Blattard Fréquence Marine

- Nous sommes réunis en ce jour pour pleurer la mort d'un proche.

Puisqu'il fallait briser - d'emblée - le caractère solennel de cette réunion, Rowena fut bien évidemment la première à contrarier le bon déroulement du discours de son capitaine. Au sommet de leur nouvelle acquisition immobilière, sobrement intitulée le K-Phare, les Blattards écoutaient leur capitaine. Ils n'avaient d'ailleurs pas tellement le choix, ce dernier les avait attachés à une chaise afin de s'assurer qu'ils soient suffisamment attentifs pour l'écouter d'un bout à l'autre de son discours. Il est vrai que l'équipage manquait de discipline.7

- Nous sommes réunis parce que tu nous as attaché.

Contre vents et marées, contre les invectives cassantes de la scientifique, Joe ne chancela pas. Il fit ce qu'il faisait toujours, il sortit un mousquet. Préférant ne pas risquer de salir les lieux, il se contenta de porter le canon droit devant ses lèvres comme pour lui intimer de se taire.

- Nous sommes réunis en ce jour pour pleurer la mort d'un proche. Un être regretté, un...

Ne pouvant décemment pas se résoudre à ne pas troubler à son tour la liturgie improvisée, Elijah, toujours attaché à la chaise qui elle, avait chuté à force qu'il ne cherche à se dégager de ses liens, se manifesta. Au fond, sa situation ne le gênait pas plus que ça.

- Moi j'le regrette pas Mahach.

Reprenant le mousquet pour intimer un fois le silence, le cafard reprit. Son point de rupture nerveux n'était plus bien loin. Il n'était jamais loin.

- MAHACH ! Disais-je... s'est donné la mort.

Stupéfaction dans la salle, son auditoire, composé de deux personnes, commença à se scruter circonspect avant de reporter son regard sur ce guignol à casquette qui lisait un éloge mortuaire griffonné en deux minutes. Pour avoir été témoins de la disparition du punk, l'équipage de Joe Biutag décela quelques failles dans la récit officiel qui leur était narré. Quelques failles pour ne pas dire quelques gouffres béants.

- Joe... c'est toi qui lui as tiré dessus. Et puis on n'a pas retrouvé de cadavre en bas du phare que je sache.

Point de rupture atteint. Joe chiffonna sa feuille qu'il jeta par terre avec rage, manquant de se déboîter l'épaule tant il y mit de la force. Rien ne se passait comme il le souhaitait et c'était encore ça qui le contrariait le plus. Que Mahach soit en vie, il s'en foutait autant que de le savoir mort. Ce discours inaugural n'était en réalité pas à propos du punk mais de la station radio qu'ils venaient d'installer au sommet du phare délabré de Gueule de Requin. Seulement, on ne l'avait pas laissé poursuivre suffisamment loin pour qu'il en vienne au vif du sujet.

- D'accord ! Vous avez gagné ! Mahach était un sale con et sa mort nous en touche une sans remuer l'autre ! C'était un père merdique et un équipier inutile ! C'est ça que vous voulez m'entendre dire ?! HEIN ?! C'EST ÇA QUE VOUS VOULEZ ?! QUE JE DÉBALLE LA STRICTE VÉRITÉ ?!

- Non, ce qu'on voudrait c'est que tu nous détaches.

- Parle pour toi.

Une nouvelle source d'engueulade trouva son origine dans la dernière réplique du piranha et le quartet devenu trio se cracha à la gueule toutes les invectives que leur gosier fut susceptible de sécréter. Leur bile, acide et intarissable, ne cessait de pleuvoir d'ici à ce que la majorité des membres de l'équipage ne soit mise hors d'état de nuire. C'était d'ailleurs à l'issue de ces engueulades légendaires que Joe avait tiré sur Mahach, faisant chuter le bougre de près de vingt mètres de haut. Le cafard s'apprêtait à récidiver quand une présence nouvelle se manifesta d'un raclement de gorge.

- Je peux repasser si je dérange.

Rowena, défaite de ses liens après que Elijah ait cherché à la mordre, se redressa et toisa l'individu avec dédain comme elle savait si bien le faire.

- Vous pouvez aussi ne pas repasser.

On savait recevoir la marine chez les Blattards. Car de la marine, celui-ci en fut. Un freluquet aux favoris roux et fournis, tout paré de son uniforme, s'était cru chez lui au milieu de ce terrier à cafards qui avait trouvé domicile au sommet d'un phare désaffecté.

- C'est à dire que j'ai comme qui dirait été plus ou moins mandaté par mes supérieurs à la garnison pour vous transmettre un message.

Plein de bon sens et de stupéfiants, Elijah, toujours installé au sol, attaché au dossier de sa chaise répliqua vivement :

- Vous pourriez nous appeler, ça aurait été plus rapide.

- Vous ne répondez jamais.

Rictus prêt à l'emploi, Joe se tourna vers ses deux furieux comme pour chercher à capter leur plébiscite avant même de cracher sa réplique. Se foutre du monde était un passe-temps des plus commun pour l'équipage, un sport même ; mais se foutre de la marine était un délice de fin gourmet. Tout corsaires qu'ils fussent, ils restaient résolument pirates malgré eux.

