Shana Isis Aestra

Shana est une jeune femme de vingt ans à  la silhouette svelte et élancée. À ce jour, nul n'a pu lui faire révéler son poids ni son âge, cela semble être un sujet sensible. La chasseuse mesure un mètre soixante cinq, une taille qui ne la dérange pas. Elle n'a pas les muscles saillants ni particulièrement résistants, ce n'est pas une athlète puisque une simple course poursuite l'éssoufle. Concernant son matériel, elle porte constamment son sniper dans le dos avec un sac contenant des munitions, sa bourse, des vivres et son classeur de fiches wanted. Sa seconde arme, utilisée pour le corps à corps puisqu’elle n'a aucune notion d’art martial, est un revolver qu'elle porte à la ceinture.
Lorsque Shana est inquiète ou stressée elle se ronge les ongles. Lorsqu’elle réfléchit, elle ne peut s’empêcher de mordiller la pointe de ses cheveux. Deux mauvaises habitudes qu’elle réalise inconsciemment mais qui n’entachent pas son charme naturel. Avec sa chevelure bleue, ses yeux assortis et son fin visage sans défaut particulier il lui suffit de manier les mots pour jouer de persuasion. Il est important de souligner qu’hormis sa douce et mélodieuse voix elle a un rire bien à elle : shahahahaha. Nul ne sait comment elle l'a adopté mais beaucoup pensent que la déformation de son prénom en est l’origine. Rencontrez Shana et vous comprendrez que, de part son attitude d'élève studieuse et son calme notable, vous pourrez totalement lui faire confiance. Elle ne possède pas d’aura menaçante et le fait qu’elle s'adresse à vous dans un français correct finiront de laisser convaincre les dubitatifs.
Concernant sa tenue vestimentaire, Shana n'en a pas qu’une en dizaines d'exemplaires, non. Elle opte souvent pour une écharpe légère et des vêtement dans les tons verts, qui est sa couleur préférée. Il lui arrive de porter des kimonos, du moment qu’elle s'habille d'une manière décontractée et qu’elle se sent à l’aise, tout va bien. Par exemple elle a horreur des armures ainsi que des habits moulants.

Bien qu’elle ait un air réservé, quand on la connaît Shana est une personne à l’écoute sachant garder des secrets, l'idéal pour se confier. Entourée, lorsqu’elle entre dans un bar par exemple, son manque de charisme fait qu’elle se fond rapidement dans le paysage, c’est de prime abord une personne discrète et attentive. Ayant vécu de longues années à Shimotsuki, elle y a apprit le goût de l’acharnement du travail bien fait. Pour elle il n’est donc pas tolérable de se rouler les pouces. Concernant ceux qui se les tournent ou qui mendient, Shana n'a aucune pitié. Selon elle il faut se donner les moyens de réussir et l’on est jamais mieux servi que par soi-même. C’est la raison principale qui lui a fait prendre conscience de sa vocation.

Radine et avare sont les premiers mots qui définissent le mieux Shana. L'argent fait tourner le monde, ce n'est pas nouveau. Bien qu’elle comprenne que les révolutionnaires disent que ce sont plutôt les humains, elle le comprend certes, mais pour elle la richesse est une force. Car de force, elle n'a que ses illusions et son matériel, autrement dit Shana est une personne faible qui, au lieu de s’entraîner, à trouvé des prétextes pour avoir l'impression d’être une personne forte. Malheureusement susceptible il suffira de la critiquer, sur ce point ou le fait qu’elle ne soit pas riche humainement ou pécuniairement, pour éveiller en elle un sentiment de colère. Au fond c’est une femme forte qui veut se battre et se refuse à l'échec, heureusement elle a trouvé une alternative à sa colère. Dans son sac se trouve toujours une gourmandise sucrée qui sait l'apaiser : des plaques de chocolat.

Enfant, Shana longtemps fermé les yeux sur les conflits qui règnent en cette ère de piraterie. Adolescente, elle n’en avait tout simplement pas le temps et une fois devenue adulte, son envie de liberté lui fit changer de métier. Ayant eu une expérience avec les marines sur un bateau, elle sait les apprécier à leur juste valeur et comprennent leur dévouement pour la justice. Bien que pour elle cette notion de justice reste floue. Elle s'est naturellement reconvertie en chasseuse de primes, de cette manière elle est autonome, libre et n’a de compte à rendre à personne. Lorsqu’elle chasse, elle devient chasseur et sa proie le lapin. Il n’y a aucun sentiment humain, elle est parfaitement détachée mais lorsqu’elle tire et tue Shana jubile de ce sentiment de force divine.

