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On ne touche pas aux dames.


Royaume de Bliss - 1627.



« POOOOOORT DU ROYAUME EN APPROOOOOOCHE ! »

Alma, plongé dans ses rêves merveilleux, fut interrompu par cette annonce bruyante de la vigie. Il détestait la vigie. À son sens, ce dernier criait bien trop pour rien et cela l’agaçait au plus haut point. Alors accoudé au bastingage du navire, il lança un regard empli de haine en direction de la vigie avant de replonger dans ses rêves, tout en regardant s’approcher le royaume de Bliss. Son objectif était d’être totalement indépendant à long terme, c’est-à-dire de ne plus avoir à voyager avec ces bucherons qu’il méprise.

Pas tout à fait en réalité. Il les affectionnait particulièrement. Du moins jusqu’à ce que l’un d’eux lui ordonna de préparer l’arrivée, de commencer à nettoyer le pont, chose qu’il n’aimait absolument pas. En effet, Alma n’était absolument pas payé pour ce qu’il faisait. Alors certes, il pouvait voyager gratuitement en rendant quelques services, mais que certains se la coulaient douce pendant qu’il trimait le rendait grognon. Mais il réalisa quand les mêmes les taches demandées sans rechigner.

Le blondinet pensa surtout à un moyen de se faire du poignon. Il lui fallait beaucoup d’argent pour être totalement indépendant. C’est effectivement ce qui le préoccupa pendant qu’il repassa la serpillère. Mais dès que le navire stationna, ou du moins dès lors qu’il était suffisamment proche du quai, le jeune s’empressa de prendre de l’élan et s’élancer par-dessus le bastingage pour enfin commencer la visite de la ville. Il comprit aisément qu’il se situa au niveau du chantier naval. Or, ce n’était absolument pas ce qu’il l’intéressait. Ce qu’il voulait, la capitale où il pourrait s’hydrater de nouveau en bonne compagnie.

« Oy ! Gamin ! T’as pas fini de récurer, reviens, lança un des bucherons encore à bord. »

Alma lui fit simplement un geste de la main. Aussitôt les pieds sur la terre ferme, Alma décida de commencer sa promenade, esquivant - parfois in extremis - les poutres ou autres objets dangereux que les charpentiers déplaçaient le long du chantier. Rapidement, il se retrouva à la sortie du chantier et de surcroit à l’entrée de la capitale, aussi resplendissante que les demoiselles qui passaient juste sous les yeux du blond. Il se lécha les babines en voyant toutes cette activité. La foule était abondante, les commerces fleurissants, les jupes courtes plus que présentes… Quelle merveilleuse fin saison printanière ! Il s’enfonça ainsi dans cette dense rue commerçante.

Aujourd’hui vêtu d’une chemise blanche, naturellement et légèrement déboutonnée, d’un pantalon noir écourté et laissant apparaitre ses chevilles, puis de ses getas favoris, le jeune arpenta la rue en affichant un large sourire. Cette ville sentait le fric à plein nez et cela avait le don d’exciter notre jeune ami, fraîchement devenu amoureux de l’argent. En fait, depuis qu’il comprit que l’on pouvait tout réaliser avec les berries, il se mit en tête d’en acquérir le plus possible. Avec l’argent, il pourrait faire et avoir ce qu’il voulait, du bien matériel à l’immatériel, de l’objet à l’être humain, ou toute autre espèce…

On pourrait presque croire que les pupilles ses pupilles étaient devenus des berries.

La faim atteignit son estomac peu alimenté depuis bien longtemps. En effet, les bucherons manquaient cruellement de vivres à bord du navire, faute à un manque de gestion des garnitures, pourries, données aux poissons à défaut de la manger. Les bars et restaurants n’étaient pas ce qu’il manquait dans la ville, les différentes odeurs pouvaient même perdre un homme, à l’instar d’Alma qui ne savait plus où donner de la tête. Il lui était impossible de faire un choix, désorienté par les odeurs de grillades et des parfums de femmes.

Agacé de tergiverser, il décida au hasard d’entrer dans une taverne. Celle-ci avait même une terrasse qui séduit immédiatement le jeune touriste. Un serveur l’installa à une table de laquelle il pouvait tout observer autour de lui, puis il consulta la carte. Bien qu’au-dessus de ces revenus, les prix étaient assez abordables par rapport à ce qu’il avait déjà vu. Comme attiré par quelque chose, il leva la tête et sous ses yeux, juste là, une femme venait de s’installer à la table d’en-face et consulta la carte à son tour.  Sa beauté était telle que le jeune ne pouvait défaire son regard de cette dernière. Il ne fallut à celle-ci que quelques instants pour remarquer qu’un blond l’épiait du regard.

« Mon dieu qu’elle est belle, dit-il suffisamment bas pour ne pas être entendu. »

Par-dessus tout, même son irrésistible envie de manger, Alma désirait discuter avec cette femme. Un regard, une odeur, une élégance insoupçonnée, c’est tout ce qui a suffit à attiser la curiosité de notre homme. Il fallait avouer qu’il était aussi beau garçon, ou du moins qu’il avait son charme, notamment avec son sourire naïf, presque enfantin.
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« Avez-vous fait votre choix ? questionna le serveur. »

Alma mit un bon moment à comprendre qu’on lui adressait la parole.

« - Euh… Je prendrais la même chose que la demoiselle en face de moi, répond-t-il sans trop réfléchir. »
- Vous manger ensemble ? demanda le serveur, assez surpris par la demande. 
- Seulement si elle le souhaite, continua le blondinet en observant fixement sa belle. 
- La demoiselle accepte, rétorqua-t-elle dans la foulée. »

Il afficha alors un sourire béat, tandis que le serveur resta dans son incompréhension, attendant toujours la commande.

