De retour chez les vivants !
L’air était d’une extrême moiteur dans la pièce, à la limite du respirable. L’état déplorable du volet laissé passé la lumière sans grande difficulté, permettant d’éclairer convenablement la pièce. Une odeur nauséabonde flottait dans l’air, savant mélange de viande avariée, de renfermé avec un zeste de moisissure.
Le jeune homme ouvrit tant bien que mal ses yeux, la première chose qu’il découvrit ce fut le plafond. Ou plus exactement l’immense tâche de moisissure qui le recouvrait en grande partie. Blackburn avait l’impression d’immerger d’un terrible cauchemar. Il scruta la pièce en quête d’informations supplémentaires sur ce lieu. Mais l’endroit était quasiment vide, excepté le lit dans lequel il se trouvait, une petite table de chevet ainsi qu’une table en bois l’endroit était totalement désert.
James se redressa non sans mal pour s’asseoir, il était complètement désorienté, sans aucune notion de temps ni de lieux. Machinalement, il porta la main sur son torse. Son poitrail était recouvert d’un vieux bandage laissant apparaître une grande quantité de sang séché. Étrangement, pour une raison qui lui était encore inconnue il savait avant même de porter les yeux dessus de l’existence de multiples blessures à cet endroit. Son cerveau était encore plongé dans une épaisse brume, mais des bribes de souvenirs revenaient petit à petit à la surface. Pour le moment, il préféra ignorer ses blessures en ne touchant pas aux bandages et privilégier l’exploration des lieux.
Son estomac le tiraillait comme jamais, il chercha du regard quelque chose pour se restaurer. Sur la petite table de chevet se trouvait un quignon de pain moisi à moitié bouffer par les rats et un bol d’eau stagnante couleur boue. Il hésita pendant un instant, mais se ravisa au dernier moment. Dans son état actuel, c’était prendre un le risque d’avoir une chiasse fatale. Survivre à une agression pour ensuite crever dans son vomi et sa merde ? Il remarqua, poser au pied de son lit, se trouvait une canne de fortune taillée dans le bois. Un objet précieux au vu de son état.
Blackburn se leva avec hésitation sur ses deux jambes à l’aide de la canne. Malgré cette dernière il avait la plus grande difficulté à se tenir correctement debout. Depuis combien de temps était-il dans ce lit ? ! Il jeta en coup d’œil en arrière, et remarqua une grande quantité de sang présente dans les draps. Sa survie relevée du miracle. Après un moment d’hésitation, il se déplaça fébrilement vers la table, sur laquelle étaient entreposés divers objets chirurgicaux couverts eux aussi de sang. Le jeune homme planter comme un piquet devant la table, scruta un long moment le kit du parfait chirurgien à la recherche de réponse. Pour le moment le seul indice dont il disposait, c’était au vu de la poussière cela faisait un petit moment que personne n’avait mis les pieds ici.
Alors que le pirate de fortune était plongé dans ses pensées, une douleur semblable à un coup de poing en plein estomac apparut. Depuis combien de jours n’avait-il ni mangeait, ni bu ? Une terrible crampe se propagea de son ventre, ayant raison de son équilibre précaire. Il s’écroula de tout son long, frôlant de justesse le rebord de la table et son contenu d’objets tranchants.
James était inconscient, mais des flash-back s’immiscèrent en lui.
Subitement projeté dans une artère à la tombée de la nuit, il n’était pas le seul, en effet, quelques passants partager avec lui le trottoir. Derrière lui se trouvait une grande bâtisse méconnaissable, une sorte de manoir. Dans la cohue, des voix singulières se démarquèrent, impossible d’identifier leurs nombres et encore moins leurs propriétaires respectifs. Sa tête lui faisait un mal de chien.
« James W. Blackburn ! Enfant de putain ! »
Nouveau trou noir ! L’instant d’après il était seul face à plusieurs ombres indescriptibles. Elles étaient peut-être trois ou quatre… Les choses allaient trop vite pour pouvoir apprécier le moindre détail. Elles se jetèrent sur lui ! Il n’était désormais plus que simple spectateur de son agression. Tout semblait se dérouler au ralenti, à la limite de l’arrêt. Il était prisonnier de ce corps qui ne lui répondait pas, était-il drogué ? Quoi qu’il en soit, ce fut avec une lenteur extrême qu’il sortit son épée de son fourreau pour faire face.
