Salle d’entraînement, base G-5, Nouveau Monde.
« Pourquoi vous obstiner à vouloir m’affronter, contre-amiral ? », demande le vice-amiral de la base.
« Vous n’y êtes pas du tout, mon cher Bayushi. Contrairement à ce que j’aurai pu dire lors de notre dernière rencontre, vous êtes un partenaire tout à fait honorable duquel j’ai beaucoup à apprendre. N’y voyez pas un affrontement, seulement un moyen de me perfectionner aux côtés d’un des plus puissants hommes de la marine. Ne retenez pas vos coups. »
Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour avoir ce que l’on veut. Certes, tout ce que j’ai dit est probablement vrai, Bayushi n’est certainement pas un touriste. Cependant, j’aurai préféré éviter ce discours lèche-cul, qui semble le faire sourire légèrement. Monsieur ne souhaite pas trop exprimer sa joie, cela ne lui ressemble pas. Enfin, peu importe, du moment qu’il accepte de se battre contre moi. J’ai seulement l’intention de m’exercer avec mon nouveau joujou. L’amiral est toujours présent en tant que spectateur.
Vêtu de mon costume habituel, je retire ma veste et ma cravate, déboutonne légèrement ma chemise. Je dégaine ensuite ma majestueuse lame de son fourreau, m’amusant à la tournoyer quelques instants. De l’autre bras, à savoir ma prothèse, je m’échauffe de quelques mouvements basiques, juste pour être certain que tout continue de fonctionner. J’admets avoir du mal à avoir totalement confiance en la technologie.
« Êtes-vous prêt, contre-amiral ? »
J’esquisse alors un sourire.
« L’êtes-vous, vice-amiral ? »
Il esquisse un sourire à son tour. L’instant suivant, nous avions tous les deux disparus du champ de vision de Daniel, qui a souhaité assisté à ce combat. L’amiral, lui, nous suit sans aucune difficulté. On réapparait quelques instants plus tard, nos lames l’une contre l’autre, des étincelles pétant au contact de celles-ci… Un échange de coups s’enchaîne à une vitesse exceptionnelle. Je retrouve des sensations, frappant même avec une précision que je n’avais rarement atteinte.
Néanmoins, Bayushi n’est pas à son niveau maximal. Il me jauge et s’adapte à mon niveau. Cette fois-ci, je ne pars pas au quart de tour, j’aurai probablement fait la même chose à sa place. On recommence un nouvel échange de coups où personne ne prend le dessus sur l’autre, puis nous revoici tous deux bloqués. C’est alors que le vice-amiral lache sa lame le temps d’une fraction de seconde, juste pour me foutre son pied dans le bide à un grande vitesse.
Je suis violemment projeté contre le mur, au fond de la grande salle, non loin de Daniel et Shiro. Bayushi récupère sa lame avant qu’elle ne touche le sol, le fout fut exécuté à une vitesse incroyable. Le temps de rêvasser ne m’est pas donné, le revoici à la charge en apparaissant, les deux mains sur la garde de son épée, balançant un lourd coup vertical. Ma garde est toujours tenue avec une seule main, sauf que je ne tiendrais pas longtemps avec la force de mon opposant.
« Vous n’avez donc pas reçu la leçon ? », demande posément le vice-amiral, d’un ton presque dominateur.
Mon bras se plie peu à peu face à la puissance du grand officier du G-5. Ma foi, c’est l’occasion tant espérée pour tester cette nouvelle arme. En réalité, je me suis déjà secrètement exercée à l’utilisation de celle-ci. Les turbines commencent à tourner à grande vitesse, la prothèse s’illumine intensément. J’esquisse un sourire presque vainqueur en voyant le visage étonné du vice-amiral. Il ne fallait pas me prendre à la légère.
« VOUS… n’avez pas retenu la leçon. The palm of Zeus. »
J’élève la paume vers le ciel, en direction de mon adversaire, dégageant un espèce de coup de tonnerre qui part du sol, et qui finit dans le plafond de la salle. Saisissant l’occasion, je quitte immédiatement cette zone où je suis toujours en danger. Loin d’être au point avec mon arme, je sais pertinemment que cette attaque n’a que très peu affaiblie mon collègue. Seuls ses cheveux et sa tenus sont endommagés par mon attaque, faisant rire un peu tout le monde. Lui, d’ordinaire si sérieux, ne ressemble absolument avec ses cheveux en pétard.
Le regard de Bayushi s’assombrit au fil des secondes, son aura est totalement différente de celle de tout à l’heure. Je l’ai encore énervé à mon avis, c’était pas voulu pour une fois. Heureusement, l’amiral Shiro intervient en applaudissant notre prestation.
« Bravo ! Vous représentez si bien l’élite de le marine ! Bayushi, essuyer une telle attaque sans… presque aucun dégât, c’est admirable. », dit l’amiral en pouffant de rire à la fin.
« Tss… Un moustique m’a piqué. », rétorque le vice-amiral, agacé.
« Vous m’êtes bien supérieur, vice-amiral. Je voulais tester mon arme sur vous et, a priori, j’ai encore bien du travail pour vous égratigner. Merci pour aujourd’hui. » tempéré-je en le saluant respectueusement.
« Qu’elle est belle la jeunesse ! Retrouvons-nous dans mon bureau pour y boire un thé ! », conclu avec joie l’amiral.
Ainsi, dans une ambiance bien plus joviale que la dernière fois, nous nous rendons dans les bureaux de l’amiral Shiro. Le cuisinier de son équipage, déjà présent, semble finir les préparations de ce thé. L’odeur est assez somptueuse, j’apprécie. Pour rendre le rendez-vous moins formel, ce dernier nous invite à nous installer dans un coin de cette grande pièce où se trouvent des sofas avec une table au milieu.
De manière toute aussi élégante que sa tenue, le cuisinier pose chaque tasse en face d’un individu et, d’un mouvement relativement fluide, remplit chaque tasse en élevant la théière vers le haut. Un bel exploit. Maladroit que je suis, probablement que la moitié serait renversé sur la table. Chacun ses points forts, hein. L’amiral saisit la tasse et me regarde attentivement, avant de finalement lancé un sourire.
« Alors, Ethan, qu’as-tu prévu de nous faire ? Il faut dire que tu ne tiens pas en place. Voici quelques semaines que je suis ici, tu entreprends déjà un second voyages. »
Il ne perd pas de temps.
« J’ai l’intention de me rendre à Dressrosa. »
« Dressrosa ? Qu’est-ce que la marine irait faire là-bas ? », reprend aussitôt le vice-amiral.
Je trouve le thé un peu trop chaud pour l’instant, chose peu surprenant quand on sait que je suis amateur de thé glacé. C’est pourquoi je ferme les yeux, les bras croisés, ordonnant les idées dans ma tête afin de les formuler.
« Je ne sais pas si vous suivez les actualités, la situation a bien changée sur place. Le couple royal est mort, selon moi dans des circonstances intrigantes, mais ce n’est pas pour cela que je me rends sur place. »
J’ouvre les yeux, les deux officiers m’observent avec attention.
« Morgane, celle que l’on appelle la « fée », est couronnée et se tient à la tête du pays. Néanmoins, la situation est instable et le peuple ne semble pas forcément prêt à accepter de suite une telle chose. Il y a des émeutes, des affrontements, les gardes sont débordés. La reine est prête à recevoir l’aide de n’importe qui pour asseoir son pouvoir, autant que ce soit le gouvernement qui s’en charge. »
« Le jeune Ethan devient un homme. », se moque l’amiral.
« Il lui faut acquérir de la puissance, mais il est politiquement prêt à devenir un grand officier. », enchaine le vice-amiral.
« Vous avez compris mes intentions, je ne m’en suis jamais caché. Une femme de cette envergure, à la tête d’un tel royaume, qui me soutiendra quoi qu’il arrive, mon ascension est presque assurée. Il me reste encore à devenir une bête de puissance. »
L’amiral Shiro nous a adopté, Bayushi et moi, dès l’instant où il a posé les pieds ici. Une certaine rivalité malsaine s’était installée entre le vice-amiral et moi-même, directement en lien avec notre échec contre Kiyori. Notre père adoptif a su rendre cette rivalité plus saine pour continuer de nous hisser au sommet. Bayushi est devenu un espèce de frère que je n’ai jamais eu. Froid mais bienveillant. Pas comme mon véritable frère qui ne souhaite que ma mort.
Si Mozart n’était pas avec nous depuis le début, et si Daniel l’a rejoint, c’est tout bonnement parce que le départ est imminent. Nous terminons tous notre tasse de thé avant de nous redresser. Je remets la veste de mon costume, accompagné d’une grande veste blanche de la marine, décorée de toutes les médailles obtenues. Les déplacements obligent à tenir une tenue appropriée, pour montrer que je ne suis pas n’importe qui.
Un geste de la main en guise de salutation.
« Même pas un câlin à ton vieux père ? », insiste Shiro avec une petite mine.
Je m’arrête juste devant la porte. Je me retourne vers lui, esquissant un sourire apaisé, puis je finis par quitter cette pièce.
Opportunitée
Dressrosa.
Le voyage s’est merveilleusement bien passé. Ce coup-ci, aucune embrouille avec Daniel, l’équipage est joyeux, ça bosse bien. Un détail m’échappait autrefois, mais l’expérience m’a démontré que des hommes heureux sont nettement plus efficaces. Une telle chose peut sembler évidente, sauf que je n’avais aucune connaissance dans la gestion des hommes. À l’école des marines, on nous apprend plutôt les stratégies, et malheureusement pas à gérer un équipage.
Pourquoi penser à ça maintenant ? Je pensais simplement à Morgane, aux raisons qui l’empêchaient de gouverner son pays, à sa manière d’agir ou de communiquer avec les siens… Toutes ces choses sont essentielles au bon fonctionnement d’un groupe. Lorsque je déraillais complètement, mon groupe sombrait avec moi, et encore, j’ai eu la chance d’avoir deux hommes exceptionnels pour gérer les humeurs des autres à ma place.