« Alors, la demoiselle prendra une bonne entrecôte saignante accompagnée de ses pommes de terre cuites au four. Le jeune prendra donc la même chose, s’amusa-t-elle de préciser. »

Il n’y a pas l’ombre d’un doute qu’il existe une attirance physique entre ces deux là. Le serveur s’en alla et le jeune homme en profita alors pour entamer la discussion. Il s’agit dans un premier temps des questions élémentaires, à savoir son nom, ses activités dans la vie, sa profession, ses goûts, ses couleurs… Elle s’appelait Anabel Da Fonseca, une demoiselle issue d’une famille riche dont le père fait actuellement fortune dans la construction de navires de guerres. Un type qui a donc du pouvoir.

Elle, ce qu’elle aimait par-dessus tout, c’était dessiner. C’est la raison pour laquelle, initialement, elle était assise toute seule. Regarder les gens passer, observer les commerces vivre, cette rue aux décors fleuris… Toutes ces choses l’inspiraient et c’était un cadeau inestimable qu’elle appréciait chaque jour. À l’écouter raconter ses passions, Alma ne pu s’empêcher d’être charmé par cette femme. Nous pourrions presque dire qu’il la regardait avec des yeux de merlan frit. La commande mettait certes du temps à arriver, mais ce temps était un cadeau des dieux pour notre voyageur. Chaque minute passée à ses côté était bon à prendre.

Une romance naissante ?

Il n’existait pas de sciences exactes à ce sujet. Ce que l’on pouvait en dire avec certitude, c’est qu’une certaine alchimie prenait place entre les deux et que le civil était excité à l’idée d’en apprendre davantage. On pouvait être surprit de la rapidité avec laquelle les choses se sont faites, mais qui pouvait affirmer ne jamais avoir été étonné du feeling rapide et naissant avec une personne ? Alma était du genre à rencontrer que des âmes-soeurs, certes, mais sa démarche était toujours hasardeuse et jamais calculée. Son intention première était de profiter des femmes, de l’alcool et de la nourriture, sauf qu’il n’avait pas prévu d’accrocher aussi vite.

Venaient alors l’entrecôte et ses pommes de terre cuites au four, le tout accompagné d’une carafe de vin rouge. Soucieux de ne pas paraître ridicule, Alma compta ce que tout cela pouvait lui coûter et réalisa que c’était bien au-dessus de ses moyens. Moyens quasiment nuls, rappelons-le. Cependant, pour ne pas gâcher ce merveilleux, il tâcha de ne rien dire et de faire comme si de rien n’était. Il se fichait pas mal de passer pour un moins que rien du moment qu’il passait un bon moment. Puis un échange intellectuel entre deux personnes était bien plus riche que de payer un repas.

« Et toi, Alma, que fais-tu dans la vie, demanda Anabel. »

À cette question, ce dernier ne savait pas tellement quoi répondre. Autant jouer la carte de l’honnêteté, il n’avait pas grand chose à cacher.

« - Un simple voyageur. Je suis originaire d’Endaur et c’est grâce au commerce de bois que j’ai pu me déplacer jusqu’ici. Un sans emploi qui voyage grâce à des bucherons. J’entends bien cesser ce voyage quelque part et monter ma propre affaire, dit-il le regard plongé dans le sien.
- Ta propre affaire ? Quel secteur d’activité ?
- Import/export, restauration car j’en suis passionné… Des petites idées me traversent l’esprit, j’attends d’avoir des fonds pour vraiment y réfléchir.
- Donc ton objectif premier est d’acquérir des fonds ?
- Tout juste.
- Je pourrais t’orienter vers des contacts de mon père, il en a tellement qu’ils ne sait plus quoi en faire. Cela t’intéresserait-il ?
- Et comment !
- Très bien. Je dois m’en aller pour affaire, mais je te propose que l’on se retrouve ici pour vingt-heure. Cette horaire te convient-elle ?
- Parfaitement, chère Anabel.
- Et je paye le repas de ce midi, je n’aime pas me balader avec pleins de billets. De plus, tu es nouveau dans les parages, ça va de soi. »

En réalité, selon Alma, celle-ci savait pertinemment que c’était bien au-dessus de ses moyens et qu’il n’aurait pu payer. Le jeune homme, vexé, remercia tout de même la demoiselle pour sa bonté. Celle-ci s’en alla et le blondinet se retrouva seul face à son dessert, une bonne part de tarte au pomme. Alors à son tour, il apprécia la vue dont il n’avait pu profiter, la cause à cette magnifique femme qu’il avait rencontré. Après cette merveilleuse rencontre et ce délicieux repas, le voyageur se leva et s’en alla également vaquer à ses occupations, à savoir une visite de la ville.
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20h, devant le restaurant fréquenté quelques heures auparavant.

Alma avait passé l’après-midi entière à se balader dans toute la capitale. Il avait également passé l’après-midi entière à repenser à ce repas et à la belle Anabel, qu’il souhaitait revoir avec beaucoup d’envie. Il brulait d’impatience de plonger ses yeux dans les siens. Mais voilà, comme rien ne peut se passer comme on le désire, le voyageur fut étonné de ne pas la retrouver en temps et en heure. Peut-être que ses affaires prennent plus de temps prévu, pensait-il, mais il avait comme un mauvais pressentiment.

En effet, dans l’après-midi, ce vernit vit de nombreux soldats de la marine en pagaille, qui couraient dans tous les sens. En même temps, rien de plus étonnant dans une telle ville. Qui dit grande ville, dit beaucoup de population, dit aussi des criminels en tout genre. Il ne s’agissait probablement que d’un petit voleur. Les gens semblaient heureux dans cette ville. Si fleurissante, si belle, elle n’avait pas l’air de sombrer dans la criminalité. Ce qui préoccupait davantage le garçon était le retard de sa douce.

