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Et les Bêtes


Apollon restait anéanti face au corps inerte. Incapable de tout geste, la foule se détacha de lui comme pour lui laisser un espace vital, comme si s’approcher de lui l’empêchait de respirer. Elle ne voulait pas empiéter cet espace par respect et par compassion. Elle savait que c’était lui qui allait être le plus touché par la mort de cette formidable tavernière parce que c’était lui qui l’avait côtoyée le plus ces derniers temps.

Le corps lacéré de Rose gisait au sol dans une flaque de sang. C’était comme si la souillure rouge foncé s’était jetée sur elle pour la larder violemment à plusieurs reprises dans un assaut furieux et sadique. Triomphante, elle portait à bout de bras cette poupée brisée en guise de trophée.
L’innocence et la joie de vivre étaient vaincues dans la plus totale des amertumes, touchées en plein coeur par la vilenie et la pourriture.
Malheureusement, les traces de lutte aux poignets et au cou forçaient un constat plus terre à terre. L’auteur de ce crime odieux était on ne peut plus humain -si tant est que l’on pouvait toujours l’être après avoir commis une telle atrocité- et la victime avait souffert avant de trépasser, poignardée à plusieurs reprises.

Le corps d’Apollon retrouva enfin de sa motricité mais dans l’unique but de s'effondrer sur les genoux, les rotules éclatées sous l’impact. Son buste se courba et ses bras enlacèrent le corps inerte. Ses larmes, mêlées à la morve et à la bave, se mirent à couler à flots. Bientôt, ils allaient se déverser sur le sang encore frais mais à moitié collant, ne manquant pas de le tâcher de cette même corruption qui avait eu raison d’elle.
Voûté à quelques centimètres du sol, leurs corps entremêlés, il commença par trembler, de chagrin et de rage, puis il hurla. Déjà à son égard, puis à la foule. Mais l’une ne pouvait plus lui répondre, et l’autre avait la gorge nouée de tristesse et de compassion. Trop pour pouvoir ou vouloir émettre le moindre son.

NON ! ROSE ! ROSE ! RÉPONDS MOI JE T’EN SUPPLIE ! ROSE !

...

QUI ?! QUI EST L’IMMONDE FILS DE PUTE QUI A OSÉ ?!
QUI ?! QUI ?!

RÉPONDEEEEEZ !


Sa voix avait perdu toute mélodie et n’était plus que rage. Il s’était relevé et braquait maintenant ses yeux inondés de larmes et exorbités sur la foule. Ils étaient injectés de sang et seules ses idées vengeresses leur permettaient de ne pas se révulser et de sombrer dans l’inconscience. Jamais il n’avait connu une telle rage inconsolable, et ce n’était plus que ce sentiment qui l’habitait. Il était méconnaissable.

A ces mots, une partie de la foule fut prise de sanglots qu’elle essayait de contenir. De toute façon, personne ne savait. Seule une voix osa retentir.

- Oï ... Popo ... R’ssaisis-toi ...

Cette voix, familière qui plus est, était tremblotante mais l’état dans lequel Apollon était ne lui permettait pas de s’apercevoir que celui qui l’avait amené ici, le capitaine Bidouille John des Rock Pirates, était lui aussi affecté par cette tragédie. A la place, il le fusilla du regard et lui vociféra ces quelques mots :

- QUE JE ME RESSAISISSE ? ALORS QUE LA PERSONNE QUI A FAIT ÇA COURT TOUJOURS PAISIBLEMENT LES RUES DE ZAUN ?

John prit le risque de faire un pas vers son nouvel ami. Tout ce qu’il voulait, c’était l’apaiser sans qu’il ne lui explose au visage. Alors il reprit doucement :

- J’sais, Popo, j’sais ...

Les larmes lui montaient aux joues. Il aurait été logique de penser qu’un pirate de la vieille école, avec le bandeau et le tricorne, ne connaisse pas ce qu’était pleurer. Mais il pleurait. Il se fichait des réactions que les gens autour d’eux auraient pu avoir. De toute façon, aucun n’étaient en mesure de se moquer de lui parce qu’ils étaient tous dans le même état. Seule le reste de l’île ronflait et fumait, impassiblement et inlassablement.
A mesure qu’il essayait de le réconforter, il avançait doucement.

- Mais Rose aurait pas voulu ça. Elle aurait voulu qu’tu restes digne.

Il est vrai, Apollon avait perdu toute dignité à ce moment là. Mais pour une fois, la dignité n’avait plus aucune valeur à ses yeux. Et il savait que John avait raison.
Alors que le pirate était à deux doigts de pouvoir l’attraper, ce fut Apollon qui se jeta dans ses bras en écrasant un sanglot.

- Mais que font les forces de l’ordre ? couina-t-il dans les bras de son ami.
- Y’en a pas ici, Popo ...

Cette réponse lui tira à nouveau un lourd sanglot accompagné d’un cri étouffé par un gargouilli. Il était devenu un enfant. Un enfant inconsolable.

- Il avait pas le droit ! Elle méritait pas ça !
- Je sais, je sais ... Personne mérite ça ... Mais ... reste pas seul, hein ? Reste pas seul, viens avec nous, on part pas tout d’suite. J’te jure on f’ra les choses bien pour elle ! On f’ra à la façon normal, pis à not’ façon ! Tu verras, on lui f’ra honneur !


Alors qu’ils s’éloignaient de la scène de crime en se tenant par l’épaule, tête contre tête, la fratrie à son paroxysme, le reste de la foule accepta un consensus tû afin de prendre les choses en main. Déjà elle s’organisait et un croque-mort arriva au pas de course pour prendre les mesures de ce brave petit bout de femme.

Personne ne la connaissait vraiment, mais la charité oeuvrait durement. Tous allaient participer pour lui offrir un hommage à la hauteur de ce qu’elle méritait.

John leur jeta un dernier coup d’oeil avant de s’éclipser, touché par autant de bonne volonté.
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Deux jours s’écoulèrent. Deux jours durant lesquels Apollon ne fit que pleurer, et boire. Boire pour oublier, mais il n’y arrivait pas, car il dormait, il ne le faisait que très peu et très mal.
De ce fait, il n’était plus que l’ombre de lui-même. Blême, frêle, crasseux, le visage émacié, les cernes creusées et les yeux douloureux à force de trop pleurer. On avait d’abord dit un enfant, puis une reine du drame avant de comprendre qu’il était vraiment inconsolable et qu’il faudrait du temps au temps pour qu’il pût effacer les séquelles du deuil.
Les Rock Pirates avaient été payés mais attendaient que l’on rendît hommage comme il se le devait à cette jeune femme. Et puis ils ne voulaient pas laisser tomber leur ami qui était devenu méconnaissable. Son sourire radieux n’était plus, et la douleur qui l’avait remplacé était toute aussi intense que son ancien état d’âme.

La cérémonie eut lieu dans l’après-midi, chapeauté par le croque-mort qui avait été un client. Apollon avait réuni tous ses efforts pour revêtir une tenue entièrement noire. Bidouille John avait même dû l’aider pour qu’il eût enfilé sa veste. Les pirates eux aussi étaient tirés à quatre épingles, autant que pouvait l’être la flibuste de vieille école.

John ne l’avait dit à personne, mais il avait demandé une avance à celui à qui il était lié sous le manteau pour payer un cercueil en bois de rose à la tavernière. Avance qu’il avait entièrement liquidé dans cette matière première exotique, dans la fabrication et la livraison de cette boîte funèbre. Apollon reconnut aussitôt ce bois odorant et se mit à sangloter de plus belle, touché par cette fleur qu’on lui avait faite.

La ville fumait et ronflait toujours autant, toujours aussi indifféremment. Mais les huiles essentielles dégagées par le bois parfumaient les environs et cachaient celles de tout Zaun.
A un à un, les participants s’approchèrent, déposèrent une fleur et chuchotèrent un dernier mot pour la défunte. Quand ce fut au tour d’Apollon, John lui murmura :

- Si t’as pas l’coeur à moufter, moufte pas. Mais reste digne, pa’ce que la p’tite Rose, c’est c’qu’elle aurait voulu. Reste un peu d’vant, parle lui dans ta tête, dépose la fleur, incline-toi et barre-toi. Force à toi, mon frère !

