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Les joies du travail précaire

- Rhétalia ?! Vous vous foutez de moi ?

Les mots manquèrent cruellement de tranchant aux oreilles même de Jaros, englué qu'il était dans ce reste de nausée qui refusait de partir. Il avait décidément des difficultés avec la navigation; le jeune homme pouvait se consoler devant le constat d'une certaine amélioration, cependant. Après tout, il n'avait vomi que lors du passage de la Flaque. Indéniablement cependant la pleine mer le laissait encore et toujours dans un triste état.

Cela devait faire plus d'une semaine et demie de voyage, à présent. Un voyage à la destination précise, le royaume de Bliss, avec ses chantiers navals particulièrement actifs. Jaros se méfiait des petits boulots dans la plupart des îles, à présent, un endroit avec une telle renommée, et surtout bien éloigné de la mafia de North Blue, lui avait paru un excellent candidat, au vu de ce qu'il recherchait. *Puis rien qu'à se souvenir de l'escale à Poiscaille... Certains travaux sont à éviter.* Les marchands propriétaires de la caravelle qu'il avait emprunté jusqu'ici lui avaient en revanche joué un sale tour...

- Valoonia, le plus gros port d'Rhétalia. C't'une colonie de Bliss, mon gars. Nous, on a fait not'compte, hein Alissa ?
- Fait et bien fait, ouaip'. On t'a même offert le seau y'a pas deux jours quand t'es mis à dégobiller, alors hein !

Géloss et Alissa, marchands itinérants, se fendirent ainsi d'une réponse désinvolte. De drôles d'énergumènes, et accessoirement d'une physionomie si proche qu'on les aurait crû - détail vite dérangeant lorsqu'on savait qu'ils étaient un couple - frère et sœur. Avec le même corps en barrique soutenu par des jambes grêles et écartées, le même cou comme un tronc surplombé d'un visage trapézoïdal au nez bulbeux et aux petits yeux ronds. Jaros, irrité, se contint cependant; ils n'avaient pas tort, après tout. Lui avait payé contre leur engagement à les amener à "un des ports de Bliss", ce qui techniquement était bien le cas. Il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même pour ne pas avoir été suffisamment clair et attentif. *Je suis jeune, m'enfin me prendre aussi peu au sérieux, c'est... Bon, passons. Au moins ils sont bienveillants.*

- Bon, eh bien alors bonne chance à vous. Vous repartez dans trois jours, c'est bien ça ?
- Ouaip' mon gars, trois ! On te f'ra une ristourne si jamais, faut bien s'entraider hein ! Pas vrai Alissa ?
- Ouaip' ! Pis t'es un bon garçon, alors hein. M'enfin on va pas traînasser, hein Géloss ? Bonne chance !
- Bonne chance mon gars !

Sur ces paroles, les deux marchands retournèrent à leurs occupations, hélant les employés qui déchargeaient leur bateau, et Jaros s'éloigna. Le port de Valoonia était particulier en cela qu'il s'enfonçait dans la ville par le bras de fleuve en provenance des hauteurs de l'île. Les entrepôts se déployaient ainsi sur tout une série de terrassements à flanc de colline, et une myriade de grandes grues - actionnées par de grandes roues à bras - permettaient de monter et descendre les marchandises. Conjointement à des méthodes plus orthodoxes, bien sûr, les allées et les quais étaient bondés de chariots en tout genre. Jaros dût bien admettre qu'à défaut d'être où il l'aurait voulu, il se trouvait dans un lieu bien actif, même dans un petit matin grisonnant comme celui-ci.