Intrigué, il se rapproché d’un des serveurs afin de lui demander l’heure.

« 20h20, monsieur. »

Vingt minutes s’étaient écoulées, elle n’avait pourtant pas l’air d’être du genre retardataire, ce qui laissa notre protagoniste dans une profonde réflexion.

« Et vous n’avez pas vu une jolie femme blonde, très élancée, portant un chapeau et une robe blanche, des yeux bleus à s’en noyer dedans et une démarche de mannequin, demanda-t-il légèrement inquiet. Si je n’écorche pas son nom, elle s’était présentée sous le nom d’Anabel De Fonseca. »

Le serveur baissa la tête.

« Un problème ? Votre visage semble présager quelque chose de très sombre, constata Alma. »

Dans un petit périmètre qui l’entoure, les personnes assises à proximité semblèrent écouter attentivement les questions posées, légèrement gênées de la réponse que le serveur va fournir.

« Je… Je ne connais pas cette personne. Je vous prie de m’excuser, les clients attendent, s’empressa de répondre le serveur avant de s’en aller. »

Alma resta statique, sur sa faim, n’ayant pas obtenue la réponse désirée. Toujours aucune nouvelle d’Anabel. Il remarqua néanmoins les personnes, peu discrètes, qui n’avaient cessé de s’intéresser à cet échange avec le serveur. Il resta quelques instants debout, au milieu de toutes ces personnes, ne parvenant pas tellement à comprendre la réaction de son précédent interlocuteur. Il y avait un problème. Il s’approcha d’une table où deux femmes mangeaient, détournaient le regard lorsque celui d’Alma se posa vers elles.

« Mesdemoiselles, pardonnez-moi, dit-il en rapprochant une chaise à la table. Je vous ai vu être attentives à ma discussion avec le serveur, j’imagine donc que vous connaissez Anabel ? Ou du moins que son nom ne vous ait pas inconnu. »

À présent à leur table, les demoiselles ne purent éviter le regard du jeune homme. Elles semblaient assez intimidées, mais surtout dérangées de devoir répondre à ses questions. Une fois de plus, Alma allait se prendre une réponse dont il connaissait déjà la forme, mais il interrompit la scène en frappant du poing sur la table.

« - Écoutez, mesdemoiselles, je suis visiblement le seul à ignorer ce qu’il s’est passé avec Anabel. Après tout, je ne suis qu’un simple putain de touriste. Cette situation commence à sérieusement m’agacer alors…
- Elle… Elle n’est plus de ce monde, répondit l’une d’entre en interrompant le discours d’Alma.
- Elle n’est plus de ce monde ? Vous voulez dire par là qu’elle a quitté l’île ?
- Elle veut dire par là qu’Anabel est morte, décédée, tuée dans des conditions déplorables, reprit la seconde demoiselle.
- Foutaises ! Je l’ai vu quelques heures auparavant.
- Je vous invite à vous rendre au parc qui surplomb l’île, tout en haut de cette falaise que l’on voit de la terrasse. L’accès est normalement fermé étant donné que la piscine y inspecte le recoin et que le cadavre s’y trouve probablement encore. »

Ni une, ni deux, le blondinet s’élança dans une course désespérée pour obtenir la vérité. Il était inconcevable que cette femme se soit faite massacrée. Alors il courra, encore et encore, jusqu’à l’épuisement total. Pas loin de cinq kilomètres englouties en grandes enjambées, arpentant les rues symétriques de la ville. Et comme prévu, il y avait bien une barrière de sécurité avec deux soldats de la marine devant celle-ci. Il s’arrêta pour reprendre son souffle et réfléchir à un moyen d’accéder au parc.

Il n’existait probablement pas d’autres accès, seule celle qui se présentait face à lui permettait de monter au sommet. En effet, au-delà de cette barrière se trouvait des longues marches qui menaient au sommet. Alma ne voyait trente-six-mille solutions et n’avait pas l’intention de réfléchir de midi à quatorze heures. Les soldats discutaient et semblaient ne pas être très concernés par leur mission. En même temps, il y avait probablement plus intéressant à faire. C’est ainsi que le blondinet s’empressa de foncer vers les soldats, qui levèrent la tête au dernier moment, mais ce dernier se trouvait déjà au-dessus de leurs têtes.

« Eh ! Oh ! Vous n’avez pas le droit de passer, s’exclama l’un des soldats. Revenez ici ! »

Trop tard. Partir à sa poursuite signifiait laisser le parc libre d’accès, bien que la barrière suffisait pour la grande majorité de la population. L’un d’entre eux décida néanmoins d’aller à sa poursuite, malgré le fait que leur cible n’était déjà plus dans leur champ de vision. Il faut avouer qu’il était assez rapide le paysan originaire d’Endaur. Même dans l’épuisement, il ne cessa de continuer sa course. Non pour semer le soldat qu’il le poursuivait - et dont il ignorait d’ailleurs qu’il le poursuivait - mais bien pour avoir des réponses.

Le sommet n’était plus qu’à quelques mètres, qu’il arpenta en quelques foulées. Immédiatement, il plongea dans un buisson pour éviter d’être vu. Lorsqu’il vit la foule de personnes présente, il comprit qu’il avait bien fait. Il se déplaça de buissons en buissons pour se rapprocher tant bien que mal. Sa présence ici peut fortement jouer en sa défaveur, car il pouvait être suspecté du crime. Rapidement, les parents de la victime sont reconnaissables, une femme d’un certain âge pleurait dans les bras d’un certain âge au visage assez fermé. Ils étaient tous deux élégamment bien habillés.