« Crève la gueule ouverte, bâtard ! »
Le jeune pirate se trouvait maintenant affaler contre le mur son arme tendue couverte de sang en guise de dernier rempart. À ses pieds gisait une masse noire, sans aucun doute le cadavre d’un de ses agresseurs, mais il ne s’agissait que d’une supposition. James se tenait le flanc, une vive douleur le parcourait de part en part. Il était salement amoché, mais encore vivant. Devant lui les ombres semblaient plus que jamais déterminées à mettre fin à sa piètre existence.
Le rideau noir se baissa une nouvelle fois. Maintenant, il gisait à même le sol, baignant dans son sang. Blackburn entendait vaguement l’écho de voix de deux hommes discutant près de lui. Les ombres étaient parties, en le laissant plus que mort vivant. Quelques choses ou quelqu’un avait dû les empêcher de finir leur travail. Pourquoi n’avait-il pas reçu le coup de grâce ?
« Bordel, Jack tu as vu l’état de ce type ?! Qu’est-ce qu’on fait ? …. »
« Il est mort, ou tout comme, ne traînons pas ici. Les cadavres c’est toujours un nid à emmerde. »
Dans un ultime réflexe de survie, le jeune pirate agrippa la botte d’un des curieux.
« Aidez… moi… S’il vous… »
Il était à présent allongé sur un lit, poussant des cris de douleurs pendant que deux hommes le tenaient et un troisième tentait de le rafistoler avec les moyens du bord. Son corps était recouvert d’innombrables plaies saignantes et d’ecchymoses.
« Tu penses qu’il va survivre ?! »
« Je ne suis pas formé pour ce genre de blessure, il devrait être mort. J’ai fait mon possible, maintenant ce n’est plus de mon ressort. Partons. »
Lorsqu’il ouvrit les yeux, James était de retour dans le monde réel. Il se trouvait exactement au même endroit que précédemment, personne n’était venu le troubler pendant son inconscience. Signe que cet endroit était bel et bien déserté. Quelque chose avait changé cependant, l’obscurité avait envahi la pièce. Il s’agissait de la seule indication de temps qu’il pouvait avoir. Il rampa jusqu’à la table pour prendre appui et se relever. Prenant conscience de son état, le convalescent se déplaça avec la plus grande prudence jusqu’à la porte d’entrée.
Elle n’était pas fermée, il poussa la porte et découvrit qu’il se trouvait dans une ruelle mal éclairée au loin de multiples échos de voix, remontaient jusqu’à lui.
« …. Où suis-je ? »
La confusion régnait encore dans sa tête, que pouvait-il bien foutre dans un endroit pareil ? C’était les bas-fonds de la ville ici, bien loin de ses standards de vie d’autrefois. La mémoire lui revenait petit à petit, notamment sa longue période de captivité. Il se souvenait de son évasion laborieuse et sanglante. Mais ensuite black-out total… Un nom lui revenait cependant en tête, « Oletto », Derrick Oletto, par qui toute cette merde avait commencé. Combien d’heures, de jours, de mois avait-il passés en captivité ? Pour une histoire de croûte. Il n’avait pas de certitude, mais au fond de lui il était persuadé que c’était ce gros porc de Derrick qui l’avait livré en pâture à ses ennemies, histoire d’effacer toute trace du larcin.
Blackburn décida de s’éloigner de cet endroit lui donnant des nausées en espérant que tout cela ne devienne plus que de mauvais souvenirs. L’intervention du mur en plus de sa canne n’était pas trop pour prévenir de toute chute. Il croisa plusieurs ombres aux regards fuyants, provoquant à chaque fois en lui en sentiment de peur mêlé à celui de la colère, à tout moment l’une d’elles pouvait très bien se jeter sur lui pour finir le boulot.
Après avoir fait une centaine de mètres, le jeune homme s’arrêta devant un boui-boui qui avait la prétention de faire taverne et auberge. C’est à ce moment-là qu’il plongea la main dans ses poches en quête d’argent, il n’en retira trois fois rien. Mais cela devait être bien suffisant pour passer une nuit dans ce genre de taudis. Les types qui l’avaient sauvé d’une mort certaine avaient dû lui faire les poches avant de partir. Mais il ne pouvait pas leur en tenir rigueur, c’était uniquement grâce à leur intervention qu’il n’était pas en train de nourrir les vers dans une fosse commune.
L’ex-nobliau poussa la porte avec appréhension, ne sachant pas du tout où il mettait mettre les pieds. Sans grande surprise, cela donnait sur une large pièce faite de tables et de chaises occupées par tous les soûlards des environs. À vue de nez, environ une cinquantaine de personnes étaient présentes. Ce qu’il redoutait par-dessus tout c’était de se faire détroncher, dans son état même un cul-de-jatte viendrait à bout de lui sans la moindre difficulté.
