] ! » gronda Jin tout en levant son épée pour l’abattre sur le cou de l’homme à terre, bien trop mutilé pour pouvoir encore se battre.

Mais une balle tirée d’un pistolet à silex vint brutalement faire sauter la lame de son poing, interrompant sa mise à mort et le courrouçant grandement. Il enrageait de ces multiples interruptions, de cette impertinence, lui qui était l’Empereur des Machines.

C’était un homme aux cheveux bruns et il était seul. Il avait probablement pris les devants en se disant que c’était une bonne idée. Mais il aurait mieux fait d’attendre ses camarades qui devaient tout juste commencer à débarquer.

Sourire aux lèvres, celui-ci approchait paisiblement, comme ouvert au dialogue. Par ailleurs, il avait déjà rechargé son arme et ses gants semblaient s’activer à autre chose. Ses doigts bougeaient, manipulaient l’air et lui faisait prendre forme, prendre chaud, prendre froid et s’inonder de nuages. Ces nuages noirs formés par ses mains remontaient alors jusqu’à la voute céleste et formaient un tout. Un tout noir comme la nuit qui éclipsait la lumière du jour. Un tout sombre zébré de lumières ardentes, pourpres et jaunes et de bruits de canons.

Le faiseur de tempête était désormais à distance respectable pour pouvoir se faire entendre. Et dans les récepteurs qui faisaient office d’oreilles à l’Empereur des Machines, il transmit dans un large sourire sardonique :

« - On dirait que j’arrive au bon moment. »
    Ils étaient arrivés peu de temps après le débarquement des forces de l’Empereur des Machines. Camouflée dans un mirage, l’imposante flotte de soixante-sept navires attendait les ordres de son amiral qui lorgnait la situation. Lorgnette en main, il regardait de quoi était fait l’ennemi et la stratégie qu’il appliquait. La curieuse façon avec laquelle les navires de Blackbone avaient accosté laissait déjà présager de la présence de récifs dans la baie.

    Treize devait avoir ses défenses naturelles.

    C’était au moment où les forces débarquaient qu’il les avait remarqués pour la première fois cependant. Il avait eu vent de leur existence mais ne les avait encore jamais vus à l’œuvre et il savait que le Kidd n’était pas reparti les mains vides de Nursery. Il avait emporté quelque chose avec lui, une cargaison de valeur.

    « - Quelque chose me dit que l’on va avoir du fil à retordre, même si l’on garde l’avantage grâce à l’effet de surprise.

    - Qu’as-tu vu sur cette plage, Amber ?

    - Des machines, essentiellement. Des cyborgs. On dirait que les rumeurs sont vraies et que Blackbone porte bien son titre. Malheureusement il ne sera Empereur de rien d’autre que de boites de conserves vides après cette journée. »

    Conservant l’œil rivé sur la bataille qui se déroulait au loin, Amber apprenait. Il avait volontairement éludé la présence des Pacifistas pour ne pas effrayer ses hommes, mais savait qu’il serait difficile d’en venir à bout. C’était la principale menace mais aussi ce qui faisait la force de Blackbone : sans eux, il n’était maître de rien du tout. Ce n’était pas un pirate mais le général d’une armée de robots sans volonté, sans intelligence.

    À force de sonder la bataille, l’amiral était finalement parvenu à remarquer les ondes de choc qui résultaient du combat entre le commandant sur place, un drôle d’énergumène avec une barbe enflammée, et le meneur de l’assaut. Ce-dernier semblait aisément avoir le contrôle sur son opposant qui résistait bien à ses coups, à ses tirs de laser et à ses lames vicieuses rétractables. Le corps de l’homme-machine était décidément une arme en lui-même.

    Finalement, après une heure d’attente, alors que les hommes s’impatientaient, Frost fit chercher son quartier-maître pour lui donner les indications à suivre :

    « - Mother, fais signe aux autres de lever l’ancre, nous allons approcher de la côte lentement et les bombarder à mon signal… »

    Et en effet, dans une lenteur contrôlée, les navires se mirent à bouger tandis que le mirage s’effaçait, laissant place à une brume sortant progressivement de nulle part. Celle-ci vint alors griser l’horizon devant et derrière la flotte tandis que les navires continuaient leur progression vers l’île. Un système de sonars équipé sur l’un des navires leur permettait de connaître les distances qui les séparaient des récifs et de l’île. Car, petit à petit, les fonds marins se faisaient moins profonds.