« Je n’aurais donc pas mes contacts pour me lancer dans mes affaires, murmura Alma en rigolant avec une mine assez triste. »

Un cadavre était recouvert d’un drap blanc. Le relevé d’emprunte ou toute autre chose lui était inutile, il n’était pas enquêteur. Cela dit, si rien n’était fait, ce dernier avait la ferme attention de retrouver l’assassin. Soudain, un soldat dont il reconnut le visage passa à côté de son buisson. Il s’arrêta même à côté. Le jeune soldat scruta les alentours et ne semblant pas remarquer un quelconque grabuge, il expira un bon coup de soulagement. Il attendit quelques instants avant de redescendre. Inutile de s’inquiéter, Alma n’avait pas l’intention de se faire remarquer et détruire une quelconque carrière.

D’ailleurs, il en avait suffisamment vu puis entendu et décida de descendre à son tour. Paraît-il que son corps est méconnaissable. Descendant les marches cinq par cinq, inutile de décrire la vitesse à laquelle il déboulait à l’entrée de cette falaise, là où se trouvait les soldats. Il passa de nouveau au-dessus de leur, comme si de rien n’était. Ceux-là, dévisageant le touriste, plutôt de surprise que de colère, tentaient d’aligner des mots. Il s’agissait bien là de bleus à qui l’on demandait de faire les corvées. Alma les regarda gesticuler devant lui, le regard assez vide.

« - Pardonnez-moi pour tout à l’heure, messieurs, ce n’était pas quelque à faire et j’en suis pleinement conscient. Cependant, on m’a annoncé le décès de celle avec qui je devais diner ce soir, je me devais d’en être sûr. Il s’agit bien d’Anabel De Fonseca ?
- M-Ma… Malheureusement oui, monsieur.
- Son corps est réellement méconnaissable ?
- Oui, dit le second le en abaissant la tête. Je suis arrivé parmi les premiers à la scène de crime. C’était un véritable carnage.
- Elle peignait la ville, murmura Alma.
- Pardon ?
- Le tableau face à son cadavre, inachevé, c’est elle qui peignait. Du haut de cette falaise, on surplombe toute la capitale, ainsi que la chantier naval et la mer. Inachevé, certes, mais suffisamment entamé pour que l’on reconnaisse les lieux. La seule satisfaction est qu’elle est morte en faisant ce qu’elle aimait. Mais sa souffrance fut probablement incomparable étant donné la boucherie.
- Ce n’est qu’une victime parmi tant d’autres. Enfin… Ce que je veux dire c’est que ce n’est pas le premier meurtre de ce genre. C’est un coup du « bourreau des femmes ». Pour des raisons inconnues, des femmes, plutôt du milieu mondain, se font sauvagement tuer. Que… Que faites-vous !? »

Alma écrivait simplement les quelques informations. Un tueur en série qui s’en prend aux femmes de pouvoir. Aucune description physique, aucun profilage effectué, le criminel était introuvable. Il ne partirait pas avant d’avoir pu mettre la main sur ce salopard. Il pouvait ne pas s’en mêler, sauf qu’il était émotionnellement trop impliqué pour ignorer la chose. S’il envisageait de rester sur l’île, quelles femmes lui resterait-il si une enflure les massacre toutes ? Il était résolu.
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Lendemain matin à bord du navire de bucherons.


« - On ne t’a pas vu hier soir, gamin, s’interrogea l’un des bucherons.
- Des affaires à régler, dit-il en détournant le regard. Il va me falloir y retourner d’ailleurs.
- Le petit aurait-il eu le béguin pour une blissienne ?
- Oui mais non. C’est un peu plus délicat comme situation. Je devais revoir une femme rencontré dans la journée, sauf qu’elle a été assassinée en fin de journée. »

Le bucheron se décomposa instantanément.

« Ne dis rien aux autres, je ne tiens pas à les inquiéter pour si peu de chose. Je rentrerais probablement pour le souper. »

Il afficha un brave sourire qui dissimulait son mal-être intérieur. Il ne savait à l’heure actuelle pas du tout par où commencer. Enquêter n’est pas spécialement son domaine de prédilection et dieu seul savait qu’il y avait un nombre de femmes riches incroyable dans cette capitale. L’argent coulait à flot ici, les gens faisaient fortune rien qu’en manipulant le bois qu’on leur livrait. Des architectes, des charpentiers hors du communs… Bref, c’était délicat. Le tueur ne pouvait agir dans un milieu bondé de monde, Anabel était seule dans ce coin du parc, à l’abri de tout témoin. Alma devait connaître les lieux où les crimes ont eu lieu.

Ainsi, il se rendit à la caserne de la 54ème division pour y obtenir des informations. Il y allait a culot, sans trop espérer recevoir d’informations. Mais il fut rapidement rassuré en voyant un avis de recherche concernant un tueur en série qui correspond parfaitement à celui qu’il recherche. Une collaboration avec la marine est donc possible, inutile de faire cavalier seul. En entrant dans la caserne, le hall d’entrée n’était qu’un énorme carrefour où les soldats courraient dans tous les sens. C’était donc à cela que ressemblait une caserne ? Entre les détenus à transporter, les plaintes, les paperasses administratives… Les soldats ne semblaient pas débordés pour autant. Il s’approcha du guichet en pointant du doigt l’avis de recherche en question au dos du soldat.

« - Bonjour, valeureux soldat, je souhaite enquêter sur le tueur en série.
- Puis-je voir votre insigne de détective ou votre licence de chasseur de prime ?
- Je ne suis qu’un simple civil.
- Que… Quoi ? Pardon ? Je n’ai pas le temps pour ce genre de blague, répondit le soldat en se retenant de rire.
- Monsieur, je n’ai pas le temps de rigoler également. Je vais bientôt quitter l’île et j’aimerais que l’on retrouve ce fumier avant cela. L’aide de tous est recommandée, non ?
- Bien sûr, mais c’est assez dangereux. C’est rare que de simples civils traquent des criminels. Bien. Que voulez-vous savoir ?
- Les lieux où les corps ont été retrouvés, s’il vous plaît. »

Le soldat demanda au blondinet de patienter quelques instants, le temps de vérifier dans les registres.

