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C'est pas exactement ce qui était prévu...

Cinq minutes. Krypt se tenait caché dans l’ombre dans une petite ruelle non loin d’une des principales rues de Manshon. Au-dessus de lui une arche en pierre voilait le ciel qui commençait lui-même à se couvrir de lourds nuages noirs. L’atmosphère était pesante et sombre, sur les bâtiments se lisaient encore les traces des combats qui avaient ébranlés la ville il y a deux ans de cela. Elle ne s’en était visiblement pas encore remise et il faudrait du temps à ses habitants pour tout reconstruire et se relever de ces terribles événements. Personne n’a été épargné et la mafia elle-même a été durement touchée, se remettant lentement depuis. Ces événements avaient marqué la fin de son âge d’or et le commencement de son déclin, mais il était temps que leur domination cesse définitivement. C’était la raison de la présence du Baron Corbeau à Manshon en ce début d’année 1627.

Quatre minutes. Le temps filait à toute vitesse et chaques secondes rapprochait Krypt de son objectif. Depuis des mois, il espionnait les Tempiesta depuis l’ombre. Il avait passé de longues nuits à suivre différentes pistes dont la plupart ne le menaient à rien, il en avait tellement suivi que d’autres à sa place auraient déjà abandonné. Mais petit à petit, les pistes se précisèrent : un dealer le mena à l’un des chefs de gang qui récupéraient l’argent versé par ceux qui désiraient la protection de la Famille. Ce chef de gang reversa l’argent à un comptable et Krypt décida de suivre cet argent pour dénicher sa perle rare.

Ce ne fut pas sans mal et il crut perdre la piste une ou deux fois, mais en soudoyant ou menaçant les bonnes personnes, il finit par arriver à ses fins. Que l'on jouisse de la protection des Tempiesta ou non, la langue se délie bien vite lorsqu'un inconnu vous pose quelques questions en pointant une arme sur vous.

Dans une petite rue tranquille vivait Eliott Manbino, un petit homme chauve d’un certain âge. Il était comptable de profession et n’était pas du genre à faire du mal à qui que ce soit. Malheureusement pour lui, il travaillait directement sous les ordres de Leonardo, le nouveau comptable qui gérait toutes les affaires des Tempiesta… la cible de Krypt.
En arrivant à Manshon, le jeune baron ignorait totalement que le précédent comptable, Lawrence, avait été tué par un pirate du nom de Daemon. Cette découverte avait considérablement compliqué l'opération, Leonardo étant bien plus doué que son prédécesseur pour assurer sa sécurité et cacher ses traces. Plus doué, mais pas infaillible, et la faille, Krypt l’avait trouvé.

Trois minutes. Sous l’arche étaient camouflés des explosifs destinés à augmenter les chances de survie de Krypt. Ils avaient été posés par un petit groupe de malfrats engagé par Krypt. Bien entendu s’ils avaient su que ces explosifs étaient destinés à faire tomber une arche de pierre sur l’escorte de Leonardo ils n’auraient pas travaillé avec autant de zèle, ils auraient plutôt été du genre à décliner l’offre à coups de poing. Mais par les temps qui courent les possibilités de se faire quelques berrys facilement n’étaient pas si nombreuses. Krypt s’était arrangé pour que la somme proposée leur fasse passer l’envie de poser des questions gênantes et pour qu’elle assure que le travail serait fait et bien fait.

Deux minutes. Plusieurs d’entre eux se trouvaient encore dans les parages, prêts à proposer aux habitants de Manshon un petit feu d’artifice. Une panoplie d’explosifs était disposée dans la ruelle principale pour obliger l’escorte à se mettre à couvert dans la ruelle. Krypt devra alors bondir pour saisir Leonardo au moment précis où l’arche s’effondrera sur l’escorte et le colosse qui sert de garde du corps à l’expert-comptable, permettant ainsi au jeune baron de s’enfuir avec sa cible. C’est Ghoul qui lancera le signal de l’action, les malfrats avaient tiqué lorsque leur nouvel employeur leur avait annoncé que Ghoul était un corbeau, mais ils avaient décidé de ne pas contredire celui qui allait améliorer leur quotidien. Quand le corbeau croassera, ils allumeraient les mèches puis ils toucheraient leurs gains, point barre. Bien entendus, ils s’étaient d’abord dit qu’il suffisait d’égorger le jeune infirme et de dépouiller son cadavre pour toucher leurs gains sans se fatiguer, mais Krypt et sa lame étaient parvenus à les convaincre du contraire. Ghoul était perché sur un toit, surveillant la rue principale et l’escorte qui s’approchait.

Une minute. Eliott était un gars bien et il avait refusé d’apprendre quoi que ce soit à Krypt lorsque celui-ci avait posé la question pour la première fois. Une nuit entière à discuter dans sa cave l’avait convaincu que ses réticences n’avaient pas lieu d’être et qu’il était bien plus avantageux pour lui de parler. Une fois lancé il ne s’était pas arrêté, et quelle ne fut pas la surprise de Krypt d’apprendre que non seulement Leonardo avait un déplacement prévu pour un rendez-vous de la plus haute importance, mais qu’en plus Eliott était un grand curieux qui était parvenu à connaître l’itinéraire de l’expert-comptable en écoutant aux portes. Un bien vilain défaut pour un homme de son âge. Une fois qu’il avait déballé tout ce qu’il savait le jeune baron s’était assuré qu’il ne pourrait plus jamais le répéter à personne.
Il avait alors mis en place cette petite sauterie.

Un plan simple est toujours plus efficace parce qu’il laisse moins de place à l’imprévu et qu’il est facile à retenir. Néanmoins, Krypt préférait toujours en revoir mentalement chaque détail avant d’agir, pour s’assurer de ne rien oublier. Et son compte-rendu était encore incomplet.
Quelque part sur les toits une paire d’yeux l’observait. L’un des malfrats à n’en pas douter, chargé de s’assurer que le généreux employeur n’oubliera pas de payer la somme promise une fois l’opération achevée. Peut-être même l’enfant qui était caché derrière une pile de caisse lorsque le marché avait été conclu et qui avait tout fait pour que le jeune baron ne le repère pas. Mais il n’avait pas reçu une formation d’assassin lui : lorsqu’on se dissimule quelque part, il est essentiel de maîtriser parfaitement son corps. Pas de mouvements parasites, une respiration posée et discrète, pas de reniflements… tout un tas de détails essentiels.

Un long croassement sonore s’éleva vers les cieux et un oiseau noir s’envola depuis l’un des toits. Certains prétendent que ce genre de volatile porte malheur...

Krypt appliqua ses propres conseils à lui-même pour paraître presque invisible dans l’ombre.

Le temps était écoulé, les premières explosions retentirent.