Concernant son quotidien, Shana aime prendre soin de son hygiène corporelle ainsi que de sa ligne. Le seul aliment sucré qu’elle mange est son chocolat, le reste du temps le sucre ne l’intéresse pas. Elle n’est pas végétarienne et n'a pas un appétit monstrueux. Lorsqu’elle va dans des tavernes, non pas pour boire de l'alcool, chose qu’elle s'autorise uniquement pour les grandes occasions, elle ne supporte pas la fumée de la cigarette et cette satanée odeur qui reste sur les vêtements.

Shina et Takumi Aestra sont mariés depuis de nombreuses années, trente-quatre ans pour être précis. Ils se sont rencontrés à l’école et ont scellé leur amour l’année de leur majorité. Âgés tout deux de cinquante-deux ans, ils exercent ensemble dans un cabinet à Cocoyashi. Shina est médecin généraliste tandis que Takumi est dentiste. Ce couple heureux a deux enfants, l'un est l’aîné de cinq années et s'appelle Shouji, celui-ci fabrique des outils de jardinage dans une entreprise locale. Sa petite sœur Shana n'avait pas de souhaits particuliers quant à sa vocation, ce qui lui plaisait c'était le sentiment de liberté qu’elle avait lorsqu’elle courait après les papillons. Elle allait à l’école et s’en sortait avec de bons résultat sauf en histoire-géographie. À l’âge de dix ans ses parents commencèrent à lui mettre la pression pour lui inculquer la nécessité d’apprendre un métier. Shouji proposa donc de l'emmener le mercredi après-midi et le samedi à l’entreprise. Elle vit comment forger des râteaux, des pelles et autres outils métalliques. Le reste du temps libre elle ne le passa plus seule à papillonner mais avec des collégiens dont Kimeko sa meilleure amie.

Lorsqu’elle était âgée de quinze ans, la famille fut chamboulée par une lettre provenant de Shimotsuki. Kipachu son grand-père venait de mourir de vieillesse et Lakisha, sa grand-mère, en plus de son chagrin naissant il manquait désormais un forgeron dans l'entreprise. Ce couple âgé ne connaissait pas le repos mais seulement l’amour du travail. À eux deux ils se sont fait une bonne réputation, Lakisha étant la comptable de son mari forgeron, réputé comme étant l'apprenti d’un dénommé Maître Toumeï qui était un exceptionnel forgeron. Shouji se porta donc volontaire d'aller à Shimotsuki pour se former au métier, bien que le sien ait quelques similarités, et aider Lakisha à affronter le deuil. Shana voulant voir du pays fit un premier caprice monumental pour l'accompagner, ce qui fut accepté étant donné que Shouji était un homme protecteur et un adulte responsable. Shana fit un second caprice devant Kimeko et finalement sa meilleure amie fut aussi du voyage. Ils prirent matériel et économies et leur nouvelle vie commença. Ce voyage d'une semaine fut une révélation pour Shana, elle apprécia fortement ce sentiment de liberté et la joie éprouvée de découvrir de nouvelles contrées.

Arrivés à Shimotsuki, Shana et Kimeko eurent la chance d'arriver lorsque deux offres d'emploi se présentèrent à elles. Elles devinrent aides ménagères et se firent vite apprécier des personnes âgées chez qui elles allaient. Shouji remplaça son grand-père, sachant que la réputation allait en prendre un coup du fait de ses début mais en étant consciencieux et motivé, avec l'aide Yareku le seul employé, il trouva vite ses repères et devint forgeron. Les enfants Aestra apprirent également que Kipachu, qui n’était pas dépensier, offrit ses économies réparties à toute la famille. Elle hérita ainsi d'un million trois cent mille berries qu’elle garda.