Nous arrivons donc sur Raflesia, qui n’est autre que le port de l’île. Il faut également savoir que le royaume est constitué de trois îles : l’île principale, puis Green Bit et Fééria. Nous concernant, seule l’île principale devrait nous intéresser, en théorie. Je sais par expérience qu’il ne faut jamais trop prévoir à l’avance, les mésaventures sont quotidiennes chez nous. La chaleureuse ambiance qui règne en ce lieu me surprend, étant contraire à la situation que l’on m’a décrite.
Mais ce que j’ignore encore, c’est qu’il ne s’agit là que de la face visible de l’iceberg. Lorsque nous arrivons à Acacia, la capitale, je constate immédiatement une démographie assez troublante. En effet, il y a beaucoup trop de femmes. Mais pourquoi pas, hein. Loin de moi l’idée de dire que c’est une mauvaise chose, il existe bien des peuplés uniquement de femmes. Mais un élément vient néanmoins attirer mon attention.
« Ethan… », dit Daniel en projetant son regard vers une scène de ménage.
Une gifle son… mari ? Mais après l’avoir mis à tabac, elle sort une dague qu’elle place au niveau de la glotte en le menaçant de lui trancher la gorge s’il n’étend pas correctement le linge. Je reste indigné face à cette scène. Pourquoi est-ce qu’il ne se défend pas ? Une gifle et elle se tiendra à carreau. Sans m’en rendre compte, je m’étais arrêté pour observer ce spectacle. Déjà que nous sommes dévisagés par les femmes, celles-ci finissent par nous encercler.
« Soldats, ne prêtez pas attention à ces dames, nous ne sommes pas dans notre juridiction. », dis-je calmement avant que ça ne s’envenime.
Celle qui malmenait son mari vient face à moi, qui la regardais effectivement depuis le début.
« Un problème, touriste ? », me dit-elle en bombant le torse.
« Heh… Je n’ai pas l’attention de vous causer le moindre problème, ma petite dame. Je m’acclimate seulement aux coutumes locales. »
Je m’allume un bon gros cigare pour calmer mes nerfs. Jusqu’ici, je suis resté particulièrement calme, mais je suis bien à deux doigts d’exploser le crâne de toutes ces gonzesses.
« Que tu le saches, ici, les femmes sont vénérés. »
« Que vous le sachiez, je ne vénère personne. Pas même mes supérieurs. »
« Qu’est-ce que tu viens de dire ? »
« Ne perdons pas de temps en bavardage inutiles, dites-moi où se trouve votre reine. »
Rien à faire. Elle n’en démord pas. La situation se complique, les femmes s’approchent de plus en plus de mon escadrille. Je les cognerai bien toutes les unes après les autres, mais on risquerait un incident diplomatique. Moi qui désirs gravir les échelons, je les descendrai une par une si un tel incident avait lieu. Un regard du côté de Daniel, celui-ci arme immédiatement son fusil, puis tire aussitôt dans les airs. La détonation calme tout le monde.
« Ok, ok. Calmons-nous maintenant, d’accord ? Je suis le contre-amiral Ethan Ragglefield Levi, enchanté mesdames et… messieurs. Hem. Je souhaite uniquement rencontrer la reine qui, selon ce que l’on m’a rapporté, réside dans la capitale, le palais étant en reconstruction. Pardonnez-nous si nous avons été impolis, nous ne connaissons pas toutes vos règles. »
Un groupe de femmes apparaît, les autres femmes leur laisse un passage jusqu’à nous, me signifiant qu’elles ont un tout autre statut. L’une d’entre elles s’approche de moi.
« J’ai cru comprendre que vous recherchiez la reine, monsieur le contre-amiral ? »
« Une sacrée ouïe. »
« Je vous prie de bien vouloir nous suivre… seul. »
« Heh. Qu’adviendra-t-il de mes hommes ? »
« Qu’ils retournent à Raflesia, il ne leur arrivera rien là-bas, au contraire. »
« J’aurai besoin de mon ami à mes côtés, le reste de la troupe retournera sur Raflesia. »
« Entendu. »
C’est ainsi que nous suivons ces trois femmes, respectées des autres, nous mènent directement au palais - par intérim - de la reine.
Me voici donc dans la salle du trône. Le moins que l’on puisse dire est que cette reine n’est pas du tout dans la démesure… La salle est immense. De tous les royaumes que j’ai pu visiter, c’est probablement le plus impressionnant. Je n’avais jamais vu quelque chose d’aussi énorme. À chaque pilier qui arpente l’allée qui mène au trône se trouve un soldat, ou plutôt sorcière, pour protéger leur vénérable reine.
Avec Daniel, on se jette quelques regards désabusés, en se demandant ce que l’on peut bien faire ici. On sait pourquoi nous sommes ici, mais l’attention est palpable, une odeur de mort nous envahit. C’est oppressent. C’est stressant. Nous sommes désarmés, collés de près par des sorcières, c’est très peu rassurant. Pas un bruit n’émane de cette salle. Mon ami et moi sommes silencieux également. En voilà des manières de recevoir des invités…
- Oh ! Tiens donc ! Que me vaut la visite du cher contre-amiral Levi ? Votre nom de famille se fait davantage connaître que vos prouesses en tant qu’officier, hùhù.
- À mon grand désespoir…
- Votre père…
- Cela ne m’intéresse guère, votre Majesté, dis-je d’un ton sec. Nous ne sommes pas là pour parler de ma famille. Qui plus est de leurs activités, illégales pour les plus rentables, au vue de mes fonctions au sein du gouvernement.
- Hùhù… Le dernier Levi a donc mauvais caractère. Sais-tu…
Quelle est cette étrange sensation ? La reine ne dégage rien de particulier. Pourtant, quelque chose d’effroyable jaillit. Une colère, une rage inouïe, une envie de meurtre que je peux ressentir avec une telle précision. C’est comme si j’entrais soudainement dans la tête de la reine.
- … Que tu n’as aucune autorité ici…
J’ai comme l’impression de pouvoir lire en elle, de ressentir ses sentiments. C’est violent. C’est brutal. Ça donne la chaire de poule. Cette personne ne me fait pas peur, mais je ne sais trop comment décrire ce qu’il se passe. La dernière fois qu’une telle chose a eu lieu, c’était lorsque Kyori foulait les terres de la base du G-5…
- … Et que tu es totalement à ma merci, dit-elle en se léchant la lèvre inférieure.
Son envie de me tuer est si grande que l’écart de niveau entre nous ne compte plus. Comme je le disais, cette personne ne me fait pas peur, je pourrais l’affronter sans l’ombre d’une hésitation, mais… Lire aussi profondément dans l’âme d’une personne, c’est parfois plus effrayant que combattre la personne en elle-même. C’est la première fois qu’une telle chose arrive. Ça n’a duré que le temps d’une phrase et, aussi court fut ce temps, l’intensité qui s’en est dégagée m’en donné des sueurs froides.
- Vous avez entièrement raison, votre Majesté. Néanmoins, contrairement à ce que vous pouvez imaginer, ma présence n’a pour but que de vous aider dans votre ascension.
Elle discute brièvement avec ce qui semble être ses conseillères. Une reine, comme un roi, est toujours entouré de ses conseillers, logique. Elle esquisse un sourire et se retourne de nouveau vers moi. Celle-ci est en hauteur, installée au sommet de quelques marches sur son trône. Encore troublé par l’expérience subie il y a quelques instants, mon envie de lui arracher la tête n’en est pas moins diminuée pour autant. Heureusement, seul l’objectif compte à mes yeux, donc je vais m’abstenir.
- Et que gagnerait quelqu’un comme toi à me servir, Ethan ?
Cette fois-ci, c’est moi qui esquisse un sourire.
- Comme tout individu, je souhaite m’élever le plus haut possible dans la sphère sociale. Je déteste avoir quelqu’un au-dessus de moi pour me donner des ordres, surtout quand c’est irréfléchi…
Je pense totalement à Salem, oui.
- Avec votre soutien pour appuyer ma candidature, je pourrais aisément obtenir un poste que je vise depuis quelques temps.
- Vous me semblez particulièrement jeune, Ethan. C’est déjà un bel exploit d’être dans l’amirauté à votre âge.
- L’âge importe peu, ma reine. Seul le talent compte dans notre monde.
Elle affiche enfin un regard plus sérieux. Elle me considère enfin comme un potentiel allié. Ou quelque chose dans le genre.
- J’écoute ce que tu as proposé, jeune homme.
C’est à moi de jouer. L’échec n’est pas permis.
Il me faut organiser mes idées. Néanmoins, je ne suis pas venu ici sans argument, mes intentions sont claires dès lors que j’ai posé le pied sur cette terre.
- Pendant ce bref délai, vous m’autoriserez à être franc dans mes propos, qui prendront tout leur sens à la fin.
La reine ne dit rien et attend. C’est probablement que j’ai son autorisation.
- Je crois plus ou moins analyser la situation de l’île. Des rapports me sont parvenus mentionnant un taux assez impressionnant de personnes tombant malades. Chose qui est étonnamment apparue depuis votre investiture… Votre stratégie n’est pas si mal. Vous rendez votre peuple malade qui a besoin de soin, vous apportez également la solution avec alliées : les sorcières. Quelle brillante idée ! Qu’en penses-tu Daniel ?
- Incontestablement une merveilleuse idée.
La machine est lancée. Récolter ces informations m’a couté un bras.
- Poursuivez, rétorque-t-elle d’un ton sec.
- J’ai ouïe dire que des sorcières volaient accompagnées de leurs balais autour de l’ancien palais. Les sorcières ne volent pas sur un balais magique, nous le savons pertinemment. Néanmoins, je connais de petits hommes qui savent voler sur cette île… Un conflit existe entre les sorcières et les tontas ?
- …
- C’est bien ce qu’il me semblait, dis-je en esquissant un sourire. Le couple royal était aimé et respecté, je me trompe ?
- Où voulez-vous en venir, Ethan ?