Dernière édition par Krypt SombreRivage le Mer 27 Juin 2018 - 17:30, édité 6 fois
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Dans quel merdier je me suis encore fourré…


« … Allez sur Manshon ? Aaah, désolé Kagami… Mais j’dois retourner chez moi, ça fait pratiquement un an que je n’y ai pas mis les pieds et ma famille me manque un peu. »

« … Euh… Désolé. J-je ne peux p-pas t’acc-ccompagner. Mon pè-père s’est enc-core blessé… Je d-dois tenir sa bou-boutique en son abs-sence… Encore dé-désolé Ka-Kagami »

« Pas envie. Va t'faire foutre. »


Et voilà comment je m’étais retrouvé seul sur l’île de Barnaros, dans la célèbre et immense ville de Manshon. Pourquoi celle-ci ? Il ne me restait pas assez de temps au niveau de ma permission pour changer de mer et les destinations intéressantes sur North Blue n’étaient pas légion. Mon envie première fut Inu Town et sa station thermale, mais ma curiosité pencha pour un choix peu orthodoxe. Quelle idée de vouloir faire du tourisme dans le berceau de la mafia ? Eh bien… J’avouerais avoir été attiré son histoire et les différents événements qui s’y étaient déroulés. Et, de toute façon, c’était surtout un endroit qui m’était inconnu, donc je devais d’y mettre les pieds afin de m’approcher un peu plus de mon rêve.

Ma première destination, après être débarqué fut la garnison de la 257ème division afin de notifier ma présence, histoire de ne pas avoir le même problème que sur Suna Island, et de me renseigner sur les choses à faire… Et à ne surtout pas faire. Je craignais beaucoup le fait de me retrouver empêtré dans une altercation avec la pègre et, par le fait même, m’attirer des ennuis indésirables. Je fus accueilli par un sous-lieutenant qui, après avoir été attentif à mes demandes, me fit l’historique complet des évènements passés depuis son affectation… Il y a plus de vingt ans ! On pourrait s’attendre à un discours complètement soporifique, mais que nenni ! Je craignais beaucoup le fait de me retrouver empêtré dans une altercation avec la pègre et, par le fait même, m’attirer des ennuis indésirables. Je savais quels endroits je devais éviter et surtout quelles personnes je ne devais surtout pas rencontrer.

Deux heures plus tard, je fus enfin libéré et pus finalement me balader dans la ville et mon prochain objectif était simple : trouver de quoi manger. Fallait dire, écouter un vétéran, ça creusait pas mal ! Heureusement, il m’avait conseillé un petit restaurant au centre de la ville, à croire qu’il la connaissait comme sa poche. Je suivis alors sa suggestion sans pour autant me plier aux directions qu’il m’avait indiquées et je m’engouffrai sans carte ni plan dans ce dédale de pierres, les mains dans les poches et la capuche sur la tête. C’était parti pour l’exploration !

Pendant pratiquement toute la fin de la matinée, je déambulai dans les rues en sifflotant, le plus souvent les yeux au-dessus de la ligne d’horizon afin d’observer l’architecture des bâtiments. Elle n’avait rien à voir avec celle de Boréa, ni même de Tanuki. Le ton comme les matériaux restaient bien souvent les mêmes : de la pierre, un peu de bois et de l’ardoise. Le tout rendait l’ambiance lourde, morne et triste… Sans parler des nombreuses ruines croisées sur le chemin, cicatrices encore vives du blocus effectué par la Marine. Plus on se rapprochait du centre-ville, plus les séquelles des affrontements se faisaient présentes et graves. Pour rajouter au tableau déjà bien terne, au détour de plusieurs ruelles, des cris, des pleurs et des râles me parvenaient aux oreilles, me faisant grincer les dents et serrer les poings. Je n’étais pas là pour régler les problèmes… Ma petite personne n’y changerait rien, de toute façon.

Je finis alors par me retrouver dans l’une des artères principales de Manshon, non loin de ma destination. Je pris quelques secondes où je me stoppai pour balayer du regard toutes les enseignes des bâtiments et finit par remarquer le fameux restaurant. La devanture sortait du lot avec sa couleur beige, son bois foncé et l’odeur alléchante qui s’en dégageait me donnait l’eau à la bouche. Nickel ! Je commençai à m’auto-digérer. Je m’élançai alors vers celui-ci sans vraiment faire attention aux alentours. Qu’est-ce qu’il pourrait bien se passer ?…

Soudainement, un croassement plusieurs explosions retentirent en avant et à l’arrière de ma position, réduisant en poussière les bâtiments à peine remis sur pied. La panique envahit la population qui, encore sous le choc de l’ancienne attaque, s’éparpilla en hurlant. Les civils se bousculèrent violemment, tentant désespérément de sauver leur peau au moment où, sortant du nuage de poussière et de poudre, plusieurs personnes apparurent et semblaient fondre vers un autre groupe composé d’un… Grand homme ou d’un petit géant. Eh merde ! Pourquoi rien ne pouvait se passer tranquillement ?

Je ne savais plus où donner de la tête : aider les civils à se calmer et à trouver la sortie, ou me mettre sur la route de ces possibles agresseurs. Putain, Kagami ! Réfléchis vite… Le temps que tu passais à hésiter, des gens se faisaient piétiner et les futures victimes s’engouffraient dans une ruelle… Bordel ! Heureusement pour moi, le ton autoritaire, caractéristique d’un membre des forces de l’ordre, m’ôta complètement le doute. Je remarquai plusieurs collègues dans la cohue qui s’efforçaient de calmer tout le monde… Merci les gars, je vous revaudrai ça une fois que j’en aurais terminé.

Sans difficulté, je me frayai un chemin vers les fuyards, ramassant au passage quelques passants au sol, et je me retrouvai dans la petite rue. Rapidement, je retrouvai les poursuivants qui coursaient toujours les mêmes personnes en hurlant des choses et d’autres. Vite ! J’essayai de les rattraper le plus vite possible, courant à m’en rompre les ligaments… Mais je finis par les rejoindre, ceux-ci s’arrêtant d’eux-mêmes, ce qui se répercuta sur les autres personnes qui ralentirent et… Une autre explosion provoqua la destruction de l’arche sur laquelle ils étaient.

Dans un réflexe surhumain, le petit géant poussa son groupe en dehors du point de chute et se retrouva seul enseveli sous les gravats. Merde ! Fallait l’aider, et au plus vite ! Enfin… Au moment où j’allais m’élancer, l’un des survivants indemne tira en ma direction, m’obligeant à esquiver. Nan… Ils me prenaient pour l’un de leurs poursuivants. L’envie de dissiper le quiproquo me passa par l’esprit, mais le déluge de balle l’effaça complètement, remplacée par mon instinct de survie. Je décrochai mes deux sabres et ne fis aucune distinction : je tapai dans le tas. Aucun d’entre eux ne me posa problème et l’affrontement ne dura pas longtemps. À part du tissu déchiré et quelques estafilades dues à des esquives un peu trop juste, aucune blessure grave n’était à déplorer de mon côté. De l’autre, tout le monde était à terre… Non, pratiquement tout le monde. Il restait une autre personne debout, un pistolet à la main, un de mes fourreaux à deux centimètres de son visage... Qui me terrorisa. Mon cœur loupa un battement, une détonation retentit et je me retrouvai à plusieurs mètres de lui, le flanc entaillé par une balle.