Lors d'un jour de repos Shana rendit visite à son frère et elle tomba immédiatement sous le charme de Yareku, âgé seulement de deux ans de plus qu’elle. Ce fut réciproque et leur amour était trop flagrant pour être caché et cela rajouta, en plus de la présence de ses deux petits enfants, du baume au cœur de Lakisha. Yareku avait un secret qu’il ne tarda pas à dévoiler à sa dulcinée, il était en possession d’un objet prohibé sur l’île. Il y a quelques années un discret client souhaitant se convertir au maniement du sabre lui offrit cet objet en échange d’une lame, un accord qui s’est fait en secret, tout comme l'arrivée de l'homme sur l'île. Il s'agissait d’un banal revolver et loin des yeux de tous, il emmena Shana dans une forêt pour lui montrer. Shana tomba davantage sous le charme de l'employé, elle n’était pas insensible à ce côté hors-la-loi. Une fois le surnommé Yaya l'invita à essayer en visant des arbres et Shana aima ce sentiment de force généré par l’arme. Mais elle fut déçue de ne plus pouvoir l'utiliser à nouveau, ce qui était trop risqué vu la loi de l’île en vigueur.

Malheureusement, quelques années plus tard, Yareku apprit que sa mère était atteinte d'un cancer du poumon tardivement détecté. Il n'eut pas le choix de quitter l’île pour Cocoyashi, drôle de coïncidence, en proposant à sa femme de le suivre. Shana hésita longuement entre suivre l'amour de sa vie ou rester ici. Sa décision finale ne faisait pas parti de ce dilemme, le deuil de Lakisha apaisé elle décida de voler de ses propres ailes. Lors des adieux Shana fit promettre à son homme de ne jamais l'oublier et de rencontrer sa famille pour donner des nouvelles. En cadeau et en promesse d’un amour éternel il lui offrit son bien le plus précieux, le fameux revolver. Son frère et sa grand-mère l’incitèrent à vivre sa vie et vu que dans toute la famille personne ne s’est professionnellement intéressé à la guerre dans le monde Shana voulut se démarquer. Elle alla à la garnison de l’île pour se porter volontaire en tant que chasseuse de primes sachant déjà qu’elle arme utiliser, son revolver représentait pour elle à la fois le souvenir de l'amour et la force incarnée. Quelques jours passèrent avant que le QG d'East Blue fasse parvenir le dossier à remplir. Une fois rempli Shana eut un entretien psychologique et la psychologue rencontra également Lakisha, Kimeko et Shouji pour se faire un avis final sur la jeune femme. Rien ne clochait, la personnalité de Shana pouvait coller au métier alors elle valida le dossier. Un seul point noir se présentait, Shana n'avait jamais utilisé d'arc ou de sabre, alors en allongeant un peu la somme finale elle fut formée au sein même de la marine. La dernière étape avant la remise de la licence et de l'effondrement de l'argent de Shana, fut un exercice basé sur une traque. Deux soldats avaient joué les pirates et la future chasseuse devait faire ses preuves. Elle en captura un sur deux et concernant le second, ayant plusieurs informations dessus tel que ses habitudes, elle fit son rapport et son dossier fut renvoyé au QG d'East Blue. Elle apprit alors par la psychologue que personne ne réussissait à capturer le second, la leçon de morale était de prendre conscience de l'importance du travail d’équipe. Jusqu'à ce jour personne n'avait pensé utiliser le premier soldat pour aider à capturer son collègue. Elle attendit une semaine le passage du dossier en commission et dès qu’il fut accepté elle a été invitée au QG d'East Blue pour officialiser sa profession. Elle resta quelques jours pour faire ses adieux à toutes ses connaissances de l’île puis Shana quitta ensuite l’île sur un navire de la marine pour aller se rapprocher du QG d'East Blue pour retirer sa licence et commencer sa nouvelle vie. C'est au sein même de l'armurerie du QG qu'elle dépensa ses dernières économies pour s'acheter un sniper. Sans un sou elle comprit que l'argent lui serai important pour survivre alors plus elle en aura mieux ce sera.