A ces mots, Apollon renifla un coup pour étouffer un sanglot et rassembler ses forces. Rester digne, c’était déjà chose impossible avec autant de larmes et de morve. Même s’il avait remonté un bon filet à cet instant, elle recommençait déjà à pendouiller.
Il expira longuement et daigna enfin s’approcher.

Rose ... je ... Ro ... R-Rose, je ... Désoléj’ensuisincapable !

Malgré tout, ill prit tout de même la peine de déposer tranquillement la fleur qu’il tenait dans les mains avant de s’incliner et de se carapater au sein même de la petite bande.

Quand le cercueil fut finalement enterré dans l’amertume et le silence le plus total, personne ne broncha. Une fois la cérémonie achevée, certains restèrent pour se recueillir mais la plupart repartirent, comme les Rock Pirates ou Apollon.

Ils retournèrent à leur navire mais l’ambiance n’était pas au beau fixe comme elle l’était souvent. Beaucoup avaient grise mine et ne faisait que le strict minimum, n’ayant pas le coeur à l’ouvrage. Le soir venu, ils se rendirent au sommet d’une falaise surplombant la mer et rendirent un dernier hommage à leur façon.

Tous la bouteille à la main, même les musiciens, ils s'avancèrent en ligne copiant la courbe du littoral, Apollon et John au milieu. Les musiciens se mirent à jouer un air triste, puis tout l’équipage entamèrent un chant en balançant de gauche à droit en rythme.


Apollon ne chantait pas, il ne se balançait pas. Il buvait en se laissant ballotter, plus pathétique jamais. Tous avaient des frissons sous la magie de la scène, la mer était un symbole fort chez les pirates. Beaucoup la considéraient comme leur seule tombe légitime, comme leur muette confidente, et comme leur Passeuse. Alors ce chant reviendrait aux oreilles de Rose et l’honorerait, où que son âme fût.

Une fois le chant touchant à sa fin, Apollon regarda comme un chien battu regarderait ses maîtres puis couina un petit :

- Bande de salauds ! Fallait que tes musiciens utilisent de l’hypnose musicale pour me faire chialer hein !
- J’crains qu’non, mon p’tit Popo ... J’crains qu’non ...


Le barde redoubla de sanglots.

Ils restèrent un moment ainsi, puis John revint à Apollon.

- Tu veux rester un peu ici, tout seul ?

Il opina du chef, alors la mauvaise troupe s’en alla, non sans tous le flatter d’une tape amicale sur l’épaule pour l’encourager.

***

Une heure plus tard, alors que le soleil fuyait sous le règne noir de la nuit qui s’installait, Apollon rejoignit les Rock Pirates. Quand il le vit, John vint à ses devants.

- J’suis désolé Popo, mais on doit y aller.

Il ne répondit pas, mais il ne pleurait plus.

- Ca va aller ?

Il déglutit puis confirma d’un signe de tête.

- Tu veux partir avec nous ?
- Non, je te remercie.
- Tu restes pas seul hein ?!
- Si. Mais ça ira. Je n’ai pas sû me montrer digne depuis le jour où l’horreur a été commise, je me dois de remédier à ça.
- N’fais rien qu’tu pourrais r’gretter ! Ou qu’tu pourrais m’faire r’gretter à t’laisser seul. Oublie pas c’que j’t’ai dit l’premier jour : t’mêles pas d’la vie des g...


Apollon riva ses yeux droit dans ceux de John. Une détermination folle marquait son visage malgré les vestiges encore conséquents de sa peine.

- Je vais venger Rose.
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Sur ces mots, il ne se fit pas attendre et les illustra immédiatement en se mettant à la recherche du seul homme capable de rester nuit et jour sur la place des docks du quartier, qui était l’unique place de celui-ci. Cet homme n’était autre qu’Alexander le sans-abri.
De par sa condition, il était la personne la plus à même de témoigner, si tant est qu’il traînait dans le coin ce matin-là.

Mais au bout d’un quart d’heure et le quartier bouclé, Apollon dut se rendre à l’évidence : Alexander n’était plus ici. Il fit un travail de mémoire difficile pour se rappeler de leur dernière rencontre et à vrai dire, il lui était impossible de se souvenir de quoi que ce fût d’autre que sa peine depuis l’avant-veille. Elle l’avait complètement obnubilé et tous ses autres souvenirs étaient aussi courts que brumeux. Mais il fut parcouru d’une fulgurance : la dernière fois qu’il l’avait vu, c’était le matin même, sur le chemin entre l’hôtel et la taverne. Et ce jour-là, il ne l’avait même pas apostrophé alors qu’habituellement, il lui faisait toujours du zèle pour lui quémander une pièce. Quelque chose l’avait donc perturbé.
Etait-il témoin ... ou coupable ?

Quoi qu’il en soit, je dois le retrouver. Il est ma seule piste, et si elle remonte jusqu’à lui, il me faut le garder sous le coude. Mais ... s’il sait que j’enquête sur le meurtrier et qu’il l’est, alors il se méfiera. Je vais devoir jouer finement et mais aussi et surtout, trouver de nouveaux éléments. S’il est ma seule piste et qu’il est cet ignoble fils de pute, il m’enverra dans les choux et je courrai peut-être à ma perte. Je ne peux pas prendre ce risque.
Mais par où commencer ?


Quelques minutes d’intenses réflexions plus tard, il opta pour aller se coucher, décidant que la nuit portait conseil. Après tout, il n’était pas très frais, et ce n’était pas le meilleur moyen pour débuter une investigation. Ainsi, il se rendit à l’hôtel pour regagner sa chambre.
Mais cela ne l’empêchait pas d’être perdu dans ses pensées, jusqu’à ce que ...

- Monsieur ? Excusez-moi de vous déranger ...

L’air absent s’effaça du visage du barde et ce dernier fit volte-face à la voix familière, celle du directeur de l’hôtel. C’était un quinquagénaire brin, et aux tempes grisonnantes. Habillé serré et carré dans son costume trois pièces, et même sans sa veste comme ce soir à cette heure, il paraissait indéboulonnable, son flegme et son tact renforçant cet aspect.

- Moui ?
- Je vais peut-être vous paraître quelques peux intrusif, et pardonnez-moi pour cela, mais ... vous êtes connus dans le quartier. Donc je sais comment vous êtes, ou plutôt étiez, rémunéré ...
- Je comprends, et votre crainte est toute naturelle étant donné votre place. Je vous rassure : je n’aurais plus de nouvelles entrées d’argent maintenant, mais ce sera ma dernière nuit ici. En tout cas je l’espère. Non pas que votre établissement ne me plaise pas mais ...


Apollon s’arrêta pour émettre une nouvelle réflexion.

- Puis-je à mon tour vous poser une question ?
- Bien sûr !
- Vous êtes donc au courant pour Rose puisque vous savez que je ne percevrai plus les pourboires, mais savez-vous qui aurait pu commettre cela ?
- Si je le sais ? Non. Mais j’ai des hypothèses.
- Me feriez-vous l’insigne honneur de me dire lesquelles ?
- Vous savez, je ne suis pas d’ici. Mais depuis le temps, je peux dire que j’ai su me faire accepter, comprendre la mentalité locale et en apprendre plus sur ce qui se trame sur l’île. Et selon moi, il pourrait s’agir de n’importe qui : un admirateur secret complètement fou, fou de la voir complice avec tous ses clients ; un îlien jaloux de son succès récent ; un îlien furieux de la voir s’acoquiner avec des étrangers alors qu’elle était originaire de l’île ... Ca pourrait peut-être même être celui qu’on appelle Jacques l’étripeur ! La liste et les motifs ne manquent pas. Ce même Jacques pourrait être n’importe qui !
- Jacques l’étripeur ?
- Oui. C’est un assassin qui a sévi plusieurs fois sans que personne ne connaisse réellement son identité. Quelques noms sortent mais retournent bien vite à l’anonymat ...
- Et l’absence de milice ne manque pas d’appuyer le mystère autour de ce personnage.
- Et de démontrer l’insécurité de l’île ! Mais le bougre sait se faire oublier puisqu’il espace ses crimes de plusieurs mois. Alors les gens parviennent à l’oublier et ils surmontent leur sentiment d’insécurité. En fait, il a un mode opératoire à peu près défini : il ne s’attaque uniquement aux femmes, et à proximité du Zaunard. Mais alors n’importe qui d’assez futé et habile peut agir sous cette couverture, et je ne serai pas surpris d’apprendre que certains des crimes lui ont été attribués alors qu’il ne s’agissait pas de lui ...
- Donc ce Jacques peut-être n’importe qui et n’importe qui peut se cacher derrière l’image de ce Jacques ...
- Exactement. Sans compter que ce n’est peut-être pas lui qui a commis le crime. Mais il n’empêche que les locaux ont toutes les raisons du monde à lui prêter cet acte horrible.
- Eh bien voilà qui ne m’avance en rien ...