Putain… Non… Pourquoi ? Je devais pourtant éviter tout contact avec eux… Pourquoi je devais toujours me retrouver dans la merde ? La personne devant moi… C’était… C’était…

« HAUDAURE ! DÉBARRASSE TOI DE CETTE ENCULE ! »

Les gravats derrière lui volèrent en éclats, laissant entrevoir le visage intact de la montagne. Elle se dépêtra sans problème, même pas un haussement de sourcil et se plaça devant son protégé, me fixant dans regard morne et vide. Manquait plus que ça… Vite, fallait que je prenne la fuite. Je ne voulais pas du tout l’affronter, on me l’avait fortement déconseillé… Je ne voulais pas finir en charpie.

Le gros problème fut qu’à peine eu-je lancé un regard derrière moi pour vérifier que la voie était toujours libre, le dénommé Haudaure réduisit la distance entre lui et moi en quelques foulées et tenta d’abattre lourdement son poing contre mon crâne. Pris de vitesse, je ne pouvais qu’opposer un de mes katanas pour me protéger… Mais pas assez. L’impact fut tel que je fus projeté sur plusieurs mètres et j’effectuai pratiquement la même distance une fois au sol. BORDEL ! C’était bien la première fois que je prenais un coup aussi fort… J’étais sonné, je me relevai assez difficilement à l’aide de mon arme, je voyais flou… Ce con avait touché ma tempe… Putain, Je ne pensais pas qu’il était aussi rapide…

Hein ? Attends… Je plissai les yeux. Mais c’était qui ce type là… Derrière tout le monde… Il venait d’où ?... Putain, personne ne l’avait remarqué. C’était peut-être ma porte de sortie. Je pointai soudainement du doigt derrière les deux personnes et criai :

« ATTENTION ! DERRIÈRE VOUS ! »

Prêt à partir dans l’autre sens. Désolé, qui que ça pouvait être… Mais je voulais éviter tout conflit avec la mafia et surtout la famille Tempiesta.


Dernière édition par Kan Kagami le Jeu 31 Mai 2018 - 15:14, édité 2 fois
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Les malfrats avaient décidé de faire du zèle et de poursuivre les mafieux dans la ruelle… Après tout, c’était leur vie qu’ils risquaient et ils attiraient l’attention de l’escorte, ce qui ne pouvait que faciliter la tâche de Krypt. Et, tout bien réfléchi, il avait certes promis de les payer une fois l’opération terminée, mais s’il se trouvait qu'ils étaient tous morts après ladite opération ça ne serait pas de sa faute. En aucun cas. Et personne ne pourra l’accuser de ne pas avoir respecté sa promesse…

Un léger sifflement se fit entendre au-dessus de sa tête. Une mèche allumée… les explosifs… l'arche ! Évidemment, soucieux de bien faire, tous les malfrats avaient allumé leurs mèches avant de poursuivre leur cible. En oubliant que cette mèche-ci devait être activée quelques secondes après ! Dans une opération, le timing était primordial et là, c’était foiré.

L’escorte déboula dans la ruelle avec Haudaure à sa tête qui était en train de communiquer via Den Den Mushi. Les renforts n’allaient sans aucun doute pas tarder, mais rien n’était encore perdu. Comme le jeune baron s’en doutait, le garde du corps repéra la mèche trop tôt et s’arrêta brusquement dans sa course, avant d’attraper Leonardo par le col et de le propulser sur quelques autres mafieux qui reculèrent sous le choc. Au même moment, l’arche explosa et Krypt se jeta à son tour sur le côté. Il fut recouvert par le nuage de poussière que les gravats soulevèrent et resta au sol, immobile. Au moins le garde du corps avait été enseveli et Leonardo était hors de danger. Donc le plan n’était pas un fiasco total… pour le moment. Plusieurs coups de feu retentirent, suivis de hurlements de douleur. Krypt n’aurait donc plus besoin de s’inquiéter de la paie des malfrats.

La poussière se dissipa et Krypt put enfin distinguer ce qui se passait. Et comprendre par la même occasion que décidément rien, mais alors rien du tout ne se déroulait comme prévu. Debout dans la ruelle, se tenait un jeune homme, un sabre dans chaque main, et tout autour de lui les corps des mafieux et des malfrats. Leonardo ! Si ce fou, en tailladant dans le tas, avait tué Leonardo alors Krypt aurait échoué en beauté ! Des mois de préparation pour un retour à la case départ. Mais les inquiétudes du jeune baron s'estompèrent rapidement lorsqu'il constata que les lames du sabreur n'étaient pas dégainées. Il avait mis hors de combat tous ces hommes en gardant ses lames au fourreau... Pourquoi ne les avait-il pas tué ?? Ça lui aurait éviter de retenir ses coups et lui aurait facilité la tâche ! Alors pourquoi les avoir épargnés ?

Le jeune baron tenait toujours sa canne contre lui et il se releva lentement. L’attention de l’homme était visiblement retenue ailleurs. Un autre coup de feu retentit et il recula violemment, visiblement touché par une balle. Le tireur n’étant autre que Leonardo : bonne nouvelle ! Leonardo appela Haudaure à son secours : mauvaise nouvelle… Si Krypt était assez rapide, il pourrait s'emparer du comptable avant que...

Le jeune baron se jeta sur le côté pour la seconde fois en quelques secondes au moment où la montagne de gravats explosa. Haudaure jaillit de sous les décombres avant de se placer devant son employeur. Plusieurs morceaux de pierre retombèrent autour de Krypt, quelques-uns le touchèrent mais ils étaient bien trop petits pour le blesser. À l’inverse d’un gros morceau qui lui s’était écrasé sur le sol à quelques centimètres de la tête du jeune baron et qui aurait mit définitivement fin à ses plans.

Haudaure avait engagé le combat juste après s’être assuré que son protégé était indemne et l’homme au sabre venait d’encaisser un coup-de-poing qui aurait lui aussi mit fin aux plans du jeune baron s’il avait été à la place de l’inconnu. Haudaure était donc aussi fort que prévu : mauvais mais pas surprenant. En revanche, l’inconnu semblait capable de lui tenir tête d’égal à égal. Un ennemi dangereux de plus… Et qui n’était pas du tout prévu lui.

Krypt évalua la situation et finalement un léger sentiment de satisfaction l’envahit. Il allait pouvoir laisser les deux combattants s'entre-tuer et fuir tranquillement avec sa cible. Car cette cible se tenait à plusieurs pas derrière Haudaure et à quelques mètres à peine de Krypt. Qui plus est toute son attention était focalisée sur le combat. C’était le moment ! Krypt bondit dans la direction de Leonardo, prêt à asséner sur le crâne du jeune expert comptable un coup qui le rendrait assez docile pour permettre à son agresseur de l’emporter sans soucis.

- ATTENTION ! DERRIÈRE VOUS !

