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L'affaire Condom [Présent]

[20 JUIN 1627] : L'AFFAIRE COMDON

Et pendant plus d'une semaine, Philip se mit à bucher non-stop sur les projets qu'on lui avait confiés à lui et à ses collègues. Aussi épuisant que passionnant, le boulot lui plaît, il passe la moitié de son temps sur le terrain, et l'autre à gratter dans son bureau, prendre des notes, échafauder des plans avec, pour relation, architectes et autres spécialistes.

Au final, il ne s'ennuie jamais car tous les jours, les missions qu'il s'impose diffèrent. Le fait de fréquenter tous les jours le même saloon l'aide aussi à se faire des relations un peu partout dans la ville, ainsi, il connaît désormais les services de sécurité (et non de police, qui se serait fait démolir sur le coup, le simple fait de changer de nom permettait de faire passer n'importe quoi à Bull Town), les menuisiers, les mineurs et les chercheurs d'or de la ville. Ce qui représente déjà un bon point de départ, ainsi qu'un bon paquet de gens.

Le problème majeur de sa nouvelle carrière survient à son vingtième jour de travail, alors qu'il calcule les fonds nécessaires à la construction d'un château à bière pour alimenter tous les saloons de la ville, notre héros se rend vite compte que les fonds disponibles ne seront pas suffisants. En effet, pour procéder à la réalisation d'un projet tel que celui-ci, il faudrait normalement vingt millions de Berrys, qui, sur le long terme, en rapporterait trois fois plus (réduction des frais de port et de douane imposé par certaines villes, et bien d'autres avantages).

En temps normal, il devrait avoir accès à cette somme, mais il n'y avait dans la caisse que quatorze d'entre eux. Les six millions de Berrys manquants étaient introuvables. Philip a bien eu l'idée de contacter le service comptabilité et financement, afin de recalculer les chiffres et d'être sur et certains de n'avoir fait aucune erreur. Mais ces derniers ont confirmé la disparition de la somme.
C'est donc tout naturellement que Philip se tourne vers Condom, son premier supérieur direct, les secrétaires n'étant en soi, que des relayeurs.

« On a un problème monsieur, il manque six millions de Berrys à la caisse d'investissement qui devrait normalement être là. »
« D'où cette somme devrait être tirée ? »
« Pringle Street et Hooverdam Avenue, tous les loyers du coin ont disparu. »
« Alors renseignez-vous sur qui tiennent les échoppes, et sur les retards probables. »
« J'ai le droit ? »
« Pour ce qui est du fric, vous avez tous les droits.»

Avec cette carte blanche, Philip se sent comme un phénix, il n'avait pas encore mené l'enquête, par manque d'informations sur les libertés que lui offre son poste. Si Condom avait été aussi conciliant, c'est tout simplement que ce dernier avait compris le rapport de forces existant entre eux. Enfin du moins c'est ce que Philip pense.

Ainsi, pendant près d'un mois et demi, Philip a mené son investigation en commençant bien sur, par son saloon préféré, duquel il a pu tirer les adresses et les noms des gérants des boutiques de Pringle Street et Hooverdam Avenue. Il a donc pu se lancer dans une enquête de grande envergure, en contactant les services de sécurité précédemment cités, mais aussi les services comptables, il a pu obtenir tout le soutien nécessaire à la mise en œuvre de son projet.

En tout cas, c'est, comme d'habitude, ce qu'il pense.

L'histoire est en fait autrement plus complexe.

« D'après Wang, Filiponi et facilement six autres commerçants, leur fournisseur commun est un certain Liam, qui n'a ni nom ni adresse, mais qui travaillerait apparemment pour le gouvernement et qui serait en contact avec la Mairie afin de « justifier » ses transactions. Il leur vend alcool, arme, tabac ou encore nourriture en échange de Berrys qui servent à investir dans les infrastructures de l'île. »

Philip aime chuchoter ses pensées afin de les remettre dans le bon ordre. Il pense que cela lui permet de trouver plus rapidement la solution, bien que ça ne soit pas toujours le cas, sinon tout le monde le ferait, vous pensez bien.

