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Rats à la mer

L'écume battait calmement le continent alors que William avait trouvé une niche pour se reposer, à quelques kilomètres de l'endroit d'où ils étaient sortis de la Flaque. Le jeune homme était engoncé contre la paroi de roche, assis sur l'herbe de bord de mer qui tapissait la niche. Des oiseaux parcouraient calmement le ciel, se posaient ça et là sur les aspérités de la falaise. Les yeux mi-clos, l'artificier tenait Sariah dans ses bras, lui caressant légèrement les cheveux. Un simple acte de tendresse qui lui permettait d'expulser une infime partie de la noirceur qui l'habitait depuis des semaine, qui s'était amplifiée dans son âme jusqu'à en recouvrir ses moindres pensées. Il n'osait s'endormir, de peur de laisser la jeune femme découvrir la vérité seule à son réveil. Quelques heures avaient passé maintenant, mais le souvenir de la caverne était encore bien prégnant dans la tête de l'artilleur. Alors qu'il commençait à sombrer dans le sommeil, sa compagne releva doucement sa tête pour planter ses yeux dans les siens. Ils étaient couverts de larmes, rougis par le sang qui les parcouraient.

"Tu es réveillée depuis longtemps."

Elle acquiesça doucement, avant de plonger sa tête dans le torse de William, étouffant des sanglots qui prenaient de l'ampleur. Le jeune homme la serra dans ses bras et son cœur se serra. Aucune larme ne parvenait à remonter à la surface de ses yeux. Il était plus triste qu'il ne l'avait jamais été, mais pourtant son corps refusait de réagir. Il faisait barrière à la tristesse, à sa manière. Il embrassa les cheveux de Sariah et lâcha quelques mots qui se coinçaient dans sa gorge avant d'en sortir.

"Je suis désolé. Je n'ai rien pu faire de plus. Je devais vous sortir toutes les deux et..."

Une claque l'interrompit brutalement. La jeune femme le regardait avec un regard plein de rancœur, mais il ne se sentait pas visé par ce regard.

"N'ose pas me faire ça ! Tu as fait tout ce que tu pouvais mais tu n'y pouvais rien ! Il l'avait tuée avant même qu'on ne descende là-bas.. Tu l'as tué lui mais ça ne me soulagera pas."

Elle s'arrêta quelques instants et des sanglots la reprirent. Elle redressa la tête et une expression d'appel à l'aide avait pris le pas. Elle reprit alors, en rapprochant sa tête du torse du jeune homme.

"J'ai besoin de toi.."

Sans hésiter, William la serra de nouveau contre lui et continua à lui caresser les cheveux. Ils finirent par s'endormir, laissant de nombreuses heures passer. Ce fut finalement la pluie qui les réveilla, les poussant à s'abriter dans un renfoncement en face d'eux. Ils se blottirent dans la petite grotte et regardèrent simplement la pluie qui battait le sol. Au bout d'un moment, Sariah lâcha quelques mots.

"Il va nous falloir un bateau et on file sur la première île qu'on croise."

"A vos ordres, cap'taine !"

Sariah lui pinça la joue en lui offrant un sourire timide. Elle se cala contre la paroi rocheuse et fut prise d'un petit rire.

"Je pense que c'est toi le capitaine, maintenant, William."

William sourit étrangement en entendant ces mots. Il s'était imposé face à elle alors qu'ils étaient dans les cavernes, mais il n'avait pas estimé la portée de ses propos. Elle le nargua de ses yeux et chercha à le piquer un plus au vif.

"Capitaine Burgh, Capitaine William Burgh. Aussi connu sous le nom de "Ferraille."

"Ferraille?"

Sariah lui désigna simplement la quantité incroyable de ferraille qui recouvrait ses habits. Il avait attrapé toutes ces poussières des fumées d'incendies qui avaient dévoré les cavernes des Rats. Il en avait aussi récolté en frottant contre les parois des tunnels qui les avaient menés jusqu'à la sortie. Elles donnaient à ses habits une teinte rouge pourpre qui lui plaisait bien.

"Va pour Ferraille comme couverture."

"Parfait, Cap'taine Will."