Là, ça tenait carrément du domaine de l’acharnement. Au cri du sabreur, Leonardo se retourna et, voyant la canne de Krypt se rapprocher de son visage, il eut un réflexe de défense élémentaire : il se jeta à son tour sur le côté et appuya en tombant sur la détente. Le tir était maladroit et la balle se ficha dans le mur, mais le coup de feu suffit à déstabiliser Krypt qui modifia quelque peu sa trajectoire pour éviter d’être touché. Ce faisant, sa mauvaise jambe cogna contre le corps du comptable au sol et Krypt, déséquilibré, finit le nez dans la poussière pour la troisième fois.

Un croassement d’avertissement retentit depuis les toits, Ghoul protégeait les arrières de son maître. Krypt roula sur lui-même, esquivant ainsi la main d’Haudaure qui s'abattait vers lui. Leonardo se trouvant juste en dessous, le garde du corps avait tenté d’empoigner l’agresseur plutôt que de l’écraser. Le jeune homme se releva pour faire face et bondit immédiatement sur le côté, évitant un second coup. C’était mal engagé, même sa Danse avec la Mort ne parviendrait pas à lui permettre de s’en sortir indemne face à un tel adversaire. Il fallait qu’il trouve une solution. Rapidement.

Esquivant un troisième coup de justesse, Krypt se tourna vers le sabreur. Ce dernier avait profité de sa diversion pour fuir jusqu’à la rue principale, mais revenait en courant dans leur direction. Mauvais signe, les renforts ne devaient pas être bien loin derrière. C’était à cause de cette fameuse diversion que Krypt se trouvait dans cette situation, alors il allait lui rendre la pareille. Après tout, si le jeune baron s’éternisait un peu trop ici, il n’aurait bientôt plus aucune échappatoire.

Un quatrième coup-de-poing vint frapper le mur à quelques centimètres du jeune baron, le fissurant profondément. Il n’avait plus le choix, il ne lui restait plus qu’à prier pour qu’un coup de bluff suffise à distraire Haudaure. Il cria en direction du sabreur.

- JE NE TIENDRAIS PAS LONGTEMPS ! TUE LEONARDO ! VITE !

Ce dernier était entrain de se relever et, en entendant Krypt et en voyant le sabreur courir dans sa direction, il paniqua de nouveau.

-HAUDAURE ! BUTE L’AUTRE ! L'AUTRE, JE TE DIS !!

À cet ordre, le colosse se retourna d’un coup sec et repéra sa nouvelle cible. Craignant de ne pas arriver à temps pour l’arrêter et sauver son patron si jamais il prenait le temps d’achever Krypt, il se détourna complètement du jeune baron et chargea en rugissant. Une occasion en or ! Pendant que Leonardo cherchait désespérément du regard son arme qu’il avait laissé tomber, Krypt plongea la main dans son manteau et en sortit la sienne qu’il pointa en direction d’Haudaure. Il pressa la détente et la balle jaillit, atteignant le garde du corps en pleine charge au moment où il allait entrer en contact avec le sabreur.

Ce dernier empoigna ses lames aussi sec et dans un mouvement si rapide que Krypt eu du mal à le percevoir et sans s’arrêter, il frappa à son tour. Haudaure s’effondra au sol en grognant. Le jeune baron en profita pour courir vers Leonardo qui se penchait pour s’emparer de son pistolet et lui asséner un puissant coup de pommeau qui le fit s’effondrer. Il le souleva et le maintint sur son épaule comme s’il s’agissait d’un lourd sac de provisions. Les bruits de pas et les cris des renforts se rapprochaient dangereusement et à grande vitesse, il était temps de mettre les voiles. Krypt se retourna vers le sabreur qui représentait toujours une menace potentielle et constata qu’il avait posé une main sur le mur d’une des maisons et qu’il poussait. Chose encore plus surprenante le mur s’enfonçait sous la pression, créant progressivement une ouverture.

Les premiers mafieux apparurent au bout de la ruelle et à leur tête un autre colosse, le second garde du corps de Leonardo : Haudaure V3.

-ILS SONT ICI !

V2 grogna et commença à remuer sur le sol. Le sabreur avait fait les choses à moitié et l'avait frappé avec ses fourreaux, comme pour les autres. C'était stupide ! Désormais ça leur faisait deux ennemis mortels au même endroit, le calcul était vite fait. Le jeune baron s’élança vers l’ouverture créée dans le mur et s’y engouffra pendant qu’Haudaure V2 se relevait et qu’Haudaure V3 chargeait en hurlant dans leur direction.
En contournant le mur qui s’était enfoncé dans la maison et en déboulant dans ce qui devait être un salon, Krypt pria pour que le sabreur soit capable de refermer l’ouverture qu’il avait créé.


Dernière édition par Krypt SombreRivage le Mer 27 Juin 2018 - 17:39, édité 3 fois
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Mes jambes n’avaient pas tellement attendu la réaction à ma diversion qu’elles s’étaient déjà prises à mon cou. Je fuis les problèmes en prenant côté rue principale sans me soucier du sort de mon leurre… Même si les remords arrivèrent aussi vite que les renforts qui débarquaient comme un troupeau de rhinocéros vers mon échappatoire. Putain, c’était vraiment bien ma veine… Enfin, c’était un mal pour un bien. Au moins, dès que la pensée de rebrousser chemin me traversa, mon cœur contracté au maximum se relâcha progressivement… Il me faisait bien savoir que mes gestes n’étaient pas nobles et que mon instinct de survie avait pris le pas sur les valeurs de la justice… Encore que, je préférerais tout de même vivre un peu plus longtemps en étant un peu moins digne que mourir en héros. Je n’étais pas encore à ce point endoctriné par la Marine. Mon rêve voletait toujours fièrement au plus profond de mon âme.

Cependant, à peine avais-je remis les pieds sur ce champ de bataille que ma stratégie se retourna contre moi : l’homme, qui soit dit en passant se débrouillait terriblement bien au corps-à-corps, me hurla de buter le type au sol… Un crissement de craie s’échappa de mes dents grinçant sur elle-même et une détonation retentit au niveau de mes doigts se crispant. L’envie de lui montrer mes fourreaux de près me tenta fortement, mais elle s’envola comme le garde du corps. Celui-ci se désintéressa complètement de son adversaire et priorisa son travail sans le moindre doute. On ne pouvait pas lui reprocher de se faire berner… Il n’avait l’air d’être là que pour protéger et servir… Un peu comme moi, en fait. Je n’avais aucun problème avec le fait qu’il me fonçait dessus… Il ne faisait seulement ce pourquoi il était là. Et c’était tout de même un adversaire redoutable, c’en était limite grisant quand l’esprit de conservation s’éteignait. Je me fendis d’un sourire belliqueux et lui envoyai un gant au visage :

« Ramène-toi !! »

D’un coup, un tir brisa mes espérances d’un bel affrontement : quelqu’un lui tira dessus, dans le dos, comme un lâche abattant un chien sans défense. J’en cassai limite une molaire. Putain, pourquoi j’étais revenu ? Même si mon sens du devoir m’assurait du contraire, mon amour du duel insulta l’acrobate de tous les noms d’oiseaux que je connaissais et lui souhaita limite sa mort. Mais l’heure n’était pas aux sévices corporels, mais bel et bien à la fuite parce que les bruits de pas avaient pénétré les ruelles. Manquait plus que ça… Bordel ! J’allais faire quoi là ? D’un côté, l’embuscade créée par l’autre enfoiré avait coupé la seule sortie… Ah oui, j’avais bien remarqué que la personne en noir était le cerveau de tout ça et que son objectif était la capture de ce Leonardo… Et non, ce n’était pas parce qu’il venait juste de lui foutre un gros coup de canne au niveau de la tempe pour l’assommer. Enfin, si… Mais merde ! On avait plus de temps là.