Il vient de découvrir l'identité du coupable, enfin plutôt une bribe de l'identité de ce dernier. Qui, d'après ce que les plus renseignés de tous savent, fais le tour de plusieurs villes afin de récolter une partie des loyers pour soutenir financièrement un énorme projet garantissant, à tous les participants, une vie des plus plaisantes d'ici à 10 ans.

Les responsables ont bien sûr été surpris d'apprendre que le dénommé Liam n'avait pas posé la question à tout le monde, et que d'ailleurs, la majeure partie des commerçants n'était pas au courant de son existence. Notre coupable avait en effet bien choisi ses cibles, Pringle Street et Hooverdam Avenue se trouvent toutes deux à l'extrémité du village, plutôt isolé vis-à-vis du reste de la ville, et de plus, les deux rues se trouvent être attenantes, et donc leur commerçant en relation direct.

En choisissant un lieu isolé mais concentrant tout de même une douzaine de commerce, notre marchand de rêve a fait en sorte que même si l'info venait à fuiter, elle ne toucherait que des gens eux-mêmes concerner par cette dernière. En utilisant à son avantage le caractère casanier et peu ouvert des habitants de Bull Town, il s'était cependant trahis, car ici, aucun étranger ne peut se douter qu'en réalité, les habitants ne parlent qu'à ceux qu'ils connaissent et à personne d'autre.

Afin de s'assurer un bénéfice maximum, les commerçants comme les habitants jouent le rôle des « bons hôtes » envers le peu de touristes et d'étranger passant par là, et ce durant deux ou trois semaines. Philip le sait puisqu'il est lui-même concerné par cette façon de faire les choses si particulières à la ville. Au début, tout le monde rigolé avec lui et chercher à savoir qui il était et d'où il venait, maintenant seuls ceux le connaissant déjà lui parlent régulièrement.

Si le nombre de contacts de Philip est grandissant, c'est uniquement parce qu'il a su, inconsciemment, se construire une base de connaissances solide durant le court laps de temps où les habitants lui ont été sympathiques, le liant à plus d'une centaine de personnes et, ce faisant, au cours des conversations avec ces connaissances, à de plus en plus de monde.

Pour savoir utiliser à bon escient cette information, il fallait forcément que notre « Liam » soit de la ville.

C'était une première information des plus importantes, et connaissant le gouvernement et leur façon de faire, de par ses études, Philip peut aisément affirmer que ce dernier est également un menteur, car Hat Island n'est pas un lieu prisé par ce dernier de par la complexité de l'île (autant d'un point de vue géographique que d'un point de vue sociale, les habitants y sont trop farouches), mais aussi parce que pour percevoir les impôts ou l'argent nécessaire à un projet, le gouvernement n'envoie jamais UN seul membre, hormis s'il fait partie d'un quelconque CP.

Mais un membre du CP aurait déjà réfléchi à la possibilité que quelqu'un se rende compte de sa manœuvre.

« Ils sont des forces spéciales après tout, la plupart d'entre eux sont surdoués et très expérimentés, et il s'agit là d'un problème auquel ils auraient trouvé remède. »

Cela dit, la probabilité qu'un membre du CP soit responsable de toutes ses manigances figura sur les plans de Philip.

Notre héros n'est pas du genre à prendre les détails à la légère, chaque étape de son enquête était complété d'un petit écriteau avec des informations supplémentaires, concernant les commerçants, ce qu'ils vendaient et la somme qu'ils avaient donnée au dit Liam. La présence du service de sécurité à ses côtés lui garantissait une certaine protection, et ceux qui ne parlaient pas finissaient généralement par parler, la matraque aidant bien.

Pendant 50 jours, cette histoire ne trouva aucune solution, et les six millions de Berrys restèrent introuvables, à force de tourner en rond, notre héros se découragea plusieurs fois, mais le projet du château à bière serait sa première réussite en tant que membre à part entière de la Mairie.

En effet, les trois dossiers précédemment évoqués étaient déjà en cours de traitement, car notre Philip est un bosseur, il réfléchit non stop, et ne s'arrête que pour fumer une clope ou boire un coup.
Et c'est pendant une énième soirée en compagnie du vieux Jacob, le tenancier de son saloon favori, que notre personnage principal eut le déclic.


