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Il ne faut pas confondre "tenir les rênes du pouvoir" et "avoir le pouvoir des rennes"

Le jeune garçon se retint in extremis d'éternuer, de peur que la neige accumulée sur les branches au dessus de sa tête ne lui tombe dessus. Devant lui, sa mère le regarda avec amusement, avant de l'inviter à la suivre. Loin d'obéir immédiatement, il marqua encore une fois un temps d'arrêt. Du haut de ses huit ans, Jaros se sentait écrasé par la présence des arbres gigantesques autour de lui. L'île de Kronz semblait n'être que cela, une forêt vertigineusement haute, un petit bout de terre hérissé de troncs monumentaux. Enfin, que cela, il ne fallait pas être de mauvaise foi; il y avait aussi la neige.

Ce n'était certes pas la première fois qu'il en voyait, il y en avait aussi à Manshon après tout, bien qu'en plus faible quantité. Mais les rues fréquentées et les bâtiments chauffés ne constituaient pas le meilleur des terrains pour que tel épaisse et lisse pellicule blanche se forme. Entre la boue vaguement gelée et ça, il y avait tout un monde, un monde de visions lumineuses, de bruits étouffés et de sensations diverses. De l'odeur ténue et insolite du gel, ici omniprésent, en passant par les craquements sous ses pas.

La prise de conscience soudaine du froid qui, depuis quelques secondes maintenant, pénétrait doucement mais sûrement ses bottes enfoncées dans la poudreuse, fit s'activer le garçon, qui s'échina à rattraper sa mère. Exercice ardu compte tenu de la différence de taille, mais cette dernière, magnanime, se retourna et alla chercher son marmot peu obéissant. Au vu de son expression, elle allait lui faire une remontrance, mais Jaros prit les devants en attrapant la main de sa mère, accompagnant le geste d'un regard aussi enjôleur que possible.

- Essaie pas de faire l'innocent ! Tu sais très bien que ça prend pas.
- Oui maman, excuse-moi.

Acquiesçant d'un air docile, le garçon n'en pensait pas moins, bien conscient de l'efficacité de ses méthodes autant que de l'importance de jouer le jeu. Une petite tape sur sa casquette, sans aucune violence, fut tout ce qu'il récolta, et ils reprirent la marche, profitant des bruissements de la nature hivernale. Pas longtemps cependant, Jaros posa une question d'un ton très égal, sans élever la voix, mais avec l'insistance caractéristique des petits curieux de son âge.

- Où est-ce qu'on va, maman ?
- On retourne vers la côte, Jaros. Tu as déjà oublié ?
- Non mais... Pourquoi on y va ?
- *Hah*... Pour se réchauffer, mon minet. Il est interdit de faire du feu près de la forêt, elle est trop précieuse pour les gens de l'île.
- Pourquoi ? Ils n'ont rien d'autre, c'est ça ?

Sa mère fit une petite moue, puis hocha de la tête, considérant semble-t-il le résumé assez bon pour ne pas en dire plus. Fier de son raisonnement, le gamin se replongea dans ses pensées. On lui avait promis que demain ils iraient voir l'arbre titanesque qu'ils avaient aperçu depuis la côte, après qu'il eut fini de se sentir mal du voyage en bateau. Il se demandait quel effet cela ferait d'être à son pied, si des écureuils tout aussi énormes parcouraient ses branches, etc, etc... Cela le fit patienter jusqu'à ce qu'ils arrivent à la lisière de la forêt, où la fatigue prit le relais.


Plus tard dans une auberge, la nuit tombée...


Jaros ouvrit brusquement les yeux. Quelque chose n'allait pas. La lumière lunaire qui filtrait à travers les nuages, blafarde, se déversait dans la chambre depuis la fenêtre aux vitres épaisses et irrégulières, jetant une ambiance presque macabre, pour le petit garçon. Un coup d’œil rapide lui confirma que, à coté de lui, sa mère n'était toujours pas là, trop occupée qu'elle était à parler avec la tenancière des lieux. Il aurait cru que peut-être son réveil inopiné... Mais non. Du peu qu'il avait pu comprendre, les deux se connaissaient depuis longtemps, mais cela ne signifiait pas grand-chose pour un gosse de huit ans, si ce n'est qu'il était seul dans son lit.

Précautionneusement, Jaros alluma la lampe à huile sur la petite table à coté du lit, plissant momentanément les yeux devant sa clarté jaunâtre. Ce n'était donc pas sa mère qui l'avait réveillé. Il chercha dans son esprit un peu embrouillé ce qui, alors, avait pu le sortir si brutalement du sommeil. Un rêve, peut-être ? Il croyait se souvenir de quelque chose impliquant un drôle de bruit, mais...