Je savais bien que cette technique allait me servir plus tôt que je ne l’imaginais… Mettant le plus de distance entre l’embouchure et ma personne, je me ruai vers une des poutres apparentes de la maison tout en rengainant mes sabres. Une fois au nez – ou au pied du mur juste à côté du bastaing, je démarrai ma petite recherche en tapant du doigt sur la brique, en espérant que le vide m’attendait de l’autre côté. Putain… Rien… Je me décalai un peu plus vers l’éboulis, tapotant toujours de l’index… Jusqu’au moment où un bruit de creux se fit entendre ! ENFIN ! Vite ! Je plaçai ma main entière à cet endroit et concentrai tout mon poing en un bon interrupteur qui prenait toute ma paume. Je pris une longue inspiration et l’actionnai dans un déclic assez peu discret… Je devrais peut-être travailler là-dessus, parce que sinon, ça n’allait pas être très utile. La pression fut lente, très lente… Très, très lente. La cavalerie allait débarquer d’un instant à l’autre… Fait chier, j’avais encore du pain sur la planche avec ce fruit. Je sentais sa zone d’activation rétrécir lentement, jusqu’à prendre la forme d’un rectangle invisible. Mon rythme cardiaque s’affolait, mes yeux ne pouvaient s’empêcher de vérifier à ma droite… Allez… Bordel… Ca aurait été plus rapide de péter la cloison… Mais je ne voulais pas causer plus de dégât.

Un autre bruit se fit entendre. ENFIN ! Je sentais limite le parfum des mafias me caresser les narines. Posant la deuxième main à côté de la première, je poussai assez péniblement le mur qui… S’ouvrit sans autre artifice. Et ouais ! On pouvait dorénavant m’appeler le passe-muraille ! Tout en me glissant à l’intérieur, je pouffai un petit rire nerveux qui s’estompa dans la foulée lorsque, après avoir commis son larcin –, c'est-à-dire kidnapper l’une des figures importantes des Tempiesta… PUTAIN de merde ! L’individu s’élança dans le trou créé par mes soins. L’idée de lui claquer la paroi sur le nez ne me traversa pas que l’esprit… Mais la fermeture était presque aussi longue que l’ouverture ! Qu’est-ce que j’étais lent…

Mais je réussis à refermer juste au moment où les mafiosos arrivèrent au niveau de la poutre… Découvrant à leur plus grande surprise, des briques et rien d’autre ! J’imaginais déjà leur tête, ce qui m’arracha un autre ricanement… Mais l'expression froide de mon… Compagnon de fortune figea mon expression en un rictus partagé entre nervosité et envie de meurtre. Enfin… C’était plutôt le comptable qui, reprenant ses esprits peu à peu, avait des envies de meurtres. Il s’agita dans tous les sens, encore sur les épaules de son ravisseur et hurlait :

« J’VAIS TOUS VOUS FAIRE CREVER ! HAUDAURE VONT VOUS R’TROUVER ET VOUS FAIRE LA PEAU ! J’VAIS VOUS FAIRE EGORGER VIF ET J’VAIS VOUS FAIRE BOUFFER PAR DES COCHONS ! VOUS ALLEZ DEVENIR D’LA MERDE DE PORC ! … »

Son discours continua pendant plusieurs longues secondes… Ma main droite se posa sur mon front alors que mon menton se pencha vers le bas et ma tête se secoua de droite à gauche dans un moment de dépit… J’étais dans la merde et jusqu’au cou. Il fallait que je me sauve la face et vite… Je ne voulais aucun problème avec la pègre locale, aucun !

« Alors, déjà, toi… Tu vas le lâcher tout de suite ! » Pensais-je à voix un peu trop haute.

Avec un geste précis, j’attrapai l’un de mes katanas accroché à ma ceinture pour asséner un coup direct au plexus solaire du kidnappeur, ce qui l’envoya balader sur l’un des divans du salon. Sous le choc, il en lâcha son colis que j’attrapai avant qu’il n’atteigne le sol et l’y déposai avec une certaine délicatesse. Il me regarda, les yeux exorbités, il ne semblait pas vraiment comprendre. Tu m’étonnes… Lui qui pensait que j’étais un complice…

Au moment où j’allais ouvrir la bouche, un coup-de-poing bien placé me plia en deux. Je ne m’y attendais tellement pas ! Le porteur de lunette avait de la force ! Ou j’avais baissé ma garde… Mais là n’était pas la question, car il tenta de prendre la poudre d’escampette, croyant sans doute que j’avais mis hors d’état de nuire de façon définitive la personne qui lui voulait du mal… Mais celle-ci bondit du canapé et le plaqua en sol.

« OH ! ON ARRÊTE CA ! LIEUTEN- »

Le mur vola en éclat juste derrière moi en une fraction de seconde… Et deux gros colosses apparurent dans le nuage de poussière. Le comptable se gondola follement.

« BUTEZ-LES !!!!! »

Ni une, ni deux, je détalai comme un lapin, attrapant par réflexe les deux personnes avec moi par les bras, et me dirigeai vers le mur opposé de la pièce que je défonçai avec un coup de sabre… Au bout d’un moment, ma patience avait des limites !

« On va à la garnison ! »

J’étais dans la merde… Et il me fallait du soutien.
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Le sabreur était rapide et il avait pris le jeune homme au dépourvu... et l’avait propulsé à travers la pièce d’un coup de fourreau. Finalement, sa technique particulière avait un point positif : sans le fourreau, le jeune baron aurait perdu la vie avant même de se rendre compte qu’on l’avait frappé. Une fois de plus, il s’en était fallu de peu et Krypt se rendait compte que ses adversaires n’avaient rien à voir avec ceux qu’il avait affronté par le passé, ils étaient bien plus forts que lui et la moindre erreur pouvait dès à présent s’avérer définitivement fatale.

Il reprit totalement ses esprits et constata que le sabreur avait laissé échapper Leonardo qui courrait vers la sortie. Mieux encore, le comptable avait dû le frapper, car il s’était plié comme pour reprendre son souffle.
D’un bond, le jeune homme intercepta sa cible, la renversa et la maintint au sol en appuyant sa canne sur sa gorge. Hors de question de la laisser filer, il s’était trop engagé dans l’opération pour s’arrêter maintenant. Ça passait ou ça cassait.