- Leur disparition prématurée, votre prise de pouvoir… Je ne veux pas faire de conclusions hâtives, je m’en moque. Cependant, si certaines suppositions peuvent me traverser l’esprit, ne soyez pas étonnée qu’elles traversent aussi quelques esprits vifs.
- Soit. Vous n’êtes finalement pas si dupe.
- Ce n’est pas mon genre de proposer ce genre de chose, sauf quand la situation l’exige et c’est le cas. Cessez vos méthodes actuelles et entamez une opération de séduction.
- La famille Ragglefield fait dans le social maintenant ?
Cette remarque me rend légèrement ronchon. Ça m’embête suffisamment comme situation. Je n’ai pas l’habitude de passer par ce genre de procédés. Soit on obéit, soit on mange. C’est ma philosophie. Nos fonctions ne sont pas les mêmes, j’obéis aux ordres qui me viennent d’en-haut pour rétablir l’ordre. De son côte, Morgane doit user de ses charmes, séduire son peuple pour être acceptée des siens.
- Cessez cette guerre avec les Tontattas, qui peuvent être de très puissants alliés, plutôt que de simples esclaves…
- Vous auriez donc un coeur, contre-amiral…
- Les sentiments n’ont pas leur place dans ce monde.
- Oh…
Cette onomatopée de la reine m’agace légèrement aussi. Elle ne me prend pas au sérieux.
- Les Tontattas, reprend-t-elle, sont très… agressifs quand ils nous voient approcher. Je n’aimerais pas déclencher une énième bataille que nous gagnerons. Les travaux d’intérêt, ou l’esclavagisme comme vous aimez le dire, sont des moyens très efficaces pour leur donner une bonne leçon.
Elle n’a pas tout compris.
- Laissez tomber, je m’en occupe. Je m’occupe d’organiser une rencontre entre vous et le chef de la tribu Tontattas. Cela me semble correct pour commencer.
- Qu’avez-vous prévu ensuite ?
- Une rencontre avec le Maire de Rafflesia.
- Ce déchet… Je vais l’empoisonner.
- C’est ainsi que le couple royal s’est éteint ? demande Daniel.
- ‘Hem. Personne n’empoisonnera qui que ce soit. Il va falloir apaiser toutes les tensions et panser les plaies. Trop de personnes sont mortes. Dressrosa doit redevenir paisible. Dressrosa doit vous aimer.
Morgane discute ainsi avec ses deux conseillères, tandis qu’on s’échange quelques regards avec Daniel.
- Après concertation avec mes conseillères, j’accepte de recevoir ton aide. À la moindre entourloupe, on te tue. Au moindre échec, selon les pertes que cela nous entraîne, on te tue également. Si ce n’est pas toi que l’on tue, ce sont tes hommes. Arrange-moi le conflit qui existe depuis le début de mon investiture avec le peuple Tontattas. Je suis prête à recevoir leur chef si nécessaire. Tu seras mon messager, ma vitrine à travers le royaume.
Me voici reconverti au poste de larbin de la reine Morgane. Cela dit, en étant son intermédiaire, je me mettrais les Tontattas et le maire de Rafflesia dans la poche. Je dois m’imposer et prendre une place essentielle dans ce royaume. La reine ne doit plus pouvoir se passer de moi à la fin de mon séjour.
Pour l’occasion, la reine m’avait gentiment accordé une chambre dans laquelle je peux habiter le temps de nos affaires. Pour ce qui est du confort, je suis bien content d’être ici plutôt qu’au navire. Daniel a également un chambre à côté de la mienne. C’est d’ailleurs ce dernier qui vient frapper à ma porte le premier. Il m’attend pour nous rendre à la réception. Je prends le temps de m’habiller, d’ajuster ma cravate et d’enfiler ma veste d’officier.
- Monsieur se fait beau pour les fées.
- C’est ma tenue de travail. Finies les infiltrations pour l'autre enfoiré, je tiens à être vu de tous sous ma véritable identité.
- Le petit Ethan devient un grand homme. Fini de jouer à cache-cache, tu te décides enfin à briller sous les feux des projecteurs.
- Tu n’as pas fini de te foutre ma gueule, Danny ? Il est encore trop tôt pour ça.
- J’oubliais que monsieur n’est pas du matin. Allons manger un coup, un buffet nous attend en bas.
Malgré son air désintéressé de la veille, la reine tient réellement à ce que nous réussissons notre mission. Nous sommes presque bichonnés avec nos chambres et tous les services dont nous disposons. Ce n’est pas pour me déplaire. N’oublions que je viens d’un milieu mondain et que j’attache particulièrement un attention à mon confort personnel. Alors me traiter de la sorte est une bonne manière de m’amadouer.
Direction Green Bit. Pas moyen de nous y rendre en bateau, c’est alors à cheval que nous y allons. La route est assez longue et pas forcément très agréable. Dès lors que nous quittons la capitale, la qualité des routes se dégrade de plus en plus. Cela dit, ces chevaux sont très bien entraînés, leur rapidité me surprend un peu. Une foulée très régulière, presque millimétrée, une endurance étonnante. Serait-ce des chevaux de course ?
C’est au bout quelques heures que nous arrivons enfin au pont qui relie l’île où nous étions à Green Bit. Je commence à avoir mal aux fesses, ayant perdu l’habitude de monter sur ces belles créatures. Nous n’avons effectué qu’une seule pause de quarante-cinq minutes pour nous alimenter et permettre aux bêtes de souffler un peu. La fin de matinée approche, je suis déjà fatigué par le voyage.
- Voici donc Green Bit. Impressionnant, dit Daniel impressionné par la panorama.
- Tcht. Cette végétation aux dimensions exagérées…
Tout est démesurément grand. Daniel se charge d’accrocher nos montures aux pieds d’un arbre, tandis que je m’allume un de mes merveilleux cigares. Je n’ai pas prévu de foutre le feu partout, pas d’inquiétude. Disons que cela fait des heures que je me déplace sur un cheval, sans pouvoir me faire plaisir, c’est le bon moment. On pénètre dans cette magnifique et effrayante forêt dans l’espoir d’y atteindre rapidement notre objectif. Oui, je ne sais pas où les trouver.
De longues minutes durant, nous marchons en plein milieu de cette faune tropicale, à l’aveugle. Je sens que nous sommes observés, c’est un pressentiment qui parcoure mon corps. Vous savez, c’est comme quand on sent quelqu’un nous épier derrière nous. Je m’arrête soudainement. Daniel en fait de même sans rien ne dire. On ne va pas s’épuiser à traverser toute l’île alors que nos amis sont déjà en train de nous suivre.
- Vous, qui nous surveillez depuis notre arrivée, veuillez vous présenter. Nous ne sommes que deux, désarmés, seulement là pour discuter avec vous.
- Qui êtes-vous ? dit une petite voix.
- C’est toi qui parlé ? demandé-je à Daniel.
- J’ai mué depuis quelques années, Ethan.
En baissant la tête, je tombe sur trois petits êtres qui nous lancent des regards d’assassin. C’est donc ce que l’on appelle les Tontattas ? Fascinant. Ils sont si minuscules.
- Je suis le contre-amiral Levi. Et ce monsieur, c’est Daniel, mon lieutenant-colonel.
- Que voulez-vous ?
- Discuter.
- À quels sujets ?
- Vos relations avec le reine et les sorcières.
- Ces monstres vous envoient !? Elles ont même réussi à corrompre le gouvernement !
Tcht. Va falloir calmer le jeu. Et le gouvernement, pour ce que c’est, est déjà corrompu depuis bien longtemps. Mais pas par la reine Morgane, ni aucun autre roi affilié au gouvernement. la corruption vient de plus haut. Bref. Ces petites choses sortent leurs armes et sont prêtes à nous faire passer un sale quart d’heure. Et alors que je souhaitais prendre la parole, je suis de nouveau traversé par des sentiments qui ne sont pas les miens.
C’est violent. Ça fait mal au crâne, ça tape, cogne, ça me donne chaud. De la peur, de la colère, des cris, des larmes… À côté de ça se rajoute des envies de tuer, probablement de nous tuer, ainsi que tout ce qui est lien avec la reine et ses acolytes. Mon cigare s’échappe de ma bouche, je me tiens la tête, avant de tomber à genou. Je frappe ma tête au sol pour éloigner toutes ces pensées de ma tête mais rien n’y fait. Ce ne sont pas des images, plutôt mes propres émotions vécues tout au long de ma vie, qui traduisent ceux des autres. Est-ce réellement ceux des autres ? Ça va beaucoup trop vite, ça change, puis ça revient. J'ai comme la sensation qu'on se sert de ma cervelle pour jouer du tambour.
- Qu’êtes-vous en train de lui faire ? demande Daniel.
La douleur s’atténue, je retrouve peu à peu mes esprits. Mon camarade est de suite sur la défensive, prêt à en découdre.
- Ils… Ils n’y sont pour rien, Daniel. Je comprends votre colère, peuple tontattas. Mais sachez que nous ne sommes pas au service de la reine.
- Ce sont pourtant ses montures qui sont attachées à l’entrée de notre jardin.
- En effet. Nous sommes allés la voir dans un premier temps, afin de clarifier certaines choses avec elle. Je suis conscient que le roi Riku a énormément apporté à Dressrosa et que la reine actuelle agit complètement à l’encontre de tout ce qui a été mis en oeuvre. Laissez-moi parler à votre chef, que l’on puisse organiser une rencontre avec la reine, arranger les choses…
Les trois fées se concertent quelques instants. L’un d’entre part à une vitesse incroyable, tandis que deux autres restent avec nous.
- Attendez ici. Nous allons voir ce qu’en dit notre chef, ça ira plus vite.
Et assez rapidement, le petit être parti précédemment nous revient en nous annonçant que l’on peut le suivre. Alors on marche en compagnie de notre petite escorte, en direction de leur chef. Pas plus d’une dizaine de minutes plus tard, nous sommes assis sur des chaises, entourés de pleins de tontattas qui nous jettent des regards à nous glacer. Un des nains s’impose et jusqu’à notre hauteur, sans un mot, puis il prend finalement la parole.