Le jeune homme n'était en revanche pas venu pour le plaisir des yeux et le malaise de l'estomac. Il venait chercher du travail. Du travail - qui paie bien de préférence - qui, parfois était beaucoup demander pour un jeune homme à la rue, et Jaros en avait bien conscience, mais il allait bien devoir tenter de rentabiliser le trajet. A défaut de lui avoir coûté cher, venir jusque South Blue prenait du temps, temps qu'il allait devoir rattraper maintenant. Ses réserves s’amenuisaient à nouveau, bien qu'il ne soit pas encore dos au mur. *J'espère que je n'ai pas fait tout ce trajet pour des prunes, tout de même.*

Il n'était pas vraiment dans de beaux draps non plus. Ses vêtements, délavés par la poussière et les intempéries, usés presque jusqu'à la trame à force d'être portés, faisaient triste mine. S'il avait encore de l'argent en poche et le ventre plein, le corps de Jaros racontait à qui voulait bien le regarder les jours de jeûne qui émaillaient systématiquement ses semaines depuis plusieurs années. Il était cependant propre et en forme - du moins tant qu'il n'était pas en pleine mer -, ce qui était bien suffisant pour un vagabond. Du moins c'est ce qu'il avait fini par penser, autant par dépit que par réalisme. Suffisant pour convaincre un potentiel employeur, c'était toute la question...

*J'ai pris l'habitude des travaux physiques de toute façon, m'étonnerait que ça change ici...* Jaros avait la chance d'être bien plus fort que son gabarit ne pouvait le laisser penser, plus fort finalement que tous les ouvriers qu'il avait pu croiser jusqu'alors. Le jeune homme n'était pas assez présomptueux pour se considérer exceptionnel - rien que le souvenir de l'entrevue avec la fille Manicelli aurait suffi à lui donner humilité - mais il se savait au moins hors du commun. Restait à trouver à qui le faire valoir. Faisant craquer ses articulations, le vagabond s'engagea dans la foule des quais, l’œil à l’affût de tout ce qui pourrait se montrer intéressant pour lui.


Dernière édition par Jaros Hekomeny le Jeu 21 Juin 2018 - 16:06, édité 1 fois
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Alizée Sakiwa

Jaros Hekomeny

Les joies du travail précaire [F.B]

Trois semaines plus tôt ...

- Encore une tournée ?
- Ouaip, allez, tire toi, j'embarque pas de môme, va aider les autres.

Cinq heures du matin, le tout petit matin, celui que tu appréciais grandement pour son calme, sa discrétion, mais avant tout pour le fait que tu pouvais avoir la paix en général. Seulement voilà, Mélusine. Quelques fois, tu regrettais de l'avoir sauvée. Elle pouvait être réellement chiante et ça, tu en avais bien vue les nombreux exemples. Assise sur un muret devant ce qui semblait être ... une demeure. Enfin, plus un logement de fortune à dire vrai. T'es pas spécialement riche, chose qui commence à te gonfler d'ailleurs. Une chambre pour quatre, en sachant qu'à côté de ça, monsieur Edward se tape une chambre tout seul parce que ce croûton est du sexe opposé ... admets-le, ça te fout les boules. Cela it, en y réfléchissant bien, c'est peut-être mieux qu'il ait sa chambre à part. Ce pervers serait capable de bien des choses en pleins nuit dans la chambre entouré de femmes. Le soleil était pas encore levé, il tarderait pas. Profitant alors e cet air frais, tu réfléchissais. Deux ans que tu es ici, sur l'île de Rhétalia, oh, tu y es bien, l'esclavage s'y opère à profusion, les gens libres sont vénérés par les esclaves, ces esclaves justement, n'opposent que très rarement des résistances. Clairement, c'est la meilleure île sur laquelle tu pouvais tomber. Une règle te plaisait même énormément : un être libre ne doit pas toucher le sol. Bon, dit comme ça, on comprend mal, mais, on t'avais clairement expliqué que toute personne libre devait se déplacer sans toucher le sol, à dos de chameau, d'éléphant ou autre moyens. Bon sang que c'était plaisant d'être prise pour une divinité par ces vermines. Tu t'étais déjà tant de fois imaginée dans une calèche portée par des esclaves musclés, faisant ta fierté, avec deux servantes de chaque côtés pour te servir ... A la manière d'une reine. Enfin, ce n'es pas pour encore, cela viendra bien un jour, mais pour le moment ... tu avais un nouveau boulot pour la journée. Une nouvelle rafle d'esclaves était désirée par un esclavagiste du coin.

