Port de Jaya, 1627.
« - Tu es sûr de vouloir y aller ? demande Suelto.
- D’autres choix s’offrent à nous ? rétorqué-je.
- Tu pourrais…
- Inutile. Je suis résolu à me rendre là-bas. Sûr de ma réussite ? Absolument pas. Que vaut une vie sans danger ?
- Une vie où tu vis avec ceux que tu aimes, simplement. »
Cette réponse laisse un blanc.
Vêtu d’un costume trois pièces, gris, d’un chapeau de la même couleur et d’une mallette, je m’apprête à partir en direction de Marie-Joie. Ce sont les derniers mots que j’échange avec Suelto avant un bon moment. Toute communication sera rompue. Je serais presque seul face aux plus grandes bêtes de ce monde. Ma vie ne tiendra plus qu’à un fil et ça sera ainsi. Kardelya m’a fait ses adieux la veille mais n’a pas souhaité me voir aujourd’hui, comme Mibu qui la suit partout.
Othar me prend alors dans ses bras et me murmure quelques mots avant de se retirer :
« Ne meurs pas, petit frère. »
Qu’est-ce que ça pouvait bien signifier ? J’ai déjà ressenti d’étranges choses à son égard. Que l’on soit clair, quand je dis « ressentir », ça n’a absolument rien de sexuel. Disons seulement qu’un lien nous unit. Je me posais la question et j’ai cessé de m’interroger là-dessus, mais ses dernières paroles remettent tout en cause. C’est assez explicite en même temps. L’aube se lève, alors peu de personnes sont présentes, puis peu savent que j’ai changé de tronche. Du héros de Jaya, je passe pour un simple individu qui s’en va.
Seuls les représentants de l’île, mon équipage et Othar savent que je suis en réalité Ragnar. Bref. Il est temps pour moi de tous les quitter. De légères, voire grandes accolades, puis je monte sur ce petit rafiot où se trouve déjà Marcel. Qui mieux que mon navigateur peut m’emmener à la station la plus proche. En effet, l’Umi Resha traverse toute cette voie de Grand Line avant de rejoindre le réseau de Marie-Joie, il suffit simplement d’avoir acheté son billet.
De manière assez anormale, Marcel est particulièrement bavard. Il me raconte des histoires de sa vie, me pose des questions sur la mienne, chose assez inhabituel chez cet individu normalement peu expressif. Je ressens des sentiments également peu habituelles en lui, une goutte de tristesse saupoudrée d’inquiétude. Je m’approche alors de lui en tapotant son épaule, comme le ferait n’importe quel ami dans cette situation.
« On se reverra Marcel, on se reverra. Tâchez d’être prêts quand le moment sera venu, dis-je en fixement l’horizon où une île est visible »
Je compte bien revenir et continuer notre projet. Et pour continuer ce projet, j’ai besoin d’hommes compétents. Dès lors que j’aurais trouvé la localisation de Mandrake, nous devrons monter une armada le plus rapidement possible et partir le secourir. Que dis-je ? L’armée doit déjà être en train de se construire. En plus des hommes que la révolution me fournira, je devrais jouer avec mes diverses relations pour agrandir ma flotte.
L’île se rapproche grandement. Marcel me dépose et semble assez tourmenté à l’idée de me laisser seul.
« Ragnar… J’ai l’impression de lâchement te laisser à la morgue. »
Je le saisis par l’arrière de sa tête et colle son front contre le mien.
« C’est toi qui ira en direction de la morgue si tu ne deviens pas plus fort à mon retour, dis-je d’un air presque mesquin. »
Je ramasse ma mallette au sol et m’en vais sans me retourner.
« Ta seule mission est d’être le meilleur navigateur pour le meilleur révolutionnaire. »
Le navigateur resta bouche-bée, immobile, jusqu’à ce que je disparaisse de son champ de vision. Les adieux, j’ai du mal avec ça. Je préfère être bref et me focaliser sur la mission. Surtout dans l’antre du diable où la moindre inattention me coutera la vie et probablement la chute de la révolution avec moi. Tu me diras, je ne tombe pas tout seul au moins, hùhù. Nous y sommes pas encore, j’entre à peine dans le train où le contrôleur s’empresse de récupérer mon billet.
Plus possible de faire machine arrière, c’est parti pour la mission la plus difficile de ma carrière.
Dernière édition par Ragnar Etzmurt le Lun 4 Juin 2018 - 17:43, édité 2 fois