*REEEUUMM*

Le garçon se tendit. Un étrange cri, grave et pressant, venait de retentir, provenant de quelque part dehors, filtrant à travers la fenêtre. Chassant machinalement les mèches de cheveux de son front encore ensuqué, Jaros enfila fébrilement ses chaussettes et son pull avant de sortir de ses draps, de se lever et s'approcher des carreaux, frissonnant un peu. Il hésita quelques instants, puis se mit sur la pointe des pieds, regarda comme il pouvait.

Impossible d'y voir quoi que ce soit à travers le verre irrégulier, dans le noir complet qui plus est. C'était à peine si Jaros pouvait y voir dans la chambre, alors... Il hésita quelques secondes, soupira, puis se haussa sur la pointe des pieds pour atteindre la poignée de la fenêtre. Sans succès. Nouveau soupir, nouvelle hésitation, plus prononcée. D'autant que, il ne le ressentait que plus chaque seconde qui passait, ouvrir signifierait refroidir encore l'atmosphère déjà bien fraiche. Cela en valait-il vraiment la peine ?

Le jeune garçon resta debout, les bras croisés devant cette fenêtre trop haute, l'esprit encore un peu endormi, réfléchissant à la marche à suivre. Puis soudain, il sursauta. Une ombre venait de passer devant lui, de l'autre coté de la fenêtre.

*TOC*CLANG*TOC*TOK*

Aucune possibilité de distinguer ne serait-ce qu'une silhouette, mais la chose se mit à frapper contre les carreaux, produisant un bruit sec, comme si l'on frappait le verre avec une canne ou un objet dur de ce genre. Le jeune garçon effrayé voulut reculer, mais c'était comme si ses pieds avaient gelé au sol, le clouant sur place.


Dernière édition par Jaros Hekomeny le Lun 24 Déc 2018 - 18:06, édité 2 fois
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*REEEEEUUUUUM*

Il y avait, dans le mugissement qui retentit, ce qui semblait être un accent désespéré. Il en aurait fallu bien plus pour que Jaros se décide à bouger. Paralysé, la seule chose qu'il parvint à faire, alors que le cri grave retentissait à nouveau, fut de fermer les yeux de toutes ses forces. Tout cela pouvait n'être qu'un vilain cauchemar, il suffisait d'attendre que ça passe. Il attendit, attendit encore...

*REEEEEEEEEUUUUUUUUUUUUUUMMM*

Il eut cette fois la force de bouger, mais simplement se recroqueviller par terre, terrorisé par le bruit, fort à en faire vibrer la fenêtre. Il resta comme ça une seconde, puis deux, n'entendant plus que le bruit de sa respiration toute emballée. Trois, quatre, cinq... Jaros ne pensait même plus à sa mère, qui pourtant aurait dû être alertée par le vacarme, il ne faisait plus qu'espérer un réveil salvateur, éprouvant avec lourdeur l'écoulement bien trop lent du temps. Dix, onze, douze, treize,quatorze...

Lorsqu'il perdit le compte des secondes, le petit garçon se redressa légèrement. Il ne sentait pas autour de lui la douceur des draps, mauvais signe. Mais il n'entendait plus rien, plus rien du tout, pas même un grattement. Se résolvant à ouvrir un œil, il regarda précautionneusement vers la fenêtre. Rien, rien que la clarté opalescente de la lumière lunaire. Il ouvrit son autre œil, se leva après quelques instants, hébété.

Le silence lui parut presque assourdissant dans la chambre vide, et Jaros ne put s'empêcher de se sentir très stupide, sur le moment. Avait-il bel et bien rêvé, s'était-il fait peur tout seul comme un crétin ? Rien ne s'était passé, pourtant il ressentait toujours un fond de peur insidieux. Le calme qui n'en finissait plus, seulement rythmé par le bruit ténu de la lampe à huile, ne fit que stimuler cette colère enfantine. Un petit garçon effrayé parce qu'il dort tout seul... Brusquement il se leva et se dirigea vers la fenêtre.

- Oh et puis merde !

Sautant carrément jusque la poignée, il resta suspendu une seconde, le bout des pieds effleurant le sol, puis la fermeture céda, et il dut lâcher précipitamment pour laisser le bâtant s'ouvrir. Un air glacé s'engouffra immédiatement dans la chambre, mais il s'en fichait. Jaros grimpa sur le rebord de fenêtre, jetant un regard de défi silencieux à la neige luisant doucement sous la lune. Rien, il n'y avait rien, rien que le calme de la nuit d'hiver, l'air immobile et chargé de gros flocons.

