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de l'art d'être marine

William Ermey sortit du bureau, l’air poliment ravi, juste à temps. Son sourire de façade, qui se craquelait déjà de toute part, s’effondra brutalement. Ils lui avaient gentiment expliqué qu’il était trop vieux pour se battre, mais que son contrat n’était pas terminé. Alors on l’envoyait jouer les profs.
Oh, bien sûr, il ne l’avait pas dit comme ça. Ils avaient utilisé des termes détournés, comme « faire partager son expérience aux plus jeunes ». Putains de conneries. Et en plus, il devait sourire. Leur dire merci pour cette magnifique promotion.
Il descendit lentement les étages en grommelant contre à peu près tout ce à quoi il pouvait penser. Il était un soldat, pas une putain de nounou. Lui, c’était un soldat. Un soldat simple à la vie simple. Il obéissait, il tuait, il râlait. Bordel de putain de merde de connerie d’officiers, il ne savait pas comment gérer des hommes obéissant, entraînés et préparés, alors par quel putain d’enfer était-il censé réussir avec une bande de bleus indisciplinés ?


Au large du G-2, Annabella Cherchelune affichait elle un sourire nerveux. Le navire qui l’emmenait avec les autres recrues d’East Blue arrivait à destination, aussi avait-on réunis les aspirants sur le pont pour éviter les incidents. Et l’absence d’occupation lui accordait plus de temps pour s’inquiéter de ce qui allait suivre. Bien sûr, il n’y avait rien à craindre. En théorie. Mais la théorie n’était pas suffisante pour l’empêcher de s’inquiétait sur ce qui pouvait advenir.
Ce n’était pas ce genre d’angoisse sur lesquels on peut mettre un nom, une image. Elle était inquiète, c’est tout. Inquiète pour tout et surtout pour rien. Elle se força à regarder autour d’elle et découvrit sans surprise qu’elle n’était pas la seule dans ce cas. La plupart tentait de se donner des airs fanfarons sans vraiment y parvenir. Quelques-uns ne cherchaient même plus à cacher leur anxiété tandis que d’autres, plus rares, semblaient ne tout simplement y accordait aucune forme d’importance.
Les titanesques portes s’ouvrirent dans un tonnerre de métal tirant tous las aspirants de leurs occupations au profit de l’intérieur de la fantastique citadelle, distrayant la novice de ses pensées.

Will regarda les grandes portes s’ouvrir dans un grincement épouvantable. La rouille avait pris les gonds il y a des années. Derrière arrivait le bateau-école se ramenait. Un temps maussade les accueillaient pour leur arrivé, et un peu de bruine viendrait sans doute se pointer également. Comme s’il avait besoin de ça.
Il battit de la semelle, tentant de tenir loin le froid apporté par ce foutu vent. Ce vent qui soufflait jour et nuit. Un vent qui ne hurlait pas, qui ne tourbillonnait pas. Il soufflait juste tout le temps, ce putain de vent. Il soufflait même tellement bien que, en contrebas, l’une des recrues sur la passerelle se fit prendre par une bourrasque et failli finir à la flotte. Will sourit : on lui avait bien dit qu’il finirait par l’apprécier, ce vent infernal. Puis le sourire disparut et il reprit sa lutte contre le froid.

Poussés par les directives de quelques sous off’, les bleus montaient sur les marches mouillées pour rejoindre la cour principal. Quand même les derniers retardataires eurent fini d’aller chercher leurs brosses à dents, on les fît se mettre en formation. Un échec pathétique. On les fît recommencer. Et les mêmes causes donnant les mêmes effets…
Même si c’était la première fois qu’il le voyait de cette place, il connaissait bien la tradition pour avoir souvent été avec les autres, aux fenêtres, à rire doucement de la bleusaille. Aujourd’hui, il devait se geler les miches et tenir le rang des sergents instructeurs. Tous dans de beaux uniformes bien cintrés, dans une posture et une formation exemplaire. La seule fois avant des mois pour la plupart, mais en attendant, tous devaient se montrer irréprochable. Et ça les lui broyait menu. Il avait froid, il avait mal au bras et le spectacle des animaux en face de lui était beaucoup plus drôle quand on le regardait de la chambre bien chauffé d’un copain.
Quand les recrues eurent enfin réussi à se mettre dans une formation (à peu près) potable, il fallut encore attendre. Quand le commandant fut là, il fallut attendre qu’il fasse son discours. Quand le discours se finit…
Il prit une grande respiration.

« La huitième section. Venez. »
La belle formation explosa comme les différents membres, répartis au petit bonheur la chance, tentèrent de rompre le rang pour rejoindre l’homme qui les appelait. Quand après plusieurs minutes de bousculades tous ceux qui avaient été assignés au groupe furent arrivé, le sergent instructeur les regarda d’un air énervé et parla d’une voix forte qui ressemblait au rugissement d’un lion d’une humeur massacrante. En un peu plus contenu.
« Suivez-moi. On va allez un peu plus loin que je puisse vous crier dessus sans déranger ses messieurs. »
Anna, qui avait eu la chance –enfin ça se discute- d’être au bord de la formation, se retrouvait au premier rang. Elle en profita pour détailler leur instructeur tandis qu’ils marchaient. C’était un homme grand, aux muscles puissants qui marchait au pas cadencé et dégageait une impression féroce d’hostilité. Il portait un uniforme flambant neuf, des chaussures autrement plus vieilles bien qu’en bonne état et ses rares cheveux étaient d’un blanc pur. Il était impressionnant.
Après une marche de plusieurs minutes dans les dédales de la citadelle, le groupe sortit dans une cour et le sergent attendit patiemment que tout le monde se mette en place. Puis il cria.