- Justement, ça nous épargne la gêne de vous envoyer chier en face.

Petit ricanement partagé - car cela ne mangeait pas de pain - on détacha le poiscaille récalcitrant comme si leur querelle n'avait jamais existé tout en prenant bien soin d'ignorer le nouveau venu. Sans se décourager - car il y avait de quoi - ce dernier sortit un papier de sa poche, ce que ne manqua pas de remarquer le plus amphibien des trois.

- 'agadez cap'taine ! Le monsieur aussi il a apporté un discours pour Mahach.

La marine se foutait plus encore de Mahach que ne pouvaient le faire les Blattards. C'était dire. Point de discours dans la main du marin, juste une directive transmise depuis l'amirauté. Une directive que les hautes strates du Gouvernement Mondial avaient cherché à faire connaître aux principaux intéressés depuis des mois maintenant.

- Je vous prie de pardonner par avance le manque de cordialité dont je vais faire preuve, mais mes supérieurs ont exigé que je mette l'emphase sur les majuscules contenues dans le texte.

Et il y en avait beaucoup.
Le rouquin s'éclaircit la gorge une nouvelle fois, prit une une profonde inspiration et, ne décollant pas son regard de la lettre, entonna son texte sans trahir le propos de l'auteur.

- QUAND ALLEZ-VOUS FAIRE VOTRE BOULOT, BORDEL DE MERDE ?!!!

Manquant de décoiffer l'assemblée qui en tomba des nues jusqu'à en perdre l'équilibre - le souffle était puissant - le maigrichon replia soigneusement son papier avant de le remettre d'où il l'avait sorti. Poli et bien élevé il fit ensuite une révérence pour mieux ajouter :

- Signé : l'amirauté.

Il était vrai que depuis qu'on les avait gratifié d'une immunité gouvernementale, les Blattards n'avaient pas capturé le moindre pirate. Le concept de réciprocité leur échappait quelque peu. Joe Biutag pouvait saisir ce qu'impliquait la notion de recevoir, mais peinait à comprendre ce que pouvait signifier "rendre".
Sous peu, il lui faudrait se faire une raison ; l'amirauté s'impatientait et, pour continuer à bénéficier de son infinie bénévolence, il allait falloir donner des gages. Beaucoup de gages.

- Ce qu'ils peuvent malpoli ces enculés...
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Désorienté, déboussolé, j’ai la tête qui menace d’imploser et les appuis qui flanchent. Les oreilles qui sifflent comme si un boulet de canon venait de m’exploser à quelques centimètres de la fiole, je me tiens la tête de mes deux mains. Est-ce que cette pourriture de raclure de bidet ancestral de marine était obligé d’hurler aussi fort ? C’est que j’ai une ouïe sensible moi, ça a vite fait de me foutre mal ces conneries. J’ai eu le réflexe de vouloir lui sauter à la gorge pour lui planter mes crocs et lui faire passer l’envie de nous hurler dessus, mais le Cap’tain avait anticipé ‘faut croire. Il m’a claqué le dos de son gros bazooka sur le casque, ce qui m’a envoyé mordre la poussière, une fois de plus. L’amour entre un Capitaine et ses compagnons d’équipage, cela ne s’explique pas. Mahach ? Ma petit tête de coq adoré, il reviendra, je le sais. C’est pas la première fois qu’on lui tire dessus et le laisse pour mort, il finit toujours pas repointer ses petites ailes de coquelets dans le coin. C’est un Blattard, ça crève pas c’tte vermine.

Bon bah on a reçu le message, vous pouvez déguerpir de ma tour maintenant !
Notre tour.
Allez, allez, du balais le gouvernement ! Et si vous croisez Mahach sur le chemin du retour, dites-lui que sa famille l’attend ! Rowi s’inquiète !


J’ai même pas le temps de rire que y’a le bâton magique de la fameuse Rowi qui me fauche les jambes. C’est le casque contre le sol et la langue pendante dans le vide que je zyeute la mouette messagère s’en aller. Et dire que j’ai pas eu le droit de croquer un morceau… Ce que c’est chiant d’être un Crocsaire. Joe il dit que si je tue des soldats, on va avoir des problèmes avec le Gouvernement, qu’ils vont lui enlever son titre de Crocsaire. Et il dit que si un jour il perd son statut à cause d’une de mes conneries, il va me dépecer et éparpiller mes morceaux aux quatre coins de la Grande Line. J’en ai eu des frissons dans le dos, j’ai pas envie de crever tout de suite. J’ai pas retrouvé ma sista et j’ai pas gobé le One Piece, alors je me tiens à carreau comme il dit. Même si moi j’aime pas trop ce qui est carré, les ronds c’plus mieux d’abord…