« Essentiellement la nuit, dans les ruelles assez sinueuses ou carrément dans les chambres des victimes. »

Alma pouvait dès à présent se faire un profil de la victime. Un homme sortant la nuit, plutôt séducteur et bel homme pour toutes les séduire. Ce sont avant tout des femmes séduites par cet homme, à l’exception d’Anabel qui a été abattue en plein travail. 

« Le dernier meurtre ne ressemble en rien à ce qui avait été fait auparavant, se questionna le soldat. »

Le blond se posa également des questions. S’agissait-il d’un imitateur, aussi mauvais soit-il ? Ou simplement un homme jaloux, blessé par Anabel ? S’il s’agissait d’un autre homme, le second était presque impossible à retrouver puisqu’il avait probablement commis son seul et unique crime. Alma comptait d’abord retrouver le criminel recherché dans un premier, confirmer s’il était le meurtrier d’Anabel et si non, il aviserait à ce moment là. Cependant, l’enquête n’allait pas être aussi facile, on ne disposait que de trop peu d’informations, voire aucune en somme.

S’il y avait au moins une description physique… On en déduisait seulement qu’il s’agissait d’un homme entre vingt et trente-cinq à en supposer l’âge des victimes, qui sortait régulièrement et qui était plutôt séduisant pour se retrouver seul avec toutes ces femmes. Autant dire qu’il était peu probable de parvenir à un quelconque résultat avec si peu de données. Alma pensait vadrouiller la nuit, aussi bien par plaisir que pour enquêter, mais l’entreprise était bien trop ambitieuse. C’était comme chercher une aiguille dans une botte de foin.

« - Auriez-vous d’autres choses à me signifier, demanda Alma.
- Hum non. C’est tout ce que nous avons malheureusement.
- Très bien. Je vous remercie pour ces informations, dit-il en partant.
- C’est nous qui vous remercions pour votre aide. N’hésitez pas à nous tenir informé de votre enquête. »

Le jeune homme répondit d’un simple levé de main. Une énième question lui vint à l’esprit, mais il décida de la garder sous le coude pour l’instant. Il décida de se rendre dans les différents lieux des crimes. Et étrangement, comme il s’en doutait, il constata que l’essentiel des meurtres avaient eu lieu dans les quartiers bourgeois de la capitale. Des bourgeoises, donc. Cela limitait la liste des bars, enfin c’est ce que l’on pourrait croire. Durant le long de ses voyages, si Alma avait appris une chose, c’était que les femmes de la haute sphère désirait se retrouvait avec des vilains garçons socialement inférieurs à elles.

Où chercher ?

Les pubs des jeunes travailleurs, où charpentiers, marins et vendeurs se retrouvent, ou bien les bars un peu plus branchés pour les futurs élites du pays ? Il n’avait de toute manière pas les moyens boire un verre dans les bars branchés, alors il avait déjà décidé de se renseigner dans les pubs. Le temps lui était compté, le départ des bucherons approchait à grands pas. Ce soir, les pistes qu’il récolterait devait permettre de plus ou moins retrouver le coupable. L’instant de vérité approchait à grand pas et cela excitait grandement notre protagoniste. Encore une drôle d’aventure dans lequel ce simple paysan s’était fourré totalement par hasard.

Toujours une femme dans ses histoire.
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La nuit tomba enfin. Alma avait passé le reste de sa journée à vadrouiller avec ses camarades bucherons, le temps que celle-ci s’écoula agréablement. Il n’avait pas cessé de penser à cette sordide affaire. Il prit le temps de manger avec ses camarades, qui lui posèrent des tas de questions, auxquelles ce dernier répondit brièvement. Il omit volontairement passé à néant certains détails de sa soirée passée. L’un des bucherons, au courant de l’information, fit l’effort de ne rien dire par respect.

C’était le début du week-end, alors chacun d’entre souhaitait se murger la gueule en souvenir de leur jeunesse oubliée. Certains d’entre eux se réservait même le droit de ranger leurs alliances… Ces vieux goujats, Alma n’était pas spécialement partisan de l’infidélité. Tout le groupe commençait à boire ensemble, puis au fil de la soirée, des tas de petits groupes se formaient. Le blondinet, déjà bien entamé, se retrouva seul assez rapidement. Il entra dans un pub assez animé où femmes et hommes dansaient frénétiquement au rythme de musiques presque insupportables à l’oreille. Fallait être bien ivre ou drogué pour suivre.

Voici qu’Alma est interpellé par un individu.

« Tiens mon pote, c’est cadeau, dit-il en tapotant son épaule. »

Celui-ci avait tendu une pilule au jeune homme, qui semblait avoir déjà vu ce type sans vraiment en être sûr. Peut-être l’effet de l’alcool. Il avala cette pilule à l’aide d’une gorgée de son verre de rhum. Ce n’était pas sa première expérience avec les drogues, alors il pensa pouvoir en contrôler les effets. Mais c’était une grossière erreur. Rapidement, il se sentit porter des ailes, ne contrôlant plus réellement son corps. Cette musique qu’il trouvait sauvage et absurde finit par l’entraîner. Tout autour de lui il vit des allers et venus, des femmes qui partirent accompagnées de jeunes hommes, d’autres qui rentrèrent, ça n’en finissait plus.

Ce n’était pas la bonne approche et Alma le savait pertinemment. Il sentit que la situation lui échappait et cela le rongea profondément. Cela pouvait être n’importe qui. Quelqu’un qu’il avait déjà croisé, tout comme la prochaine victime. Il était en train de devenir fou et il le sentait au plus profond de lui. Il sortit prendre l’air à l’extérieur et jeta son verre. Sa vision était trouble mais il tenta tant bien que mal d’identifier les choses à proximité.