Ils continuèrent à discuter, reprenant doucement contact avec la réalité. Bien sûr, ils jouaient sur les apparences. Le traumatisme était profond mais ils savaient qu'ils devaient l'enterrer pour le moment. Ils avaient besoin de toute la candeur qu'ils pouvaient trouver. William était conscient de la présence d'un danger rémanent pour leur vie. Mais son esprit avait besoin d'une pause, de se remettre d'aplomb. Une nuit passa sans que la pluie ne cesse de tomber. A l'aube, le soleil réveilla les deux compagnons qui cherchèrent un moyen de naviguer sur la mer qui s'ouvraient devant eux. Ils décidèrent d'exploiter le chemin qui les avaient menés jusqu'à leur niche. Il longeait inlassablement la surface de Redline. Leurs blessures n'avaient commencé qu'une cicatrisation sommaire et ils souffraient de la soif comme de la faim. La végétation alentour ne permettait pas de se nourrir et la faune était principalement nichée en hauteur sur les falaises. Ils avançaient lentement, scrutant les flots pour y distinguer le moindre pavillon.

"Va falloir qu'on trouve un moyen de signaler notre présence. Mais si c'est la Marine qui nous ramasse, on aura bien l'air fin."

Sariah acquiesça en même temps qu'elle observait les potentielles sources de combustible autour d'eux. Tout était bien trop humide pour permettre au moindre feu de partir. Il fallait se résoudre à marcher, à mettre de la distance avec leur point de sortie de la Flaque. Ça réduirait les risques de lever les suspicions sur eux.

"On marche jusqu'au prochain port. Il doit bien y avoir des points d'ancrage le long du continent."

"Probablement. Le seul problème c'est qu'on ne sait pas si on se rapproche ou si on s'éloigne du prochain. On pourrait avoir des centaines de kilomètres à parcourir avant de tomber sur le prochain. Et on sera mort avant de l'avoir atteint."

Les deux individus pesaient les tenants et les aboutissants des solutions qui s'offraient à eux. Ils se trouvaient devant deux options: essayer de jouer la discrétion avec peu de chances de survie; jouer la sécurité au risque de se faire attraper, par des instances régulières comme mafieuses. Ce qui ne menait pas loin dans la vie.

"Qu'est-ce qu'on devrait faire alors? Si on stagne, on va y laisser la peau aussi."

"J'ai déjà vécu ça, avant que tu me repêche. J'avais moins de ressources qu'ici et j'ai réussi à m'échapper."

"Pour que je te repêche à moitié mort."
    La remarque de Sariah était pertinente. Leur chemin était toujours aussi périlleux et rien ne viendrait briser le danger. Ils avaient scruté les falaises aussi loin que leurs yeux le leur avait permis. Aucune infrastructure ne se dégageait du rivage abrupt. Il n'y avait pas non plus de route maritime dans le secteur. Ils se trouvaient probablement très au nord ou très au sud de la mer qu'ils venaient de rejoindre. Ils étaient d'ailleurs incapable de savoir s'ils étaient revenus sur leur pas ou s'ils avaient pénétré sur une autre bleue. Ils décidèrent de s'arrêter alors que le soleil s'abritait derrière la falaise qui leur tournait le dos. Ils avaient rejoint des sortes d'étagements artificiels, sur lesquels semblaient rester des vestiges de culture céréalière. Cela faisait bien longtemps que personne n'avait mis les pieds dans cet endroit. William s'affaira à dénicher des branchages et des feuilles sèches et ils peinèrent plusieurs heures pour mettre au point un feu de camp abrité des vents qui secouaient la région.

    "Va falloir qu'on réfléchisse à se tirer de là."

    Ils ne parlaient presque plus, trop concentrés sur leur situation et sur le moyen de s'en tirer. Ils dormirent un peu, laissant leur corps lentement récupérer. Sariah trouva un moyen d'atteindre des hauteurs proches, y récoltant des baies de roche, qui leur permettait de combler leur appétit. Ils avaient rechigné à les manger, par peur de la toxicité qu'elles pouvaient contenir. Mais ils ne décelèrent rien d'alarmant et essayèrent d'entretenir leur stock de nourriture. Ils récoltaient l'eau de pluie qui s'étaient abattue dans les creux du sol, le risque d'infection leur semblant moins pressant que la déshydratation. Au bout de quelques jours, ils s'étaient constitué une base opérationnelle plus que modeste, mais fonctionnelle. Ils allaient ça et là, au gré des chemins qui parcouraient le flanc de la falaise. Cela n'emmenait jamais à des espaces plus grand qu'une cellule, mais on y trouvait toujours du petit bois et des vivres. Ils prenaient également de la hauteur et repérèrent les routes maritimes qui se trouvaient plus au loin de leur position. Ils se mirent en tête de dérober une embarcation. La jeune femme avait son idée sur la question.