Avez-vous déjà eu cette sensation, celle d'avoir la conviction d’être au bon endroit au bon moment ? Ben moi, mon instinct me dit les choses à moitié, je suis sûre d’être au bon endroit. Sauf que le bon moment, au bout de six jours à faire la mendiante, il commence à se faire sacrément désirer. Il fait nuit sur Orange, petit village paisible, propre et fort charmant. J’ignore l’heure qu’il est mais il est tard, beaucoup de maisons ont éteint la lumière et je jalouse leurs cheminées car il fait assez frisquet. Un chat violet s'approche de moi et il vient m’embêter en jouant avec mes lacets. J’ai encore cette impression que ce chat et moi, nous étions fait pour nous rencontrer. Au lieu de lui donner un coup de pied ou de lui exploser la cervelle au revolver, ce qui n’est pas dans ma nature, je m’accroupis et le gratouille sous le menton. Caresses qu’il apprécie vu qu’il se met à ronronner avec intermittence : ron-ronronron-ron-ronron… Sans savoir pourquoi je lui demande mon chemin, probablement que le désespoir me fait chercher du réconfort, et l'envie lui prend de monter sur mon bras, puis il vient s'asseoir sur ma tête, tout fier. Je reprend ma marche et une drôle de symphonie se met en route. Chaque pas déclenche une réaction chez le chat, il miaule. Un pas : meow. Pas, pas : meow, meow. Je crois qu’il s'amuse ou qu’il est complètement ivre mais il semble bien tenir l'alcool, si c’est ça. N'ayant rien de mieux à faire que de gaspiller mon énergie alors que je suis sans le sou pour me nourrir, je décide de courir pour tester les cordes vocales de l'animal. Ma course me fait prendre de nombreux virages parmi les ruelles et au bout d’une dizaine de minutes des poubelles me rappellent que je suis déjà passée par là. Essoufflée, je m'arrête pour faire une pause. Mais j’ai pas le temps de reprendre mon souffle, Chaton non plus, quand mon regard se pose sur une horde de chat qui me font face. Chaton miaule. La horde miaule. C’est hallucinant cet orchestre de félins, celui qui est le plus haut placé dirige les opérations. Cela fait un joli et joyeux bordel.


Soudain, non loin de moi une fenêtre s'ouvre et une femme en colère balance une casserole dans la rue et son mari enchaîne avec un coup de fusil, ce qui termine de disperser tout les chats. L'homme m'intrigue puisque il à un œil bleu et l'autre jaune. Puis ils partent s'occuper de leur enfant réveillé. Deux ou trois minutes plus tard une patrouille de quatre soldats arrivent dans la ruelle. Je leur explique la situation, la mienne tant qu’à faire et ils m'offrent gentiment un billet pour que j'aille me nourrir. J'en profite pour leur demander s’ils n'ont pas des tuyaux sur des pirates dans le coin et ils me répondent que je dois éviter d'empiéter sur leur zone de travail. Chose compréhensible, après tout dans le fond nous faisons le même métier. Ils m’indiquent une taverne soit disant pas trop pourrie et nous nous quittons avec de cordiales salutations.

J'arrive donc à l'adresse indiquée et au moment de passer la porte j'entends miauler. Chaton m'a suivie alors je le pose à nouveau sur la tête. Il semble se plaire en ma compagnie et continue de miauler au rythme de mes pas. A l'intérieur, la lumière est tamisée et tout le mobilier est en bois. L'endroit est classique. Je choisis la table la plus proche de l’entrée et j'attend qu'un serveur vienne. Pendant que j'observe les gens concentrés à leurs occupations : belote, billard et poker sont les maîtres mots, je me mordille les cheveux. J'ai un peu faim certes, mais je suis surtout en train de réfléchir comment je vais pouvoir soutirer des informations. La meilleure solution c’est avec la boisson, je dois en saouler un. J'observe la quinzaine de personnes et cherche le plus bavard. Un jeune garçon me coupe le champ de vision, je ne fais même pas attention à son physique, me contentant de répondre à sa question droit dans les yeux.

- Bonjour, je n'ai que ce billet gracieusement offert par des soldats en patrouille, voyez ce que je peut avoir à ce prix.
- Ici on se tutoie, et ne t’inquiètes pas je vais te donner du rab de ce soir.
- C'est gentil… ?
- Fred.
- C’est gentil Fred, je te paierai un coup à boire quand nous serons seuls.
- C’est d’accord… ?
- Mayanka, mais tu peux m'appeler Maya.
- Je t'apporte un bol de soupe… Et il est mignon ton chat, Maya.
- Super, merci.