« Quelle idée d’avoir accepté cette foutue pilule, se dit en tenant sa tête. »

Plus le temps passait et moins cela jouait en sa faveur. C’était peine perdue pour ce soir. Il ne pouvait pas observer tout le monde à lui tout seul, même sobrement. Il était inapproprié de suivre des couples d’individus sans raison, d’autant plus s’ils étaient innocents. Le blondinet décida alors de retourner au navire, bien avant ses compères, mais il allait se lever bien avant eux le lendemain matin. À la fin du weekend, ils partaient. Il ne restait plus beaucoup de temps pour mettre un visage sur ce tueur de femmes.
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Le lendemain matin, en milieu de matinée, le chant des mouettes réveilla notre jeune paysan. Celui-ci était complètement secoué par sa courte soirée. Des culs-secs dans la gueule, une drogue, puis c’en était fini de lui. En se levant, ce n’était que quelques-uns de ses camarades qui dormaient sur les hamacs, beaucoup d’entre eux manquaient à l’appel. Mais sans crainte, Alma monta les marches menant au pont principal et, la première chose qu’il vit avec amusement, n’était autre que le reste de la bande. « Une belle bande de tocard », se disait-il.

À l’activité autour de lui, le blondinet comprit aisément que la matinée était bien entamée. Le soleil n’avait pas encore atteint son point culminant pour autant, alors il en déduisit que midi n’était pas encore passé. Il saisit une pomme dans une barquette posée sur un tonneau, puis il s’en alla en direction de la caserne, une fois de plus. Il n’y allait que pour savoir s’il y avait du nouveau sur l’affaire, mais il tomba sur quelque chose de bien plus gros : une nouvelle victime. La victime était là, probablement quelque part à proximité de lui, alors qu’il était drogué.

« - Cela dit, vous devriez aller dormir, vous avez une sacrée tronche, dit le soldat au guichet.
- Le soldat à ce poste hier, il n’est pas là ?
- Ah ! Teddy ? Nope. On tourne tous les jours. Je crois qu’il est sorti lui aussi hier soir, c’te tête qu’il a aujourd’hui.
- Hum ?
- Regardez-le derrière vous, en train de noter les dépositions, c’est à peine s’il est encore éveillé. 
- J’espère pour lui que sa journée est bientôt terminée, dit Alma de manière innocente.
- Haha ! Vous rigolez ! Il termine à 20h le con ! Mouahaha. »

Alma tourna la tête vers le soldat en question qui lui rappela d’étranges souvenirs. Il avait comme l’impression de l’avoir déjà vu en-dehors de la veille dans la caserne.

« Auriez-vous une photo de la victime de cette nuit, s’il vous plaît ? »

Le soldat au guichet lui fila une photocopie de la photo, Alma le remercia avant de s’en aller en jetant un derrière regard vers le fameux Teddy. C’était lorsque le blondinet cessa de le regarder que celui-ci leva la tête pour le regarder partir. Un étrange pressentiment démangea l’esprit de notre enquêteur en carton, qui se rendit dans les différents bars visités la nuit dernière, avec la photo, afin de voir si quelqu’un a vu la victime, et si oui, avec qui. Les barmans voyaient chaque soir des tas de personnes, difficile de savoir avec exactitude s’ils avaient vu telle ou telle personne.

S’en suivit donc une multitude de réponses négatives. Il tournait en rond et cela l’agaçait au plus haut point. Il retourna aussitôt dans le bar où de drôles de choses s’étaient passées. Lorsqu’il franchit le seuil de la porte d’entrée, le barman le reconnu assez rapidement. Apparemment, le blondinet était complètement déchainé sur la piste de danse. Un véritable bout en train. L’effet de la drogue ajouté à celui de l’alcool, c’était apparemment un carburant très efficace. Mais le paysan n’insista pas davantage et alla directement droit au but.

« - Petit coquin, va, dit le barman. Elle t’a tapé dans l’oeil et tu veux la retrouver, c’est ça ?
- Si on veut…
- Malheureusement pour toi, je crois qu’elle est partie bras-dessus, bras-dessous avec un blond, comme toi. Tu aurais pu être son genre mais…
- À quoi ressemblait ce blond, insista Alma d’un ton sec.
- Oula. Tu vas lui régler son compte ? J’dirais légèrement moins grand que toi mais plus massif. Ce n’est pas la première fois qu’il vient ici, c’est un habitué. Il connait pas mal de monde ici, surtout les types de la marine. J’imagine qu’il bosse peut-être avec eux. Puis vu ce qu’il s’est mis dans la gueule hier soir, j’imagine pas sa gueule aujourd’hui…
- Merci, répond le blond de manière assez sèche. »

Pas le temps d’en rajouter qu’Alma avait déjà quitté l’établissement. Il resta statique et songea à tous les éléments en sa possession. Le calepin en main, il nota.

« Un homme, blond, fréquentant régulièrement les bars, proches des marins étant probablement des collègues à ce dernier. »

Puis ses yeux s’écarquillèrent soudainement.

« Le fils de… »

Il réalisa rapidement que son instinct avait parlé pour lui. L’homme qui lui fila ce foutu cacheton et l’homme dans la caserne sont une seule et même personne. D’autant plus qu’il avait justement une gueule de déterré ce matin. Légèrement plus petit que lui, mais légèrement plus épais, la description physique correspond. Il n’avait pas fait le rapprochement, car le type ne lui disait pas grand chose la première fois, puis il était alcoolisé. Alma n’est pas un enquêteur en herbe et son sérieux lui faisait défaut, il en avait parfaitement conscience. En voyant le blond qui l’avait accueilli la veille au guichet qu’il comprit que quelque chose clochait. Les derniers éléments semblent le conforter dans ses doutes.