    "Il va falloir jouer la même carte que celle des deux naufragés en quête de refuge."

    "Mais s'ils nous voient débarquer avec des armes et cette foutue mallette, on est grillés."

    William avait réfléchi à cette éventualité. C'était peut-être trop simple, mais c'était surtout l'une de leurs seules options. Ils étaient aux devant de deux choix: prendre le risque d'embarquer les armes et prier pour tomber sur une embarcation modestement défendue; jouer patte blanche et aviser en fonction de la situation. L'artilleur se sentait plus en confiance avec la deuxième option.

    "On n'a qu'à y aller désarmés. On éveillera moins les soupçons, surtout si on prétend sortir d'un naufrage."

    Sariah chargea alors William de lui ramener tout le bois qu'il pouvait puiser sur les maigres ressources dont ils disposaient. Elle s'attela à la construction d'une barque de fortune. L'artificier trouva un accès direct au niveau de la mer, d'où ils pourraient se lancer à l'assaut des vagues. Quelques jours passèrent encore. Ils se remettaient de leurs passages dans les tunnels, l'émulation de l'invasion les forçant à reprendre le dessus. Ils se rapprochèrent encore pendant tout ces moments passés seuls sur le continent. Au bout d'une bonne semaine, la jeune femme avait accompli son ouvrage. Elle avait réussi à créer un plancher solidement articulé autour d'une armature, avec des renforts latéraux qui devaient simplement empêcher l'eau d'entrer dans leur coque de noix. C'était une embarcation sommaire, mais qui devait leur permettre de se maintenir à flots suffisamment longtemps pour croiser un navire à aborder.

    "On peut partir. On prend nos armes ou on les laisse?"

    William avisa son cimeterre et la rapière de Sariah. Il n'avait pas d'attachement particulier à son arme mais appréciait son maniement. Tapant machinalement le sol d'un de ses pieds, il finit par embarquer les armes dans leur trajet. Il les dissimula sous ses haillons et ils lancèrent leur radeau à l'eau. Ils avaient amassé des provisions très maigres et décidèrent de les réserver aussi longtemps que possible. William avait passé ses dernière heures à concevoir des rames de fortunes, qu'il utilisait avec sa compagne pour briser les flots. Ils ne décrochèrent pas du continent sans peine mais parvinrent à rejoindre un courant qui les emmena directement vers le large. Là où William savait maintenant se trouver le danger n'était rien d'autre que le hasard. Ils pouvaient très bien traverser la moitié du globe sans croiser le moindre bateau ou la moindre île. Ils avaient plus de chance de mourir sur l'eau que sur terre, puisqu'ils n'avaient plus de moyen direct de subsistances et devaient reposer sur leurs maigres ressources.

    "On va avoir du temps à tuer.."

    A peine la jeune femme avait elle prononcé ces mots qu'un son diffus, effacé par le vent, parvint à leurs oreilles. Comme un bruit de canonnade qui résonnait au loin. William prit les rames qu'ils avaient rangé au sein de leur embarcation et essaya d'initier un mouvement pour s'éloigner des affrontements. Mais le courant qui les avaient embarqués si loin semblait déterminé à les mener vers le péril le plus proche. Il leur faudrait plus que jamais jouer patte blanche.

    "On fait profil bas, on avise la situation et on s'adapte en fonction."

    Une dizaine de minutes passèrent avant que la scène de combat ne se dévoile. Le bruit des tirs s'était fait plus proche à mesure qu'ils étaient entraînés vers l'avant. La clameur de la mêlée finit par atteindre leurs oreilles et ils découvrirent une véritable bataille devant leurs yeux. Six navires se faisaient face, deux équipages pirates en conflit ayant été approchés par deux bâtiments de la Marine. C'était le genre d'affrontement auquel le jeune homme ne souhaitait pas être confronté.
      La mer était plus tumultueuse là où la bataille prenait place. Les courants maritimes contournaient un immense roc sorti des vagues, leur donnant une vigueur incomparable. Les six navires faisaient pâlir en comparaison le modeste radeau sur laquelle se trouvaient les deux naufragés. Ils ne s'en tireraient pas en étant attirés au milieu de la mêlée. Mais c'était aussi, paradoxalement, leur seule chance d'éviter de mourir, de faim comme de soif, seuls sur l'océan. William souquait aussi fort qu'il le pouvait pour dévier sa trajectoire de l'affrontement. Sariah restait là, observant avec un calme relatif le combat naval qui se déroulait sous leurs yeux. De ce qu'ils pouvaient voir, deux navire de la Marine venaient d'accrocher les flibustiers qui avaient déjà engagé les hostilités depuis un certain moment. Leurs coques étaient endommagées par de nombreux impacts et quelques mâts avaient été abattus par des boulets à chaîne. Si le gouvernement semblait détenir l'avantage, une coalition entre les pirates pouvait tout à fait les mettre dans une situation complexe. Deux options se présentaient à eux et le jeune artificier força sur sa voix pour couvrir la canonnade maintenant toute proche.