    Puis ils ralentirent finalement jusqu’à s’arrêter pratiquement, sous les indications du vice-amiral qui ordonna aux navires de s’éparpiller assez pour pouvoir former des lignes en montrant leur flanc à l’ennemi. Ainsi masqués par le brouillard, l’attaque viendrait de nulle part.

    C’est ce qui advint.

    De la première rangée de navire, les canons tonnèrent et laissèrent leurs boulets dévaler sur le port, détruire les habitations, les constructions précaires et percer les lignes ennemies. Hommes du Malvoulants et de Blackbone se voyaient ainsi brutalement charcutés sans sommation. Ce n’étaient pas tant les boulets qui étaient dangereux que l’effet de surprise. L’esquive était presque absente sinon nulle et les dommages de cette première salve feraient probablement pencher la balance du combat.

    « - Passe le message à la seconde ligne de feu de ne tirer qu’une fois nos canots mis à l’eau. Ne les laissons pas se reposer et se protéger de nos tirs. »

    L’ancien officier savait y faire : on lui avait longtemps reconnues ses capacités de stratèges. N’aurait-il d’ailleurs été mis au fer qu’il aurait trouvé un moyen ingénieux de détruire la flotte de Percecoeur avec un minimum de pertes. Malheureusement le Gouvernement Mondial ne lui avait pas donné l’opportunité de devenir un bon élément dans ses rangs.

    Alors il devait devenir Empereur pour leur montrer l’étendue de leur erreur. Les faire frémir. Bouleverser l’équilibre installé par Teach, Kiyori, Ravrak et les trois amiraux. Bouleverser l’ordre.

    Les canots étaient descendus lorsqu’il fit un premier pas dans l’air, puis un second. Se maintenant au-dessus du vide, l’amiral avançait désormais vers la côte seul, en éclaireur. Puis, faisant plusieurs fois usage du Soru dans les airs, il rejoignit rapidement les combats. Plus rapidement encore que les boulets tirés au même moment qui ne frappèrent qu’une seconde après son arrivée. Parant sans difficulté les attaques qui lui étaient adressées, il chercha son adversaire du regard. Et se propulsa dans sa direction lorsqu’il le vit.

    Au large, des dizaines de petites embarcations venaient rejoindre le port sous les tirs de la troisième rangée de navires de guerre. La brume avait laissé place à la fumée libérée par les bouches du diable qui étaient rechargées dans un roulement constant.

    Blackbone était toujours aux mains avec le commandant du Malvoulant qui était dans une bien mauvaise posture. La lame haute, la machine s’apprêtait à en découdre avec la tête de son opposant lorsque Frost saisit son pistolet à sa ceinture et tira, faisant valser la lame au loin. Rien ne fût alors plus valorisant pour le Fléau que de se délecter de l’air ahuri du robot.

    Ses hommes débarquaient désormais, il pouvait donc déchaîner les enfers sans le moindre scrupule. Ses mains gantées s’activèrent tandis que les deux officiers de la flibuste le regardaient venir. Elles se déchargeaient de petits nuages noirs qui vinrent prestement envahir le ciel pour le teinter de nuances de gris, d’orages intenses et finalement de foudre. Celle-ci s’abattit dans un vacarme assourdissant, non loin, quelques temps avant que le pirate ne s’introduise, sourire aux lèvres :

    - On dirait que j’arrive au bon moment.
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    Barbenfeu n’existait plus. Du paysage se dessinant devant les yeux de Blackbone, le commandant balafré n’avait plus raison d’être tant sa colère grondait pour un autre individu. Si ses yeux étaient encore humains, ils auraient probablement été aussi noirs que les nuages émis par son nouvel adversaire.