Il se dirige en clopinant vers le comptoir, son entrée était passée quasiment inaperçue par le plus grand nombre. Il s’installa sur un tabouret de fortune entre deux gorilles, les tatouages qui recouvraient leurs énormes bras ne laissaient pas de place aux doutes, ils s’agissaient de pirates. Il hésita un instant à faire machine arrière pour trouver quelque chose qui ne ressemblait pas à un repère de crapauds, mais avec trois sous en poche, c’était illusoire.
Tout en essayant de rester un minimum discret, il se retourna pour regarder avec une plus grande attention les autres clients. Il dénombra aux moins trois équipages de pirates, leurs capitaines étaient difficilement identifiables. Le genre de poivrots qui écume les bords de côte à la recherche de navire isolé ne présentant aucun risque.
« T’es là pour te rincer l’œil ou commander ?! Pour ton info le blondinet, j’encaisse avant de prendre commande, j’aime pas les mauvais payeurs ! » cracha le tavernier.
Blackburn resta un moment interdit avant de sortir l’ensemble de sa cagnotte sur le comptoir. Cette action attira l’attention de ses voisins de comptoir, sûrement avide de pouvoir se faire de l’argent facile sur un pauvre type comme lui.
« Je peux avoir à manger et une nuit avec ça ? »
« hum… Ouais c’est faisable… » Le tavernier resta un instant devant lui tout en fixant les bandages qui recouvrait son torse.
« Par contre tu ne me fous pas du sang partout ! J’ai autre chose à foutre que nettoyer vos merdes. »
Le gorille à sa gauche, intrigué, se pencha pour l’observer avec insistance.
« Dit donc mon mignon tu as l’air sacrément amoché ?! » Il appuya son doigt intentionnellement pour voir sa réaction.
« Tu as voulu jouer au grand ? » Puis, il parti dans un fou rire d’ivrogne.
Blackburn préféra ne rien relever, et se concentra sur le ragoût qu’il venait de se faire servir. La bouffe était infecte, mais il n’était pas une mesure de faire la fine bouche. Il termina son assiette sans laisser la moindre goutte de jus, le tout arroser d’une chopine de jus de pisse.
« He bah dit donc, la petite à faim ?! Si tu veux, j’ai de la bonne viande à manger, mon mignon ! »
Accompagné d’une grande tape dans le dos, il avait décidément bien choisi sa place. En temps normal il se serait fait un plaisir de lui briser la patate qui lui servait de nez sur le comptoir, mais dans ce cas présent il ne pouvait que ronger son frein.
Il décida que pour son bien, il était grand temps de partir se coucher, l’alcool ne rend pas plus intelligent surtout quand le quotient intellectuel de base frise celui d’un mollusque. Lorsque James se leva, le crapaud à sa gauche le plaqua avec force sur son tabouret.
« Tu vas où comme ça ?! T’as pas une gueule d’un mec d’ici toi ! Je suis certain que tu caches un petit magot quelques parts ! Tu m’as tout l’air d’un petit nobliau qui fait sa crise d’adolescence ! »
*Si tu savais mon couillon*
Au même moment ce dernier sortit un couteau et le présenta sous les yeux de sa proie.
Le tavernier détourna le regard et passa son chemin, c’était compréhensible en même temps. Pourquoi risquer son établissement et sa vie pour un parfait inconnu, James n’aurait pas fait mieux. Et de toute façon, personne ici ne lèverait le petit doigt pour lui venir en aide, bien au contraire.
Que pouvait-il faire pour se sortir de ce guêpier ?! Se battre ? Sur un malentendu il pourrait peut-être avoir raison de son adversaire, mais ils étaient tout un équipage ! Fuir ?! Encore plus ridicule…
« Alors ?! Tu craches le morceau ?! »
*Je vais lui vomir dessus, il ne sera pas déçus du morceau... *
Le géant l’empoigna et le mit debout face à lui, décollant au passage ses pieds de quinze bons centimètres du sol pour combler l’écart de taille. Attirant au passage l’attention de ses congénères, l’un d’eux l’interpella :
« Bordel, Igor, qu’est-ce que tu branles ?! »
« Fiche-moi la paix, il respire l’argent ce fragile »
Au même moment, un homme débarqua à tombeau ouvert dans le rade. Couvert de sueur et essoufflé :
« Cap’tain ! Cap’tain ! La Marine !!! Ils font une descente ! Ils cherchent du pirate !! »
« Quoi ?! Bordel de dieu ! J’avais pourtant graissé plus d’une patte ! En route mes seigneurs, au navire ! »
En quelques instants l’endroit se vida des trois quarts de sa clientèle. Mais James était toujours en prise avec son agresseur qui ne lâcher pas le morceau, Il était persuadé d’avoir dégoté la poule aux œufs d’or ! Il tira violemment sur les bandages du blondinet laissant apparaître un torse meurtri par d’innombrables cicatrices et contusions. James baissa les yeux pour voir l’ampleur des dégâts, le plus surpris des deux fut le fameux Igor, il ne s’attendait certainement pas à voir un tel spectacle. Il plongea sa main dans les poches de sa victime à la recherche d’indices permettant de confirmer ses soupçons. Il ne trouva absolument rien, ce qui le contraria fortement.