Tu pouvais pas rester sans rien faire, depuis ton arrivée ici, tu capturais des gens ici et là, les refilant à des esclavagistes contre un peu d'argents, un boulot merdique, mais qui te permettait de t'en sortir un peu. La gamine t'ayant laissée seule, tu montait sur le chameau, ce dernier n'ayant d'ailleurs pas trop de mal à te soutenir malgré tes deux mètres quarante de haut. Tu savais clairement où te rendre. Ayant déjà pu observer un beau spécimen, assez bien bâti, au visage assez convenable. Tu pourrais en toucher une bonne somme, mais encore pour cela fallait-il le capturer. Il mesurait pas loin des trois mètres cinquante et ... il avait clairement pas l'air d'un petit être fragile comme déjà précisé. Tu comptais alors soit recruter un homme de main, soit le prendre par surprise au risque de te faire démasquée. Démasquée ? Oui, tu te rendais dans les colonies de Briss, tu ne pouvais pas être vue ou bien tu serais pendue haut et court. Pour cela, tu avais enfilée une cape de couleur marron clair, un truc assez basique en soit, une cape longue, avec une capuche profonde te permettant de dissimuler ton visage de sorte à ne pas être grillée. Tu avais certainement une allure suspecte, mais ... qui ici semblait être clean ?

C'est donc quelques heures après que tu te retrouvais sur le port de Valoonia. Tu étais bien en joie que Bliss et Rhétalia ne soit pas en guerre, cela aurait été plus ennuyant pour passer de l'un à l'autre comme ça. Enfin bon, le principal est tout de même que tu y soit et c'est parfait. Maintenant, ne restait plus qu'à attendre deux choses, la première, trouver ce foutu type qui pourrait t'aider, la deuxième, remettre la main sur le spécimen que tu désire, mais la seconde est plutôt aisée, il travaille ici, dans un des entrepôts qui s'y trouve. Certes, il y'en a en grandes quantités, mais un homme, faisant quatre mètres de haut, aussi large qu'une armoire, ça passe pas inaperçu. Puis, vint ce petit espoir, tu attendait là, pieds à terre - précisons que tu avais laissée ton chameau à la frontière entre Rhétalia et Bliss -, lorsque se présenta, ou du moins, se fit remarquer ce gars, qui semblait chercher quelque chose, ou bien quelqu'un, en tout cas, il regardait bien trop autour de lui pour être en totale confiance ou pour ne rien désirer. Il est presque aussi suspect que toi et ... quitte à tenter le coup pour le coup ... Il est pas tellement musclé mais ... au vue de sa démarche, il est assez confiant pour ne pas avoir peur de ce qui peut se passer par derrière. Du haut de tes deux mètres et des pommes, tu t'approchais de lui, tu marchais un peu à côté de lui, feintant une totale ignorance, ce microbe ne valait pas ta parole pour quelques consignes, tu te contentait te le forcer discrètement à rejoindre une ruelle discrète, sans le toucher, l'oppressant seulement de ta taille, chose assez utile d'ailleurs. Avant de finalement le bloquer en quelque sorte, sans avoir de contact avec lui de manière physique.

- Tu cherche quoi ? Du boulot ?