- Je suis Hector, le roi du peuple des tontattas.
Dernière édition par Ethan R. Levi le Lun 1 Oct 2018 - 18:05, édité 1 fois
Une petite fée, comme les autres, une barbe abandonnante mais pas particulièrement vieux pour autant, se tient présente à moi. Il s’agirait donc d’Hector, le roi du peuple Tontattas. L’ambiguïté se trouve peut-être dans cette appellation de « roi ». Il est le roi de ce peuple mais pas celui de ce royaume. De ce fait, il doit obéir aux mêmes lois que ls autres. Le souci, c’est que les sorcières utilisent et exploitent les pauvres fées. Je prends clairement parti même si je ne peux pas l’exprimer.
- Merci de nous recevoir, Hector.
- Allons droit au but, humain, dit-il fermement en serrant le poing. Vous êtes au service la reine ?
- Pas le moins du monde. Elle n’a aucun pouvoir sur moi.
- Et pourtant, vous êtes ici pour régler des problèmes qu’elle doit régler elle-même.
- Bon, écoutez. Quoi qu’il arrive, elle est la reine et dirige ce pays, on ne pourra rien y faire. Néanmoins, ce que j’ai l’intention de faire, c’est d’apaiser les tensions entre vous et rendre la vie plus agréable dans ce royaume.
Les Tontattas sourient pour la grande majorité. Leur réputation n’est pas faussée : ils sont trop naïfs. Heureusement pour eux, j’ai réellement l’intention d’appliquer ce que j’ai dit. Mais seul Hector me regarde d’un oeil toujours aussi craintif. Lui, je crois qu’il a compris la leçon, les fées doivent changer et accepter de ne plus vivre dans un monde d’enfants. Ce monde, le vrai, est cruel et n’épargne personne.
- Et pourquoi est-ce qu’un agent du gouvernement ferait-il ça ? Ce pays n’appartient pas au gouvernement, vous n’avez ici aucun pouvoir…
- C’est pour cela que j’aimerais m’entretenir avec vous… seul.
- Je ne cache rien à ma famille.
Tsss… Un type qui considère son peuple comme sa famille, la prunelle de ses yeux, c’est probablement ce qui manque dans ce monde. Paraît-il que le roi Riku était ce genre de roi. Si j’en avais l’occasion, la reine serait déjà morte et enterrée, puis Hector à la tête de ce royaume. Enfin, ce n'est qu'une vision rêveuse. Une telle chose n'arrivera probablement jamais.
- Bien. Tout le monde souhaite changer le monde à sa manière. Certains deviennent révolutionnaires, d’autres pirates, et quelques rares individus intègrent la marine pour cela et c’est mon cas. Je ne m’étendrais pas sur mes idéaux, ce n’est pas vraiment le sujet. J’ai besoin pour ça d’un soutien politique important, en plus de me perfectionner en tant que soldat, pour réaliser mes desseins.
- Encore un fou qui veut créer un monde à son image.
- Encore un fou qui veut créer un monde où certaines choses doivent être abolies. Ni plus, ni moins. Je ne compte même pas rester au pouvoir.
Le souverain de ce peuple retrouve un regard un peu plus apaisé. Toute sa belle « famille » sourit. Ils sont définitivement trop naïfs. Et trop attachants. Je détourne le regard pour ne pas afficher une quelconque compassion.
- Que comptez-vous faire, contre-amiral ?
- Je vais tout vous dire. Mon but est d’insuffler la volonté du défunt roi Riku chez la reine Morgane, qu’elle soit pour ou non, du moment qu’elle le fait apparaitre dans sa manière de gouverner. Une rencontre sera nécessaire entre vous, le Maire de Rafflesia et la reine.
- Ça fait quel effet d’avoir le rôle d’un vulgaire messager quand on est officier de la marine, demande Hector en pouffant de rire.
- Haha ! J’adore ce p’tit insecte !
Le respect et l’empathie que j’avais envers eux vient tout juste de s’envoler. Mon père m’avait un jour parlé de ce peuple qu’il avait rencontré, c’était une des histoires qu’il me racontait avant de dormir. Je comprends mieux pourquoi la reine me parlait de ce dernier et d’où il connaissait les fées. Mais je me souviens qu’il disait que les tontattas étaient très taquins mais que c’était un signe d’affection. En effet, l’accueil était plutôt glacial.
- Daniel, sors donc ce que nous avons ramenés pour nos nouveaux copains.
Heureux, ce dernier s’empresse de vider l’énorme sac qu’il porte sur son dos, remplit de bouteilles de saké. Encore un souvenir des paroles de mon père, qui avait pas mal insisté sur la soirée arrosée passée avec eux. Le but n’est pas que je finisse la tête à l’envers, puis vu leur petit corps, ça devrait le faire. Daniel pourra les coucher à lui seul, on connait bien la picole, difficile de nous éteindre tous les deux en même temps.
Il n’est que midi.[•••]Fin de journée.
- Est-ce qu’il vous faut quelqu’un pour vous ramener ? La route n’est pas évidente à suivre la nuit.
- Ça… Ça ira. Hic ! Me-merci.
- C’était cool ce soir ! N’oublie pas de nous tenir informé de la situation, Ethan. Rentrez bien.
Impossible de répondre. Je suis complètement retourné. Ces petites merdes tiennent bien trop la boisson. Daniel a le regard vide et tient à peine sur son cheval. Pour ma part, j’ai déjà rejeté mon petit-déjeuner à plusieurs reprises, c’est un fiasco. Ma monture avance tout doucement et j’ai pourtant l’impression d’être dans une barque en plein milieu d’une tempête. On s’est fait ridiculiser dans un domaine qu’on pensait maîtriser, c’est honteux que nous rentrons.
La nuit est belle et bien tombée, difficile de se repérer dans cet état. On ne manque pas de se perdre à plusieurs reprises. Certains éléments nous sont familiers, comme le pont, des cathédrales, des rochers, grâce auxquels nous parvenons jusqu’à la capitale. Il est tard dans la nuit, et pourtant, des femmes sont encore en train de s’amuser et de boire, comme le feraient des hommes habituellement. Je n’ai rien contre ça, même si l’idéal serait que les deux sexes s’amusent, comme c’est le cas dans de nombreux pays.
Nous atteignons enfin le palais, dans lequel la reine nous attend de pieds fermes, agitée avec sa coupe de champagne. Il semblerait qu’il soit réellement tard et que nous avons passé plus de temps que prévu avec nos nouveaux camarades. Elle s’est inquiétée pour nous ? J’imagine bien que non. Elle doit seulement être impatiente de savoir comment marche ses affaires. Heureusement que ce long voyage nous a fait redescendre un peu… Mais on est encore bien attaqué par le saké.
- Qu’est-ce quoi vous êtes arrivés ? Les petits merdeux vous ont attaqué ?
- J’aurais préféré que ce soit le cas… Le rapport peut attendre demain matin ? J’ai un grand besoin d’eau, de nourriture et de sommeil.
- T’empeste la gnôle, Levi.
- Ouais, c’était un peu sportif comme rencontre. Alcoolisée surtout, ça ressert les liens.
- Le saké a le mérite de délier ta langue, c’est déjà ça, dit la reine en ricanant entre deux gorgées. Allez donc vous reposer tous les deux, on en reparlera de tout ça demain.
- J’veux bien partager quelques coupes avec vous, Majesté, rétorque Daniel.
Il a encore soif cet ivrogne ? On ne vit vraiment pas dans le même monde. Je file me coucher illico presto. La journée fut longue et éprouvante, mais on continue d’avancer tout doucement. C’est positif. J’apprécie les tontattas et je ne compte pas trahir leur confiance. Ma rencontre avec le maire de Rafflesia devrait arriver rapidement, je compte sur Mozart que je n’ai pas laissé là-bas par hasard, et ce, avec l’ensemble de ma troupe. J’attends son appel avec beaucoup d’impatience.
Dernière édition par Ethan R. Levi le Dim 21 Oct 2018 - 14:54, édité 1 fois
Ce matin, c’est la gueule de bois assurée. À chaque pas, je frôle la galette sur les élégantes tapisseries du palais. Je déambule dans les immenses couloirs en direction d’un point d’eau, accessoirement de la grande où l’on a pris le petit-déjeuner la veille. Ma vue n’est pas très claire, j’aperçois des silhouettes qui courent partout, probablement des servantes qui préparent la table. J’ouvre enfin la porte de cette énorme salle à manger, manquant presque de tomber à l’ouverture de celle-ci, mais je m’affale dessus et c’est ce qui me maintient debout.
- Vous faites peine à voir, contre-amiral.
- Où… Hem… Où est Daniel ? demandé-je avec difficulté.
- Il m’a donné du fil à retordre. Heureusement que je suis une sorcière, sans ça, je serais probablement comme lui contre le pilier, là-bas.
Il roupille comme un gosse. Il est vrai que Daniel est celui qui boit mes verres à ma place quand je n’en peux plus. Sauf hier, les fées nous ont débordé. Morgane est installée à un bout de la table, et moi à l’autre bout, séparés d’une longue distance. Je n’ai pas à m’inquiéter d’empester l’alcool au moins. Son regard ne quitte pas le mien. Qu’attend-t-elle au juste ? J’ai seulement envie de me remplir la panse pour l’instant. Sans plus attendre, je tends ma main vers une de ces viennoiseries mais…
- Hep ! Que faites-vous ? Vous ai-je donné l’autorisation ?
- Parce qu’il m’en fallait une ?
- J’attends ton rapport. Tu avais dit « demain matin », n’est-ce pas ?
- Le saké ne me réussit vraiment. Et votre mémoire n’a d’égale que votre perfidie…
- J’attends.
- Tcht. Les fées sont prêtes à vous rencontrer uniquement en ma présence, elles n’ont pas apprécié que vous envoyiez quelqu’un à votre place. Ensuite, j’attends un appel dans la journée pour rencontrer le maire de Rafflesia.