      "Sariah! Soit on attend la fin du combat pour se faire repêcher, soit on fonce vers un des navires de la Marine immédiatement!"

      "La Marine?! Mais on a cherché à les fuir depuis qu'on est sortis de la Flaque!"

      William acquiesça silencieusement avant de poser ses yeux sur les bateaux qui manœuvraient pour s'adapter au nouvel ordre de bataille. Ceux-là ne venaient pas nécessairement du continent, ce qui leur laissait une chance de se faire passer pour des victimes et de rentrer à bon port. Néanmoins, il faudrait réussir à s'arrimer à un navire en plein combat; D'autant que les marins à bord pourraient croire à un piège tendus par leurs ennemis. Le jeune homme se ravisa.

      "On va essayer de rester en dehors de la zone de tir alors!"

      Sariah lui confirma son approbation d'un signe de tête. L'artilleur essaya alors de se dégager du fort courant qui les entraînait droit vers la menace. Il avait beau bander ses muscles, l'embarcation tenait à peine le choc et ne déviait pas. Il s'acharna mais rien n'y faisait: ils seraient jetés droit dans la gueule du loup. Ce qui n'était qu'une scène lointaine prit une ampleur bien plus réaliste. Quelques centaines de mètres seulement les séparaient maintenant des bâtiments de guerre. Les boulets fusaient en tout sens, s'écrasant violemment au creux des vagues, soulevant des trombes d'eau. Une odeur de poudre et d'incendie flottait dans l'air. William regarda plus loin, pour apercevoir les pavillons noirs se regrouper, comme il avait pu le craindre. L'un de leurs navire semblait incapable de rejoindre les trois autres, trop sévèrement endommagé pour mener la lutte plus longtemps. Sariah se tourna vers son compagnon, pointant du doigt ce qui semblait être le maillon faible de la chaîne.

      "Will! Si on arrive à monter à bord de ce navire, on aura une chance de s'en sortir!"

      L'idée ne manquait pas de bon sens, mais elle supposait une chance incroyable. Une portion de l'équipage, certes réduite pour renflouer l'autre navire, avait dû être laissée à bord. Et même s'ils arrivaient à se frayer un chemin ou à se dissimuler, si la Marine venait à l'emporter, ils auraient du mal à se faire passer pour des naufragés. Pris par les forbans ou par le gouvernement, c'était là les deux seuls choix qui s'offraient à eux. Ils mourraient probablement aujourd'hui, mais ce n'était pas quelque chose qui semblait les déranger. Ils avaient eu leur lot de tracas récemment, ce n'était qu'une chose de plus à ajouter sur la liste.

      "On fonce vers là-bas alors!"

      Le courant continua de les porter au plus près du combat. Ils pouvaient maintenant distinguer les hommes qui s'activaient sur les ponts. Ils devaient couper au milieu même du combat s'ils voulaient rejoindre leur proie. Avec un peu de chance, ils passeraient inaperçus au milieu des vaisseaux qui s'affrontaient. Mais ils pouvaient très bien se retrouvés réduits en poussière par un boulet qui serait venu s'écraser directement sur leur embarcation de fortune. L'eau s'introduisait d'ailleurs par dessus la coque, alors que Sariah tentait de lutter tant bien que mal pour les maintenir à flot. Ils dépassèrent les navires du gouvernement par l'arrière, s'engouffrant dans le couloir de tir. Les projectiles sifflaient à quelques mètres seulement au dessus de leurs têtes. Le jeune homme serrait les dents tandis qu'il ramait avec toute la force qu'il pouvait trouver en lui. Il lui faudrait cinq bonnes minutes pour échapper aux tirs. Rien ne lui garantissait qu'ils tiendraient aussi longtemps. Le jeune homme gardait les yeux rivés vers sa destination, faisant abstraction de tout ce qui pouvait se passer autour de lui. C'est ainsi qu'il ne vit pas venir le danger dont Sariah le sauva. Elle plongea sur lui, l'entraînant à l'eau avec elle. Quelques secondes plus tard, le radeau vola en éclat, déchiré par un boulet qui passa quelques centimètres au dessus de leur têtes. Sonnée, la jeune femme semblait incapable de remonter à la surface. William la tira hors de l'eau, moins impacté par l'attaque que sa congénère.