Aucunes politesses, aucunes courtoisies, aucunes autres formes d'un quelconque signe de respect, de considération, rien qui pourrait lui faire croire à une relation amicale que tu pourrais être. Tu étais allé droit au but, ne cherchant pas à ménager ce petit être qui te poussait à baisser la tête pour voir son petit corps frêle, tout juste porté par deux brindilles qui semblaient être ses jambes. Il ferait un bien piètre esclave, mais pour une femme riche, comme esclave de compagnie en soit ... il pourrait faire l'affaire si elle ne cherche pas le format athlète. Il avait plus l'aspect fragile victime. Enfin bon, tu le regardas d'un regard toujours aussi dédaigneux, les mains cachées dans tes manches, tu avais su apprendre à être méfiante, l'aspect visuel ne fait hélas pas tout !
    *Commence à me parler poliment...* Jaros, d'emblée méfiant, leva les yeux sur cette malotrue qui venait de l'interpeller. Non pas qu'il ne soit pas habitué à présent, mais à chaque fois, le réflexe était le même. Deux années à la rue ne pouvaient être plus forte qu'une nature fière et une éducation sereine ayant laissé toute la place à ce trait de s'exprimer. Elles pouvaient cependant lui apprendre à réagir avec une circonspection accrue, ce qu'il fit d'emblée. La capacité qu'il avait à jauger rapidement et sans insistance quelqu'un du regard fut mise en pratique.

    C'était une femme, au vu de sa voix et du peu qu'il pouvait distinguer, une grande femme. Jaros n'était pas petit et pourtant il lui semblait qu'elle le dominait de près d'un cinquième de sa taille. Chose qui, sans être totalement exceptionnelle, sortait de l'ordinaire. Elle portait une longue cape la couvrant de la tête aux pieds, le visage enfoui dans l'ombre de la capuche, cependant de face le jeune homme pouvait vaguement distinguer ses traits. Qu'elle se promène ainsi sous tel vêtement rendait bien difficile de voir beaucoup d'autres choses. Il pouvait distinguer son menton et sa bouche aux lèvres pâles, à la ligne dure, et une partie de son visage, mais rien ne la distinguait particulièrement.

    Aucune idée de si la bougresse pouvait être armée ou non, également, et ce détail était déjà un point à surveiller, à ses yeux. Par prévenance, il considéra qu'elle dissimulait probablement quelque chose sous le drapé de sa cape. Qui plus est, lorsqu'on venait le trouver ainsi c'était rarement - pour ne pas dire jamais - pour lui proposer quelque chose qui ne soit pas au moins un peu louche, et personne ne trempant dans ses milieux ne prenait pas au moins un peu ses précautions. Personne d'honnête ou de confiant ne s'intéressait à un jeune vagabond comme ça, non plus, surtout un jeune homme aussi maigre et délicat d'aspect. D'un ton égal, cherchant à capter le regard de son interlocutrice, Jaros répondit.

    - Je cherche du travail, en effet. Tu sais où je pourrais en trouver ?

    On l'avait tutoyé, il n'allait pas se gêner pour faire de même, surtout avec quelqu'un qui restait tout sa capuche ainsi. Pas plus formalisée que cela, la femme lui dit que oui, et l'incita à la suivre. *Ben voyons, c'est facile ça, trop facile.* La prudence l'incitait à décliner pareille offre, surtout aussi brève, de la part d'un individu comme cette inconnue. Elle ne lui avait donné aucune information, rien ne prouvait qu'elle pouvait lui fournir un travail, où savait où l'emmener pour cela. Jaros avait un nombre suffisant d'expérience à ce niveau pour ne pas suivre complaisamment. A sa connaissance la mafia n'avait pas d'emprise ici, mais cela ne l'empêcha nullement de répliquer sèchement et avec une moue dubitative.

    - Eh, pas vite, tu t'attends vraiment à ce que je cherche pas à en savoir plus ? Où tu comptes m'emmener, et quel genre de travail tu proposes ?

    En parlant, le jeune homme avait légèrement et discrètement modifié ses appuis, sur ses gardes. * Qui me dit que tu ne vas pas juste m'attirer dans un coin pour me détrousser, ou me faire perdre mon temps, hein ma grande... Ce genre de combine de la part des petits voleurs et autre, ils ne les connaissaient que trop; il en était presque irrité rien qu'à l'idée qu'on ai pu penser en le voyant qu'il puisse constituer une cible si facile. Cette femme drapée dans sa cape brune n'était peut-être pas du tout de cet acabit, Jaros n’excluait en rien la possibilité qu'elle puisse bel et bien lui fournir des informations pour trouver un employeur, voire l'être elle-même. Mais ne pas se poser de questions était hors de propos.