    Adressant un regard panoramique aux champs de bataille qui prenaient place autour de lui, Jin nota la supériorité numérique des Sunset Pirates qui s’étaient déversés tels un tsunami. Les combats étaient désormais triangulaires, tandis qu’hommes du Malvoulant et ses propres disciples luttaient entre eux mais aussi contre une nouvelle menace, fraiche et dispose. Son plan était brutalisé, sa stratégie avait un pied dans la tombe. Et tout ça il le devait à lui.

    « - Tu vas regretter ta témérité, Frost. Le Malvoulant n’est pas ici, mais je vais profiter de ta présence pour faire d'une pierre deux coups !

    - Cela ressemble aux propos que dirait un homme sur le point de mourir, ironisa l’amiral tout en serrant les poings, bien campé sur ses positions. Il attendait que le robot l’attaque, mais celui-ci continuait à se tenir droit comme un i.

    Dans son dos, Barbenfeu s’était lentement redressé, sabre à la main, prêt à empaler l’envahisseur. Mais Jin n’était pas dupe, il pouvait sentir ses moindres agissements et devinait son souffle rauque. Il attendit patiemment pour mieux faire étalage de sa force, lorsque le commandant tenta de lui asséner une taillade verticale dans le dos : son bras et sa tête firent alors une rotation impossible, venant enserrer le membre supérieur restant du pauvre homme... et le lui arracher sans ménagement.

    Ramassant alors l’épée perdue, Jin signa l’arrêt de mort de celui qui barbotait dans son sang, impuissant et en proie à la plus vive des douleurs. Sous les yeux de son adversaire, toujours aux aguets, il enfonça la lame du pirate dans son cœur et continua son geste jusqu’à ce que seule garde dépasse. L’empaleur s’était ainsi fait empaler, cloué au plancher des vaches.

    « - Je ne suis pas un homme, je suis une machine. Et tu en seras une bientôt lorsque tu auras compris l’importance de mes mots. Si tu es là c’est que tu as reçu ma lettre… il n’est pas trop tard, rejoins-moi !

    Le Fléau n’avait pas bougé de sa curieuse position, toutefois quelque chose semblait avoir changé au niveau de ses mains. Il ne répondit pas et claqua simplement des doigts, au moment même où Jin remarqua la présence de bulles chargées en électricité tout autour de lui.

    « - Thunder ball, » signa le prétendant au titre d’empereur en activant son piège.

    Les éclairs zébrèrent soudainement la zone, éclatant dans des flashs lumineux, aveuglant sur des centaines de mètres à la longue tout individu qui avait eu la malchance de regarder dans leur direction.

    Puis un rire fusa. Un rire métallique venu du nuage carbonique soulevé par la détonation. Entièrement recouvert du haki de l’armement, Jin s’était soigneusement protégé ; comme s’il n’avait pas vu le coup venir ? C’était ridicule.

    « - Il va falloir faire mieux que ça, Frost ! Tu te tiens devant l’Empereur des Machines, pas un petit cyborg de pacotille. Mais vois plutôt la petite surprise que j’ai réservée à tes hommes. Tu pensais vraiment que je n’avais pas assuré mes arrières ? »

    Désignant alors de la main la plage où continuaient de débarquer les pirates, Blackbone resta à contempler son chef d’œuvre. D'abord il s’agissait d’ombres sous les flots, de taches noires circulaires pratiquement invisibles mais nombreuses. Au moins une centaine. Puis progressivement apparurent des corps, les corps antiques de robots calqués sur Bartholomew Kuma, tous similaires mais parfois maquillés d’algues ou de crustacés.

    Des corps robotiques qui prirent les Sunset accostant par surprise et ouvrirent la bouche de concert pour décharger leurs puissants rayons lumineux, explosant au contact de ce qu’ils touchaient.

    « - Enflure ! Je suppose que tu réservais ce coup à Teach ?! Tu te doutais bien qu’il ne serait pas là, n’est-ce pas ?

    - Crois-tu ? Allez, fini de parler ! Ton audience à l’Empereur touche à sa fin, » déclara macabrement la machine tout en faisant apparaître sur l’ensemble de son corps des lames incroyablement acérées.