Un ange passa, passage durant lequel le tenant scrutait attentivement un Apollon pensif.

- Vous enquêtez sur le drame ?

Le bateleur releva la tête.

- Oui, en effet.
- Je peux comprendre vos motivations, et je ne peux que vous encourager dans cette démarche, mais méfiez-vous. Les Zauniens n’aiment pas trop que l’on fouille dans leurs affaires, encore moins quand il s’agit d’étrangers. Et leur méthodes pour s’en assurer peuvent se révéler ... plutôt définitives.
- Il est vrai, un ami m’a averti, mais merci.
- Bidouille John, n’est-ce pas ?
- Exactement. Vous le connaissez ?
- Les étrangers qui ont percé ici se comptent sur les doigts des deux mains, alors oui. C’est aussi pour cela que je tiens à vous informer du mieux que je peux. Et du fait, non, vous n’êtes pas avancé à rien.


Apollon fut frappé par la surprise de cette réponse.

- Mais ... expliquez-vous alors !
- Eh bien, je vous ai parlé du Zaunard. C’est le surnom ... affectueux dirons-nous ... que les Zauniens ont attribué au train qui dessert les petites mains dans les usines. Je vous ai également dit qu’il était le lieu d’attaque favoris de ce Jacques. Le hic, c’est qu’il traverse toute la ville avant d’aller se perdre dans la périphérie. Donc votre champ d’action n’est pas réduit pour autant.
- Hm ... Et n’importe qui peut monter à bord ?
- Je pense, oui. Il passe très tôt chaque matin et très tard chaque soir, pour rafler la main d’oeuvre non-qualifiée qui grouille ici. Et comme elle grouille, le train est bondé. Donc, il est facile d’y accéder.
- Pourtant, Jacques a choisi cet endroit noir de monde pour frapper. Cela ne vous paraît pas un peu ... paradoxal, très risqué ou erroné ?
- Non, le Zaunard est un vieux train qui se traîne dans son immense panache de fumée blanche. Je parie qu’il fume plus que toutes les usines de l’île réunies ! Alors il doit se servir lors d’un de ses arrêts, où la fumée stagne, pour frapper ...


Apollon lissait frénétiquement sa barbichette ébène, perdu dans ses pensées.

Donc, il faudrait que je m’infiltre dans ce Zaunard et que je me fasse remarquer pour attirer l’attention de ce Jacques. Il ne s’attaque qu’aux femmes, mais ce n’est pas un souci. Le hic, c’est ce qu’il laisse une sacrée marge de temps entre deux meurtres ... Il faut donc que je le pousse à agir mais que je parvienne à m’en tirer ...

S’il s’attaque uniquement aux femmes, il y a trois possibilités : un, il est une personne faiblement constitué ou diminué, mais suffisamment fort de même pour prendre le dessus ; deux, c’est un misogyne pour quelques raisons que ce soit ; et trois, c’est un lâche pour s’en prendre aux femmes car globalement plus faibles que les hommes ... Non, en réalité, il n’y a que deux hypothèses, puisque dans tous les cas ce n’est qu’un immonde lâche ...

Et enfin, si c’est bien lui qui a tué Rose, je peux en conclure qu’il tue en ville. Mais je ne peux pas me permettre de le prendre pour argent comptant sans m’en assurer, puisque je ne sais pas si c’est effectivement lui et s’il ne tue qu’en ville.


- Précisément.
- Hm ?


Le directeur de l’hôtel avait continué de s’affairer derrière son comptoir après avoir vu Apollon entre train de cogiter profondément.

- Vous parliez de ses frappes. Sans me dire précisément, vous savez s’il assassine en ville ou à la périphérie ?
- En ville. J’imagine qu’en périphérie, il n’y aurait pas assez de personnes pour se fondre dans la foule.
- Habile.


Et cela colle avec le meurtre de Rose ... Si seulement j’avais pu mettre la main sur cet Alex...

- Oh ! Et vous connaissez le sans-abri du coin ?
- Alexander ? Bien sûr que je le connais ! Il ne traîne que par ici, parce que dans la ville même, les gens ne s’arrêtent pas pour répondre à sa mendicité, et il est plus rentable pour lui de s’installer ici.
- Et pourtant, il a disparu.
- Oui, ça lui arrive souvent. Je vois où vous voulez en venir, mais je ne sais si la fréquence de ses absences collent avec celle des prétendus meurtres de Jacques. Je dirais qu’ils sont plus fréquents.
- De toute façon, s’il disparaît au même moment, cela le rend suspect. Et s’il ne le fait pas, il peut se servir de cela pour se fondre dans le paysage.
- Je comprends vos suspicions, mais Alexander n’est pas ce genre d’homme. Ce n’est vraiment pas un mauvais bougre. Je peux vous assurer que jamais il n’aurait touché à un seul cheveu de Rose. Et puis je rappelle que Jacques frappe en ville, et qu’à ma connaissance, Alexander n’y met jamais les pieds.


Hm. Une impasse donc ? Je pense que je peux faire confiance à cet homme, et cette conclusion ne m’est pas uniquement négative : Alexander devient un suspect de moins et donc une piste supplémentaire si je parviens à le retrouver ...

- Je vous remercie pour toutes ces informations. Bonne n...
- Attendez ! C’est un plaisir de pouvoir aider celui qui voudrait venger Rose. Pour autant, je désapprouve vos actes car je n’aimerais pas qu’il vous arrive malheur. Aussi, j’imagine que l’enquête prendra un certain temps et ...
- Je ne voulais rester qu’une nuit supplémentaire, celle-ci, mais en vérité, je ne pourrais plus vous payer que deux nuits. Je me dois de boucler cette affaire rapid...
- L’enquête prendra un certain temps, disais-je, plus que deux nuits. Et pour cela, je vous offre la semaine. Je désapprouve votre démarche mais mon coeur apprécie et vous encourage, et je vous l’ai déjà dit. Aussi, vous aurez peut-être besoin de cet argent pour mener à bien votre investigation. Je vous offre une semaine, pas plus. Si vous tenez à rester pour élucider le mystère et que cela vous prend davantage de temps, alors vous devrez trouver un autre refuge.


Les lèvres d’Apollon d’une façon qu’il leur était inconnue depuis ces deux derniers jours. Il retrouva le sourire, et sur ce visage fatigué, cela décuplait le plaisir qu’il éprouvait, et par là même, la satisfaction du directeur de l’hôtel.

- Merci ! Merci beaucoup ! Cela me touche énormément !

Pour accompagner ses propos, il porta sa main à son coeur. Avant toute réponse, le tenant s’inclina légèrement, avec lui aussi un léger sourire aux lèvres.

- Bonne nuit, monsieur.
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Apollon prit l’adage “la nuit porte conseil” au sens littéral. A l’heure à laquelle il était monté dans sa chambre était plus que tardive mais il griffonna tout de même un plan d’action à grands renforts de café. Il était même descendu demander au directeur s’il avait des cigarettes. Il ne fumait pas, mais il estimait qu’adopter au plus juste l’état d’esprit d’un investigateur de la grande époque lui conférerait ses manies et ses intuitions. Bien sûr, dès la première bouffée il s’étouffa et écrasa la tige à cancer.

- Salop’rie ! éructa-t-il d’une voix exagérément rauque et usée. Si c’pas cette canaille qu’aura ma peau, ce s’ra l’tabac.

Repérage, couvertures, interrogatoires et action. Il avait tout prévu, son investigation était rodée, il n’y avait aucune place faite à l’imprévu, il mettrait la main sur cette pourriture d’ici la fin de la semaine.
La nuit porta effectivement conseil, et le meilleur qu’elle pût lui donner fut celui d’aller se coucher. D’après le directeur de l’hôtel, le Zaunard passait en ville dans les alentours de 5h du matin, la gare la plus proche étant à vingt minutes d’ici.

Il était 1h.

Alors aussitôt, il sortit sa tenue qu’il arborerait le lendemain : une tenue simple, sobre, tout ce qu’il y avait de plus classique pour se fondre dans la masse.