    - Je peux pas t'en parler ici.

    En entendant cela, il se trouva aussi confirmé qu'il le pouvait dans ses soupçons. *Ben voyons, évidemment... Faut toujours que ça arrive, ces trucs-là.* Cette grande gigue, si elle recrutait, ne le faisait pas pour quelque chose de bien net. Mais après tout, ce n'était pas comme si le vagabond n'avait jamais trempé dans du travail un peu trouble auparavant, mais sans grande conséquence. Travailler sur un chantier non déclaré lui était arrivé bien plus souvent qu'à son tour, par exemple, et il ne pouvait décemment jouer les oies blanches et s'insurger de telles pratiques au point de refuser le gain nécessaire qu'il pouvait y faire. Se retenant de soupirer, Jaros ne tourna donc pas les talons, et mis les mains en poche, tâtant brièvement ce qui s'y trouvait - son tout petit pistolet et les billets qu'il lui restait - avant de rebondir d'une voix douce mais ferme.

    - Mouais, on va bien voir. Je te suis tant que ce n'est pas un coin trop isolé.

    Il était suffisamment confiant en sa capacité d'observation et sa jugeote pour remarquer si quelque chose clochait et réagir à temps, donc la suivre ne lui posait pas trop de problèmes. Il était tôt, en outre, donc il pouvait se permettre quelques errances et tout de même espérer trouver quelque chose aujourd'hui.
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    Alizée Sakiwa

    Jaros Hekomeny

    Les joies du travail précaire [F.B]

    Trois semaines plus tôt ...

    Il fallait bien que Messire Princesse te brise les ovaires en posant cinq-cent-milles questions, sinon c'était pas drôle. en plus, fallait bien qu'il soit du genre méfiant, soupirant donc d'un petit air clairement déçue d'une telle réaction. Enfin, le bon point est qu'il cherche en effet du travail et qu'il te demandait où en trouver, évidemment, tu en as à lui proposer, mais voilà, monsieur fait le difficile, monsieur joue le fragile. Tu avais retirée ton bras, essayant de te montrer plus ... calme, tentant de faire baisser sa méfiance, bien qu'en soit, il n'avait apparemment pas franchement les moyens de faire l'indécis, après tout ... il avait beau paraître propre, ses vêtements n'étaient pas franchement très clean, bien qu'ils ne soient pas dans un état critique, du moins pas encore. Tu lui expliquait donc assez froidement que tu ne lui en parlerai pas ici, t'es pas dingue non plus, lui faisant donc clairement comprendre de te suivre, tu t'étais tournée, logiquement, il devrait te suivre, enfin, c'est ce que tu avais osée espérer. Le maigrelet pris encore quelque minutes pour réfléchir ... cependant, au bout de ces minutes, il se décidait finalement à te suivre.

    La route fut courte en fait, te contentant seulement de rejoindre une ruelle plus éloigné, tout aussi sombre, si ce n'es plus. Le but était clairement de t'écarter le plus possible de la population abondante des colonies de Bliss arrivant en masse sur les ports. Tu n'avais pas spécialement envie d'avoir des problèmes et de te retrouver pendue publiquement, comment dire, c'est pas tellement ton petit délire adoré. Si tu pouvais rester vivante, tu ne t'en porterait que mieux. Enfin bon, tu était donc là, dans cette rue, où grouillaient juste quelques rats au sol, volant quelques aliments provenant sans doute des entrepôts. Tu le laissait dnc s'assurer qu'il était en sécurité, si ça pouvait lui faire plaisir, bien que ... peu importe ce qu'il ferait, il ne sera clairement pas en sécurité aussi, réellement pas. Déjà, tu es le danger face à lui, mais en plus de ça, il y'a bien quelques fripouilles qui tourne ici et là.