    Alors il attaqua, se propulsant à la force des réacteurs dans ses jambes pour venir tenter un premier estoc. Son adversaire para le coup sans difficulté mais eut plus de mal à se défendre de l’avalanche de lames, comme animées par leurs volontés propres, qui cherchaient à le transpercer. Chaque partie du corps de Jin semblait consciente ou du moins animée d’une propre volonté, mais ce n’était pas réellement cela. En vérité, l’Empereur partageait son cerveau mécanique, son gigantesque processeur, en plusieurs processus qui s’occupaient chacun d’un membre.

    Quelque chose que les humains ne pouvaient pas faire aussi clairement que lui.

    Les coups pleuvaient désormais et tout ce que Frost pouvait faire était se défendre, parer, esquiver. Jin voyait l’étalage de son pouvoir et la différence marquante entre l’ennemi et lui. Il se voyait déjà remporter le combat rapidement et reprendre sa quête vers le contrôle de l’île et la recherche du Malvoulant, où qu’il ait pu se tapir.

    Mais son entreprenariat fut soudainement réduit par une contre-attaque invisible. Son dernier coup, qui aurait normalement dû rencontrer une résistance, venait de percer l’air et dissiper l’image de son adversaire.

    Où… ? Derrière.

    Il eut juste le temps de placer l’un de ses bras en protection devant son épine dorsale pour empêcher le capitaine pirate de lui asséner un coup d’une puissance formidable et électriquement chargé. Ce qui n’empêcha pas le robot de sentir la décharge traverser son corps et court-circuiter son membre pendant quelques instants. Sous ses yeux médusés, son bras resta ainsi paralysé pendant plusieurs secondes avant de redevenir mobile.

    « - Tu penses que tes petites électrolyses vont me faire quelque chose ?! »

    Malheureusement l’homme brun à la barbe fournie n’avait pas dit son dernier mot et cette petite pique ne resta pas sans punition. Alors même que Jin finissait de prononcer ces mots, il sentit les lames sur son bras touché se rétracter de force. Non, ce n’était pas exactement cela…

    La paume en Haki d’Amber continuait à serrer son avant-bras, chauffant à une très haute température le métal qui commençait à fondre. Et si Jin repoussa violemment la prise de son adversaire pour s’en libérer, il ne le fit que bien trop tard : déjà ses circuits étaient endommagés par les épaisses cicatrices qui tailladaient son poignet. Ce membre ne lui servirait plus à rien désormais.

    Aussi préféra-t-il le trancher net pour s’en délester, occasionnant chez l’ennemi un sourcil levé d’incompréhension. Mais tout cela ne dura pas bien longtemps car déjà le robot, qui ne sentait pas la douleur, était de retour dans le combat.

    Celui-ci dura alors. S’éternisa tandis que Blackbone aussi bien que Frost se partageaient coups et blessures. Les deux hommes avaient sensiblement la même force et aucun ne se voyait gagner désormais. Autour d’eux les pirates mourraient, pulvérisés par les lasers des Pacifistas. Ces mêmes Pacifistas qui se réduisaient eux aussi, bien que d’emblée en sous-nombre, sous les nombreux assauts des puissants soldats d’Amber. Les petites frappes de Grand Line peinaient à rester en vie dans cette guerre de titans où seuls les poids lourds du Nouveau Monde faisaient une différence. Et lorsque les uns ou les autres avaient du temps, ils dévisageaient leur amiral sévèrement blessé, mais aussi son ennemi dans un état aussi piteux.

    Bientôt il ne restait plus d’hommes du Malvoulant, déjà bien réduits par la première attaque du Kidd. Ils se cachaient ou fuyaient, abandonnant femmes et enfants pour reprendre la mer sur leurs navires pressés par le vent. Mais n’allaient souvent pas très loin avant d’être frappés par la foudre. Car l'orage continuait de vociférer. Et attiré par le métal, de frapper les cyborgs et Pacifistas qui ne survivaient pas tout le temps au choc. Treize n’était plus une île mais un champ de cratères noircis et de corps calcinés, de sang et d’organes, de morceaux de métal et de fer.