***


Quand il se réveilla le lendemain, sa barre sur le front était si intense à cause du manque de sommeil qu’il aurait juré qu’on était venu le frapper durant la nuit. Il ne prit pas le temps de se peigner, chose très difficile pour lui qui adorait soigner son apparence, s’habilla aussitôt avant de descendre.

- ‘alut ! étouffa-t-il dans un bâillement à s’en décrocher la mâchoire.
- Bonjour Monsieur, lui répondit le directeur qui avait les mêmes cernes, mais qui lui allait se coucher pour céder sa place à sa femme dans une heure ou deux. Qu’est-ce que ce sera ?
- Un café noir, aussi noir que les ténèbres qui s’étendent sur cette île. Et sans sucre, parce que j’aime quand c’est pas adouci, comme ma vie. Parce que c’est amer, comme ces derniers jours.


A nouveau, il avait enfilé le rôle du détective désabusé. Mais vêtu comme un péquin de base, la scène était cocasse. Le tenancier en profita d’ailleurs d’être retourné pour cacher un rictus moqueur.

Il le but d’un trait et grimaça fortement. Il claqua une pièce sur le comptoir et la porte de l’hôtel en partant. Immédiatement, il toisa le ciel maussade qui n’accueillait pas encore le soleil. Aussitôt sorti, il se grilla une nouvelle cigarette avant de s’étrangler et de l’écraser.

- Ah bordel ! Hors de question d’clamser avant la fin d’l’enquête !

Du bout des doigts, il l’envoya valser avant de prendre le chemin de la ville qui ne dormait jamais. Désormais, il ne pouvait plus se permettre de jouer les guignols de service, il fallait rester sur le qui-vive et ne laisser passer aucune information potentiellement utile.


***


Alors qu’il commençait enfin à s’enfoncer dans la ville, chose qu’il n’avait jamais fait depuis son arrivée sur Zaun, il chercha l’arrêt du Zaunard. Et quand il tomba nez à nez avec une foule de gens qui tiraient la même tête que lui, abrités sous une station bouffée par la rouille, il sut qu’il avait atteint son but. La lumière naturelle de l’astre du jour ne pointant pas encore le bout de son nez, la troupe de gens mal réveillés et éclairés par la lueur blafarde des lampadaires leur donnait des airs surnaturels de horde de zombies. Aucun ne souriait, peu discutaient, beaucoup baillaient ou laissaient échapper des râles. Apollon, guère mieux loti, se fondit aisément dans la masse. Personne ne faisait attention à ce qui l’entourait, alors il comprit que ce Jacques avait une liberté totale d’action, surtout s’il était couvert par les panaches monstres de fumée blanche.

Les minutes lui parurent longues avant que le brouhaha mécanique du trou ne se fît entendre au loin. D’ici, le train semblait déjà se traîner péniblement. Les pistons adoptaient un cycle lent et lourd mais régulier et pénible. Avant même qu’il n’arrive en gare noire de monde, il siffla un coup qui déchira le silence vrombissant de la ville. Enfin, vint ce vieux coucou qu’il était, suivi par son longue robe blanche de fumée. Quand il s’arrêta, ses cheminées en expira davantage encore, ce qui noya la gare vétuste ainsi que son flot de mort-vivants. Mais cela ne devait pas suffir puisque sa longue traîne brumeuse vint se rabattre dans les alentours, nappant totalement la zone.

Apollon toussa, comme beaucoup d’autres. Peu après, la horde s’engouffra docilement dans les portiques afin de rejoindre les wagons déjà bondés. Les contrôleurs faisaient payer ceux qui n’avait pas de billets, et devant le nombre de personnes présentes, ils n’étaient pas regardant sur les nouvelles têtes. Le bateleur paya donc son trajet puis s’installa comme il le put à bord, c’est à dire debout, collé à d’autres personnes sans aucune barre pour se tenir. De toute façon, personne n’allait tomber, entassés qu’ils étaient.


***


Quelques arrêts plus tard, le Zaunard était enfin arrivé dans la zone industrielle où le train dégueulait son affluence à chaque pause sans vraiment paraître se vider. Apollon descendit en plein coeur des diverses industries, arpentant les ruelles comme beaucoup d’autres. Mais contrairement à eux, son cerveau en ébullition permanente malgré sa tronche de déterré avait capté plusieurs informations. La première étant qu’il y avait beaucoup d’industries de pointe, notamment scientifiques et médicales. La deuxième était que rien que ce jour, il n’y avait pas moins que deux entreprises qui durent céder leur place à une autre, soit englobée, soit dépassée. La troisième et dernière était qu’Apollon avait découvert le boîte pour qui travaillait Bidouille John, son ami capitaine pirate. Il s’agissait de la Boulonnerie Pavlov, seule usine du genre des lieux à la ronde.

Technologiquement, elle devait être dépassée. En réalité, sans rival direct, elle ne pouvait que fructifier étant donné de n’importe quelle fabrique de pointe avait besoin de pièces mineures tel que des boulons ou des visseries.

Le bateleur jugea qu’il ne pouvait pas mieux faire pour ce premier jour d’enquête, mais il réalisa qu’il ne pouvait pas rentrer en ville tout de suite à bord du Zonard qui ne passait que deux fois par jour : le matin très tôt, et le soir très tard.

Alors il dut rentrer à pied, non sans repenser à la suite. Jacques ne pouvait attaquer dans la zone industrielle, bien trop découverte malgré les immenses volutes de fumée et les ruelles étroites. Le mieux étant clairement les gares de la ville car entre la foule, les panaches et le bruit du train, il était entièrement couvert, et pouvait se fondre dans la foule si besoin.

Mais le temps du trajet lui avait permis d’imaginer son approche pour les jours à venir, et il aurait besoin de sa précieuse malle.
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Le deuxième jour était placé sous le signe de la couverture et de l’attention. Tout la veille durant -du moins, ce qu’il en restait à son retour, il chercha un moyen d’approche. Il avait revêtu une tenue d’infirmière ainsi qu’une perruque blonde, qu’il avait gardé d’un précédent spectacle. Rasé de près et noyé dans la masse, il porterait à confusion avec une vraie infirmière.

Puis lui vint l’idée de jouer les toubibs en détresse, cherchant à tout prix une prothèse pour son patient dont la vie serait engagée, ce qui lui permettrait d’être odieuse avec les autres, et donc de se faire doublement remarquer. Il avait même élaboré un nom inexistant pour cette prothèse que personne ne pourrait, du fait, se procurer.
Il avait effectué plusieurs tests par ailleurs. Il avait essayé divers cosmétiques et le mascara coulant à force de larmes était concluant. Et puis il avait travaillé sa voix.



***



Le lendemain matin, il était fin près. Bien sûr, le directeur de l’hôtel s’inquiéta de le voir vêtu ainsi et de son approche pour enquêter. Mais n’ayant aucun autre recours, il le laissa faire.
Ce matin donc, il ne s’était pas approché de la gare de trop près, tapi dans l’ombre d’un coin de bâtiment depuis lequel il épiait la scène des zombies travailleurs qui attendaient le train.

Quand la démarche bruyante et pénible du Zaunard se fit entendre, il entra en scène en faisant irruption d’une façon fracassante.

- UNE SAMOPHLANGE ! IL ME FAUT UNE SAMOPHLANGE POUR MON PATIENT ! beuglait-il d’une voix criarde et aiguë en courant dans la foule.

Personne ne daigna bouger d’un pouce. Alors il insista.

- MAIS BANDE D’INGRATS ! DITES-MOI OÙ TROUVER UNE SAMOPHLANGE ! LA VIE DE MON PATIENT EN DÉPEND !

Mais cette fois-ci, seule une personne osa lui répondre d'une voix grave.

- Ta gueule, la couasse.

Aussitôt, un sourire satisfait se dessinait sur la gueule des autres passagers. Il donc prit un air indigné.

- Où es-tu ? Goujat ! Immonde pourceau ! VIENS LÀ QUE JE JOUE DU SCALPEL HISTOIRE DE VOIR SI TON ÉGOCENTRISME TE COLLE TOUJOURS AUTANT À LA PEAU !

Un homme se détacha de la masse, chauve et barbu, dans les deux mètres de hauteur et peut-être un de large. Une armoire à glace en somme.

- Grande gueule, hein ?

Apollon déglutit.