- En somme, sans toi, la situation ne peut évoluer.
- Il faut bien que j’assure la sécurité de mes hommes.
- Et la tienne ?
- Tcht… Je suis relativement sûr de mes propres forces, ma reine, dis-je en esquissant un léger sourire.
Je la respecte, je lui rends service - pour servir mes intérêts futurs -, mais qu’elle n’oublie pas pour autant qui je suis. Ainsi se passe le reste du repas, entre taquineries et bouchées dans les fruits et viennoiseries. De grandes gorgées d’eau ne me semblent pas de trop, je suis totalement desséché par l’alcool ingurgité et la nourriture abandonnante que je viens de m’enfiler. Ma journée va être éprouvante mais je dois y aller.
- Dites à Daniel de me rejoindre chez le maire, s’il se réveille dans la journée.
- Je n’y manquerai pas… Peut-être qu’on le terminera notre soirée et que…
- Épargnez-moi les détails, j’ai encore l’estomac fragile.
Ainsi, je m’en vais en direction de mes quartiers pour me préparer. Avant ça, une bonne douche ne sera pas de trop, je m’en horriblement sale. J’observe alors mon corps nu, face à se miroir, en observant se bras bionique fraichement installé. Je me rappelle de l’horrible bataille contre Kyori, celle qui a causé ces irréparables dégâts sur moi, mais aussi dans moi si l’on prend l’aspect psychologique de la chose. Mon corps entier tremble en repensant à la puissance de la déesse.[•••]
Début d’après-midi, Rafflesia.
Je rejoins Mozart aux portes de la Marie. Ce dernier m’a appelé alors qu’il était au bureau du maire. Il semblerait qu’ils s’entendent bien. Le cyborg a le don de se lier d’amitié avec ceux qui l’entourent, probablement son côté musical qui entre en compte. J’ai encore la tête en vrac et l’estomac retourné. Cette entrevue risque d’être une rude épreuve. Mozart ne bouge pas d’un pouce et m’observe quelques instants sans rien dire.
- Un problème le tas de ferrailles ?
- C’est à toi que je retourne la question, Ethaaaan. Tu n’as pas l’air dans ton assiette, captain !
- La nuit fut courte mon ami, beaucoup trop courte…
On monte les marches de la mairie pour aller au bureau de maire, lentement, avec mon acolyte qui s’arrête toutes les cinq marches pour s’assurer que je sois bien là. Mollo, mollo, j’ai pas encore récupéré. La tentation d’allumer un cigare se fait de plus en plus grande, au risque de me rendre plus mal que je ne le suis, ça serait une mauvaise idée. Alors je continue de monter ces marches, jusqu’à atteindre l’étage où se tient le personnage emblématique de la ville.
- Spoiler:
- Alors les jeunes, ça dit quoi ?
Je m’attendais à un vieillard, c’est tout le contraire. Un jeune homme comme moi, sauf que celui-ci est grand et dense. Et plein de vie. À l’image de sa ville. Sans même le connaître, je comprends mieux pourquoi la ville se porte aussi bien, pourquoi Mozart et lui s’entendent aussi, et pourquoi je me retrouve aussi rapidement dans son lieu de travail. Il nous installe à une table où des tasses de thé sont déjà servis.
- Faites comme chez vous, c’est comme ça à Rafflesia, on sait accueillir. Héhé.
- C’est le moins que l’on puisse dire… Hem.
- Vous souhaitez peut-être quelque chose de plus fort ? demande-t-il en se dirigeant vers un placard.
- NON !
- Hum ?
- C’est gentil mais une autre fois. Je suis encore en plein exercice de mes fonctions.
- Ah ! D’accord ! Alors dites-moi ce qui vous amène ici. Même si j’ai déjà ma petite idée en tête. Héhé.
Génial. La conversation sera rapide, je pourrais vite retourner me coucher.
- Ma présence a pour but de désamorcer les tensions avec le reine et Rafflesia.
- Mais vous savez aussi qu’une telle chose n’est pas possible, dit-il fermement. Le roi Riku agissait uniquement pour le bien du peuple. Vous comme moi étions trop jeunes pour réellement comprendre, mais il suffit d’écouter les témoignages et observer les vestiges d’autrefois pour comprendre que la reine fout la merde.
- Jusqu’ici je vous suis. Nous partageons les mêmes idées.
- Ethan… T’as réellement le droit de donner ton opinion ? me chuchote Mozart à l’oreille.
Un léger clin d’oeil en direction de mon ami et je me retourne vers le maire.
- Je ne suis pas certain de comprendre. Comment pouvez-vous penser comme moi et être sous les ordres de la reine ?
- Je suis uniquement sous les ordres du gouvernement mondial, monsieur le maire. Je suis passé par la reine car c’est elle qui détient le pouvoir. Si ça ne tenait qu’à elle et ses caprices, elle ferait de Rafflesia une mare de sang. Ce n’est pas que je cautionne tout ce qu’elle fait, disons plutôt que je tente d’atténuer le virus qui s’étend en passant directement par la source.
- Et pour ce qui est de vos petits yeux ?
- Une longue discussion avec les fées.
- Mouahahaha ! Je vous apprécie déjà, Ethan ! Hector est un très bon ami à moi. Dommage que nos peuples soient séparés par des frontières…
- Laissez-moi vous aider à briser ces frontières.
Le maire prend une pause réfléchie. Il tient son menton et lève les yeux au plafond.
- Comment allez-vous vous y prendre ?
- Organiser une rencontre entre Morgane, Hector et vous. Si tout passe selon mes plans, la reine devrait vous faire une opération séduction avec des nouveaux traités qui permettront une vie un peu plus joyeuse. Il s’agira notamment d’insuffler un peu de l’âme du roi Riku, comme en rêve l’ensemble de l’île, cesser cette discrimination envers les hommes… Quelque chose de plus juste, de plus respirable.
- Cela semble bien utopique. Elle ne tiendra jamais le coup.
- Laissez-moi me charger de cela, s’il vous plaît. Allez simplement à cette rencontre et écoutez la reine.
Vu comme ça, tout semble simple, mais la réalité est bien moins jolie. Pour avoir la reine dans ma poche, je dois avoir tous les autres dans ma poche. C’est un cercle où l’un ne va pas sans l’autre. Et pour atteindre mon objectif, c’est l’île entière qui doit être unifiée. Je dois affirmer fièrement que tout se passera bien, mais je dois admettre que des doutes s’installent en moi. Mes ambitions sont peut-être un peu trop élevée sur ce coup.
D’une poignée de mains, je quitte les lieux en bon terme avec le maire de la ville. Mozart reste sur place, il semblerait qu’il s’y plaise. Je traine du pied sur le chemin, je croise certains de mes soldats que je salue rapidement avant de m’éclipser. Au bord de la route qui mène de Rafflesia à la capitale, je m‘arrête quelques instants et m’allume un cigare. Épuisé, tourmenté, je m’allonge sur cette vaste étendue d’herbes de laquelle j’observe ce magnifique ciel bleu.
Mes paupières deviennent de plus en plus lourdes, mes pensées se dirigent vers un autre univers, tous mes doutes se dissipent le temps de quelques instants… Je ne médite pas. Fumer ce cigare me détend et la fatigue m’emporte vers les bras de Morphée. Enfin, c’est ce qui était prévu jusqu’à ce qu’une ombre vienne tout gâcher. J’ouvre légèrement un oeil pour voir ce qu’il se passe, puis je finis finalement par laisser se dessiner un sourire sur le coin de mes lèvres.
- Désolé Ethan, je suis légèrement en retard.
- Tu es le lieutenant-colonel le plus inutile de l’histoire…
- Sauf quand tu as besoin de moi pour finir tes verres, dit-il en détournant le regard. Alors, cette rencontre ? Mozart va bien ?
- Le maire de Rafflesia est un bon type, je lui ai dit mes véritables intentions, comme Hector. Et Mozart s'amuse bien. Faut dire que l'ambiance n'est pas la même...
- Ça risque de se retourner contre toi, petit malin.
- La situation peut réellement s’arranger, c’est pas dans leur intérêt de me trahir. Une rencontre ne leur coûte rien.
- Quelques verres pour délier les langues et c’est réglé.
Si seulement c’était aussi simple. Il me faut maintenant travailler la reine. Les deux viendront avec de bonnes attentions, dans le but d’apaiser les tensions et penser à un royaume uni. Morgane, elle, j’avoue avoir quelques doutes à son sujet… Intelligente et excessive, ses réactions sont assez inattendues, et pourtant, je ne la connais que depuis peu de temps. Je dois impérativement m’occuper de Morgane à présent.
- Allons, Daniel, retournons au palais.[•••]Palais royal.
- Vous voilà enfin !
- Vous étiez pressée de retrouver Daniel ou la nouvelle que je détiens ?…
- Cette rencontre avec le maire de Rafflesia, dites-moi ! Ce salopard de rouquin !
- Il est également d’accord pour vous rencontrer.
- Heureusement pour sa tronche !
- Hum… Il va falloir changer ça, aussi.
- Quoi !? N’oublie pas que…
- D’accord. Bonne continuation. Daniel, nous partons pour un royaume qui aura réellement besoin d’aide.
Ma patience a des limites. Que l'on parle comme un chien, c'est la pire chose à faire. Si elle croit que je blague, c’est regrettable. Ma promotion peut attendre une autre opportunité, je suis encore jeune après tout. Je rebrousse mon chemin, direction la sortie avec Daniel qui me suit sans un mot. J’entends la reine qui tape du pied comme une enfant à qui l’on refuse un caprice. Lorsqu’elle s’arrête enfin, alors que je m’approche de la porte, j’entends une grande inspiration suivie d’une expiration pleine de détresse.
- Ok, je m’excuse. Ne partez pas. Merci.
C’est pas encore fameux mais l’essentiel est là.