Et ça cassa. Plus précisément le mur cassa, vola en éclats, explosa sous la force combinée des deux gardes du corps qui débarquèrent dans la pièce. Un grand sourire naquit sur leurs lèvres tandis qu’ils imaginaient ce qu’ils allaient faire subir aux deux proies coincées dans la pièce.
Le comptable leur hurla un ordre et Krypt commença à penser que le priver de sa langue ne serait pas une si mauvaise option… Après tout, il pourra toujours écrire. Mais l’heure n’était pas à ce genre de réflexions. Une lame rétractable jaillit du brassard fixé sur le bras droit de V3 et les deux colosses se préparèrent à bondir. Le jeune baron se releva et jeta de nouveau Leonardo sur son épaule, bien décidé à ne pas lâcher celui pour qui il s’était donné tant de mal.

Mais il n’eut pas le temps d’en faire plus, le sabreur l'agrippa par le bras et chargea vers le mur opposé qu’il détruisit d’un coup de fourreau. Ils débouchèrent dans une ruelle et bifurquèrent vers la gauche sans s’arrêter de courir et sans se retourner pour vérifier si les mafieux continuaient de jouer au loup avec eux. Ce qui déplaisait profondément à Krypt puisque la brebis dans cette affaire, c’était lui. Lui et son acolyte qui, juste après l’avoir frappé, l’avait sauvé d’une mort certaine. L’adrénaline laisse la plupart du temps peu de temps à la réflexion…

À ce sujet d’ailleurs il avait crié quelque chose qui avait interpellé Krypt juste avant leur fuite, mais les cris du comptable l’avaient en partie couvert si bien que le jeune homme ne se souvenait pas précisément de ce que c’était. Leonardo continuait d’ailleurs à hurler à l’assassin et au meurtre et il sembla de nouveau au jeune baron que son compagnon lui avait parlé. Difficile d’en être sûr avec l’énergumène qu’il transportait.

Au début l’inconnu courait devant et le jeune homme suivait. Mais il devint vite évident qu’il ne connaissait pas du tout Manshon et qu’il bifurquait au hasard dans les embranchements.. Un nouvel arrivant donc. Mais pourquoi diable avait-il décidé de se mêler des affaires de Krypt !! La ville était grande, il aurait pu aller emmerder quelqu’un d’autres ! Il semblait tout de même suivre toujours la même direction, mais cette logique était trompeuse ici. Le labyrinthe des petites rues ne répondait pas toujours aux règles de la logique et parfois pour se rendre au nord, il était préférable de courir vers l’est ou l’ouest, voir vers le sud. Krypt l’avait découvert à ses dépends lors des premières semaines passées dans la ville...

Ça serait donc à lui de mener la fuite et de trouver rapidement une cachette avant qu’ils ne soient rattrapés par les monstres lancés à leurs trousses. Krypt était persuadé qu’ils les suivaient de près. Pour le moment, les fuyards parvenaient heureusement à maintenir la distance. Néanmoins, s’ils continuaient à ce rythme sa jambe droite, qui était déjà douloureuse, finirait par lâcher et ils se retrouveraient à la merci de leurs adversaires. Et Krypt refusait de se résoudre à cela. Il ne mourrait ni aujourd’hui, ni demain, pas avant que le monde n’ait reconnu son titre !

Le jeune homme leva quelques secondes les yeux et constata avec satisfaction que Ghoul volait au-dessus d’eux. Le corbeau était toujours fidèle à son maître et ami et il saurait les alerter si un danger les guettait au détour d’un embranchement. Seul bémol, pour qu’ils puissent entendre son cri, il faudrait baisser le volume sonore produit par le kidnappé. Quand on veut jouer à cache-cache, la première règle c’est le silence. Et c’était à Krypt de l’apprendre à sa proie.
Il parla donc assez fort pour couvrir ses cris :

-À partir de maintenant si j’entends le moindre son sortant de ta bouche sans ma permission, tu ne reverras plus Clara en vie.

Ses quelques mots lui coûtèrent un souffle précieux pour sa course, mais eurent l’effet escompté. Le comptable se tut et Krypt sut que, même s’il savait que sa sœur était protégée par l’un de ses gardes du corps, l’inquiétude de Leonardo l’emportait. Après tout, il ne savait pas de quoi son agresseur était capable. Et Krypt en aurait été capable, il n’aurait eut qu’à envoyer Ghoul donner un simple signal… s’il avait su où se trouvait ladite Clara et comment se débarrasser de son puissant garde du corps. Il s’agissait donc d’un énième coup de bluff de sa part, mais jusqu’à présent ceux-ci payaient.

Maintenant, il fallait semer leurs poursuivants. Le jeune baron s’adressa à son compagnon d’infortune. Il lui sembla d’ailleurs qu’il avait dû entendre sa menace et qu'elle ne semblait pas lui plaire. Pas du tout. Mais il serait temps de s’en inquiéter plus tard. Il allait falloir qu'ils comptent tous les deux l'un sur l'autre pour s'en sortir.

-Je connais la ville, suis moi.

Il allait les mener à la planque des malfrats, une cave dont l’accès était soigneusement camouflé au milieu d’une bâtisse en ruine et où ils seraient à l’abri quelque temps. Mais avant ça, ils devaient prendre un peu d’avance et perdre leurs adversaires dans le dédale de rues et ruelles qu’ils traversaient. Avec Ghoul pour leur indiquer quels chemins éviter, leurs chances étaient correctes. Ni bonnes, ni mauvaises, juste correctes.

Il lui ne restait plus qu’à espérer que sa jambe tiendrait jusque-là.
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Putain, putain, putain ! Ce n’était pas DU tout le moment de se perdre, bordel ! Mais c’était par où ?! J’avais l’impression de tourner en rond ! Pourtant, d’après mes souvenirs, la garnison était au nord de la ville… Seulement, je n’avais pas vraiment trop le temps de m’arrêter, de sortir une boussole – que je n’avais pas vu que je ne portais pas mon uniforme de marine – et de chercher le nord : j’étais pourchassé par la mafia ! Et vu qu’une mauvaise nouvelle n’arrivait jamais seule, le type qui me suivait ne me semblait pas du tout être quelqu’un de vraiment respectable. Il était plutôt du genre des gars que je mettais sous les verrous, si je pouvais donner mon avis. L'idée de le semer et le laisser aux prises avec les gens de son espèce me traversa l’esprit – surtout avec sa jambe qui semblait le faire souffrir -, mais à chaque fois que je le tentais – Ouais, parce que, fallait pas déconner, mais je ne voulais pas vraiment être associé à lui – il se retrouvait toujours dans mes pattes, comme s’il savait à chaque moment où j’étais… Et je finis par percuter : cet enfoiré de piaf qui volait au-dessus de nos têtes lui appartenait !

À chaque tentative de le laisser sur place, le corbeau planait à ma hauteur et croassait – ça devait être le bon mot – pour que son maître me rattrape. Fallait dire qu’à chaque cri de cet oiseau, je bondis de peur tellement j’étais tendu. Putain, si seulement j’avais un flingue ou quelque chose sous la main pour le dégommer… Ouais, non, mauvaise idée. Tiens, pourquoi je les enchaînai en ce moment, les mauvaises idées ? Parce que celle de foncer tout droit en défonçant les murs sur mon passage naquit aussi dans mon esprit malade, mais les dégâts occasionnés n’en valaient sans doute pas la peine. Celle de dégainer mon escarphone en était une plutôt bonne, mais c’était comme la boussole : je n’avais pas du tout le temps de le décrocher, de composer le numéro de la garnison et de hurler aux oreilles de ce sous-lieutenant du renfort.