« Oï Jacob, comment qui s'appelle l'adjoint au maire ? »
« C'est toi qui bosse là-bas pov'cloche, me demande pas c'que tu devrais savoir. »
« J'te reprends un whisky ! »
« S'appelle Aimal, Rial Aimal, un peu indien mais pas méchant. »

Pourquoi n'y avait-il pas pensé plus tôt ?

« Quel con, cinquante jours sur un rébus d'amateur »

A-I-M-A-L, regardez bien les lettres chers lecteurs et dites-moi ce que vous voyez ! Même R-I-A-L, tout est suspect !

Mais on parle là de l'adjoint au maire et pas du collègue de bureau avec qui on parle femme, café et billard. Ce type-là est le bras droit du grand manitou, et s'il est si discret c'est qu'il sait ce qu'il risque en se mettant trop en avant, enfin, du moins, il en a un peu conscience. Le problème étant que si le numéro 2 détournait des fonds à son avantage, il se pourrait que le numéro 1 soit également dans le coup. Il ne fallait en parler à personne.

C'est alors que dans la petite caboche de notre héros, germa l'idée toute simple mais pourtant géniale, de prendre les devants, et de profiter de l'occasion pour s'assurer une place encore plus au chaud à Bull Town. L'objectif : faire 50/50 avec ce que récupérait l'adjoint, et investir l'argent que lui-même aurait gagné dans ce foutu château à bière.

Pour ce faire, une seule solution, s'attaquer à son point faible.

Pendant près de deux semaines, Philip se concentra sur cet unique objectif, découvrir son point faible afin de pouvoir profiter pleinement des avantages que cette découverte pourrait lui apporter, et c'est au seizième jour de son enquête qu'il saisit enfin quel angle attaqué.

Sa fille.

Ahh l'amour paternel, si ce n'est pas mignon tout plein . Mais notre bonhomme sait pertinemment qu'il s'agit là d'un des principaux points faibles de tout homme ayant eu la bêtise de s'accommoder d'une femme.

L'amour.

Un sentiment si frivole qu'il en est ridicule, trop de gens subissent l'amour plus qu'ils n'en jouissent. Aucun plaisir n'est à retirer d'une telle perte de temps. Mais Philip allait en tirer du plaisir lui, il hésite cependant sur la manière dont il peut s'y prendre, le but étant de prendre un maximum de plaisir !

Un enlèvement entraînerait irrémédiablement sa chute, car tout le monde se sentirait concerné par la disparition d'une jeune fille de 16 ans, et tout le monde détesterait le ravisseur, même si ce dernier employait la séduction et arrivait à rendre amoureuse la jeune fille, les habitants de Bull Town le traiteraient de porc et de pédophile et le traineraient en justice sans plus tarder.

Et tout le monde sait que la justice de Bull Town se rapproche plus d'un traitement vindicatif que d'une cour d'appel.

Et en attendant l'arrivée d'un juge à Bull Town, il purgerait sa peine au trou. Sachant que la justice est rendue de manière itinérante, un juge passant tous les trois mois environ, tout le monde se tient à carreau vis-à-vis des peu de règles en vigueur sur place, et l'enlèvement de jeunes enfants, tout comme la pédophilie est interdite.

A contrario, le tabassage en règle des prisonniers coupables de ces crimes est fortement recommandé, il paraîtrait que ça soulage les nerfs des honnêtes gens.

La solution la plus « valable » est donc de l'attaquer chez elle en l'absence de son père, et de faire en sorte que cette dernière lui serve de point d'appui pour atteindre son père.

« Une solution aussi vicelarde que dégueulasse, m'enfin bon … C'est Dieu qui donne, ça passe ou ça casse.»

Philip, comme tout bon athée, n'est pas croyant mais s'en remet toujours au seigneur dans ce genre de moment où il n'a aucune influence sur le destin et sur la suite des événements, peut-être est-ce par ironie, ou alors tout simplement parce que sa famille était croyante et qu'il s'agit là de parole réflexe ?

Bref, quelle importance au final ?

Notre héros prépara son plan au préalable, il sait où habite l'adjoint au maire et où se trouve la chambre de sa fille, il a accès au plan de la maison de ce dernier, faisant partie du service d'aménagement et d'urbanisme, il a donc aussi accès au dossier de l'aménagement intérieur et, en toute logique, il sait où se situe chaque pièce.

« C'est pas très prudent de laisser ce genre de papier à disposition, monsieur l'adjoint !»