Quoique non, pas tout à fait. La neige était dérangée, un peu à sa droite, au pied du bâtiment de bois. Une longue tranchée souillait le manteau blanc, traînée toute fraiche apparemment, car elle commençait à peine à être comblée. Et au bout de celle-ci... Une forme gisait au sol. Grande et sombre, difficile de distinguer grand-chose, mais cela semblait être un corps, assez grand. Le petit garçon distingua clairement ce qui ressemblait à des pattes, ainsi que de drôles de protubérances branchues.

- Qu'est-ce que...

Jaros, en équilibre sur le bord de la fenêtre, se pencha en avant pour mieux voir, sentit un de ses pieds glisser. L'instant d'après, il était un mètre plus bas, la tête à moitié dans la neige. Il ne réagit pas tout de suite, restant une bonne seconde étalé ainsi. La morsure soudaine du froid sur sa peau le sortit de sa torpeur. Il ne put s'empêcher de se sentir d'abord soulagé; heureusement qu'il n'était pas à un étage, autrement même la neige aurait pu ne pas suffire à le garder indemne.

Sa volonté était de remonter illico, se mettre au chaud, et sans doute d'aller chercher sa mère. C'eut été tout à fait logique. Mais lorsqu'il jeta un regard au grand corps étendu quelques mètres plus loin, il trottina vers lui, sans lui-même comprendre ce qui pouvait l'y pousser; les yeux rivés sur ce qui se révélait être un animal, il avait l'impression de ne plus être lui-même. Il ne sentait même plus le froid qui s’infiltrait dans se vêtements.

Une fourrure pâle et bicolore, quatre pattes aux sabots fendus, de grandes cornes étranges, semblables à des branches d'arbre mort. Jaros était sûr d'avoir déjà vu une illustration d'une bête pareille mais le nom lui échappait. Impressionné, il remarqua cependant d'emblée qu'une large hampe de flèche était fichue dans une des cuisses de la bête, alors que ses flancs et son museau s'ornaient d'un harnachement rouge.

Que ce grand animal fut l'origine des cris graves qui l'avaient effrayé lui parut comme une évidence. Il s'approcha d'un pas de plus, détaillant comme il pouvait cette carcasse massive, exotique à ses yeux de petit citadin. La bête était-elle simplement endormie, morte peut-être ? Jaros n'aurait pu le dire, et il ne se posait pas vraiment la question, sur le moment. Il ne regardait que la grande flèche, à l'empennage de blanc et de noir, saillant de la patte arrière comme un éperon de bois.

Sans s'en rendre compte il avait continué d'avancer, si bien qu'il se retrouvât affreusement près, la fourrure du mammifère à portée de main. Prise de conscience qui, sans briser le flottement dans lequel le petit garçon se trouvait, le fit tout de même reculer d'un pas précipité. La créature, devant lui, ne bougeait pas du tout. Soudainement Jaros chuchota entre ses dents, se souvenant enfin.

- Renne, c'est un renne...

Un renne particulièrement imposant, qui plus est. Même ainsi couché au sol, il l'écrasait par sa taille, et les bois du cervidé lui paraissaient à eux seuls plus grands que le corps entier de Jaros. Même la flèche se révélait presque ridicule de grandeur, avec une hampe d'un diamètre au moins égal au poignet du gamin. Presque plus un javelot qu'une flèche, en réalité. Fasciné par l'objet, il s'approcha encore un peu, l'empoigna avec douceur, éprouvant le contact du bois clair contre sa main frigorifiée. Il attendit quelque instants, l'esprit aussi vaporeux et lent que les flocons qui tombaient autour de lui, puis... Tira violemment.  Et trois choses étonnantes se produisirent.

*RRRRREEEEEEUUUUUUUUUUUUMMM*

Le projectile s'extirpa avec une étrange facilité, révélant une tête conique, d'une matière qui n'était pas du métal; le renne poussa également un beuglement plus fort que tous les autres, laissant devenir l'étendue de sa souffrance. Mais surtout... Il décolla du sol. Il ne bondit pas simplement - à l'instar du gamin qui s'était de nouveau étalé dans la neige en sautant en arrière -, mais sembla s'extraire de la gravitation même dans son mouvement, continuant sur sa lancée comme s'il ne pesait plus rien. Lancée tout de même brinquebalante, l'animal tangua d'emblée d'un coté, et manqua de s'écraser au sol, mais il s rattrapa au dernier instant, et disparut rapidement dans le noir de la nuit.

Complètement abruti par la scène, Jaros resta planté comme un idiot dans le froid et la neige, la grosse flèche toujours dans la main. Lorsqu'on vint enfin le chercher en criant, le tirant à l'intérieur avant qu'il n'attrape des engelures, il se contenta de perdre connaissance.
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