- Quand il en va de la vie de mes patients, toujours.
- Ouais bah écoute bien : ici, c’est chacun pour sa gueule. Surtout avec les étrangers dans ton genre. C’a toujours été le cas, ça l’est encore, et ça le sera toujours. Alors tu te démerdes, tu prends le Zaunard comme tout le monde, et tu vas démarcher auprès des usines. Tu trouveras peut-être ton bonheur, ou celui de ton patient, je m’en fous. Maintenant, arrête de casser les couilles ou c’est ta gueule que je démolis.


Personne ne broncha, même pas Apollon. Alors l’homme retourna dans l’anonymat du nombre. Apollon prit le train, histoire de coller à son personnage et d’augmenter sa crédibilité, mais aucun signe de ce Jacques. Une nouvelle fois, il dut rentrer à pied, son pécule s’amenuisant de plus en plus.



***



Mais il remit cela le lendemain, en modifiant légèrement son approche. Il se faisait toujours passer pour une infirmière et il guettait toujours le dernier moment mais ...

- UNE SAMOPHLANGE ! UNE SAMOPHLANGE POUR SAUVER LA VIE DE MON PATIENT ! UN SALAUD D’UNE USINE MÉDICALE M’A ARNAQUÉ HIER ! MON PATIENT VA Y PASSER !

Fort heureusement pour lui, le colosse de la veille n’était pas là. Et encore une fois, personne ne moufta.

- BANDE DE CONNARDS ! PERSONNE NE VA BOUGER SON GROS CUL POUR LA VIE D’AUTRUI ? VOUS ME DÉGOÛTEZ ! JE VAIS DEVOIR UNE NOUVELLE FOIS COURIR LES FABRIQUES ET EN TROUVER UNE HONNÊTE !

Toujours aucune réponse, et le Zaunard était là. Comme la veille et l’avant-veille, Apollon laissa les autres passagers passer avant lui. Aujourd’hui, il faisait semblant de pleurer, recroquevillé sur lui-même.

- Ma samophlange !

Finalement, il sentit une main hésitante se plaquer sur son épaule et un objet à l'extrémité pointue lui griffer la peau.


Il se releva presque aussitôt, sachant pertinemment que le poisson avait mordu à l’hameçon. Mais il sentit également que tout le poids de son agresseur venait avec lui. Il savait qu’il était de petite taille et de faible corpulence.

- Que me vaut ce déplaisir ?

Alors qu’il sentait que l’étreinte se relâchait par surprise et par hésitation, il capta soudainement la main armée et le cou de la personne qui avait tenté de s’en prendre un lui.

Un ... Un enfant ?

La fumée se dissipait lentement à mesure que le Zaunard repartait, et Apollon en profita pour se diriger dans une ruelle sombre, à peine éclairée. Il voulait connaître l’apparence de cet étrange spécimen.



Et les Bêtes 18071002133237247



Une fois la surprise passée, les deux personnages ressemblant à deux lapins pris dans les phares du Zaunard, Apollon retrouva son calme et son sérieux.

- Serais-tu ce fameux “Jacques” ? demanda-t-il sèchement de sa vraie voix.

Ses grands yeux bleus s’écarquillèrent davantage, mais c’était désormais de peur ou d’appréhension, quelle qu’en était la raison. Puis brutalement, lui aussi reprenant ses esprit, ses sourcils se froncèrent.

- Avance, et sans faire d’ennui ! Au moindre faux pas, je te trucide la gueule !

Il avait tenté d’être menaçant, mais de par sa constitution et son jeune âge, Apollon comprit qu’il ne risquait rien. Alors il joua le jeu et ouvrit la marche -non sans un rictus amusé, guidé par le gamin qui lui piquait le dos du bout de son poignard.

Ils finirent par s’enfoncer dans des égouts quelques instants plus tard, grâce à une bouche située quelques ruelles plus loin.

Le soleil ne s’était pas encore levé, et la journée allait être longue.


Dernière édition par Apollon de Linciel le Mer 11 Juil 2018 - 19:42, édité 1 fois
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Ils s’enfoncèrent ainsi dans les égouts quelques minutes durant. A la grande surprise d’Apollon, qui ne l’était qu’en demi-teinte après mûres réflexions, ils étaient parfaitement habitables et ... habités. Mais en réalité, si cela était quelque chose d’extraordinaire pour une île des plus communes, ce n’était pas le cas pour une société aussi rapide et brutale que celle de Zaun. Elle avançait toujours, et toujours au détriment des plus en retard. Alors il comprit également que n’importe qui ici était le plus à même à être un Jacques en puissance. La plupart de ces gens avaient dû trimer durement toute leur vie durant pour se retrouver ici, démunis. Tout le monde avait à peu près une raison de s’en prendre à la société.
Cependant, Apollon revint sur ses pensées : Jacques ne s’en prenait pas à la société, mais aux femmes uniquement.

Durant leur progression dans les entrailles de la terre, il fut tiré de ses divagations à la vue d’un homme, à moitié mort visiblement, allongé sur le sol et entièrement vêtu d’un long manteau de fourrure grise qui recouvrait presque tout son corps.

- Qui est-ce ?
- Ta gueule et avance ! Pignouf !


Il aurait voulu s’arrêter mais ... ah, qu’importe. Il ne pouvait pas se permettre de ne plus jouer le jeu au risque de perdre sa seule piste, aussi extravagante fut-elle.

Un instant plus tard, ils entrèrent dans un alcôve fermé par une vieille porte en bois que le gamin lui avait demandé de pousser. Ils se trouvèrent face à un pitoyable lieu de vie avec le strict minimum pour assurer les affaires du quotidien.
Il y avait deux paillasses miteuses, une petite et une grande, une table et deux chaises, un vieux meuble bouffé par la vermine, des bouteilles vides de partout et c’était à peu près tout. Apollon comprit que le gamin et la personne qui leur tournait le dos vivaient ici.

- Papa, j’en fais quoi de cette connasse ?

Alors que l’homme se retournait, Apollon en eut assez de cette petite comédie et lui aussi fit volte-face au garçon et le désarma d’un retour de main avant se retirer sa perruque.

- Bon, ça suffit ! Est-ce Jacques ? demanda-t-il à l’adulte en désignant l’enfant, choqué par la facilité avec laquelle il était été contré. Il avait adopté sa vie voix.
- Pil’, qu’est ce que je t’ai déjà dit ? Ne ramène pas tes victimes ici.

Il avait complètement snobé le barde, lequel barde ne s’interloqua pas de la dégaine du vieil homme.

Et les Bêtes 180711095928592388

- Mais répondez-moi ! Ce “Pil”, est-ce Jacques ?

Le vieux, indéboulonnable, partit s’asseoir sur une des deux chaises. Un interrogatoire fulgurant et incroyable de flegme se mit en place, sans que jamais il ne prît la peine de le regarder. La tension montait crescendo.

- Est-ce que vous êtes vraiment une infirmière, vous ?
- Vous voyez bien que non !
- Pensez-vous qu’un gamin puisse être ce Jacques l’étripeur ?
- On ne sait jamais.
- Jacques tue. Il ne kidnappe pas.
- Disons qu’il s’est raté.
- MÊME PAS VRAI D’ABORD !
- Si tu t’es raté ! Eh bien Jacques ne rate jamais. Sinon ça se saurait. Et puis tout le monde pourrait être Jacques, chacun ayant ses rais...
- Certes ! Mais ne déviez pas du sujet ! Pourquoi vouliez-vous me faire assassiner ?
- Moi aussi j’ai mes raisons. Est-ce que ça fait de moi ce tueur en série ?
- Vous répétez son mode opératoire, c’est suffisant à mes yeux.
- Les conditions sont les mêmes parce que vous les reproduisiez. Vous auriez été ailleurs, à un autre endroit, vous aurions tenté la même chose. Bien que vous nous auriez rendu la tâche plus difficile.
- Donc c’est moi que vous visiez bel et bien ?
- Oui. Et estimez-vous heureux d’être ici, je veux dire, en vie.
- Mais pourquoi ?
- L’armoire à glaces vous a répondu : vous étiez une étrangère à grande gueule.
- ET ALORS ?
- Alors ça me suffit.
- Non mais je rêve !
- Non.
- C’était rhétorique. Et qu’est-ce que je vais devenir ?
- Je devrais vous tuer moi-même.
- Et pourquoi ne le faites-vous pas ?
- A m’assaillir de questions, vous me tapez sur le système. Je me demande encore pourquoi je ne le fais pas maintenant.