      "Sariah, ressaisis-toi!"

      La jeune gemme semblait complètement dépassée par la scène qui prenait place autour d'eux. Peinant à la maintenir tout seul hors de l'eau, il la gifla pour tenter de la ramener à la réalité. Elle sursauta et planta ses son regard dans le sien, interloquée.

      "Will?"

      "Suis-moi en nageant!"

      Sans attendre, le jeune homme se lança vers une nouvelle destination: le navire le plus proche. L'un des bateaux commandés par les boucaniers laissait traîner des filets le long de sa coque, permettant d'aborder les bâtiments adverses en s'engouffrant par les hublots et les positions d'artilleries. Ils leur fallait parcourir une cinquantaine de mètre pour le rejoindre. Anticipant le mouvement du vaisseau, les deux compagnons se lancèrent vers leur seul échappatoire. Aucun tir de mousquet ne sembla les viser: ils avaient été victime d'un tir mal ajusté. Forçant sur leurs corps épuisés, ils parvinrent enfin à s'accrocher aux cordes et se hissèrent au travers d'une bouche de tir endommagée. Mourir sur un pont d'artillerie était préférable à la noyade.
        L'effervescence battait la mesure sur le pont. Les forbans s'activaient pour faire fonctionner les canons qui le pouvaient encore. C'était un vieux navire. Le bois semblait usé par les années et les lanternes qui l'éclairaient ne fournissaient plus une lumière suffisante pour y voir clair. Les deux compagnons restèrent cachés derrière l'un des canons. Si William pouvait donner le change au milieu de tout ces hommes, Sariah serait immédiatement repérée. Les équipages n'acceptaient que rarement les femmes. Les superstitions allaient bon train dans le monde maritime. Des exceptions notables existaient bien sûr. Mais pas sur ce navire là, l'artilleur en était certain. Il avisa un râtelier d'armes à quelques mètres devant lui. Les leurs avaient sombré droit au fond des eaux. S'il voulait donner un combat digne de ce nom, il préférait autant avoir une lame entre ses mains. La jeune femme regardait par le hublot le combat qui continuait. Les deux camps s'approchaient lentement, avec méthode. Les capitaines qui officiaient sur les différents bâtiments faisaient preuve d'une intelligence tactique assez fabuleuse. Ils ne se risquaient pas à des manœuvres inconsidérées. Ils se contentaient de se laisser glisser vers leurs ennemis en l'arrosant de toute leur puissance de feu. Mais la Marine n'avait pas usurpé son titre d'armée mondiale: elle rendait tout les coups avec autant de force que ses adversaires. C'était comme assister à un combat de chien enragés. Chacun essayait de mordre l'autre à la gorge pour le laisser se vider de son sang. Un fracas incroyable détonna alors que cette pensée traversait son esprit. William passa la tête par le hublot, pour apercevoir le second navire déchiré par une explosion dantesque. S'ils avaient réussi à l'atteindre, ils seraient morts dans la seconde. Une seconde de réflexion suffit au jeune homme pour prendre une décision cruciale. Il se tourna vers Sariah pour lui confier quelques mots.

        "Fais-moi confiance, sur ce coup-là!"

        "Toujours, Will."

        Leurs voix étaient étouffées par les détonations incessantes et les cris qui fusaient en tout sens. Le jeune homme se leva et empoigna une épée. Presque immédiatement, un des flibustier le repéra et voulut donner l'alerte. Il s'étouffa dans le sang qui se répandait au travers de sa gorge. L'artificier s'approcha de celui qu'il identifia comme le maître de pont. C'était une sorte de vieillard massif, avec un embonpoint qui ne prêtait pas à la moquerie. Il avait quelques cheveux épars sur un crâne néanmoins chauve dans sa globalité. Des yeux vairons, perçant l'âme d'un simple regard. Mais William était loin d'être impressionné. Quelques regards se tournèrent vers lui et deux pirates essayèrent de s'interposer. Il les faucha aussi facilement que le premier. Il fut presque étonné de la fluidité de ses mouvements. Il maîtrisait largement mieux le combat que quelques semaines auparavant. Il cria pour couvrir les bruits qui étouffaient toutes les discussions.