Le plan est en place.

« Je passerai par l'extérieur de la maison, la face nord se trouve sans vis-à-vis et me conduit au cagibi à balais, la vitre est fermée à clé via une serrure, une simple lime suffira à la débloquer. Afin de ne pas éveiller les soupçons et surtout pour éviter de croiser autant la fille que l'adjoint, il faudra que je fasse cela de jour, en prenant des habits d'ouvrier. Je profiterais du fait que leur femme de ménage soit présente l'après-midi pour lui dire, de leur dire, de ne pas fermer la fenêtre qui est défectueuse. Il ne me reste qu'à falsifier les papiers me permettant de tout accomplir dans les normes. Je reviendrais ensuite le soir même, j'aurais laissé, au préalable, l'échelle m'ayant permis d'accomplir le méfait, la fenêtre grande ouverte, il ne me restera plus qu'à prendre la fille en otage le temps que le père rentre.»

Le plan est parfait à quelques détails près, avec des papiers falsifiés ainsi qu'un personnage imaginaire pour tout rôle à jouer, tout est simple à mettre en place.

Afin que tout paraisse parfaitement crédible, notre homme va pourtant devoir dépenser 40.000 berrys et passer près de douze jours à peaufiner chaque détail.
    Pourquoi me direz-vous ?

    Afin d'envoyer quelqu'un de qualifié à sa place pour chercher les papiers « falsifiés » en question, en premier lieu. En effet, faire partie du service administratif de la mairie ne permet en aucun cas de réaliser ce genre d'opération, ainsi pour assurer ses arrières, Philip prit la décision de ne rien laisser au hasard.

    Et afin de ne rien laisser au hasard, il lui faut également un déguisement reproduisant exactement ou presque, la figure de l'homme choisi à l'étape précédente. Pour ce qui est de la carrure, le détail n'est pas important, puisqu'en choisissant un homme entre le mètre 70 et le mètre 80, affrété d'un costume de travailleur du bâtiment, Philip a déjà réduit les risques au minimum, les villageois et les bourgeois comme Aimal et sa fille n'ont cure des détails concernant ces gens.

    En revanche, la figure, elle, a une place d'importance dans le plan de notre héros, puisque la figure paraît sur les titres de « réparation et construction » accorder à ces hommes. Au même titre d'ailleurs que leur signature. En payant un peu plus de 12.000 berrys, Philip s'est en soi assuré que l'ouvrier se fasse passer pour un illettré et signe donc d'une simple croix.

    L'organisation est primordiale en toute situation, et pour mettre en place un plan de cette envergure à un niveau d'autorité aussi faible que celui de Philip, autant vous dire qu'il faut que chaque détail soit à sa place.

    Donc, l'emploi du temps de la fille de l'adjoint devait être connu sur le bout des doigts, et afin de s'assurer qu'il n'y ait aucun écart de fait, il valait mieux agir en semaine, durant les cours, où les parents laissent rarement leurs enfants sortir. Sur les douze jours de préparation, cette partie du plan en prenait sept, ce qui n'est pas négligeable.

    « Chaque détail a son importance, le fait que sa fille soit dans sa chambre entre 21h36 et 21h42 et ce jusqu'au matin et qu'elle ne se lève que très rarement pour aller aux toilettes est loin d'être négligeable. Si je me trompe d'une ou deux minutes, elle donnera l'alerte et ça en sera fini de moi. »

    Pourquoi une heure aussi précise ? Le rituel de la jeune fille est somme toute plutôt basique pour une adolescente de son âge, et alors qu'elle dit bonne nuit à son père aux alentours de 21h15, elle passe facilement une vingtaine de minutes dans la salle de bain à faire ce que les femmes ont l'habitude de faire.

    Le plan de Philip est, en soi parfaitement rodé, chaque détail est en place, seule la question des horaires aléatoires de la jeune fille lui revient souvent en tête, mais il était assez rapide pour la faire taire en cas de besoin, bien que cela puisse occasionner quelques problèmes...

    « Le risque zéro n'existe pas après tout ... »

    Tout est donc prêt pour l'opération « Aimal », et Philip, le matin du treizième jour, se décida à passer à l'action. Car on ne doit pas reporter au lendemain ce qu'on peut faire le jour même.