Sur ces mots, il sortit un coutelas de la poche intérieure de son manteau qu’il posa sur la table devant lui.
Apollon se décida enfin à se taire, mais il restait néanmoins intrigué par ce drôle d’olibrius. Sa curiosité dévorante dépassait sa peur et il voulait en apprendre plus sur cet étrange duo.

- Mais qu’est-ce que vous faites dans la vie ?
- Je vole. Ca nous permet de survivre.
- Vous ne voulez pas offrir un meilleur cadre à votre fils ?
- Ici ? J’ai essayé. Et c’est pas mon fils.


Les yeux du petit furent piqués de larmes qui commençaient à perler sous ses paupières.

- Disons que c’est mon fils adoptif et que je lui apprends comment survivre à cette île sans y perdre la raison.
- Pourquoi ne pas partir loin de Zaun alors ?
- Parce que ... c’est compliqué. J’aimerais, mais je n’ai pas les moyens. Plutôt, disons qu’il me manque encore quelques pièces maîtresses avant de définitivement mettre les voiles. Et vous dépouiller aurait pu nous servir.
- Pourquoi ça ?
- Une infirmière prête à débourser une fortune pour acheter une prothèse vitale à son patient, ça ne court pas les rues, surtout à découvert comme vous l’étiez.
- Eh bien, si je n’approuve pas vos actes, votre but est noble. Alors je pourrais peut-être vous aider ...
- Vous avez combien sur vous ?
- Pas grand chose. Ce n’était qu’un costume je vous rappelle.
- Alors il faudra voler. Vous savez le faire ?
- Non. Mais vous oui, apparemment.
- Exact. Mais je ne vole pas les grosses industries. Il nous faut un plan que j’étais en train d’élaborer comme ultime recours.
- Très bien. J’en suis !
- ON T’A RIEN D’MANDÉ ! ESPÈCE DE TARLOUZE !
- La ferme Pil’ ! On ne refuse pas une paire de bras supplémentaire.
- Mais ...
- Y’a pas de “mais” ! Enfin si, un seul : mais pourquoi vous nous aidez alors qu’on a cherché à vous tuer ?
- Vous avez raison, je devrais vous dénoncer à la milice. Ah c’est vrai, VOUS N’EN AVEZ PAS !
- Habile. Dirigez-vous dans la zone industrielle ce soir, nous frapperons cette nuit.
- Entendu. Au fait ! J’ai deux petites questions : comment vous appelez-vous ?
- Charles Heston. Et vous ?
- Apollon de Linciel.
- Étrange.
- A QUI LE DITES-VOUS !
- A vous. Et la seconde ?
- Sur le chemin, nous avons croisé différentes personnes, plus ou moins -surtout moins- bien loties, mais il y en a un en particulier qui a attiré mon attent...
- Un homme en fourrure ?
- Oui !
- Méfiez-vous de lui.
- Pourquoi ? Il m’avait l’air mal en point ...
- Pil’, on bouge. Rendez-vous ce soir, Apollon. Ne nous cherchez pas, nous vous trouverons.


Aussitôt, Charles se leva et se dirigea vers la porte de leur alcôve sans attendre et non sans récupérer sa lame. Pil’ fit un doigt d’honneur à Apollon avant de s’éclipser à son tour.
Seul et sans plus d’information, il mettrait son enquête de côté pour aider ces pauvres gens. Mais en attendant, il irait voir ce curieux personnage tout de fourrure vêtu, ne pouvant résister à sa curiosité et à sa soif de découverte et d’aventures.
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Alors qu’il s’approchait de cet inconnu tout de fourrure vêtu, ce dernier prit la parole dans un râle nimbé de mystère.

- Un étranger ici ? Toujours en vie, de plus ?

Apollon connaissait de ce timbre de voix, mais dans ses souvenirs, il l’avait associé à un langage plus ... familier et haché. Là, son interlocuteur parlait lentement et distinctement.

- Un lieu incongru pour de telles retrouvailles ...

Ce dernier mot interpella le bateleur qui avait commencé à se baisser pour l’ausculter. Ceci l’arrêta net dans son mouvement, mais cet homme qu’il aurait dû reconnaître lui tendit mollement la main.
Apollon hésita un instant puis tendit fébrilement la sienne. A cet instant, la main du pauvre la saisit brutalement, maintenant une étreinte certaine et un claquement de langue plus tard, sa fourrure se mit à se désintégrer sans que le barde n’eût le temps de réagir ! Tout ce qu’il put faire, ce fut de se rendre compte que la fourrure ne se désintégrait pas mais se morcellait en gros morceaux ! Des dizaines et des dizaines de morceaux vivants qui couraient sur ses membres à lui ! Ce n’était pas de la fourrure, mais des rats ! Des rats vivants qui recouvraient la moindre surface de son corps !

Désormais, c’était au tour d’Apollon d’être entièrement recouvert de ce manteau un peu spécial. Totalement ahuri et dégoûté, il tenta vainement de les chasser.
L’homme en profita pour se relever et se tenir en face lui.


Et les Bêtes 413350princeofrodentsbyshardglass


- N’est-ce pas, “M’sieur Popo” ?

Apollon était sous le choc.


- A...A-Alexander ?
- Lui-même, cher monsieur de Linciel.


Il avait effectivement reconnu le mendiant qui était posté tous les jours sur le chemin entre l’hôtel et la taverne de Rose pour faire la manche. Il pensait être un ami, mais le bougre n’en démordait pas : il le maintenait toujours aussi fermement. Et puis de toute façon, Apollon n’osait pas bouger de peur de se faire dévorer vivant.

- M-M-M-Mais pourqu...
- T-t-t ! Ici, très cher, les questions ont un prix. Et vous ne m’avez pas payé depuis votre arrivée.
- Tu m’en vois navré, mais je n’ai plus rien à t’offrir !
- De l’argent ? Héhé ! Ce n’est plus le prix du jour, vous êtes en retard ! Non, je vais décider de la nature du sacrifice et je vais me servir moi-même, ne pouvant pas compter sur votre générosité. Rassurez-vous, mes rats ne vont pas se repaître de votre chair. Non, j’ai bien trop besoin de vous pour cela, et vous ne pourrez pas refuser quoi qu’il arrive.


Apollon, impressionné et soumis, s’abstint de toute parole afin de ne pas froisser ce mendiant qui ne paraissait plus aussi démuni et sympathique que lors de leur rencontre au port. Il en avait même oublié l’enquête et n’osait plus lui poser de question gravitant autour de ce fameux Jacques l’étripeur.

- Je t’é... je vous écoute. Qu’est-ce que vous voulez que je fasse ?
- Oh, vous le saurez bien assez tôt. Je ne serai jamais très loin, faites attention à vous.


Au même instant, il claqua son talon sur le sol et les rats se mirent à galoper dans le sens inverse, formant à nouveau un manteau sur la peau de leur maître. Une fois la panoplie au complet et les rats solidement liés entre eux, il tourna les talons et s’évanouit dans les dédales des égouts en levant une main en l’air.

- Au plaisir, cher Monsieur de Linciel.

Apaisé mais peu enclin à poursuivre son séjour en ces lieux, Apollon ne se fit pas prier pour rejoindre la surface. A présent, l’astre du jour se levait timidement de derrière les brumes, mais il ne rendait pas la ville plus sécurisante pour autant.


***



Le soir venu, il se rendit comme convenu à la zone industrielle de Zaun où l’attendaient Charles et Pil’. Ils lui avaient dit qu’il ne pouvait pas les rater, et ce fut évidemment le cas puisqu’ils patientaient aux premiers abords de la périphérie, là où les usines pointaient en masse à l’horizon.

Charles expliqua son plan à Apollon : il voulaient construire leur propre navire, une coque de noix, qui stationnait à la sortie des égouts, dans un endroit reculé au creux d’une des falaises qui bordaient l’île. Le hic, c’est qu’il leur manquait des pièces capitales pour la bonne survie et une bonne utilisation de leur radeau de fortune. Pourtant, il travaillait à la Boulonnerie Pavlov, celle-là même qui employait Bidouille John, mais son patron avait toujours refusé les avances qu’il lui demandait pour concrétiser son rêve. Or, les pièces manquantes étaient celles que cette fabrique vendait. Mais comme il fut viré après quelques frasques, ils allaient devoir se les approprier de force, en s’infiltrant dans l’usine.