Sans trop en être sûr, il décida de s’installer dans une terrasse en face du QG, puis d’attendre la fin de service du soldat. La journée allait être très longue mais peu épuisante au moins. Posé sur une terrasse à siroter des cocktails, il y a pire comme job.

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Le soir de la même journée, aux alentours de 20h.


Alma n’avait pas bougé d’un pouce. Sa cible n’avait bougé qu’à proximité de la caserne pour fumer ses clopes. Ce dernier avait donc profité de sa journée pour boire des cocktails, comme convenu, puis une petite assiette à midi pour ne pas tomber dans les vapes. Il était épuisant de rester assis à ne rien faire. Lorsque vingt-heure arriva, Alma se mit en état d’extrême vigilance et observa attentivement les entrées et sorties de la caserne. Lorsque le suspect sortit de la caserne, l’enquêteur amateur le prit en filature et le suivit jusqu’à son domicile.

Cette filature le mena vers un petit immeuble, pas spécialement très luxueux, plutôt modeste, où devait probablement résider le marine. Une lumière s'alluma et s'éteignit quelques petites minutes plus tard. D’après notre blondinet, il était peu probable que le fameux Teddy sorte de chez lui ce soir. Une longue nuit de repos allait l’attendre, tout comme Alma qui avait un peu plus d’heures de sommeil à son actif. Il attendit quelques temps, quelques longues minutes, puis ne voyant aucun mouvement, il décida de retourner sur le navire où les bucherons avaient probablement préparé de quoi manger.

« Que toutes ces femmes mortes me hantent s’il est physiquement capable de récidiver dès ce soir, dit Alma en retroussant chemin. »

Et par curiosité, il décida de repasser à la caserne pour une seule et unique question. Probablement la dernière. Il s’empressa pour ne pas manquer le repas. Mais sur le chemin, il reconnut le type de ce matin, qui rentrait probablement chez lui après quelques cours, ce qui était une véritable aubaine pour notre jeune blondinet. Il alla à sa rencontre, brusquement, faisant sursauter ce pauvre soldat content de rentrer chez lui.

« Bonsoir, dit-il sans la moindre délicatesse. Pardonnez-moi, je ne tiens pas à vous retarder alors je vais être bref. Pouvez-vous simplement me dire quelle est la fréquence de meurtres de ce tueur de dames ? »

Le soldat, surprit, regarda son interlocuteur du coin de l’oeil. Il n’avait pas spécialement apprécié l’approche de ce dernier. Il finit par se détendre en se rappelant qu’il avait déjà Alma dans la matinée, puis que de toute manière la discussion allait être très brève.

« - ‘Hem. Hum… Je n’ai pas les données en tête, mais à priori, jamais deux soirs d’affilés. 
- Peh ! Tu m’étonnes, murmura Alma.
- Hum ?
- Merci pour l’information. Je reviens vers vous dès que j’ai du nouveau, sauf si bien sûr vous en avez avant moi. »

S’il s’agissait d’un membre de la marine, Alma ne pouvait rien leur dire car son suspect serait forcément informé par l’avancée de ce dernier. L’enquête, notre protagoniste l’espérait, permettra dès demain de mettre la main sur l’auteur de ces crimes. Plus déterminé que jamais, il marcha en direction du port, les mains dans les poches, avec tout pleins d’idées.


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Pour faire court, à l’instar de la journée précédente, Alma suivit en filature sa proie. Il attendait le moindre faux pas pour lui bondir dessus. Tout comme la veille, le soldat sortait quelques fois fumer sa mèche, avant de retourner au boulot. Il avait une mine bien plus attrayante, bien plus séduisante. En même temps, il fallait avouer qu’il avait passé une sacrée nuit, mais cela confortait notre enquêteur sur le fait quelque chose allait avoir lieu ce soir.

La pause du midi se finissait, le soldat retournait dans sa caserne. Le paysan allait en profiter pour infiltrer le domicile de son suspect, éventuellement y trouver des pièces à convictions. Honnêtement, un bon criminel ne laisserait rien apparaitre à son domicile, sauf que personne ne soupçonnerait un soldat de la marine. Puis Alma ne l’aurait jamais suspecté sans ces concours de circonstances. Le karma a tourné en défaveur de notre criminel, s’il s’agissait réellement de lui.

Il monta les quatre étages à grandes enjambées, sans problème jusqu’ici. Face à la porte de sa proie, il sortit une épingle à cheveux avec laquelle il crocheta la porte avec délicatesse. Peu éclairé du fait du la faible luminosité qui y passait, l’appartement était tout de même très bien rangé. Pas étonnant si des femmes visaient celui-ci régulièrement. Le lit était convenablement fait, la pièce avait été aérée. Un homme soigné à l’image de la beauté qu’il dégage.

Le jeune homme s’empressa de fouiller les placards, les tiroirs afin d’y trouver des indices. malheureusement, le type était irréprochable. Cependant, un appareil photo attira l’attention de l’enquêteur. Un soldat passionné de photos ? Pourquoi pas, pensa-t-il. Mais où se trouvaient les photos ? En prenant soin de tout ranger comme ça l’était initialement, il s’amusa à tout défaire pour ne rien oublier. Et c’était sous le meuble - qui le contenait le tiroir où se trouvait l’appareil photo - qu’il retrouva des photos.

Alma resta scotché. Il comparait les visages de ses victimes avant et après ses massacres. Un passionné d’art à son paroxysme. Intégrer la marine n’était donc qu’une couverture ? Et pourquoi des femmes de la bourgeoisie ? La réponse viendrait avec le coupable. Des photos suffiraient pour l’inculper ? Probablement mais étant de la marine, Alma craignait qu’il puisse s’en sortir impunément et qu’il pouvait ensuite se retrouver dans un complot qui le mettrait en danger.