« Ta tête ne me revient pas du tout petite merde, tu caches forcément quelque !!! »
L’autre membre de l’équipage qui l’avait précédemment interpellé refit son apparition en hurlant à la porte :
« Bordel IGOR ! Qu’est-ce que tu branles ! Lâche le triple abruti ! La marine va débarquer d’un instant à l’autre ! »
Le géant ignora complètement les mises en garde.
« IGOR ! Reste moisir ici ! Je me casse d’ici moi ! Cela grouille de militaires ! »
La porte se referma dans un bruit sourd, James était dans une position très inconfortable. Il ne comprenait pas la réaction de cet ivrogne, déterminer à finir au cachot pour un soi-disant flair ? Son agresseur le laissa tomber au sol comme une merde après lui avoir infligé un coup de poing dans le ventre, provoquant une très vive douleur.
« Hum… Vu que tu n'as pas l'air de comprendre les choses... »
Il planta d'une geste sûre la pointe de son couteau dans une des multiples blessures de James, ce dernier laissa échapper un cri de douleur et de surprise.
*Bouges-toi James !! *
Alors que le pirate s’apprêtait à réitérer son geste, le jeune homme parvint à détourner l'avant-bras de son agresseur pour lui faire planter sa lame dans le comptoir à la plus grande stupeur de ce dernier.
« Comment oses-tu petite raclure ! Je vais t'ouvrir en deux ! »
James décida de prendre l'initiative voyant que son agresseur galérer à retirer le couteau du comptoir, il savait pertinemment que dans son état, un combat à main nue serait synonyme de défaite assurée face à un morceau pareil. Il se redressa tant bien que mal, après avoir asséné un coup de pied dans le genou de son adversaire frôlant l'espoir de pouvoir enfin déséquilibrer la bête. Une fois accoudé au comptoir, il se saisit de la première chose qui lui passa par la main, une grosse chopine de bière au trois quarts vides. Qu'il éclata allègrement sur la face du fameux Igor. Il tituba en arrière, se tenant le côté droit du visage totalement ensanglanté et hurla sa rage et sa douleur :
« Tu vas me le payer !!!!! »
Il dégaina son pistolet tout en continuant sa course en arrière, et tira à l'aveuglette. La balle se perdit à plusieurs mètres de James, dans une poutre en bois. Fou de rage d'avoir une nouvelle fois échoué, il dégaina cette fois-ci son épée tout en continuant de beugler à la mort. C'est à ce moment-là que le patron de l'établissement sortit à son tour une arme à feu, la pointant directement sur le fauteur de trouble.
« Barres-toi d'ici sinon je fais feu ! »
Le tavernier avait soudainement retrouvé ses bijoux de famille, sans doute grâce à l'intervention immédiate de la marine. Mais le pirate semblait plus septique sur les motivations du gérant. Il avança d'un pas et eu en guise de retour le fameux "clic" indiquant à tous que l'arme était dorénavant près à l'emploi. Après de longues secondes d’hésitations, il lâcha un flot d'injures à l'encontre de la terre entière avant de disparaître dans l'obscurité de la nuit.
Tout était redevenu calme ici, seule une poignée d’irrésistibles habitués occupés encore les lieux. Ils ne semblaient pas s’émouvoir davantage des récents événements du moment qu’ils ne voyaient pas le fond de leur godet.
James à bout de souffle était toujours accoudé au comptoir, le tavernier s'adressa à lui :
« Tu as de la chance le bleu, un peu plus et tu passais de vie à trépas ! Tiens voilà les clefs de ta chambre, profites de ta nuit. Et pour ta peine, tu peux finir les assiettes des crapauds. Et prie pour qu'ils ne remettent jamais les pieds ici, aussi bien pour toi que pour moi ! Je risque gros avec ces conneries moi ! »
Blackburn monta jusqu’à sa chambre avec la plus grande des difficultés, il était totalement épuisé. Ne tenant même pas compte de l’état piteux de sa chambre il s’affalât sur le lit sans même ôter ses affaires et se laissa emporter par le sommeil.