***


Et il leur fallut bien deux heures de marche, à arpenter et sillonner entre les grosses manufactures avant d’arriver à destination. Apollon en avait profité pour lui poser des questions sur Alexander. Charles ne le connaissait pas exactement, puisqu’en ville il se faisait passer pour le “Roi des Rats”. Un mendiant influent qu’il ne faisait pas bon taquiner. Bizarrement, il était toujours au courant de tout, mais il ne faisait que se vautrer au milieu des rats qui avaient tenté de le grignoter à son arrivée dans les égouts.

Une fois arrivés à destination, Jacques les informa de son plan d’action.

- Pil’, tu casseras la fenêtre du sous-sol, celle au niveau même du sol, la plus à droite du pan sud.
- Ah, c’pour ça la brique enroulée dans un linge !
- Oui. Ensuite, retire bien les derniers bris de verre accroché au cadran pour ne pas t’éventrer en passant car tu vas infiltrer l’usine.
- D’accord !
- Ne te fais pas entendre ! Je ne sais pas s’il y a quelqu’un pour surveiller le stock à cette heure, mais je sais que le grand patron est toujours là. On l’appelait “Bonne nuit” parce que le dernier employé à l’avoir vu quitter le bureau au premier étage est mort depuis belle lurette. Du coup, c’est toujours lui nous souhaite une b...
- Trop long, on a compris.
- TA GUEULE OU J’TE FRACASSE LA GUEULE AVEC LE PARPAING !
- Pil’ ! La ferme ! Et reste concentré, j’ai pas fini. Une fois entré, tu te faufiles jusqu’à la porte, à l’est.
- C’est où l’est.
- A droite quand tu seras dans l’usine, dos à la vitre cassée.
- Tu ne sais pas ça à ton âge ?
- J’VAIS T’FAIRE BOUFFER LA CAILLASSE, CONNASSE DE FAUX OKAMA !
- Mais vous allez la boucler, oui ?! Bref, tu ouvriras la porte quand on te le dira. Nous, on s’assurera qu’il n’y a personne en dehors.
- Donc je ne fais rien ?
- Non.
- Pourtant, vous m’aviez dit que vous ne refusiez pas une paire de bras supplémentaire ...
- Ouais. Si on se fait pincer, on compte sur toi pour ramasser.
- HA ! Bien fait ! Connard !
- Génial. Merci. Vraiment.
- Rhoo, ça va, on a pas de milice je te rappelle ...
- Même !
- Bon, c’est vrai, le père Pavlov voudra te faire la peau. Mais tu nous auras sauvé la vie. Donc tu nous auras aidé.

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La première partie du plan se déroula sans accroc aucun. L’oreille collée à la porte est de l’entreprise, Charles n’entendait âme qui vive mais il savait pertinemment que c’était faux.
Pil vint leur ouvrir la porte de l’entrepôt, et pour la première fois depuis qu’il fréquentait Bidouille John, Apollon put constater ce que le pirate transitait : il avait parlé de minerais de fer mais il y avait également des bidons entiers de liquide visqueux et noir. Charles apporta quelques précisions à voix basse :

- C’est du fer de mauvaise qualité, le boss le fait miner depuis une carrière qu’il a acheté mais il le couple avec un produit pour faire croire aux client que c’est de la bonne came. Résultat des courses, les pièces tiennent pas longtemps, donc faut racheter. Et comme il est seul gus à vendre ces merdes, les clients reviennent ici. Le pire, c’est qu’il vend ça à prix d’or et que ça marche !
- Et toi tu achètes tout en sachant que c’est de la camelote ?
- Pas le choix, je viens de te dire que c’est les seuls à la ronde. Du coup, je referai le stock et les réparations une fois arrivé sur une autre île.


Désormais, la fine équipe ouvrait la porte qui reliait au reste de l’usine. Ils purent constater que la salle accrochée dans le coin supérieur gauche était le bureau de ce Pavlov. D’ici, il pouvait veiller à la bonne conduite de ses employés qui se cassaient le dos sur différentes machines qui remplissaient le gros de l’espace de l’immense salle principale. Il y avait un autre entrepôt en face d’eux, c’était celui des visseries, leur objectif, mais gardé par deux gorilles en costard. De plus, les escaliers métalliques menant au bureau du grand chef débutait au pas des casiers, à côté de cette porte.

Alors qu’ils discutaient d’une approche feutrée pour neutraliser ces deux gardes, de nombreux couinements se firent entendre de derrière eux. Quand ils se retournèrent, ce fut une armée de rats qui se déversait en flots entiers par la fenêtre où ce Pavlov stockait le minerai. Tels une marée montante, les rats envahissaient tout l’espace, dégueulant même sur leurs pieds, et ils se ruèrent sur tous les câbles des machines qu’ils commençaient à grignoter frénétiquement.
Les gorilles, alertés par les petits bruits qui résonnaient dans toute la fabrique, débarquèrent, ce qui obligea les voleurs à se cacher derrière une machine. Les deux colosses gueulaient et écrasaient d’un plat du pied autant de rats qu’ils pouvaient.

Apollon se délectait de la scène pour n’en rater aucune miette, ce qui permit au père et au fils de se faufiler dans la salle des stocks de visserie.
Au même moment, une tête connue passa le seuil l’entrée de service des employés, celle-là même ouverte par Apollon et consorts un instant plus tôt.

- Personne ne fait de mal à mes petits chéris. Personne !

Alexander qui était apparu siffla un coup et les rats fondirent en masse sur les colosses qu’ils commencèrent à dévorer avidement. Ils crièrent de toute leur force, acculés sous la douleur, ce qui alerta le grand patron.


Et les Bêtes 180712095423826281


- Qu’est-ce que c’est que ce b...nom de dieu !

Il avait exorbité ses yeux une première fois, il allait le faire une seconde fois.

- Bonjour, “Nikol-ash”. Tu te souviens ?
- Toi ! Après toutes ces années ?! E-Et arrête tes conneries ! ARRÊTE-LES ! TOUT DE SUITE !


Le Roi des Rats obéit volontiers et claqua des doigts. Aussitôt, sa couvée se figea net avant de décamper, laissant les deux cadavres sanguinolents sanguinoler. Caché, Apollon eut un haut de coeur.

- Tu ne pouvais donc pas rester mort ?! Et tu reviens pour me ruiner ?!
- N’est mort ce qui a jamais dort. Et puis tu sais mieux que moi ce que disait père, tu as cherché à m’éliminer pour cela je rappelle : “Mes fils, votre haine vous consumera”.


Pendant que Alexander Pavlov parlait, son frère descendait les marches de son bureau pour le rejoindre.

- “Alek-cendre”. J’aurais dû cramer ton corps pour m’assurer que tu ne reviendrais pas.

Il passa derrière un pilier métallique comme il y en avait d’autres dans cette grande salle.

- Mais je ne te laisserais pas t’emparer de mon entreprise.
- Celle de Père.
- Je l’ai poussée à son maximum de rendement ! C’est MON oeuvre désormais !
- Tu l’as viciée. Je ne la reconnais plus. Père était intègre et honnête.
- C’est toi qui ose me parler d’honnêteté ? Après ce que tu oses me faire ?
- Je ne fais que te renvoyer l’ascenseur, par honnêteté intellectuelle.
- Nous sommes à Zaun ici, et l’honnêteté est l’apanage des faibles !


De derrière son dos, Nikolaï sortit un pistolet un peu particulier. En effet, ce dernier était chargé de vis toute aussi étranges. Il s’agissait plus ou moins d’un pistolet à clous quelques peux modifié, adapté à un usage agressif.
Braqué et désemparé, Alexander leva les mains en l’air.

- Exact, tu me renvoies la pareille : j’ai commis une erreur grossière en te laissant pour mort, mais tu as commis toi aussi une erreur grossière en venant ici. Tu aurais dû fuir, refaire ta vie ailleurs, m’oublier. Voire mieux : crever vraiment. Non mais regarde-toi, crasseux et miteux que tu es ! Tu me fais honte ! Mais tu m’honores également : tu me permets de corriger le pas : je vais en finir avec toi, vraiment, maintenant, ici.

Il commença par lui tirer dans le pied alors que son frère voulait détaler. Il se mit à boiter et Nikolaï lui tira derrière le genou, ce qui le fit s’écrouler. Les coups avaient résonné dans toute l’usine et des vis rougeoyantes se déversaient par dizaine à chaque fois.
Maintenant, Alexander était complètement à sa merci.