    Et au milieu de tout cela, Jin et Amber continuaient de lutter. Pour l’un comme pour l’autre la conclusion était néfaste : la plupart des lames et des canons projetant des rayons laser du robot avaient été détruits et si la chose ne provoquait aucune douleur, elle était toutefois gênante. Son bras gauche n’existait certes plus, mais le droit était en partie court-circuité depuis une violente décharge accompagnée d’infiltrations d’eaux dans son organisme. Enfin, sa tête avait souffert d’un coup de poing mêlé de Haki ; celui-ci avait emporté une partie de son crâne et débranché quelques fusibles.

    Frost souffrait lui de vieilles cicatrices rouvertes, celles de son combat avec Tetsuda. Tiraillé par une large taillade au ventre, il maintenait difficilement le sang et la chair hors de sa blessure mais tenait tout de même bon. Une cuisse éventrée par l’une des lames de l’ennemi, il ne conservait désormais qu’un seul bras actif ; l’autre avait été compressé au point d’en voir ses os brisés en mille morceaux.

    Telle avait été la violence du combat qui se poursuivrait probablement jusqu’à la mort de l’un des deux monstres de puissance. Ou qui aurait dû se poursuivre, si dans le crépuscule naissant un long bruit tonitruant, comme issu d’une corne de brume, ne s’était pas faite entendre à ce moment.

    Et l’apparition soudaine de voiles noires à l’horizon.
      Si seulement ses lieutenants étaient encore à ses côtés…

      Le Malvoulant était exaspéré. Exaspéré de sa dernière bataille, exaspéré des coûts qu’elle avait engendrés, exaspéré de devoir donner une leçon à ces gamins de lui-même. Maria s’en serait très bien chargée, quoi que… Non, cela faisait déjà longtemps que Frost se pavanait. D’abord il avait volé son île. Puis il l’avait nargué. Et aujourd’hui, avec ce pitoyable Empereur des Machines, il venait mettre le bazar à Treize ?

      C’était insupportable, voilà. Le mot était lâché. Insupportable, stupide et contrariant ; une absence totale de jugeote.

      Car il avait dû battre en retraite, on le prenait désormais pour un petit vieux bon à mettre au lit après une grosse cuillère d’huile de foie de morue ? Mais c’était mal le connaître : son fouet continuait à faire travailler ses hommes et ses âmes noires étaient plus actives que jamais, bien décidées à produire d’autres rejetons infâmes. Aaaah il exultait en pensant à tout le mal qu’il pouvait encore faire.

      L’autre avait pris une armada, elle était visible de loin avec ses soixantes navires environ. Puérile. Un vrai Empereur n’a besoin que d’un seul navire, une bonne coque de noix qui tient bien la route. Pas petite tout de même car c’est un Yonkou, donc un bon gros navire qui pèse bien et qui impressionne bien quand on arrive dessus. Voilà, ça c’est un Empereur, ça c’est le Malvoulant.

      Car un navire ça suffit pas, il faut qu’il soit laid, épouvantable, affreux ! Le cocktail explosif avec les voiles noires trouées, le bois qui grince et son odieux sourire. De quoi rappeler que le mal rode et que lorsqu’il se rapproche, c’est la fin des haricots. Et puis là il se rapprochait grandement hein…

      À mains nues l’Empereur faisait place parmi les nombreux navires pour se libérer une voie royale. Balançant ses graines çà et là, il faisait naître à même les flots des plantes monstrueuses qui écartaient les bateaux, les pénétraient de part en part pour leur faire prendre l’eau ou les gobaient tout simplement. En moins d’une minute, il en avait détruit une dizaine des comme ça.

      Ils avaient bien essayé de tirer ça oui, oh ça alors. Mais les boulets réceptionnés par son équipage de filous étaient aussitôt renvoyés sans la moindre forme de procès. Tout en avançant, le bonhomme comptait donc ses prises, ses navires échoués, ses butins.