Le jeune homme ouvrit tant bien que mal ses yeux, la première chose qu’il découvrit ce fut le plafond. Ou plus exactement l’immense tâche de moisissure qui le recouvrait en grande partie. Blackburn avait l’impression d’immerger d’un terrible cauchemar. Il scruta la pièce en quête d’informations supplémentaires sur ce lieu. Mais l’endroit était quasiment vide, excepté le lit dans lequel il se trouvait, une petite table de chevet ainsi qu’une table en bois l’endroit était totalement désert.
James se redressa non sans mal pour s’asseoir, il était complètement désorienté, sans aucune notion de temps ni de lieux. Machinalement, il porta la main sur son torse. Son poitrail était recouvert d’un vieux bandage laissant apparaître une grande quantité de sang séché. Étrangement, pour une raison qui lui était encore inconnue il savait avant même de porter les yeux dessus de l’existence de multiples blessures à cet endroit. Son cerveau était encore plongé dans une épaisse brume, mais des bribes de souvenirs revenaient petit à petit à la surface. Pour le moment, il préféra ignorer ses blessures en ne touchant pas aux bandages et privilégier l’exploration des lieux.
Son estomac le tiraillait comme jamais, il chercha du regard quelque chose pour se restaurer. Sur la petite table de chevet se trouvait un quignon de pain moisi à moitié bouffer par les rats et un bol d’eau stagnante couleur boue. Il hésita pendant un instant, mais se ravisa au dernier moment. Dans son état actuel, c’était prendre un le risque d’avoir une chiasse fatale. Survivre à une agression pour ensuite crever dans son vomi et sa merde ? Il remarqua, poser au pied de son lit, se trouvait une canne de fortune taillée dans le bois. Un objet précieux au vu de son état.
Blackburn se leva avec hésitation sur ses deux jambes à l’aide de la canne. Malgré cette dernière il avait la plus grande difficulté à se tenir correctement debout. Depuis combien de temps était-il dans ce lit ? ! Il jeta en coup d’œil en arrière, et remarqua une grande quantité de sang présente dans les draps. Sa survie relevée du miracle. Après un moment d’hésitation, il se déplaça fébrilement vers la table, sur laquelle étaient entreposés divers objets chirurgicaux couverts eux aussi de sang. Le jeune homme planter comme un piquet devant la table, scruta un long moment le kit du parfait chirurgien à la recherche de réponse. Pour le moment le seul indice dont il disposait, c’était au vu de la poussière cela faisait un petit moment que personne n’avait mis les pieds ici.
Alors que le pirate de fortune était plongé dans ses pensées, une douleur semblable à un coup de poing en plein estomac apparut. Depuis combien de jours n’avait-il ni mangeait, ni bu ? Une terrible crampe se propagea de son ventre, ayant raison de son équilibre précaire. Il s’écroula de tout son long, frôlant de justesse le rebord de la table et son contenu d’objets tranchants.
James était inconscient, mais des flash-back s’immiscèrent en lui.
Subitement projeté dans une artère à la tombée de la nuit, il n’était pas le seul, en effet, quelques passants partager avec lui le trottoir. Derrière lui se trouvait une grande bâtisse méconnaissable, une sorte de manoir. Dans la cohue, des voix singulières se démarquèrent, impossible d’identifier leurs nombres et encore moins leurs propriétaires respectifs. Sa tête lui faisait un mal de chien.
« James W. Blackburn ! Enfant de putain ! »
Nouveau trou noir ! L’instant d’après il était seul face à plusieurs ombres indescriptibles. Elles étaient peut-être trois ou quatre… Les choses allaient trop vite pour pouvoir apprécier le moindre détail. Elles se jetèrent sur lui ! Il n’était désormais plus que simple spectateur de son agression. Tout semblait se dérouler au ralenti, à la limite de l’arrêt. Il était prisonnier de ce corps qui ne lui répondait pas, était-il drogué ? Quoi qu’il en soit, ce fut avec une lenteur extrême qu’il sortit son épée de son fourreau pour faire face.
« Crève la gueule ouverte, bâtard ! »
Le jeune pirate se trouvait maintenant affaler contre le mur son arme tendue couverte de sang en guise de dernier rempart. À ses pieds gisait une masse noire, sans aucun doute le cadavre d’un de ses agresseurs, mais il ne s’agissait que d’une supposition. James se tenait le flanc, une vive douleur le parcourait de part en part. Il était salement amoché, mais encore vivant. Devant lui les ombres semblaient plus que jamais déterminées à mettre fin à sa piètre existence.