- Si je peux me permettre quelques mots avant de retourner au lit : comportez-vous comme une reine et pas comme une enfant capricieuse à qui l’on accepte tout. Sur ce, bonne nuit, dis-je fermement avant de retourner dans mes quartiers.
Daniel se retrouve maintenant seul avec la reine.
- Il a mauvais caractère votre ami.
- Vous pensez être la mieux placée pour une telle remarque ?
- Vous n’allez pas vous y mettre aussi !
- Pas spécialement. Je comptais simplement vous proposer un verre avant le dîner. Mais vous devriez écouter le nabot… Il n’est pas devenu officier de la marine par hasard. C’est un acharné et ça lui arrive parfois d’avoir de bonnes idées.
- Hum… Buvons ce verre, Daniel, s’il vous plaît.
Ils partent tous les deux s’hydrater - raisonnablement - avant de passer à table.
Il n’y a rien de mieux qu’une bonne nuit de sommeil. Lorsque mes yeux s’ouvrent, je sais que je ne subirais pas la journée, du moins pas à cause d’un manque de sommeil à l’instar de la veille. Je n’irai pas proclamer haut et fort que je me sens bien, mais contrairement à la journée d’hier, je prendrai certaines choses avec beaucoup plus de patience. Morgane, par exemple, je pense éventuellement entamer une discussion avec elle. Chose inenvisageable quelques heures auparavant.
Après le pouponnage habituel, je descends rejoindre la reine au petit-déjeuner. J’ai revêtu mon costume gris, sans mon manteau d’officier, en restant simplement un élégant jeune homme. Lorsque j’atteins la grande salle à manger, je remarque en plus de la présence de Daniel et de Morgane, celles de certaines sorcières. C’est un peu plus animé, un plus gai, c’est convivial. Hum. Tout n’est peut-être pas perdu… finalement.
- Bonjour, Ethan ! Je vous en prie, installez-vous. Nous vous attendions, dit la reine en m’invitant d’un geste de la main.
- Bonjour à tous. Pardonnez-moi ce retard.
- Toujours à se faire attendre…
- Salut Daniel. Quel plaisir de te revoir avec une meilleure mine.
- J’aimerais en dire autant pour toi… Tu as toujours ce sale regard, on ne peut jamais savoir.
- Vous arrive-t-il de sourire, contre-amiral ? demande une sorcière.
- Vous seriez si séduisant… reprend une une autre.
- Je reviendrai vers vous quand j’aurais besoin de conseils beauté et séduction.
Même si cette discussion m’emmerde plus qu’autre chose, elle a le mérite d’amuser la galerie. La reine accompagnée de ses plus fidèles conseillers, c’est déjà une excellente chose. Je n’ai même pas eu besoin de lui dire quoi que ce soit. J’avais pourtant prévu une leçon sur ce sujet, mais elle m’en épargne et cela m’arrange. Cela dit, je pense qu’il y a quelques points à régler, qui détournerait bien l’attention que l’on me porte ce matin.
- Ma reine, Daniel, pouvez-vous nous raconter vos deux dernières nuits ?
Silence de mort. Ni Daniel, ni Morgane n’osent parler. Les sorcières se marrent, j’esquisse un sourire en commençant à me servir quelques fruits. On comprend rapidement qu’ils ont passé une bonne soirée. Personne ne veut en savoir davantage, cela ne nous regarde pas. Mais quelque chose me dit que la bonne humeur de la reine doit avoir un rapport avec ce bon vieux Daniel. Un véritable magicien ce type. Le plus grand séducteur que j’ai rencontré.
Je joue l’entremetteur entre la reine et les différents chefs de Dressrosa, tandis que Daniel joue l’entremetteur entre la reine et moi… Quelle ironie. En bon fonctionnaire, chacun retourne à ses tâches respectives. Il ne reste donc que mon meilleur ami, sa conquête et moi. Un trio d’enfer… D’ailleurs, le lieutenant-colonel s’autorise un départ de la table pour aller s’entraîner. Probablement qu’il va le faire mais… est-ce réellement le moment ?
- Qu’avez-vous prévu aujourd’hui ? demande Morgane.
- Me concerter avec vous, au sujet de… Enfin, je sais que c’est délicat comme sujet, et je ne tiens pas à être donneur de leçon…
- Ethan. Vous avez toute mon attention.
Hum ? C’est vraiment la reine Morgane qui se tient face à moi ? Comme une véritable reine ?…
- J’avais prévu de vous parler de certaines choses, mais cela ne sera plus nécessaire à présent. Je sais ce que vous avez fait avec mon ami. Être une reine n’a rien de facile, ni même d’enviable quand on connait l’envers du décor et que l’on oeuvre pour son peuple.
- Dites-moi comment unir mon peuple, retrouver l’amour de tous et faire de Dresrosa un puissant royaume.
Je ne suis pas conseiller diplomatique, ni expert financier, mais j’ai côtoyé suffisamment de royaume pour en savoir un minimum. Puis venant d’une famille noble, j’ai étudié certaines choses que je ne pensais pas utiles… C’est bien ça le problème. Néanmoins, le gouvernement a créé le « Cercle d’Or » qui facilitera grandement mon discours. En fait, j’ai quasiment rien à dire. J’ai bien fait de me renseigner là-dessus.
- Tout le monde a bien compris que vous étiez la reine, c’est indéniable. Au lieu de vous occuper de martyriser votre peuple, contentez-vous de vous occuper des intrusions extérieures qui nuisent à votre royaume et sa réputation. Et pour votre économie, autrefois fleurissante, je vous conseille de vous étendre au-delà de vos propres frontières. Vous avez des ressources exceptionnelles, profitez-en.
- Et… Comment est-ce que je mets tout ça en oeuvre ?
De l’extérieur, je reste stoïque, mais je vous assure que c’est une explosion de joie à l’intérieur. Je ne pouvais pas mieux rêver comme réponse de sa part. C’est l’occasion rêvée pour vendre mon produit.
- C’est justement là que moi, représentant du gouvernement mondial, intervient pour vous aider. Connaissez-vous le « Cercle d’Or » ? Un réseau encore peu répandu dans le Nouveau Monde.
- Ça sent l’escroquerie plus qu’autre chose.
- Pas tout à fait. On vous assure une réseau de transport pour les commerces et voyages, ainsi qu’une sécurité très renforcée.
En réalité, c’est implanter une base pour garder la main mise sur l’île, mais cela ne changera rien pour personne.
- Vous assurerez la protection du royaume contre l’invasion ennemie ?
- Pas particulièrement moi mais quelqu’un d’au moins aussi efficace, si ce n’est plus.
- Hum… Et qu’est-ce que cela apporte au gouvernement ?
- D’avoir une vue d’ensemble sur ce qu’il se passe dans le Nouveau Monde, éviter que la criminalité se répande… Vous devrez assister à certaines réunions et c’est grosso modo tout ce qui vous sera demandé.
La reine prend quelques instants pour réfléchir.
- En bonne reine, je prendrai le temps d’en discuter avec mes conseillères. Mais une question subsiste : qu’est-ce que cela vous rapporte, Ethan ? Qu’attendez-vous de moi précisément ?
Elle n’est pas dupe. En même temps, c’est ainsi que j’ai introduit la chose lors de notre première rencontre.
- C’est très simple, Morgane, dis-je d’un ton presque cynique. Je veux votre soutien politique. Je veux que vous souteniez chacune de mes actions, chacune de mes prises de position, chacune de mes propositions, quelle que soit la teneur… Absolument tout. Et je défendrai Dressrosa jusqu’à ma propre mort et celle de mes hommes.
Il me fallait un discours accrocheur.
Une réponse immédiate n’est pas nécessaire. Dans l’immédiat, ce qui m’intéresse le plus est la concertation qui aura prochainement lieu. Morgane n’a fait que me lâcher un sourire encore plus cynique que le mien, disant ensuite que ma noirceur est encore plus profonde que la sienne. Chose totalement fausse à mon avis. Mes desseins sont bien plus respectables que les siens, en espérant qu’ils changent avec le temps.
- Quand souhaitez-vous recevoir Hector et Takeshi ?
- Le temps de préparer mon discours, mes arguments, mes…
- Pas d’arnaque. Compris ? Vous devez collaborer et atteindre les objectifs demandés. Cela peut sembler invraisemblable pour vous, mais un bon souverain est souverain au service du peuple. C’est bien pour cela que votre cote de popularité est assez peu élevée.
- Une semaine. J’ai besoin de réfléchir… Aussi bien sur moi que sur Dressrosa.
Tout n’est peut-être pas perdu. J’ai une semaine de vacances, donc. Je n’ai plus qu’à informer Mozart qui informera le maire et envoyer Daniel informer Hector. L’occasion rêvée pour moi de reprendre l’entraînement. J’ai un bras que je ne maîtrise pas complètement encore. Dans une semaine, le sort du royaume, de son peuple, et accessoirement du mien, sera décidé autour d’une table composée de sept personnes : Morgane et ses deux conseillères, Takeshi, Hector, Daniel et moi-même.
Est-ce que j’ai hâte ? Oui et non. Morgane n’est pas stable et elle le prouve à chaque fois. Elle a beau se remettre en question, j’ai le sentiment qu’elle refait des bonds en arrière. L’envie de se développer à travers le monde commence à l’intéresser et c’est pour cela qu’elle accepte peu à peu de changer sa manière de voir les choses. Ses réactions restent néanmoins imprévisibles et c’est bien ce qui m’inquiète.
Hector et Takeshi ne se laisseront pas faire, la moindre étincelle peut engendrer un incendie que personne ne pourra plus jamais éteindre. Maintenant, à part prier et m’entraîner, il n’y a plus rien que je puisse faire. Mon rôle de messager s’arrête ici. Chacun sait pourquoi je suis là, chacun sait ce qu’il doit faire pour faire prospérer la volonté d’un défunt roi que tout le monde admire. Chacun espère gagner quelque chose de cette concertation.
Palais de la reine, Acacia.