En parlant de hurler… Il ne pouvait pas un peu se taire, ce Léonardo ? Bon, fallait dire… Le mec se faisait kidnapper, ça ne m’étonnait pas trop qu’il s’époumonât pour que ses collègues le retrouvent et le sortent de ce guêpier. D’un coup, l’autre mec à la jambe folle couvrit les cris du comptable et… le menaça indirectement. Oh merde… Une fois sorti de ce merdier, je le foutais en prison ou, au pire, je lui flanquais une bonne prime sur sa gueule. Attentat, kidnapping, menace et manigance… Ça pouvait monter haut. Certes, je pouvais l’arrêter et le livrer aux forces en présence, mais je doutais que ça allait se passer aussi facilement. Pour couronner le tout, parce qu’il avait dû voir que je ne savais pas du tout où aller, il se proposa de mener la fuite, histoire qu’on ne fasse pas le troisième tour du quartier où s’était passé l’explosion… Je n’étais pas vraiment doué pour retrouver mon chemin en milieu urbain…

D’un coup, la fuite sembla limite trop facile. Avant, je pouvais entendre les bruits des bottes faits par nos poursuivants qui, malgré une distance respectable, arrivaient à nous suivre, mais là, en même pas cinq minutes, je n’arrivais même plus à percevoir leur hurlement. Tout était devenu calme… Trop calme. Et je n’aimais pas ça. La victime n’avait pas dit un seul mot depuis que son ravisseur l’avait intimement invité à se taire… Et ce dernier ne daignait même pas m’adresser une seule fois la parole. Il se contentait de jeter des regards furtifs vers son oiseau qui nous guidait au son de ses cris. Et moi… Je n’avais pas d’autre choix que de le suivre, mais je me doutais bien qu’il n’allât pas me mener à la garnison.

Et… Bingo. Après une vingtaine de minutes de cavalcade effrénée où le décor s’assombrit au fur et à mesure, de plus en plus de ruines murant notre fuite et rendant le chemin de moins en moins praticable, horrible témoignage du fiasco qui avait été le blocus de Manshon, notre destination fut une des nombreuses maisons en ruine, plus précisément la cave. On était bien loin de la garnison. Bordel ! J’étais pourtant sûr d’avoir touché le fond avec la mafia, mais là, c’était le pompon. Bon, je l’avais suivi jusque-là, autant aller jusqu’au bout… Je pourrais peut-être en profiter pour en savoir un peu plus sur toutes se manigances… Parce que, ouais, sur le trajet, pendant mon long silence, j’avais réfléchi et j’étais arrivé à une conclusion : j’allais jouer le jeu et, après avoir eu le fin mot de l’affaire, j’allais appeler les renforts… Histoire de faire un bon gros coup de filet.

Une fois dans le sous-sol du bâtiment, je fis la rencontre de trois autres malfrats qui, à peine le guide rentrer, le sautèrent limite dessus.

« Putain ! T’nous avais pas dit qu’on s’attaquait à la mafia !
- Tous nos potes se sont fait choper ! Et tout ça c’est à cause de toi !
- Not’ vie est foutue ! Jamais ils vont nous laisser ! On est beau pour s’barrer d’cette île pourrie…
- Pour aller où ?
- J’sais pas…
- Au moins… Avec la paie qu’on va avoir, on peut s’offrir une retraite dorée...
- Ouais… Voyons l’beau côt- Putain c’est qui lui là ?! S’exclama l’un des bandits en pointant la pauvre victime.
- N’me dis pas qu’c’est l’fameux Leonardo ? J’le pensais plus bavard…
- J’parie qu’Krypt-
- Ta gueule ! Le deuxième malandrin foutu une beigne au premier. On dit pas l’nom du boss… Surtout qu’on a un invité surprise, finit-il en me désignant.
- Ah ouais… le troisième s’approcha de moi… un peu trop de moi-même. Je pouvais sentir son parfum bon-marché, odeur toilette. Z’êtes qui ? Vous faites quoi ici ? Z’êtes avec le boss ?
- Eh bien… Je suis… qu’un simple passant qui se trouvait au mauvais endroit, au mauvais moment et je me suis retrouvé dans cette histoire de fou, essayai-je de les baratiner en me grattant l’arrière du crâne.
- … M’ouais. Si l’boss vous a ramené ici, c’est qu’il a une bonne raison…
- J’le sens pas moi…
- Moi non plus…Mais ce que j’peux plus sentir, c’est ton parfum mec !
- Qu’est ce qu’il a, mon parfum ?!
- Il pue sa mort !
- J’te permets pas ! »

S’en suivit une longue discussion houleuse sur l’odeur des malfrats. Pendant ce temps, Krypt – si j’avais bien compris le nom du ‘boss’ – emmena sa victime dans un coin de la pièce, le fit asseoir et lui murmura quelques mots à l’oreille, inaudible pour moi. Bon, c’était peut-être le temps de sortir ma botte secrète. Je profitai alors de la cohue pour m’isoler très légèrement dans un autre coin de la pièce, dos à tout le monde et sortis mon petit escargophone. En essayant d’être le plus discret possible, je composai le numéro de la garnison et attendis que quelqu’un décroche.

« WOW ! T’fais quoi là ?! S’écria un des malotrus qui me remarqua.
- Ah ! Sursautai-je avant de me retourner. J-j’appelle mes propres pour leur dire que je vais bi- gotcha
- Ici l’accueil de la marine, que puis-je faire pour vous ?
- Oh merde … !
- PUTAIN ! C’EST LA MARINE ! VITE, CHOPONS-LE ! »

Je n’eus même pas le temps de m’identifier que les trois compères se ruèrent sur moi. Ayant les mains occupées, je ne pouvais que les esquiver, me focalisant sur mon appel. Je virevoltai dans tous les sens tout en tenant mon petit escargot. Perdu pour perdu :

« Ici le Lieutenant Kagami Kan ! J’aurais besoin de renfort ! J’ai suivi les poseurs de bombes ! Leur cible était l- BONK »

D’un coup, je ne vis plus rien. Le noir complet… Putain, quelqu’un avait dû éteindre la lumière… Et je m’étais pris un mur en pleine face. L’escargophone tomba au sol sous l’impact et roula un peu plus loin.

« Putain, qui a éteint la lumière ?! »
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-Tu ne vas pas mourir, j’ai d’autres projets pour toi. N'aimerais-tu pas revivre tranquillement avec ta sœur, loin de la mafia et de ses manigances ? Réfléchis-y.

Léonardo regarda le jeune homme avec des yeux ronds. Ca commençait à faire beaucoup de choses en une journée pour le comptable : bombes, combat, kidnapping, menaces puis promesse… Il allait falloir le laisser se reposer et assimiler toutes les informations. C’est ce qui était prévu. C’était un homme intelligent et, une fois l’adrénaline passée, il prendra la bonne décision.