    Une fois son petit cirque fini, tu eu tout le loisir de pouvoir constater que ce gars semblait pas spécialement inquiet en soit. Disons qu'il etait méfiant à ton égard  preuve que tu en impose toujours autant avec ta stature de colosse. Après, garde à l'esprit que ... des géants mesurent jusque trente mètres, donc t'es clairement pas un phénomène de taille. Juste un petit spécimen qui s'imposait auprès des plus petits, tu en avais conscience et tu en profitait au mieux. Bref, ce n'est pas là le sujet du jour. Loin de là même.

    - Tu veux du taff, j'ai b'soin d'bras. Le contrat est simplex tu m'aide à choper un mec, après ça, j'te file 50% du prix que j'en obtient. Tu marche ? Évidemment, t'évitera de le hurler sur toit les toits, à moins que tu préfère terminer ta cie sans langue ... Simple mesure de précaution. Magne toi, j'ai pas cinquante ans microbe.
      Jaros faillit faire demi-tour en voyant où on cherchait à l'emmener, mais il se ravisa. Une petite rue un peu sale, un peu à l'écart, où traînaient la vermine des entrepôts, mais rien ne lui barrerait la route. Par sécurité il resta cependant du coté de la sortie de cette impasse, ses petits regards jetés autour de lui, et laissa le soin à cette grande - et malpolie, décidément - femme lui expliquer ce qu'elle avait à lui proposer. Le jeune homme, supposant d'emblée qu'elle allait lui servir du frelaté, ne fut pas déçu. Du moins, excepté par le ton irritant de l'inconnue. Inconnue qui, non contente de se cacher sous une cape et de faire des simagrées - l'emmenant dans un coin ni vraiment isolé ni vraiment agréable alors qu'elle aurait facilement pu s'exprimer rapidement et calmement ailleurs - s'exprimait avec un ton et un vocabulaire vulgaire au possible, la gouaille en moins. Et elle proposait... Enlèvement ou traque douteuse, rien de moins. *Encore quelque chose de ce genre... Faut croire que j'ai une tête à ça, rien à faire.*

      Quoique, rien de moins, Jaros ne devait pas non plus trop se laisser aller à des conclusions hâtives. Des chasseurs de prime au rabais qui demandaient de l'aide pour attraper des petits criminels, il en pullulait sur les Blues, le jeune homme l'avait bien appris, autant de sa mère lorsqu'il était jeune que d'expérience ces dernières années. Du haut de sa stature arrogante, l'inconnue était-elle de ceux-là ? Hypothèse à retenir sans doute, mais pas à privilégier. Surtout que, aux yeux du fier vagabond, cette femme qui ne montrait pas la plus petite once de respect pour lui ne méritait pas la moindre miette du sien. Être un chasseur de prime du dimanche était déjà trop pour tel individu. Surtout que, non contente d'être particulièrement malpolie, elle se fendait d'une menace aussi gratuite que risible. *Tu me respectes pas hein...*

      Jaros leva très brièvement les yeux au ciel. Il n'avait pas le sang chaud et savait pertinemment que s'exciter pour le moindre péon qui l'insultait et le rabaissait était aussi stupide qu'improductif. Cependant ici il était après tout question de l'engager pour quelque chose. Que cette femme soit particulièrement idiote, cela ne faisait aucun doute pour le jeune homme, à moins que tout ceci ne soit que façade et qu'elle ai prévu quelque plan sournois pour le détrousser ou autre, avec des acolytes à proximité. Sans trouver cela plus plausible il ne pouvait rejeter la possibilité non plus. Mais que faire, donc ? Il ne pouvait pas non plus complètement s'écraser devant pareille pédante ! Plus généralement, Jaros ne voulait pas se compromettre avec des affaires illégales. Ignorant donc le ton menaçant, il répondit d'un ton toujours aussi égal.

      - Alors, "choper un mec" il va falloir m'en dire plus, ce que tu proposes est tellement peu clair que t'aurais aussi bien pu rien dire. J'ai rien à crier sur tous les toits là, ni même à refuser.
      - T'as pas besoin d'en savoir plus. Si ça ne te suffit pas, va chercher ailleurs vermisseau.