Le rideau noir se baissa une nouvelle fois. Maintenant, il gisait à même le sol, baignant dans son sang. Blackburn entendait vaguement l’écho de voix de deux hommes discutant près de lui. Les ombres étaient parties, en le laissant plus que mort vivant. Quelques choses ou quelqu’un avait dû les empêcher de finir leur travail. Pourquoi n’avait-il pas reçu le coup de grâce ?
« Bordel, Jack tu as vu l’état de ce type ?! Qu’est-ce qu’on fait ? …. »
« Il est mort, ou tout comme, ne traînons pas ici. Les cadavres c’est toujours un nid à emmerde. »
Dans un ultime réflexe de survie, le jeune pirate agrippa la botte d’un des curieux.
« Aidez… moi… S’il vous… »
Il était à présent allongé sur un lit, poussant des cris de douleurs pendant que deux hommes le tenaient et un troisième tentait de le rafistoler avec les moyens du bord. Son corps était recouvert d’innombrables plaies saignantes et d’ecchymoses.
« Tu penses qu’il va survivre ?! »
« Je ne suis pas formé pour ce genre de blessure, il devrait être mort. J’ai fait mon possible, maintenant ce n’est plus de mon ressort. Partons. »
Lorsqu’il ouvrit les yeux, James était de retour dans le monde réel. Il se trouvait exactement au même endroit que précédemment, personne n’était venu le troubler pendant son inconscience. Signe que cet endroit était bel et bien déserté. Quelque chose avait changé cependant, l’obscurité avait envahi la pièce. Il s’agissait de la seule indication de temps qu’il pouvait avoir. Il rampa jusqu’à la table pour prendre appui et se relever. Prenant conscience de son état, le convalescent se déplaça avec la plus grande prudence jusqu’à la porte d’entrée.
Elle n’était pas fermée, il poussa la porte et découvrit qu’il se trouvait dans une ruelle mal éclairée au loin de multiples échos de voix, remontaient jusqu’à lui.
« …. Où suis-je ? »
La confusion régnait encore dans sa tête, que pouvait-il bien foutre dans un endroit pareil ? C’était les bas-fonds de la ville ici, bien loin de ses standards de vie d’autrefois. La mémoire lui revenait petit à petit, notamment sa longue période de captivité. Il se souvenait de son évasion laborieuse et sanglante. Mais ensuite black-out total… Un nom lui revenait cependant en tête, « Oletto », Derrick Oletto, par qui toute cette merde avait commencé. Combien d’heures, de jours, de mois avait-il passés en captivité ? Pour une histoire de croûte. Il n’avait pas de certitude, mais au fond de lui il était persuadé que c’était ce gros porc de Derrick qui l’avait livré en pâture à ses ennemies, histoire d’effacer toute trace du larcin.
Blackburn décida de s’éloigner de cet endroit lui donnant des nausées en espérant que tout cela ne devienne plus que de mauvais souvenirs. L’intervention du mur en plus de sa canne n’était pas trop pour prévenir de toute chute. Il croisa plusieurs ombres aux regards fuyants, provoquant à chaque fois en lui en sentiment de peur mêlé à celui de la colère, à tout moment l’une d’elles pouvait très bien se jeter sur lui pour finir le boulot.
Après avoir fait une centaine de mètres, le jeune homme s’arrêta devant un boui-boui qui avait la prétention de faire taverne et auberge. C’est à ce moment-là qu’il plongea la main dans ses poches en quête d’argent, il n’en retira trois fois rien. Mais cela devait être bien suffisant pour passer une nuit dans ce genre de taudis. Les types qui l’avaient sauvé d’une mort certaine avaient dû lui faire les poches avant de partir. Mais il ne pouvait pas leur en tenir rigueur, c’était uniquement grâce à leur intervention qu’il n’était pas en train de nourrir les vers dans une fosse commune.
L’ex-nobliau poussa la porte avec appréhension, ne sachant pas du tout où il mettait mettre les pieds. Sans grande surprise, cela donnait sur une large pièce faite de tables et de chaises occupées par tous les soûlards des environs. À vue de nez, environ une cinquantaine de personnes étaient présentes. Ce qu’il redoutait par-dessus tout c’était de se faire détroncher, dans son état même un cul-de-jatte viendrait à bout de lui sans la moindre difficulté.