Alors il attendait la soirée avec impatience. Il avait déjà prévu un plan.



***


23h, rue de la soif, Bliss.

Alma suivait le suspect de loin pour ne pas attirer l’attention de ce dernier. Cette fois-ci, aucune goutte d’alcool, pas de drogue, seulement sa sobriété, sa canne et son bob. Pour l’instant, le soldat, en tenue civile mais festive, semblait réfléchir au lieu où se rendre. Peut-être réfléchissait-il à sa victime de la nuit ? La rue était bondée de monde, on pourrait presque croire que l’on fêtait un évènement particulier, sauf que c’était habituel dans ce royaume.

Facile de se dissimuler, mais aussi facile de perdre la trace de sa cible. Alma était sur le quai vive, à l’affût du moindre mouvement. Teddy rentra dans un bar assez tendance de la ville, à en juger par le nombre de personnes et la musique, mais notre enquêteur ne prit pas la peine d’y entrer. Il allait attendre sagement l’extérieur, bien que la tâche soit forte ennuyante, mais il ne pouvait pas se permettre de gaffer sur la dernière ligne droite. Alors il attendait patiemment sans rechigner.

C’est au bout d’une heure, peut-être plus, que le soldat sortit de l’établissement accompagné d’une charmante demoiselle. Il devait être minuit passé, peu probable de rentrer à cette heure-ci. Ils allèrent dans un autre établissement tout aussi bien fréquenté, dans lequel ils dansèrent comme des êtres frénétiques. Le séduisant soldat transpirait à grosses gouttes, l’effet de la drogue ou de l’alcool se faisait ressentir. La soirée n’allait peut-être pas si longue.

La demoiselle était encore plus déjantée, ou plutôt droguée, elle titubait et peinait terriblement à tenir debout. C’est sans compter sur Teddy pour la maintenir sur ses deux jambes, quel gentleman ! Et cela avait duré jusqu’à trois heures du matin. Alma était assommé par son inactivité, il souhaitait profondément retrouver son hamac. Les activités nocturnes de la ville battaient encore à leur plein, la foule était encore bien présente, mais le couple que suivait le blondinet n’était plus apte à faire quoique ce soit.

Alma connaissait parfaitement le chemin, c’était celui qui menait à l’appartement du marine. Plus on s’approchait de chez moi, moins de monde il y avait. Connaissant l’itinéraire, notre jeune enquêteur se permit de les perdre de vue pour mieux les prendre en filature. Il arriva à l’appartement et fut de suite rassuré quand il entendit la demoiselle rigoler bêtement aux blagues de son prédateur. Le paysan était gêné d’entendre certaines choses. Il monta rapidement les étages lorsqu’il entendit la porte se claquer.

Calé derrière elle, il y colla son oreille pour entendre le moindre bruit suspect. Chose à savoir : Alma avait missionné un de ses camarades pour qu’il alerte la marine dès qu’il quitterait la rue de la soif, à l’adresse indiqué sur un bout de papier laissé par le blondinet. Pour l’instant, silence radio. Il commençait à sérieusement s’impatienter. Il se disait même que la seule nuit où il allait bien s’occuper d’une femme, fallait que ce soit ce soir-là.

Mas heureusement, ou non, la femme hurla. Alma défonça la porte, dégaina la lame cachée dans sa canne et la brandit en direction de son suspect, ou du mon de son asticot qui pendouille. La demoiselle avait quelques éraflures mais visiblement rien de bien grave. Teddy, sans gêne, regarda Alma avec beaucoup d’insistance en se levant vers ce dernier.

« Et puis quoi ? Tu penses avoir gagné ? Je vais simplement te tuer et m’occuper de la demoiselle ensuite. Tu ne n’empêcheras de réaliser mes desseins, insista Teddy. »

Alma se contenta de reculer sans rien dire. Il rangea même sa lame quand il entendit des pas monter. Les soldats de la marine arrivèrent, au nombre de trois, stupéfaits de retrouver leur collègue à poils.

« - Mais Teddy, qu’est-ce tu fous à poils ?
- Je suis chez moi, répondit-il.
- Messieurs, la demoiselle est dans la pièce à côté. Je vous invite également à regarder sous la table de chevet.
- Les gars, un pas de plus et je vais sérieusement m’énerver, reprit Teddy. »

Phrase à ne pas dire puisqu’ils sortirent tous leurs armes. Il resta immobile et lâcha son couteau. L’un des soldats vérifia la chambre et y trouva la demoiselle, ainsi que toutes les photos cachées sous le meuble. Ils étaient à la fois sous le choc, méfiant, ne sachant pas trop comment agir. Ils finirent par le saisir, le mettre les menottes et lui foutre une de leur veste pour le couvrir. Avant qu’ils ne quittèrent la pièce, Alma intervenu.

« - Dis, Teddy, c’est toi qui responsable du meurtre d’Anabel ?
- La jolie blonde massacrée dans le parc ? Tsss… Je n’ai jamais réussi à l’approcher, pas à son goût.
- Je vois. Bon séjour. »

L’un des soldats demanda à Alma de passer dans la caserne le lendemain pour la récompense. Finalement, il ne trouvera jamais l’assassin de sa belle Anabel. Enfin, c’est ce qu’il croyait mais la vérité est toute autre. Le lendemain, un homme se suicida en avouant son crime. Fou amoureux d’Anabel, il n’avait pas accepté qu’elle pouvait se rapprocher d’un autre homme. Trop lâche pour s’attaquer à l’homme, qui n’était autre qu’Alma, il préféra massacrer sa belle. Une sordide histoire que le blondinet ne risquait pas d’oublier.

Il n’allait certainement pas rester sur cette île.



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