      Ce disant, plus impolie que jamais elle se dirigea vers le jeune homme, avec dans l'intention manifeste de partir. Il ignorait tout du passif esclavagiste de Rhétalia, et était bien loin de se douter de ce que cette femme était et ce qu'elle cherchait à faire. A Manshon et dans ses environs, l'interdiction valait depuis suffisamment longtemps pour que les rafles soient trop rares pour être notifiées. C'était la mafia en général dont il fallait se méfier, après tout, et les disparitions inexpliquées résultaient souvent en autre chose qu'une vente d'humains au marché noir. Ou du moins, d'humains vivants.

      Ce que Jaros savait en revanche, c'est qu'il avait en face de lui quelqu'un qui venait de faire l'aveu de son illégalité, et que la laisser se balader ne lui plaisait guère, surtout après la façon dont elle l'avait traité. Certes, il n'avait pas vraiment d'arme, tout au plus un pistolet sans balles, mais seul lui pouvait savoir qu'il n'était pas chargé. Un coup de bluff pouvait très bien le sauver, dans une situation de crise. *Et puis merde, elle s'est mise dos au mur toute seule, cette pétasse.* Bravade orgueilleuse sans doute, mais loin de laisser passer la grande gigue encapuchonnée, il se mit bien en face d'elle, barrant le passage étroit de la ruelle ostensiblement, mit nonchalamment une main en poche et lui fit signe net et ferme de s'arrêter de l'autre.

      - Non, je crois qu'on s'est pas compris. Maintenant qu'on est là tu vas me dire ce que tu comptes faire.

      Sa manière de parler très égale et articulée ne le laissait pas deviner, mais les yeux de Jaros eux brûlaient d'un feu glacial, dur. La frustration latente qu'il ressentait depuis qu'il était arrivé sur l'île - elle-même alimentée par celle du voyage pénible - se convertissait en une froide colère, que catalysait la présence de cette inconnue mal embouchée. Mal avisée, qui plus est, à se placer ainsi elle-même dans une impasse mais en se conduisant de manière si peu amène. L'idée qu'elle soit plus dangereuse qu'elle n'en ai l'air était bien à l'esprit du jeune homme, mais les options qu'il avait à disposition étaient bien plus nombreuses et supérieures. La seule crainte qu'il avait était qu'elle ai une arme à feu sous sa cape.

      Au regard qu'on lui lança, Jaros comprit que cette bougresse se sentait supérieure au point où elle n'avait même pas supposé devoir prendre ses précautions, et le regrettait un peu trop tard. D'un geste maladroit, elle rejeta un pan de sa cape, révélant une chaîne enroulée autour de son bras. Aucune idée de ce qu'elle comptait faire, attaquer avec, probablement.

      Le jeune homme ne lui laissa pas le temps de faire plus, et son coude emboutit durement son abdomen, coupant net toute tentative d'agression. Son mouvement, bien que débuté après celui de son agresseuse, fut bien plus rapide. Sans y mettre un élan appuyé le coup du jeune homme suffit à envoyer la grande femme par terre avec fracas. Ne lui laissant pas le temps de respirer, Jaros posa son talon sur le plexus solaire et donna une poussée brève; en voyant la déformation des traits de ce visage empêtré dans sa capuche, son mépris enfla, calmant un peu sa colère.

      - Incapable et prétentieuse, évidemment... J'hésite à te traîner jusqu'à la garnison mais même ça ne serait pas rentable.

      Il acheva cette inutile entrevue en assommant l'inconnue d'un coup de pied - cassant le nez au vu du craquement - au visage, la laissant inconsciente, étendue comme une ivrogne dans la ruelle crasseuse. Orgueilleux, s'il pensa à fouiller ses poches à la recherche d'une compensation, Jaros s'en abstint. Il venait de se sortir d'une situation où l'on cherchait probablement à le détrousser. Ce n'était pas pour faire la même chose de son coté. Poussant un soupir en s'époussetant, il sortit de l'impasse d'un pas preste. Il était grand temps de trouver du travail.
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