Une semaine s’est écoulée. Mes échanges avec la reine se sont quasiment terminés depuis notre dernier entretien. Étonnamment, elle prend les choses très à coeur et semble vouloir faire les choses correctement. Ou alors elle a passé la semaine au lit. La paresse, quand elle vous attrape, c’est dur d’en réchapper. Néanmoins, à l’agitation des sorcières pour que tout soit parfait, j’ose espérer que c’est plutôt bon signe. Je prie pour ne pas être déçu.
Pas de tenue officielle, pas de médaille, une sobriété totale pour ma part. Une chemise blanche, un pantalon gris, des chaussures noires en cuirs, la simplicité. J’observe ce magnifique panorama qu’offre ma chambre. La ville d’Acacia encerclé de plaines, de collines à pertes de vue. C’est d’une beauté sans pareille et c’est bien la première fois que je prends le temps d’observer ce paysage. Je sens que ma mission tend vers la fin. J’aimerais bien profiter de ces lieux avant de m’en aller.
- Ethan. C’est l’heure.
La grosse voix de Daniel. De ma terrasse, j’aperçois Hector et Takeshi fouler les marches du palais. Effectivement, c’est l’heure. J’enfile mes gants mes élégants gants de cuir pour dissimuler la différence de mains. L’une étant robotisée, l’autre humaine. Je n’ai pas honte de l’exposer, mais j’aimerais éviter que l’on s’attarde sur un détail si insignifiant. Ce bras me rappellera toute ma vie ce qu’il en coûte de ne pas rester à sa place.
Quittant enfin ma chambre, je descends les escaliers qui mènent jusque dans la salle du trône. Je déconseille fortement à la reine de s’adresser aux autres sur son trône, mais je crois que certaines choses ne peuvent se négocier. Sauf que la surprise est de taille, quand je vois une énorme table ronde installée aux pieds des marches qui mènent au trône, la reine et ses conseillères installées autour de cette même table. Comme quoi.
- Contre-amiral Levi.
- Ma reine.
- Bienvenue à ce qui ressemble à ma plus grande concertation depuis ma récente prise de pouvoir.
Je ne peux m’empêcher d’afficher un sourire sur le coin de mes lèvres. Je ne cautionne pas forcément tout ce qu’elle a pu faire, mais j’apprécie beaucoup le genre qui sait ce qu’elle veut, où elle va et qui assume à peu près tout. Sa prise de pouvoir, comment l’a-t-elle obtenue ? Une question qui restera - je l’espère - sans réponse. Honnêtement, de sérieux doutes s’installent en moi, je ne peux m’empêcher de mener mon enquête.
Une sorcière ouvre l’énorme porte qui donne sur la salle du trône, annonçant l’arrivée du Maire de Rafflesia et le chef de la tribu de Tontattas. Les voici qui arrivent, tous très beaux, accompagnons de leurs conseillers et bras-droits. Je ne sais pas s’ils sont là pour conseiller et protéger leur patron. Que dis-je… Ça m’embêterait que Daniel me voit comme son patron. Ils s’approchent tranquillement, sceptique pour Hector, confiant pour Takeshi, jusqu’à la table ronde où l’une des conseillères se lève pour inviter ces messieurs à prendre.
Je les salue d’un hochement de la tête, les bras croisés et profondément enfoui sur ma chaise. Initialement, une concertation est un rarement un endroit où l’on arrive avec enthousiasme, mais il faut admettre que la tension est palpable. Tous les partis se regardent dans le blanc des yeux, pas un seul ne dit quoi que ce soit. On va bien avancer comme ça. En levant les yeux vers le ciel, exaspéré par la situation, je décide de prendre la parole.
- Avez-vous fait bon voyage ?
- C’est gentil d’essayer de détendre l’atmosphère, Ethan, mais ce n’est pour cela que nous sommes ici, dit aussitôt Hector.
- Batailles pas mon gars, tu as assez fait comme ça, reprend Takeshi.
La reine décide finalement de prendre la parole.
- Vous semblez tendus, messieurs.
Les visages se crispent, le silence devient presque malaisant.
- Ça ira bien mieux quand vous aurez libéré les Tontattas capturés, et ainsi cesser de les utiliser comme esclaves transporteurs de ces bonnes sorcières…
- Et quand le peuple de Dressrosa, de manière globale, pourra se sentir chez soi en-dehors de Rafflesia. Je ne peux pas accueillir tout le royaume chez moi, ce n’est pas possible. Et toutes les femmes restent chez vous, on avoir du mal à créer des générations futures…
- C’est donc qu’à cela que servent les femmes à vos yeux ?…
La reine s’agace déjà. Je dois intervenir pour apaisera situation.
- Stop. On cesse. Le maire de Rafflesia ne voulait absolument pas dire cela. Un monde sans femme c’est… moins passionnant ?
Si ce n’est empirer la situation, mon intervention a été inutile.
- Ce débat n’a même pas lieu d’être. On ne peut pas dissocier un homme d’une femme, ou une femme d’un homme, dis-je comme pour me rattraper.
- Ici, les femmes vivent très bien sans homme.
- À d’autres, ma Reine. Elles masquent leur ennui en se donnant un genre agressif. Il suffit de voir quand Dan…
- Hem…
Merci Daniel, j’ai failli dépasser les bornes. Mais qu’elle arrête de prendre les gens pour des cons. Daniel est à peine arrivé qu’elle lui a quasiment « sauté » dessus. C’est un combat voué à l’échec, car tout au tard, les deux se retrouveront. Là n’est pas tout à fait le débat, Morgane doit faire des concessions. Que ce soit pour le peuple des fées ou les hommes et femmes de l’île. Son regard démontre néanmoins qu’elle n’a pas l’intention de céder.
Un long processus.
Il faut accélérer. C’est un silence de mort qui résonne dans cette grande salle. Il me faut réagir au plus vite pour relancer la dynamique. Pas forcément en révolutionnant le débat, une simple relance suffira.
- Qu’en est-il des demandes de vos invités, reine Morgane ?
- Que voulez-vous que je vous dise, contre-amiral ? Il est temps de mettre fin à ce conflit qui règne au sein de royaume.
- Cela veut-il dire que mes amis retrouveront leur famille ? demande Hector, les larmes qui montantes.
- Vous avez parfaitement compris. De même pour une intégration progressive des hommes sur Acacia.
Progressive… Takeshi se retourne vers moi, j’acquiesce. C’est déjà une énorme avancée si l’on voit d’où l’ont part.
- J’ai des projets encore plus grand pour notre royaume.
Tiens donc, je n’ai pas du tout l’impression que cette idée est mienne. Les deux autres sont tous à l’écoute de la reine.
- Si je vous ai réuni ici, c’est pour cesser toutes ces futiles querelles qui perdurent depuis tout ce temps. Et…
- Allez-y ma reine, n’ayez crainte, dis-je en souriant.
- Et je tiens à m’excuser pour tous les maux causés au peuple de Dressrosa.
Alors là… Si on m’avait dit un jour qu’une telle chose arriverait, j’aurais été capable de parier mon bras encore valide qu’elle ne le ferait pas. Ce que j’apprécie dans cette histoire, c’est probablement le fait que cette reine n’a absolument pas changé. Elle a une soif de pouvoir qui est indéniable. Une expansion au-delà de ses frontières ne lui avait jamais traversé l’esprit et c’est pour ça qu’elle asseyait son pouvoir auprès des siens. Maintenant qu’une porte s’est ouverte, elle souhaite renouer avec ses alliés pour s’attaquer au reste du monde.
Une malade.
Néanmoins, je comprends parfaitement son raisonnement que certains des mes collègues appliquent comme des maîtres. Alors s’excuser devant son peuple, quand elle imagine ce qu’elle peut gagner en retour, c’est peu de chose. Les deux autres sont figés avec des airs ahuris, incapables de dire quoi que ce soit. Mais après avoir échangés quelques regards, ils finissent par sourire, probablement satisfaits d’entendre cela. Ils souhaitaient probablement ne recevoir que des excuses et une garantie pour les leurs.
L’entretien ne peut pourtant pas se finir ici.
En effet, il nous faut maintenant engager les discussions au sujet de l’avenir de ce pays. Takeshi reprend rapidement son sérieux. Hector le suit. Je comprends bien que le roi des fées a obtenu gain de cause, et que sa joie est si intense, qu’il n’est plus réellement apte à poursuivre les pourparlers. Heureusement que le rouquin est un maire sur lequel on peut compter. Morgane devrait compter sur lui, c’est un précieux allié.
- Quels sont vos projets ? demande le maire.
- Étendre nos commerces, notre pouvoir politiques, notre puissance… Le potentiel de notre royaume est gigantesque, et pourtant, depuis la mort du défunt roi Riku, nous ne pesons plus sur la balance.
Je toussote.
- Autrement dit, vous êtes soumis aux autres royaumes par peur d’un envahissement. Actuellement, Dressrosa n’est absolument pas capable de se défendre d’un ennemi extérieur. Un simple équipage pirate pourrait renverser le pays. La guerre civile est plus proche qu’autre chose…
- Je pense que nous avons fait le tour, contre-amiral. Poursuivez, s’agace la reine.
- Une solution rapide et efficace peut être mise en oeuvre dans les plus brefs délais : intégrer le cercle d’or.
Takeshi fronce les sourcils.
- Ainsi, le royaume serait aux mains puantes du gouvernement…
- Ainsi, je pourrai légalement vous protéger et installer une caserne qui ne servira que les intérêts du royaume. Grâce à cela, vous obtiendrez des moyens pour étendre votre commerce ainsi qu’une protection accrue. Certes, Dressrosa « appartiendra » au gouvernement, dis-je en mimant les guillemets, mais vous serez toujours maîtres des décisions sur place du moment que vous n’entravez pas les desseins de ces derniers.
Hector semble tous nous regarder d’un air suspicieux.
- Et… Je ne comprends pas trop. On a notre mot à dire ?
J’esquisse un sourire.
- N’avez-vous pas entendu ? La reine a besoin de son peuple. La décision ne peut lui revenir à elle seule.