- “Les flammes de votre rancoeur réduiront votre héritage en cendre”, Père narrait dans sa lettre d’adieux. Cela sonnait un peu comme une prophétie. Mais s’il n’y a plus de fratrie, il n’y a plus de rancoeur. Et donc plus de fla...



AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !



Boo empoigné à deux mains, lame brandie tout devant, Apollon bondit de sa cachette et chargea Nikolaï ! Mû par l’unique force du désespoir, il ne lui avait pas laissé le temps de se retourner qu’il l’avait déjà embroché dans les viscères par l’arrière.

Le corps tomba lourdement sur le sol froid de métal et Apollon écarquilla les yeux en regardant ses mains ensanglantées.

- M-M...Mais ! Que ... Qu-Qu’est-ce que j’ai fait ?! Je ... Je suis un monstre !

L’arme pas tout à fait passée à gauche, Nikolaï en profita pour retirer le boomerang dans un cri de douleur atroce. Il tenta veinement de le lancer pour heurter son assassin mais son état le dévorait de fébrilité et il manqua largement sa cible.
Mais peu lui importait. Son pistolet à vis chauffées à blanc n’était pas loin, il lui suffisait de ramper et de les emporter tous les deux avec lui ...
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... Sauf que son frère le lui subtilisa au dernier moment. A ce moment, les visages des frères n’affichaient plus de la colère. Non, désormais, ils étaient résolus, chacun avait compris et admis son sort.

Alexander Pavlov tira une valve de vis rougeoyantes dans le crâne de Nikolaï.

Peu de temps après -l’instant que l’émotion passe, l’urgence de la situation limitant la chose- il se fit des garrots avec des pans de sa longue robe et miteuse avant de se relever et tendre la main à un Apollon toujours recroquevillé.

- J-Je ... Je suis un MONSTRE !
- Non. Tu m’as sauvé la vie. Le prix du sang et celui de la vie surpassant tous les autres, tu as le droit à toutes les informations dont tu as besoin.


Le bateleur le regarda d’un air pitoyable.

- Mais ... et ma carrière ?
- Elle n’est en rien entachée, Popo. Nous sommes sur Zaun, et personne, hormis nous deux, n’est au courant de ce qui s’est passé ici.


Apollon n’arrivait pas à s’en persuader, alors Alexander prit les devants.

- Je vais tout t’expliquer. Quand mon père est mort, mon frère aîné a naturellement hérité de l’entreprise familial. Mais il ne voulait pas favoriser un fils plus que l’autre, alors il nous a mis à l’épreuve, en forçant notre coopération. Nous devions surmonter notre rancoeur innée pour obtenir les deux moitiés de la clé de l’usine. J’ai accompli ma part volontiers, ne m’intéressant pas à tout ceci, mais mon frère a tenté de m’éliminer peu après. Sauf qu’il m’a laissé pour mort dans les égouts de la ville. J’y ai survécu autant que possible mais les rats venaient dévorer ce que j’avais durement gagné à force de mendicité et de larcins. Alors je me suis dit qu’en les nourrissant, ils me laisseraient tranquille. J’étais loin de m’imaginer qu’après plus de deux ans, j’allais m’attirer leur sympathie et leur obéissance ... Tout comme n’importe quel canaille de ces égouts.

Le barde écoutait, toujours avide de nouvelles histoires, mais presque toujours autant larmoyant.

- Il y a une raison pour laquelle je ne t’ai pas fait dévorer vivant : Rose me nourrissait et nourrissait mes petits. Et quand je t’ai aperçu dans les égouts, j’ai tout de suite compris que tu enquêtais sur le meurtre. Sauf que j’étais à deux doigts de mettre moi aussi la main sur ce Jacques, qui est bel et bien l’assassin. Quand tu t’es mis à côtoyer ce Charles et ce Pil, je me suis dit que j’avais également une opportunité pour me venger de mon frère.
- Attends ! Tu veux dire que ... Charles et Pil ...
- Oui. Charles est Jacques l’étripeur.
- Quoi ! Et tu l’as laissé filer !
- Laisse-moi term...
- MAIS IL A TUÉ ROSE !
- Veux-tu savoir pourquoi Charles commettait ces horreurs ?
- JE VOULAIS SURTOUT RENDRE JUSTICE !
- Le sexe fort l’a toujours exploité : sa mère, sa soeur, puis sa femme et sa fille. Même sa cheffe abusait de sa gentillesse. Les déboires qui l’ont fait se faire renvoyer d’ici n’étaient rien de moins que l’assassinat de cette personne. Et cet acte a marqué un tournant chez lui. Il a fini à la rue, et restant nez à nez avec la cruauté de cette île, il a renforcé ses idées. Chaque jour il voyait des femmes ignobles déambulant paisiblement dans les rues. Ses idées tournaient en boucle dans sa tête et se renforçaient, persuadé qu’il avait raison, persuadé qu’elles devaient payer. Il devenait fou à lier.
- Et Pil dans tout ça ?
- Pil a retrouvé son père mort à l’usine. C’était son unique parent. Il a fini à la rue lui aussi mais un bordel l’a accueilli. Attachant, il fanfaronnait et les femmes riaient de le voir se donner en spectacle. Alors qu’il pensait les impressionner, il dut admettre qu’elles se moquaient gentiment de lui. Quand une d’entre elles refusa ses avances, très clairement parce qu’il est jeune, il prit cela pour un affront et voulut se venger en la tuant. Charles, décidant que les femmes moyennant leurs charmes ne méritaient pas de vivre, fit une descente dans un bordel. Ce bordel. Ainsi, il rencontra Pil et l’adopta, se jurant de lui apprendre à tuer, et à être craint pour être respecté et exister. Alors Rose entre parfaitement dans ce critère : une femme qui use de ses charmes pour parvenir à ses fins. Depuis votre petit succès, elle attirait moult clients, ce qui a attiré l’attention des locaux en ville. Et la haine de Charles.
- ET EN SACHANT TOUT ÇA , TU LES AS LAISSER FILER ?!
- Non. Tu te souviens ce qu’ils t’ont dit ?
- Je ne vois pas où tu veux en venir ...
- Ils ont dit que leur coque de noix mouillait à la sortie des égouts, dans le creux d’une falaise. Eh bien j’y ai envoyé mes rats, qui attendent docilement un choc qui briserait leur cage pour satisfaire leur faim. Je te rappelle que certains n’ont pas mangé depuis la mort de Rose. Alors tout y passera : bois, cordages, vivre. Je leur dois ce sursis à l’aide involontaire qui m’ont fourni.


Apollon restait bouche bée mais béate de savoir que sa vengeance avait été assouvie.

- Il ne me reste plus qu’à me forger un avenir à la surface, dès à présent. Pour le reste de l’île, ça ne changera rien.
- Mais ... et le Roi des Rats alors ?
- Le Roi est mort, vive les rats. Je pense que je continuerai à les nourrir, ces petites bestioles sont aussi attachantes qu’utiles. Et puis j’ai fort à faire ici, je vais devoir redresser tous les torts de mon frère
, dit-il regardant d’un oeil mauvais le cadavre de Nikolaï.
- Oh ! A ce propos ! Ton frère employait un équipage de pirate pour convoyer un minerai de mauvaise qualité ...
- Les Rocks Pirates, n’est-ce pas ? Eh bien ils seront renvoyés. Je n’ai plus besoin d’eux.
- Tu ne pourrais pas leur faire une petite fleur ? Tu as toujours besoin de main armée pour escorter ton minerai ... Et puis ...
- Exact, je te dois une faveur. Alors je te promets que je leur trouverai une place. Quant à toi ?
- Je n’ai plus d’argent, je vais devoir me trouver un équipage acceptant de me transporter avec eux ...
- Bonne chance l’ami !
- Merci Alex ! Mais tu sais, j’ai toujours voyagé comme cela, mon charme naturel saura me débrouiller ! Merci encore ! Pour Rose ! Pour moi ! Pour John ! Mille mercis !
- Je pense que tu peux aller la tenir au courant de la vérité, ainsi que le maître d’hôtel.
- Oh mais tu savais pour tout ça aussi ?
- Les rats ne colportent pas que des maladies. Après tout, le Roi des Rats n’était pas craint pour rien !

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