      « - Ha ! Vingt-deux ! Quand vont-ils comprendre ces crétins ?! »

      Il entretenait la conversation avec le capitaine du navire, auquel il avait eu la bonne idée d’arracher la langue pour ne jamais avoir d’écho. Ainsi il pouvait l’imaginer répondre de la même façon qu’il se répondait à lui-même : avec intelligence.

      Voilà, aussi simplement que cela et facilement comme bonjour, il avait traversé la mer de voiles pour débarquer avec quelques hommes sur la plage. Et quelle plage !

      « - Bordel de bon sang de merde, mais qu’est-ce qu’ils ont fait à mon île ?! »

      L’orage continuait à faire pleuvoir ses éclairs et déjà la terre semblait noircie par les nombreux impacts, quand ceux-ci ne cherchaient pas à meurtrir un corps déjà à terre. Tout était couvert de déchets, de cadavres, de membres en acier. Un Pacifista essaya bien de se mettre sur la route de l’Empereur mais…

      Clong !

      Il lui fit sauter la tête d’un coup d’épée bien placé.

      « - Ces cochonneries, jamais chez moi t’entends Rufus ? » documenta-t-il son second tout en parlant des robots.

      Tout autour de lui, les combats avaient cessé et les hommes, stupéfaits, regardaient l’Empereur avancer sans se soucier d’eux. Enfin, quand ils étaient trop loin ou quand l’envie ne lui prenait pas de balancer une graine sur l’un d'eux et voir comment celle-ci dévorerait les autres. Et ceux qui étaient trop proches eh bien… couic. Inutile de faire dans le cérémonieux avec des vandales qui avaient ruiné son île.

      Comme s’il les avait vus depuis le départ, l’Empereur se dirigea donc avec son pas lent et peu gracile vers le duo qui se battait au milieu de tout ce fatras. Comme les autres, ils avaient cessé de ses battre pour le dévisager et, peut-être, envisager de se défendre contre lui. Mais vu leur état et sa force colossale… N’est pas Yonkou qui veut, ce ne sont pas quelques résistances et un peu d’éclairs qui vont faire peur au Malvoulant hein. Le Malvoulant, comme dit son surnom, ben il veut du Mal et ce n’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire des grimaces.

      « - Alors vous deux, commença-t-il tout en se campant bien solidement devant les intrus toujours immobiles, peut-être trop pour l’un d’eux. Frost bougeait à peine et ça ne lui semblait pas normal. Comme ça vous venez chez moi et vous détruisez mes parterres de fleurs comme si j’allais rien dire, hmm ?

      - Teach, tu tombes bien ! C’est pour toi que je suis venu, prépare-toi à embrasser le règne cybernétique ! » tenta l’homme-machine avec une voix tonitruante. Mais l’effet n’était clairement plus le même devant un adversaire aussi lourd que le Malvoulant. Surtout pas lorsque la fameuse machine en question ressemblait à un gruyère.

      Alors Mannfred lâcha un gros rire gras et sale, cumulé d’une toux maladive qui laissait entrevoir le sérieux avec lequel il prenait les menaces du bonhomme.

      « - Elle est bien bonne celle-là, t’es un vrai comique toi. J’en ai une bien bonne moi aussi tiens : la seule chose que je pourrais bien embrasser c’est le con de ta mère, et encore ! »

      Insulté et remonté par la rage et le manque de sérieux du Yonkou, Blackbone tenta alors de lui asséner un coup de poing qui manqua de peu de toucher sa cible. Au centre de sa main apparut dans la foulée un canon qui tenta de disséquer sa cible par un rayon laser, mais une fois de plus la manqua de peu pour aller s’éteindre dans un corps sans vie déjà déchiqueté. Plus les assauts continuait et plus Jin bouillonnait, tandis que le Malvoulant riait de plus belle.

      Son affrontement avec Red lui avait semblé autrement plus mortel, mais l’état du robot et les combats qu’il avait dû livrer précédemment…

      Au moment où cette pensée traversa l’esprit de Teach, il vit le corps sans vie de Barbenfeu, un autre de ses fidèles commandants. Un homme en qui il avait assez confiance pour lui confier la gouvernance de l’île et dont les énigmes ne cessaient de le rafraîchir. Il l’appréciait… relativement, mais c’était déjà un grand pas dans l’égo du Yonkou.