    La journée qui suivit se révéla des plus basiques, il continua à travailler sur son projet principal qu'est ce château à bière, en expérimentant la faisabilité de plusieurs designs différent, il est désormais persuadé que l'argent lui reviendra, quelle que soit l'issue de cette histoire, car elle ne pourra pas être mauvaise. On ne trompe pas Philip Endom.

    Mais pourtant, le soir même, ce fut le choc.

    En effet, après avoir gravi les marches de l'échelle, la première surprise fut celle de ne pas trouver la fille de l'adjoint dans sa chambre, l'effet de surprise était donc d'ores et déjà compromis. Mais Philip ne se déconcentra pas pour autant, il décida d'avancer à pas de chat en explorant chaque pièce. Il se trouvait à l'étage mais heureusement pour lui le plancher n'était pas en bois et ne trahissait donc aucunement sa présence.

    Après avoir regardé dans toutes les pièces de l'étage, il dut se résoudre à descendre l'escalier en colimaçon, qui a son grand malheur, permettrait à quiconque se trouvant dans la pièce du bas de le voir arriver.

    Il sait pertinemment que l'adjoint ne doit pas rentrer avant facilement une heure, en théorie donc, il a encore tout le temps nécessaire pour mettre son plan à exécution.

    Cela dit, quelque chose le dérange profondément. Il a comme cette petite impression que tout est justement trop bien huilé.

    Et son instinct ne l'a pas trahis, dans le salon, autour de la table, le maire et son adjoint l'attendent de pied ferme. Et ils ne sont visiblement pas pris de court.

    « Alors Endom, on veut sa part du gâteau ? »


    La question vient de l'adjoint, qui, sans gêne, affiche un grand sourire. Notre héros n'est pas du genre à se laisser démonter, mais pour le coup, il reste bouche bée, il n'a rien à dire, il vient de se faire avoir la main dans le sac.

    « T'en fais pas Philip, on avait prévu que tu laisserais pas passer une telle occasion, et on savait que tu choisirais la solution la plus « secure ». S'attaquer à Jenny, c'était à la fois le chemin le plus court et le plus logique. »

    Jusqu'où ont-ils lu dans son jeu ? C'est désormais la question qui trotte dans la tête de notre héros.

    « Effectivement, en t'attaquant à moi, tu t'exposais obligatoirement à une contre-attaque, tu n'es pas assez ancien dans la ville pour avoir une emprise suffisante sur la population, alors qu'un dinosaure comme moi aurait pu te construire une réputation d'extorqueur de fond, de voleur ou je ne sais quoi encore. »

    C'est en effet l'une des premières conclusions qu'il a pu tirer lors de son enquête. Monsieur Aimal est donc loin d'être un idiot, car le savoir est une chose mais utiliser ce détail sur le "champ de bataille" en est une autre.

    « En m'avouant la situation, tu aurais couru le risque, réel qui plus est, de tomber directement dans un traquenard, ce qui fait que tu as préféré me tenir à l'écart de tes « activités ».»

    Une façon de pensée somme toute évidente venant de quelqu'un comme Edward.

    « Lorsque Edward m'a mis au courant de ton arrivée, j'ai moi-même mené ma petite enquête à ton sujet, et Comdon m'a bien servi, en se faisant passer pour l'idiot de service, il a réussi à te cerner et à dépeindre un portrait plutôt favorable de ta personne.»

    Dans ce laps de temps, Comdon sort des toilettes et vient s’asseoir aux côtés d'Edward et de Rial, lâchant au passage un petit clin d’œil à Philip qui signifiait « C'est dommage pour toi mon pote, t'étais bon mais pas assez ».

    « Relax Philip, la fuite n'est pas réelle, aucun Berry n'a quitté les caisses d'investissements de la ville, toute la mairie est au courant du test qu'ont t'as fait subir, les matraques des membres de la sécurité était en mousse d'ailleurs, les faux cris des commerçant couvrait le manque de bruit de ces dernières, par ailleurs, pourquoi tu crois que tout le monde t'as laisser tranquille alors que tu avais trois dossiers à traiter ? »


    En y repensant, effectivement notre héros a eu tout son temps pour mener à bien son enquête, à peu de chose près, il avait le rôle d'un inspecteur de police …

    « Tu te demandes pourquoi on a fait tout ça hein ? Le but est très simple, Comdon part à la retraite dans deux ans, il lui faudra un remplaçant, mais passer par la voie externe comporte des risques, on peut facilement se tromper au moment du recrutement … Alors ton arrivée jusqu'ici est providentielle tu penses bien... »

    Malgré l'acquiescement de Comdon et de Rial sur ses paroles d'Edward, Philip n'y comprend plus rien, il ne dit pas un mot, il attend de connaître la suite des événements, qu'est-ce que tout ça signifie ?