Il s'en va tout souriant, sûrement content d'avoir une jeune cliente. D’autant plus qu'entre mes cheveux bleus, le chat violet et ma tenue blanche et verte, j'ai à moi seule plus de couleurs que ceux qui sont dans la salle. Tant pis, me dis-je, c’est pas le type que je voulais mais un serveur qui bosse ici ça devrait faire l'affaire. Y'a plus qu'à espérer qu’il soit galant et paye les chopes suivantes. En attendant ce bol chaud qui me fera tant de bien je m’adonne à mon activité favorite en ce genre de lieu. A savoir, sortir mon classeur de wanted et mémoriser les noms et visages. D'ailleurs j’en profite pour les classer par prime croissante. C’est ainsi que je tombe sur Klaus Heissler, un pirate blond aux yeux vairons primé à cent vingt-huit mille quatre cent cinquante berries. Une somme dérisoire, mais une somme qui me sortirai bien de la merde dans laquelle je barbote. J'ignore ce qu'il a ou faire pour ce prix-là mais une chose est sûre, c’est un type à ma portée.
La soupe arrive et je reconnais la bonne odeur de la citrouille butternut. Fier de l’avoir préparée il m’explique y avoir ajouté un litre de lait et deux oignons avant de mixer le tout. Je le remercie pendant qu’il observe mon classeur puis il me dit repartir terminer la vaisselle. Je lis à la pendule qu’il est trois heure cinquante deux du matin. La tête dans la soupe, que je déguste lentement, je ne remarque pas que la salle se vide peu à peu. Il y a une allée centrale en face de la porte, six tables rondes divisées sur chaque côté et derrière le comptoir rectangulaire la salle se prolonge sur deux billard. J'offre la fin de ma soupe au Chaton et remarque qu’il est quatre heures dix. Il ne reste que Fred et trois joueurs de belote encore en lice. Je range mon classeur et vais les voir à leur table. Ils misent de l'argent et font une partie en sept mille points, qui devrai se terminer d’ici un quart d'heure vu leur score actuel. Voyant que je m’intéresse et que ma foi je suis plutôt jolie, ils m'invitent à jouer. Ma main attrape une mèche et je la porte à ma bouche. Je réfléchis à leur proposition. Avec mon billet je suis certaine d’en gagner dix fois plus étant donné que j’apprécie ce jeu, mais cela risque de retarder leur départ alors je préfère décliner l'offre pour ce soir. Puis ils finissent par partir un peu plus tard que prévu et je me retrouve seule avec Fred. Je vais m'asseoir au bar et lui paye un coup. Il refuse et sort deux verres ainsi qu’une bouteille de vodka. Inquiète, je me ronge les ongles. Je m'attendais à de la bière, avec ça je tiendrai pas plus d'une demi-heure avant de sombrer dans l'euphorie. J'ai donc ce laps de temps pour lui soutirer des infos.

- Tu as encore faim ? M'annonce t’il, intrigué de mon geste.
- Non ça va, je me demande combien de temps je vais pouvoir rester sobre avec ça.
- T’inquiètes pas Maya, tu pourras dormir en sécurité ici.
- Ah c’est gentil ça.

Je lui fais un petit sourire qui fait son effet et nous commençons à nous enflammer l'œsophage avec cette foutue boisson à quarante degrés. Au bout de vingt minutes et de la moitié de la bouteille sifflée, arrive la question de ce que je fais dans la vie.
- Mon gagne pain c’est de chasser les primés, et toi ?
- Moi, comme tu le constates, je suis le fils du gérant qui est actuellement malade.
- Drôle de vocation, moi je pourrai pas rester toute une vie dans un bâtiment.
- Oh, je te comprends, mais tu vas voir, ma vocation c’était musicien itinérant.

Je lève un sourcil, il sort une guitare et commence à en jouer.


Je suis étonnée qu’avec autant d'alcool dans le sang il soit si habile de ses mains, il en ressort des notes mélodieuses et entraînantes. Par moment il ajoute des bruits de batterie avec sa bouche ce qui fait un rendu très agréable à l’écoute. Je devine forcément qu’avec d'autres instrument cette musique serait parfaite mais pour une seule personne c’est franchement charmant. Je profite de sa nostalgie pour lui poser la fameuse question.