      Et lui aussi avait été décimé.

      Cette révélation ne manqua pas de faire perdre son sourire au pirate qui soudainement vrilla sur son adversaire un regard noir. Alors il décida lui aussi de jouer carte sur table et au lieu d’esquiver simplement ses attaques, il entreprit de contre-attaquer sans la moindre forme de pitié. Néanmoins Mannfred fut rapidement surpris de voir que le rookie encaissait bien et n’était pas juste l’une de ces fiottes qui visent trop haut et se cassent le nez. Il avait du chien et parvint même, dans l’une de ses attaques, à entailler le manteau de l’Empereur et le faire saigner.

      Cela raviva le souvenir de blessures récentes qui affaiblissaient encore l’homme et le convainquirent de solder le plus rapidement possible ce duel. Usant alors d’artifices peu loyaux et donc très pirates, Teach finit enfin par mettre son opposant à terre et l’y conserver grâce à une botte lourde et solide. Il pouvait sentir le haki des rois du Kidd tenter de percer à travers ses défenses, mais il n’était clairement pas aussi puissant que le sien.

      « - Tu as saccagé mon île et tu as tué mon commandant, quel sort espères-tu avoir ? Car il sera pire que la mort, ça je peux te l’assurer, gronda le Yonkou tout en cherchant le second responsable des yeux. Mais il se doutait bien que celui-ci n’était plus là depuis longtemps.

      Déjà l’image fixe qu’il avait pu remarquer en arrivant n’était qu’un mirage ; il connaissait bien les prouesses dont était capable le Climat Tact. L’orage au-dessus de sa tête ne s’arrêterait pas de frapper aujourd’hui. Amber Frost… il s’occuperait de lui une autre fois ; il savait où le trouver et le soupçonnait d’être aussi tenace que le plus tenace des cafards. C’était probablement le meilleur héritier possible au trône de Toreshky, mais la fin de Toreshky n’était pas une belle histoire à raconter.

      Non, il était déjà heureux d’avoir sous la main l’un de ces petits irresponsables venus jouer dans son jardin avec ses jouets. Pour lui il avait déjà réservé une place de choix à l’Asile…

      Aussi ne le tua-t-il pas, même si l’Empereur des Robots le lui demandait désormais, mais se résigna simplement à lui enfoncer son talon dans le crâne pour l’aider à s’endormir. Et le fit charger à bord de son navire, là où précédemment se trouvait une myriade de bâtiments… mais ne restaient désormais qu’une trentaine d’épaves.

      Le port ne se portait pas mieux : toute forme d’infrastructure avait disparu, y compris son labyrinthe chéri. Peut-être devait-il rester son puits infâme, mais c’était tout son parc d’attraction morbide qui avait péri dans cette attaque. Évidemment quelques habitants et pirates étaient sortis de leur cachette en le voyant, mais il n’était pas le messie : il les avait fait exécuter. Tout comme il avait fait démanteler les Pacifistas restants et avait laissé tout ce carnage bien en place, décidé à faire de cette île une sépulture à cœur ouvert. Car c’était comme cela qu’il voulait que l’on se souvienne de lui.

      Après une dizaine de minutes, le Malvoulant rejoignit alors son navire avec ses hommes et ordonna de faire voiles vers son île maléfique. Gueulant alors à qui voulait l’entendre, le Yonkou fit passer sa voix loin au large pour être sûr d’atteindre les navires des Sunset Pirates  probablement camouflés dans un énième mirage :

      « - Frost, ne te crois pas en sécurité car je viendrai te chercher toi aussi ! Je naviguais sur ces eaux avant toi gamin et j’y naviguerai encore après ! Et même si tu parviens à te hisser au niveau de ces fripouilles de Ravrak et de Tashahari, tu resteras ma proie ! Non ce n’est pas une victoire que tu as signé aujourd’hui…

      ...c’est ton arrêt de mort.


      TORESHKYYY !! P’TIT ZIZIIII !!

      Le prix du fer Yz81
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