    « En arrivant jusqu'ici, t'as prouvé que t'avais du cran, des couilles et suffisamment d'intellect pour pas te faire avoir par qui que ce soit, ici on ne détourne pas d'fond mon gaillard, on achète des concessions d'or, on revend des armes, des clopes, de la drogue. On se fait du blé, mais pas sur le dos de nos concitoyens, sur le dos du gouvernement uniquement. »

    Ils le veulent donc dans l'équipe ?

    « Aha, je vois que t'as tout compris. »
    « Ce que je comprends pas, c'est où est votre fille Rial ? »
    « Elle fugue la majeure partie de son temps, vous comprenez, fille unique, sans mère avec un père qui travaille tout le temps, j'ai dû lui donner pas loin de 10 mille billets pour qu'elle joue le jeu de la fille modèle cette semaine. D'ailleurs, elle vous remerciera sûrement pour l'échelle. »
    « Mais, comment avez-vous su que j'allais passer cette semaine ? »
    « Les commerçants t'ont vu faire tes emplettes, et les commerçants ont autant de bouche que d'oreilles aux dernières nouvelles. On ne cache rien au numéro 2 de la ville depuis plus de quinze ans. Il me suffisait de faire passer le message à tout le monde, tout en comptant sur le fait que tu me sous-estime. »
    « Et vous Comdon, pourquoi ne pas m'avoir tenu en respect ? »
    « Ordre direct d'Edward, tu lui as tapé dans l’œil gamin, si ça n'avait pas été le cas, je t'aurais sûrement tapé sur la gueule ouais ... »

    Comdon n'a alors plus du tout la même allure qu'au bureau, il ressemble effectivement à un véritable chacal de Bull Town, un de ceux qu'il ne faut pas chercher sans avoir de raison valable. Et surtout sans avoir de barillet chargé.

    Sa petite taille est devenu un avantage, avec son chapeau sur la tête qui souligne le côté sombre de ses traits. Ses yeux bleus constamment à moitié fermés feraient frémir n'importe quel brigand de seconde zone de par leur clarté évocatrice d'un manque total de considération pour la vie et tout ce qu'elle représente.

    « J'suis quelqu'un d'réglo Phil, mais me prendre pour un con, c'est soit se prendre une balle, soit s'pendre en bal. »

    Son regard s'est fixé sur celui de notre héros, bien que loin d'être hostile envers son futur remplaçant, Comdon n'a pas forcément envie d'être son ami. On ne peut pas être l'allié de tout le monde après tout.

    Pour ceux qui n'auraient pas compris la fin de la déclaration de notre chef de bureau préféré, se pendre en bal signifie, dans ce contexte précis, perdre la vie sur la scène publique. En d'autre termes, Comdon est aussi bon pour régler ses problèmes en face à face que par-derrière, il sait être stratégique quand c'est nécessaire, mais il ne se forcera pas à l'être.

    « Bon parlons vraiment boulot ce coup-ci. J'imagine que de toute manière, tu t'es rendu compte que t'étais pas entouré de tanches, ni de gamin. Ce qu'on fait ici mon gars ce compte en millions de Berrys à l'année. »
    « J'ai cru comprendre que vous étiez plutôt fixé sur le côté illégal du business, j'me trompe ? »
    « C'est ça, t'as bien compris le fonds des magouilles, mais si on se résumer seulement à ça, on serait pas beaucoup mieux que des tanches. T'es spécialiste de l'immobilier et du commerce non ? »
    « C'est ce qui est inscrit sur mon CV en tout cas. »
    « On va blanchir notre business via une flopée d'entreprises, sur toute l'île, et plus encore, et pour ça, on a besoin d'un gars qui puisse faire perpétuer notre business sur le long terme, t'as 26 ans, on en a entre 50 et 70. Pour nous c'est bientôt fini, mais pour toi, ça commence juste. »
    « Si j'veux me faire respecter, il me faut un nom. »
    « T'en auras un quand t'auras rempli les missions qu'on te donnera, et si tu remplis les missions qu'on te donne, j'peux t'assurer que tu te limiteras pas seulement à avoir un nom. »