Au final tout s’était bien passé, l’objectif avait été accompli et en prime, il ne restait des malfrats engagés que Bill, Anton et Octave. Par conséquent, moins d’argent à dépenser pour le baron. D’ailleurs, Krypt avait bien insisté pour que les malfrats fassent allusion à lui comme étant le “Baron Corbeau”. Mais c’était peut-être trop demander à Bill, une véritable armoire à glace certes, mais pas futé pour deux sous. Leur donner son nom lors de leur première rencontre avait décidément été une erreur que son arrogance l’avait poussé à commettre…
Et, bien entendu, il avait fallu que Bill gaffe devant l’inconnu, qui connaissait son nom désormais. Il fallait que Krypt s’occupe de lui avant de lancer la suite des opérations.
Mais pour cela, il avait le temps, il comptait bien rester au moins cinq jours en planque ici, le temps que l’agitation se tasse. Il inspira un grand coup et manqua de s’étouffer. Non. Cinq jours à supporter l’odeur d’Octave, c’était beaucoup trop. Trois peut-être ? Comment ses compagnons faisaient-ils eux ?

Les trois malfrats passaient leur temps à se chamailler et le jeune homme passait le sien à les ignorer, si bien qu’il ne comprit que quelque chose clochait qu’au moment où Anton hurla.

La Marine ? C’était donc ça, ce sur quoi il n’arrivait plus à mettre le doigt ! Dans la maison où ils s’étaient réfugiés, il avait crié “Lieutenant” et s’était apprêté à l’arrêter ! Et Krypt l’avait conduit droit dans sa planque… Erreur de débutant. Et pas des moindre. L’opération pouvait toujours foirer.

Il dégaina sa lame et se retourna vers le lieutenant. Se débarrasser discrètement de l’inconnu et laisser son corps dans une ruelle avait séduit le pirate, mais le fait qu’il s’agisse d’un lieutenant changeait tout. S’il n’agissait pas maintenant, la Marine allait débarquer en masse. Et pour empêcher cette perspective désastreuse de se réaliser, il allait falloir que le Baron Corbeau se confronte à plus fort que lui, en essayant d’y laisser le moins de plumes possibles...

Ses trois acolytes tentaient tant bien que mal de l’atteindre, mais le sabreur esquivait les coups sans trop de difficultés, tout en se concentrant sur son appel. Anton avait dégainé un long couteau, Bill et Octave favorisant le combat à main nue.
Kan Kagami n’est ce pas ? Et bien, le Baron Corbeau allait pouvoir graver son nom sur sa tombe… La lame de Krypt vint frapper la lampe qui se brisa et plongea la cave dans le noir, son élément. Sans attendre, il bondit, en faisant tournoyer sa lame dans sa main afin de pourfendre la poitrine de son ennemi d’un Bec d’Argent.

Ce dernier reprenait lentement ses esprits après s’être cogné contre un mur et avoir lâché son escargophone. Il faudrait quelques secondes pour que ses yeux commencent à distinguer quoi que ce soit dans le noir, tandis que ceux de Krypt lui permettaient d’y voir quasiment comme en plein jour, ses pupilles captant la moindre petite source de lumière. Au moment où la lame allait s’enfoncer dans la poitrine du dénommé Kan, celui-ci se pencha et ramassa un gros pavé qui servait aux malfrats à “nettoyer” leurs vêtements. En réalité, ils les frappaient jusqu’à ce qu’ils décident que la saleté était partie et qu'ils pouvaient les remettre…

Krypt virevolta et manqua d’égorger proprement Octave qui tentait désespérément de trouver un repère en tendant les mains devant lui. Au moment où sa lame allait de nouveau s’abattre sur le lieutenant, un petit déclic retentit et celui-ci projeta son pavé vers le plafond…. Qu’il traversa comme du beurre, faisant retomber une pluie de gravats dans la cave et laissant l’occasion à la lumière du jour d’y pénétrer.

Ce brutal afflux de lumière déstabilisé Krypt quelques instants, mais ses lunettes teintées lui permirent d’éviter l’éblouissement, ses pupilles étant extrêmement sensibles à la lumière.
Au lieu de bondir en arrière pour éviter les gravats, il chargea son adversaire, persuadé que s’il lui laissait suffisamment de temps pour reprendre ses esprits, s’en était terminé de leur combat. Celui-ci avait fermé les yeux pour éviter d’être ébloui et il les ouvrit juste à temps pour parer la lame du baron avec l’un de ses fourreaux.

Krypt entama les Yeux Rubis, et enchaîna de rapides coups de lames de plus en plus bas. À chaque fois, les fourreaux interceptaient la lame, mais en suivant le mouvement des attaques du pirate, le marine laissait progressivement sa tête à découvert. Dès que l’ouverture fût suffisante, sa lame plongea en direction des yeux de son adversaire, habitué à contrer les attaques basses.

Mais la différence de niveau était trop évidente, malgré tous ses efforts. Kagami esquiva les coups visant à l’aveugler définitivement en se décalant légèrement sur la droite de Krypt et lui porta un violent coup sur le bras. Le jeune homme lâcha son arme qui retomba sur le sol dans un claquement métallique, son bras lui semblant désormais si lourd qu’il ne parvenait plus à le bouger. Il connaissait ce genre de techniques, et il savait qu’il ne pouvait plus compter sur ce bras dont les nerfs avaient été paralysés. Il bondit en arrière et activa les lames de son bras gauche. Il était en très mauvaise posture…

Soudain, Anton surgit derrière le lieutenant, le couteau prêt à s’enfoncer dans sa chair. Mais celui-ci tournoya et ses deux fourreaux frappèrent le ventre et la tête du bandit qui s'affaissa au sol. Bill bondit à son tour en hurlant pour lui asséner un violent coup de poing, mais il n’eut pas beaucoup plus de chance et les fourreaux le réduisirent au silence. Octave, lui, s’élança vers l’escalier qui menait vers l’extérieur, ne pensant plus qu’à sa propre survie…

Krypt profita des quelques secondes de diversion offertes par ses compagnons. Il chargea vers Kan en murmurant :

- Nul ne perce le Silence du Corbeau.

Cette phrase, répétée de nombreuses fois à l’entraînement, lui permettait de reprogrammer son corps pour ce qui allait suivre. Ses foulées se firent silencieuses, le jeune homme chargeait sans provoquer le moindre bruit, prêt à se glisser derrière sa cible pour lui trancher les tendons et en finir.

Une lumière grisâtre éclairée la cave depuis le trou fait par le lieutenant, créant sur les murs d’inquiétantes ombres. Dans son coin, Léonardo fixait la scène en silence, ne sachant pas lequel des deux combattants il voulait voir gagner. Octave avait presque atteint la porte. Une petite voix provenait de l’escargophone, exigeant un rapport sur la situation. La prochaine action de Krypt SombreRivage allait décider de qui répondrait au fonctionnaire à l’autre bout.
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