- Il dit juste, rétorque la reine.
C’est alors que Takeshi se lève, les mains posées sur la table, et le regard dirigé vers la reine.
- Si vous respectez formellement vos engagements, vous aurez tout mon soutien.
- Le mien également, rajoute Hector.
Morgane fait signe à une de ses subordonnées.
- Libérez toutes les fées. J’écrirai ensuite une lettre pour que cesse le conflit actuel entre les hommes et les femmes sur Acacia. Cela vous convient-il à présent ?
Une reine qui agit enfin comme une reine et non comme une enfant. Étonnamment, le regard que je lui portais jusqu’à présent est en train de changer. Je suis presque en train de l’admirer. Presque, hein. Je n’admire personne. Mais il faut avouer qu’elle dégage une certaine prestance, un calme et une sérénité digne d’une souveraine. Puis l’admirer après tout le mal qu’elle a causé, ce serait presque démesuré. Qu’elle se rachète un peu avant qu’une telle chose arrive.
Les sorcières s’exécutent et courent partout. D’autres écrivent des lettres comme convenu quelques instants auparavant. Et d’autres encore préparent un buffet. Apparemment, un rassemblement sera organisé pour que la reine explique les différents projets qui auront lieu. Ce rassemblement sera suivi d’une énorme fête, quelque chose de vraiment grandiose. C’est ce qui est écrit sur le papier, mais je ne doute absolument pas de sa mise en oeuvre.
- Je vous sens dispersé, Ethan.
- Un ami est en guerre actuellement. D’aussi loin que je me souvienne, depuis que je gravis les échelons, cet ami a toujours été à mes côtés. D’aussi loin que je me souvienne, l’un comme l’autre, protège les arrières de son allié. Aujourd’hui, je ne suis pas là pour l’aider dans cette nouvelle et rude aventure.
- Je comprends bien. Cependant, dit la reine après un temps de réflexion, vous ne pourrez réaliser vos desseins en restant collé à votre ami.
- Il est vrai. Mais je ne pense pas pouvoir rester pour la fête. L’heure est arrivée de m’en aller, le reste vous appartient. Ne vous inquiétez pas, je me porte garant de votre liaison avec le gouvernement. La nouvelle traversera les mers, quiconque s’attaquera à Dressrosa, se prendra la flotte de l’officier Levi de plein fouet.
Je fais signe à Daniel de me suivre, nous partons aussitôt.
- Lance un appel à Mozart, qu’il rappelle tous nos hommes à préparer le navire, nous partons immédiatement. Cap sur le courant Taraï.
- Mais…
- On pourrait avoir besoin de nous, Dan’, dis-je fermement.
- Comme tu voudras.
Ainsi s’achève ma mission ici. Seulement pour l’heure du moins. Tout le reste ne concerne que de la paperasse administrative. Je reste en contact avec Takeshi et Hector, afin de m’assurer que la reine assure ses engagements. Ses nouveaux objectifs lui sont bien plus profitables a priori. La politique, c’est définitivement pas mon truc, mais il faut passer par-là pour avoir du soutien de taille.
Quelques semaines plus tard…
Un doigt passant sur ses lèvres pour étaler un onguent dont elle chérissait les étonnantes propriétés -elle seule en avait le secret- Morgane se souriait à travers son miroir.
C’est ce soir même qu’elle signerait le grand retour de son royaume dans la communauté internationale, selon ses termes. Elle avait préparé ce jour avec autant de soin que celui de son ascension au trône.
Une nouvelle vague de barbares –pirate de la si mal nommée génération arc-en-ciel- avait déferlé sur le Nouveau Monde et déstabilisé son royaume, avait agité les insurrections populaires et donné pour impression que la belle, la puissante Dressrosa n’était, sous son règne, plus qu’une pâle version de ce qu’elle avait été. Malheureusement pour eux, ses détracteurs avaient tendance à ne pas supporter l’arsenic.
D’une main parfaitement manucurée, aux ongles si effilés qu’ils auraient pu trancher un cou sans efforts, elle s’empara du combiné de son Den Den qu’elle avait laissé chantonné plusieurs minutes. Elle aimait se faire attendre.
"Dis moi tout mon chéri ~" pas une salutation, pas une introduction, elle était bien trop excitée par son petit jeu pour s’embarrasser de telles formalités avec ses marionettes.
" Comme vous me l’avez demandé Majesté, le contre-amiral Levi ne sera pas présent ce soir. J’ai suivi le dossier de près, l’émissaire du gouvernement que vous rencontrerez est favorable à vos opinions progressistes.
- Parfait. " accentua-t-elle cette victoire dans un souffle "Et quant à nos amis ?
- Le contre-amiral Levi pense toujours recevoir des nouvelles régulières du maire de Rafflesia et du chef de la tribu Tontattas. Mes rapports sont réguliers, il a appuyé vos méthodes et ne se doute de rien.
- Merci Daniel, tu es un amour ~" savoura-t-elle en raccrochant.
L’amour était peut-être une molécule impossible à synthétiser, mais cela faisait bien longtemps que la Fée Morgane, grande ensorceleuse, maîtrisait celle de la dépendance. Les hommes qui attiraient son attention pouvaient s’estimer heureux, plus rares encore étaient ceux qui avaient un jour partagé sa couche. Ceux-là ne la quitteraient plus jamais, esclaves serviles de ses désirs et de ses desseins.
Daniel, pauvre homme de main, avait gagné une place à vie sur son échiquier. Un indéniable surclassement.
Les Tontattas avaient fait un pas de plus vers la soumission en ne voyant jamais revenir leur chef.
Les hommes de Rafflesia se croyaient à l’abri et organisaient sereinement leur retour sur le reste de l’île. Ils ne tarderaient pas à déchanter quand ils verraient leur leader s’éteindre lentement d’une incurable maladie. On l’accuserait sans preuve, on s’insurgerait et la marine soutiendrait sa répression.
Une caserne uniquement féminine. Plusieurs mois auparavant, elle avait fait en sorte que ses meilleures sorcières s’engagent dans les forces gouvernementales et montent en grade. Avec l’appui et les magouilles de Daniel dans le dos de son supérieur –véritable étendard et contributeur émérite du retour d’un des plus importants Royaume du Monde dans le cercle d’or- cela n’avait pas été bien compliqué de trouver les bonnes affectations.
Elle choisit sa plus belle plume, la noire, celle qui avait la forme d’un doux présage.
Une voix à sa porte annonça l’arrivée de ses importants invités.
Ce soir elle signait la conclusion de son second acte. La victoire était un mets si délicieux.
Un doigt passant sur ses lèvres pour étaler un onguent dont elle chérissait les étonnantes propriétés -elle seule en avait le secret- Morgane se souriait à travers son miroir.
C’est ce soir même qu’elle signerait le grand retour de son royaume dans la communauté internationale, selon ses termes. Elle avait préparé ce jour avec autant de soin que celui de son ascension au trône.
Une nouvelle vague de barbares –pirate de la si mal nommée génération arc-en-ciel- avait déferlé sur le Nouveau Monde et déstabilisé son royaume, avait agité les insurrections populaires et donné pour impression que la belle, la puissante Dressrosa n’était, sous son règne, plus qu’une pâle version de ce qu’elle avait été. Malheureusement pour eux, ses détracteurs avaient tendance à ne pas supporter l’arsenic.
D’une main parfaitement manucurée, aux ongles si effilés qu’ils auraient pu trancher un cou sans efforts, elle s’empara du combiné de son Den Den qu’elle avait laissé chantonné plusieurs minutes. Elle aimait se faire attendre.
"Dis moi tout mon chéri ~" pas une salutation, pas une introduction, elle était bien trop excitée par son petit jeu pour s’embarrasser de telles formalités avec ses marionettes.
" Comme vous me l’avez demandé Majesté, le contre-amiral Levi ne sera pas présent ce soir. J’ai suivi le dossier de près, l’émissaire du gouvernement que vous rencontrerez est favorable à vos opinions progressistes.
- Parfait. " accentua-t-elle cette victoire dans un souffle "Et quant à nos amis ?
- Le contre-amiral Levi pense toujours recevoir des nouvelles régulières du maire de Rafflesia et du chef de la tribu Tontattas. Mes rapports sont réguliers, il a appuyé vos méthodes et ne se doute de rien.
- Merci Daniel, tu es un amour ~" savoura-t-elle en raccrochant.
L’amour était peut-être une molécule impossible à synthétiser, mais cela faisait bien longtemps que la Fée Morgane, grande ensorceleuse, maîtrisait celle de la dépendance. Les hommes qui attiraient son attention pouvaient s’estimer heureux, plus rares encore étaient ceux qui avaient un jour partagé sa couche. Ceux-là ne la quitteraient plus jamais, esclaves serviles de ses désirs et de ses desseins.
Daniel, pauvre homme de main, avait gagné une place à vie sur son échiquier. Un indéniable surclassement.
Les Tontattas avaient fait un pas de plus vers la soumission en ne voyant jamais revenir leur chef.
Les hommes de Rafflesia se croyaient à l’abri et organisaient sereinement leur retour sur le reste de l’île. Ils ne tarderaient pas à déchanter quand ils verraient leur leader s’éteindre lentement d’une incurable maladie. On l’accuserait sans preuve, on s’insurgerait et la marine soutiendrait sa répression.
Une caserne uniquement féminine. Plusieurs mois auparavant, elle avait fait en sorte que ses meilleures sorcières s’engagent dans les forces gouvernementales et montent en grade. Avec l’appui et les magouilles de Daniel dans le dos de son supérieur –véritable étendard et contributeur émérite du retour d’un des plus importants Royaume du Monde dans le cercle d’or- cela n’avait pas été bien compliqué de trouver les bonnes affectations.
Elle choisit sa plus belle plume, la noire, celle qui avait la forme d’un doux présage.
Une voix à sa porte annonça l’arrivée de ses importants invités.
Ce soir elle signait la conclusion de son second acte. La victoire était un mets si délicieux.