Il se dirige en clopinant vers le comptoir, son entrée était passée quasiment inaperçue par le plus grand nombre. Il s’installa sur un tabouret de fortune entre deux gorilles, les tatouages qui recouvraient leurs énormes bras ne laissaient pas de place aux doutes, ils s’agissaient de pirates. Il hésita un instant à faire machine arrière pour trouver quelque chose qui ne ressemblait pas à un repère de crapauds, mais avec trois sous en poche, c’était illusoire.
Tout en essayant de rester un minimum discret, il se retourna pour regarder avec une plus grande attention les autres clients. Il dénombra aux moins trois équipages de pirates, leurs capitaines étaient difficilement identifiables. Le genre de poivrots qui écume les bords de côte à la recherche de navire isolé ne présentant aucun risque.
« T’es là pour te rincer l’œil ou commander ?! Pour ton info le blondinet, j’encaisse avant de prendre commande, j’aime pas les mauvais payeurs ! » cracha le tavernier.
Blackburn resta un moment interdit avant de sortir l’ensemble de sa cagnotte sur le comptoir. Cette action attira l’attention de ses voisins de comptoir, sûrement avide de pouvoir se faire de l’argent facile sur un pauvre type comme lui.
« Je peux avoir à manger et une nuit avec ça ? »
« hum… Ouais c’est faisable… » Le tavernier resta un instant devant lui tout en fixant les bandages qui recouvrait son torse.
« Par contre tu ne me fous pas du sang partout ! J’ai autre chose à foutre que nettoyer vos merdes. »
Le gorille à sa gauche, intrigué, se pencha pour l’observer avec insistance.
« Dit donc mon mignon tu as l’air sacrément amoché ?! » Il appuya son doigt intentionnellement pour voir sa réaction.
« Tu as voulu jouer au grand ? » Puis, il parti dans un fou rire d’ivrogne.
Blackburn préféra ne rien relever, et se concentra sur le ragoût qu’il venait de se faire servir. La bouffe était infecte, mais il n’était pas une mesure de faire la fine bouche. Il termina son assiette sans laisser la moindre goutte de jus, le tout arroser d’une chopine de jus de pisse.
« He bah dit donc, la petite à faim ?! Si tu veux, j’ai de la bonne viande à manger, mon mignon ! »
Accompagné d’une grande tape dans le dos, il avait décidément bien choisi sa place. En temps normal il se serait fait un plaisir de lui briser la patate qui lui servait de nez sur le comptoir, mais dans ce cas présent il ne pouvait que ronger son frein.
Il décida que pour son bien, il était grand temps de partir se coucher, l’alcool ne rend pas plus intelligent surtout quand le quotient intellectuel de base frise celui d’un mollusque. Lorsque James se leva, le crapaud à sa gauche le plaqua avec force sur son tabouret.
« Tu vas où comme ça ?! T’as pas une gueule d’un mec d’ici toi ! Je suis certain que tu caches un petit magot quelques parts ! Tu m’as tout l’air d’un petit nobliau qui fait sa crise d’adolescence ! »
*Si tu savais mon couillon*
Au même moment ce dernier sortit un couteau et le présenta sous les yeux de sa proie.
Le tavernier détourna le regard et passa son chemin, c’était compréhensible en même temps. Pourquoi risquer son établissement et sa vie pour un parfait inconnu, James n’aurait pas fait mieux. Et de toute façon, personne ici ne lèverait le petit doigt pour lui venir en aide, bien au contraire.
Que pouvait-il faire pour se sortir de ce guêpier ?! Se battre ? Sur un malentendu il pourrait peut-être avoir raison de son adversaire, mais ils étaient tout un équipage ! Fuir ?! Encore plus ridicule…
« Alors ?! Tu craches le morceau ?! »
*Je vais lui vomir dessus, il ne sera pas déçus du morceau... *
Le géant l’empoigna et le mit debout face à lui, décollant au passage ses pieds de quinze bons centimètres du sol pour combler l’écart de taille. Attirant au passage l’attention de ses congénères, l’un d’eux l’interpella :
« Bordel, Igor, qu’est-ce que tu branles ?! »
« Fiche-moi la paix, il respire l’argent ce fragile »
Au même moment, un homme débarqua à tombeau ouvert dans le rade. Couvert de sueur et essoufflé :
« Cap’tain ! Cap’tain ! La Marine !!! Ils font une descente ! Ils cherchent du pirate !! »
« Quoi ?! Bordel de dieu ! J’avais pourtant graissé plus d’une patte ! En route mes seigneurs, au navire ! »
En quelques instants l’endroit se vida des trois quarts de sa clientèle. Mais James était toujours en prise avec son agresseur qui ne lâcher pas le morceau, Il était persuadé d’avoir dégoté la poule aux œufs d’or ! Il tira violemment sur les bandages du blondinet laissant apparaître un torse meurtri par d’innombrables cicatrices et contusions. James baissa les yeux pour voir l’ampleur des dégâts, le plus surpris des deux fut le fameux Igor, il ne s’attendait certainement pas à voir un tel spectacle. Il plongea sa main dans les poches de sa victime à la recherche d’indices permettant de confirmer ses soupçons. Il ne trouva absolument rien, ce qui le contraria fortement.