    On retombe donc au système d'esclavagisme induit sous forme de volonté propre, quelle merde …

    « Et ça me rapportera quoi, exactement ? »
    La question est en soi rhétorique, en premier lieu, ce type d'activité permettait d'avoir des contacts dans toutes les strates de la société, du pirate de bas-étages au vice-amiral de la marine, puisque si l'on peut tout fournir, on a tout typé de client.

    Ensuite, cela rapporte de l'argent, au niveau de Philip, il ne peut espérer gagner plus de 5% de commission sur ces missions, ce qui, en soi lui permettrait déjà de se faire pas mal de blé. Sur une mission à cinq millions de Berrys, il en empocherait 250.000, par exemple.

    Enfin, cela lui permettra d'être renseigné sur les différents domaines que sont les armes, les explosifs, l'alcool, les drogues et tout ce qui n'est pas légal mais facilement vendable. Edward est alors parfaitement conscient du fait que sa proposition ne laisse aucune place à un « Non » quelconque. C'est une occasion en or de devenir quelqu'un.

    « On tourne à plusieurs centaines de millions de Berrys à l'année, tu tourneras à 3% de commission sur la première année, si tu te fais pas choper et si tu remplis entièrement chaque mission, tu te fais déjà 3,6 millions à l'année, dis toi que cette année, tu vas monter à 10 millions à peu près, peut être plus, peut être moins. »
    « J'imagine que ça dépends que de moi. »
    « Et t'imagine bien. Notre but est d'augmenter drastiquement nos chiffres, et pour ça il nous faut le soutien de tout le monde, que ça soit du bouseux d'à côté ou bien de l'archi-gouverneur qui nous sublime de son incroyable bonté. »

    Sur ces mots, les trois compères éclatèrent de rire, ce qu'il disait à Philip qu'ils étaient également en lien avec ce dernier.

    « On veut passer à cinq cents millions annuels, tu passeras à 8% de commission sur les deux prochaines années si tu nous permets d'atteindre ça, et si on veut atteindre ça, ton idée de château à bière est un bon début, avec un petit peu de mensonge par-dessus, bien sûr. »

    Philip a saisi le fond du propos, et l'idée de se faire 40 millions de Berrys à l'année n'est pas pour lui déplaire, sa décision résidant maintenant dans le contenu des missions, en quoi consisteront-elles ?

    « Te pose pas trop de questions sur le fond de notre activité, on aide tout le monde, c'est ça qu'il faut retenir. »

    Ils aident tout le monde hein ?

    « Et vous vous faites combien vous ? »
    « Oho, je vois que notre nouvel hermano se sent pousser des ailes. »

    Sur ces mots, Edward sorti son calibre de son étui qui pendait à sa hanche, puis en le frottant avec amour d'un chiffon brodé de blanc et de rose, déclara :

    « Chacun sa savane et les gazelles seront bien gardées Phil. Tout ce que tu dois savoir c'est que 10% du blé qu'on se fait tombe directement dans le fonds d'investissements de la mairie. »
    « Vous avez pas l'air d'investir outre mesure pourtant. »
    « On se réserve un matelas solide, on a l'intention d'investir sur une rénovation globale de la ville. L'estimation des coûts est démesurée, sans notre activité parallèle, on n'aurait aucune chance de faire de Bull Town la numéro uno de North Blue. »


    Tout concorde avec les chiffres que la compta a relayés à Philip à l'occasion de sa petite enquête, la ville a en effet beaucoup d'argent pour peu de dépense, peut-être que les habitants sont au courant de ce projet de rénovation et de l'argent nécessaire à sa mise en place ce qui expliquerait cette « non-agressivité » général envers le maire et ses sous-fifres. Philip ne peut apporter de réponse à ce questionnement pour le moment, malheureusement.

    « Bon alors qu'est-ce que t'en penses ? »