Suite d'un retour en rouge et noir.
L’atterrissage du Dragon était depuis peu redevenue une place relativement calme, où il était encore possible de se déplacer sans craindre de recevoir une balle perdue à chaque pas. Car, il faut l’admettre, la tendance sur Armada était plutôt à la violence qu’au calme. Les récents évènements avaient ravivé les plus bas instincts de cette fange que l’on appelle piraterie. Ô, ne vous y trompez pas, il était toujours possible de recevoir un coup de dague dans l’épicentre d’Armada mais on parlait alors, selon l’expression consacrée, d’un sacré manque de bol. C’est donc légitimement que John avait décidé de flâner davantage dans cette partie de l’île, confiant en sa chance mais préférant tout de même mettre un maximum d’atouts de son côté. Il faut dire que le pauvre diable était encore un peu douloureux, son récent passage chez les Usuriers avait laissé quelques menues traces. Le pistolero avait reçu là-bas une volée légendaire qui aurait pu être enseignée à tous les amateurs de pugilat.
Il était donc resté sur l’usage modéré de la force un temps certain qu’il considéra vite comme trop long. John avait même pris quelques mauvaises habitudes de langage à force de rester trop proche de Wilson et de la treizième. Les gars n’étaient pas de mauvais bougres mais avaient une forte tendance au second degré et surtout aux mots fleuris. En sus, ils étaient éprouvés à l’attente après quinze années enfermées dans une bouteille ; John, lui, n’en pouvait plus. Il avait donc pris le parti de prendre la tangente, se rendant d’ailleurs vite compte de son manque d’utilité sur le navire…
C’est donc ainsi que nous le retrouvons, grattant une cigarette en contemplant le repos des cieux, le fameux hôtel construit par Izya. Il y avait de la lumière à tous les étages et l’on pouvait entendre de l’extérieur une musique délicate qui s’échappait de quelques fenêtres entrebâillées. John s’approcha, en homme curieux et appréciateur de bonne musique. Devant l’entrée se trouvait deux grands colosses à l’allure sévère ; ce qui apparut singulier à John tant ils n’invitaient pas à pénétrer à l’intérieur. Il s’approcha donc davantage et, à la lumière du bâtiment, son visage fut éclairé. Sa moitié de bouche offerte au spectateur et son globe oculaire manquant de prendre la poudre d’escampette eurent tôt fait d’alerter les deux gardes.
- Y’a rien à voir ici, pied-tendre.
John tira mollement sur sa cigarette, laissant échapper quelques volutes de fumée. Les deux vigiles bandaient les muscles ce qui eut pour effet de tendre dangereusement le tissu de leurs costumes ajustés.
- C’est-à-dire que pour un endroit où il n’y a rien à voir, j’ai quand même une forte tendance à me brûler la rétine.
- C’est quatre millions de Berry l’entrée.
- Non, non, il y a erreur. Je ne suis pas venu acheter la boutique, je veux simplement visiter.
- Allez ! Allez ! Passe ton chemin pécore.
Habituellement, John aurait probablement pris la mouche. Il songea un instant à dégainer, percer le crâne de ces deux alguazils avec des balles et entrer dans l’hôtel en les enjambant. L’idée était séduisante mais il avait du mal à évaluer la force de ses éventuels opposants. Pas question de finir une nouvelle fois rossé par deux individus lambda ; l’orgueil c’est comme le beurre, si on n’a pas au moins une fine couche, on a l’impression de s’être fait avoir. L’affaire se termina donc par un léger haussement d’épaules et par le rire gras des deux vigiles.
Dernière édition par John Henry Holliday le Dim 8 Avr 2018 - 18:37, édité 4 fois