Alors Capitaine, quels sont vos ordres ?
C’est l’heure de la bouffe ?!
Bah vous avez entendu le merdeux ? On va faire notre boulot bordel de merde !
OUAAAIS ! Allons FAIRE NOTRE BOULOT BORDEL DE MERDE !
Tu la ferme l’anguille ou je te fais passer moi-même l’envie de te foutre de la gueule de ton Capitaine ?!
Je serai muet comme une carpe ! Même si je suis un piranha ! Pir-rah-rah-rah-nah !
Quel humour déplorable…
Rowena, va me trouver le punk, et remplace-moi cet handicapé indigo avant que je le pulvérise…
Ah non ! Je préfère encore la compagnie de Croquette que l’autre rustre écervelé !
Hey !! C’est pas sympa ça !!
Je ne t’ai pas insulté, Croquette.
Ah bon ? N’empêche que c’est pas sympa pour l’autre rustre écervelé ! Je sais pas qui c’est mais il a l’air gentil !
Fermez-là ou je fais tout sauter et laisse pourrir vos dépouilles sou les décombres ! On y va.


Et ils y allèrent… La Gueule du Requin avait beau être considérée comme une base forte de la Marine, il y avait toujours moyen en tant que forban de venir y passer quelques jours pluvieux, du moment qu’on évitait de faire trop de vagues. Le Biutag, passablement agacé d’avoir été rappelé à l’ordre de la sorte pas les grands du Gouvernement, avait décidé qu’il ne bougerait pas ses miches de cette île pour mener à bien leur petite mission du jour. Quitte à chasser de la raclure pirate, autant que ce soit profitable pour lui. Ainsi, il répondrait aux attentes de la Marine et par la même occasion ferait un peu de ménage sur l’île abritant son quartier général. Cela évitera que des idiots aient la mauvaise idée d’aller la faire péter en représailles de son changement de camp. C’est que les Schichibukais n’étaient pas les plus apprécié à travers le monde, voir même étaient-ils les plus détestés.

Pas facile d’être aimé quand on est un ancien pirate qui a troqué sa liberté contre l’immunité Gouvernementale. Les vrais pirates vous méprisent, veulent votre peau de traître, la Marine vous hait et votre présence suffit à les mettre sur les nerfs, quant au gouvernement… ils vous considèrent comme des chiens à qui ils tiennent la laisse. Sympathique petit tableau…


Par où souhaitez-vous commencer les recherches, Capitaine ?  
Les recherches ? On va chercher Mahach ?!
L’Akooda-Bar, c’est le lieu idéal pour un pirate primé qui voudrait se reposer un peu en passant inaperçu.
On va pas chercher Mahach alors ?!
Encore un bar… Capitaine, chercheriez-vous à fuir vos responsabilités dans l’ivresse ?
On va se bourrer la gueule ?!
Fermez-la ! J’ai pas un berry à donner à l’autre malabar proprio de cette taverne miteuse aux prix exorbitants ! On est ici pour trouver un couillon primé à tabasser et filer aux fillettes de la justice !  
Elle n’est pas si chère, cette taverne miteuse, si on compare les prix avec un établissement du même acabit sur une île touristique. En réalité ils sont même plutôt honnêtes…
Mais je m’en contrefous ! C’est trop cher, point barre !
Alors on va pas se saouler… ?
Mais il m’énerve lui !
Croquette, nous être là pour attraper méchant. Pas faire mumuse. Compris ?
Il a intérêt de comprendre s’il veut pas que je lui fasse bouffer son casque à la con !
Mais pourquoi on va dans un bar pour arrêter des méchants ?
Car c’est bien connu, c’est ici qu’ils prolifèrent.  
Je perds patience…
Ah ? Bah pourtant c’est pas là que j’ai croisé Oggy l’autre fois…
Mais on s’en tamponne l’oignon des attardés avec qui tu traînes !
Oggy ? Qui est Oggy ?
Raaah, le relance pas dans ses délires de drogué toi !
Bah Oggy c’est un méchant !  
Ah bon ? Comment le sais-tu ?
Bah il me l’a dit !
Oui oui, allez ! Oggy le méchant a parlé à Croquette le cinglé, c’est une belle histoire mais j’ai pas que ça à foutre moi !
Il t’as dit quoi exactement ?
Bah qu’il faisait des choses vilaines, comme nous avant, et qu’il valait une petite fortune !
Une une une une quoi ?! Le hareng, répète ce qu’il t’a dit ?!
Ce qu’il t’as dit.
Je vais me le faire… RÉPÉTÉ CE QUE LUI A DIT PAS MOI CRÉTIN SOUS HALLUCINOGÈNES !
Ce Oggy, tu saurais où le trouver Croquette ?


Si je le sais ? Bien sûr que je le sais ! Je secoue la tête de haut en bas, déjà excité à l’idée de retrouver mon pote ! C’est un gars cool le Oggy, l’autre nuit on est allé s’amuser à jeter des tomates à la tête des gens ! On faisait le concours du lancer le plus loin, il fallait toucher sa cible à la distance la plus éloignée, et c’est moi qui ai gagné ! Je leur fais signe de me suivre, je suis sûr qu’ils vont bien s’entendre avec lui !
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