- Tu connais des pirates dans le coin ?

Concentré sur son instrument et l'esprit à moitié embrumé il ne se rend pas compte de l'importance de la question. Il me répond sans la moindre hésitation.

- Oh, il y a bien Klaus, tu le verrai ! Toujours à se balader avec un poisson dans un bocal ! C’est à se fendre de rire, d’après lui les poissons aussi ont le droit de faire des promenades.
- Klaus Heissler ?
- Oui, mais je te vois venir et sache une chose, c’est un homme droit et intègre. Personne ne l’embête, pas même la marine. Il a fait le serment d'avoir changé, un peu comme les corsaires tu vois, et les années ont prouvées ses dires. Il a même une femme et un enfant.
- La marine ne fait rien ?
- Non, tu sais, lui porter préjudice c’est s'attirer les foudres des civils. Il est connu ici et je t'assure que malgré ses erreurs du passé il n’est plus une menace.
- D'accord. Je t’en ressert un ?
- Il faut la finir, donc oui.

Une femme, un enfant, des yeux vairons, il en a trop dit. J’ai fait le rapprochement et le bon dieu m'a même indiqué où il habite. Je trinque avec Fred en affichant un grand sourire de joie, je vais enfin renflouer mon porte-monnaie. Nous finissons la bouteille, je récupère Chaton et je m'en vais en titubant, refusant l'offre de dormir au chaud. Ce soir je dors sur un toit. Demain matin, dès qu’il pointe son nez dehors je l’abats. Je met du temps à retrouver mon chemin mais je tombe sur la fameuse poubelle et je retrouve la casserole dans la rue. En face de leur immeuble se trouve une maison avec un balcon au premier étage. Les volets sont fermés et je vois un chien de garde dormir dans la cour. J'ouvre le portail, attrape Chaton et tel un projectile le lance sur le cabot assoupi. Aux aboiements féroces s’ensuit une course poursuite entre ennemis de toujours et les deux disparaissent dans les rues. La voie est libre, j’entre et monte sur la gouttière métallique. Une douleur dans mon poignet se ravive, mais je parviens à escalader le mur et arrive au balcon. Je place mon sniper sur le trépied, vise la porte d'entrée de chez Klaus et mes yeux commencent à faiblir. Je porte encore m’a mèche à la bouche, à force, un jour, qui sait, je finirai peut être par avoir la langue turquoise. Si je m'endors maintenant je me réveilles pas avant midi, c’est certain. Alors je prends mon mal en patience et au moindre signe de fatigue je me mord le poignet pour me maintenir éveillée par la douleur.


Le jour se lève. Je vois dans mon viseur du mouvement chez la cible. Vingt minutes plus tard, la porte s'ouvre. Klaus apparaît avec son jeune garçon dans les bras et il embrasse sa femme. Je retiens ma respiration et vise le cœur, à peine à une dizaine de centimètres de la tête de gosse. Il faut qu’il s'immobilise, juste deux secondes. Je crie son nom.

- KLAAUUS !

Il s'arrête un instant et regarde vers moi. Maintenant. Détente pressée, la balle fuse et se loge dans son cœur. Le môme est repeint en rouge. La femme hurle à pleins poumons. Klaus tombe. La mère se jette au sol pour amortir la chute de son fils. Le temps de descendre la gouttière, la marine est déjà là. Une patrouille était dans le coin. J'arrive près de mon crime, wanted et licence bien en vue dans ma main. Un soldat m'engueule.

- Putain ! C’est toi qui a fait ça ! Putain !
- Je veux être payée.
- Putain de merde ! Tiens ta thune salope !

Contre toute attente et cela dépasse mes espérances d’être payée si vite, il sort une liasse de billets et me les jette à la figure. C’est pas officiel mais tant pis. Je range l'argent dans mon sac et sort mon chocolat adoré. Heureusement que j’en garde pour les situations d'urgence car son insulte je lui ferai payer très cher.

- Dégage ! Remet plus les pieds sur cette île ! Ta réputation est foutue ! On te déteste ! Casses-toi !

Appréciant ma gourmandise, pleinement concentrée sur son goût si apaisant en étant sur un petit nuage de douceur, je leur tourne le dos et m'en vais… Les poches pleines.