« Ta tête ne me revient pas du tout petite merde, tu caches forcément quelque !!! »
L’autre membre de l’équipage qui l’avait précédemment interpellé refit son apparition en hurlant à la porte :
« Bordel IGOR ! Qu’est-ce que tu branles ! Lâche le triple abruti ! La marine va débarquer d’un instant à l’autre ! »
Le géant ignora complètement les mises en garde.
« IGOR ! Reste moisir ici ! Je me casse d’ici moi ! Cela grouille de militaires ! »
La porte se referma dans un bruit sourd, James était dans une position très inconfortable. Il ne comprenait pas la réaction de cet ivrogne, déterminer à finir au cachot pour un soi-disant flair ? Son agresseur le laissa tomber au sol comme une merde après lui avoir infligé un coup de poing dans le ventre, provoquant une très vive douleur.
« Hum… Vu que tu n'as pas l'air de comprendre les choses... »
Il planta d'une geste sûre la pointe de son couteau dans une des multiples blessures de James, ce dernier laissa échapper un cri de douleur et de surprise.
*Bouges-toi James !! *
Alors que le pirate s’apprêtait à réitérer son geste, le jeune homme parvint à détourner l'avant-bras de son agresseur pour lui faire planter sa lame dans le comptoir à la plus grande stupeur de ce dernier.
« Comment oses-tu petite raclure ! Je vais t'ouvrir en deux ! »
James décida de prendre l'initiative voyant que son agresseur galérer à retirer le couteau du comptoir, il savait pertinemment que dans son état, un combat à main nue serait synonyme de défaite assurée face à un morceau pareil. Il se redressa tant bien que mal, après avoir asséné un coup de pied dans le genou de son adversaire frôlant l'espoir de pouvoir enfin déséquilibrer la bête. Une fois accoudé au comptoir, il se saisit de la première chose qui lui passa par la main, une grosse chopine de bière au trois quarts vides. Qu'il éclata allègrement sur la face du fameux Igor. Il tituba en arrière, se tenant le côté droit du visage totalement ensanglanté et hurla sa rage et sa douleur :
« Tu vas me le payer !!!!! »
Il dégaina son pistolet tout en continuant sa course en arrière, et tira à l'aveuglette. La balle se perdit à plusieurs mètres de James, dans une poutre en bois. Fou de rage d'avoir une nouvelle fois échoué, il dégaina cette fois-ci son épée tout en continuant de beugler à la mort. C'est à ce moment-là que le patron de l'établissement sortit à son tour une arme à feu, la pointant directement sur le fauteur de trouble.
« Barres-toi d'ici sinon je fais feu ! »
Le tavernier avait soudainement retrouvé ses bijoux de famille, sans doute grâce à l'intervention immédiate de la marine. Mais le pirate semblait plus septique sur les motivations du gérant. Il avança d'un pas et eu en guise de retour le fameux "clic" indiquant à tous que l'arme était dorénavant près à l'emploi. Après de longues secondes d’hésitations, il lâcha un flot d'injures à l'encontre de la terre entière avant de disparaître dans l'obscurité de la nuit.
Tout était redevenu calme ici, seule une poignée d’irrésistibles habitués occupés encore les lieux. Ils ne semblaient pas s’émouvoir davantage des récents événements du moment qu’ils ne voyaient pas le fond de leur godet.
James à bout de souffle était toujours accoudé au comptoir, le tavernier s'adressa à lui :
« Tu as de la chance le bleu, un peu plus et tu passais de vie à trépas ! Tiens voilà les clefs de ta chambre, profites de ta nuit. Et pour ta peine, tu peux finir les assiettes des crapauds. Et prie pour qu'ils ne remettent jamais les pieds ici, aussi bien pour toi que pour moi ! Je risque gros avec ces conneries moi ! »
Blackburn monta jusqu’à sa chambre avec la plus grande des difficultés, il était totalement épuisé. Ne tenant même pas compte de l’état piteux de sa chambre il s’affalât sur le lit sans même ôter ses affaires et se laissa emporter par le sommeil.
Dernière édition par James W. Blackburn le Ven 4 Mai 2018 - 21:37, édité 4 fois