        "Laissez-moi prendre ce pont en charge et je vais vous fumer un de ces deux bateaux en l'espace de quelques minutes!"

        Le jeune homme était confiant dans ses capacités. Il avait passé la plupart de sa vie à bâtir des canons semblables à ceux que maniaient les forbans comme les soldats du gouvernement. Il savait tirer avec, il savait où viser pour infliger le plus de dégâts. Et il comptait bien se servir de ces connaissances pour sauver sa vie et celle de sa compagne. L'officier de pont le regarda avec un regard aussi médusé que colérique. Sa réponse claqua dans l'air alors qu'il levait une main pour empêcher d'autres de ses hommes d'être passés au fil de l'épée du jeune fugitif.

        "D'où tu sors, toi?! Et pourquoi je t'ferai confiance?!"

        "Parce que tu n'as pas été capable d'écraser une seule ligne de tir adverse. Je te fais ça sans même regarder. Tu veux une preuve?"

        Le ton de défi était posé. Le vieux boucanier ricana et montra un canon au jeune homme d'un geste du menton. William appela rapidement Sariah, qui se plaça derrière lui alors qu'il préparait le canon à l'usage. C'était une vieille pièce, le cuir était ouvragé d'arabesques qui avaient perdu de leur éclat. Il avait dû se vendre à prix d'or au moment de sa fabrication. Et il devait avoir des capacités techniques assez incroyable. Ce n'était pas rare de trouver un mélange de pièces d'excellente facture et de ruines sur un pont d'artillerie renégat. Les forbans se fournissaient comme ils le pouvaient. Les pirates grinçaient des dents alors que le jeune homme s'activait. Il y avait une femme à bord et certains pensaient que c'était là un signe de damnation. Leur nervosité les mettait sur les crocs et ils semblaient prêt à bondir sur les deux intrus. Mais le vieux pirate les canalisait. Il avait une sorte d'instinct qui l'emmenait à faire confiance à l'artilleur. William se concentra et chargea un boulet dans la bouche de l'arme. Il ajusta la trajectoire de tir et attendit quelques secondes. Le navire de la Marine glissait doucement sur les flots, à une petite centaine de mètres. L'artificier déclencha le mécanisme de tir. Le canon recula brusquement et le projectile fonça droit vers le bâtiment adverse. Le temps fut comme suspendu sur le pont d'artillerie. Une explosion se dessina et une bouche d'artillerie chez les Marins vola en flammes, neutralisant les deux postes de tir adjacents. Des sifflements fusèrent sur tout le pont. Les forbans n'avaient pas réussi à infliger de dommages sérieux au navire adverse jusque là. La balance pouvait peut-être pencher avec l'expérience de William.

        "Ecoutez tout les ordres que vous donneras ce chien de mer!"

        Le vieux pirate ne s'était pas trompé. Ils avaient reçu la visite d'une aide largement appréciable sur leur pont. Le jeune homme se mit immédiatement à la tâche, secondé par sa compagne.
          Les détonations faisaient vibrer tout le pont d'artillerie. William avait installé une cadence de tir entre les marins, permettant un tir continu à l'encontre du premier navire adverse. Il fallait le mettre hors d'état de nuire aussi vite que possible. L'autre bateau avait été pris dans de légers courants qui l'avaient dévié de sa course pendant quelques minutes, l'empêchant de venir se repositionner pour le combat naval. Le feu nourri des forbans faisait voler en éclat l'armement de son opposant. L'artificier ajustait les trajectoires de tir, battait la mesure de ses vociférations. Il était en pleine possession du pont d'artillerie. Le vieux pirate lui-même s'était mis à la tâche. Malgré son expérience, Dante n'avait pas l’œil que possédait le jeune homme. Il n'avait commencé à naviguer que tardivement et avait survécu aux différentes batailles grâce à ses prouesses physiques plutôt qu'à son sens tactique. Il savait diriger les hommes alors on l'avait assigné à la canonnade. La poussière de poudre à canon recouvrait tout les marins qui s'affairaient sur le pont. Sariah avait pris en charge la seconde moitié du pont, calquant ses instructions sur les signes que lui faisait son compagnon. Leur efficacité changea la donne assez rapidement. Les bordées adverses ralentirent leur cadence de tir. S'ils avaient l'avantage sur les criminels jusque là, plusieurs de leurs postes de tir avaient été mis hors d'état de marche et leur moral avait chuté. Quand William remarqua la baisse de régime adverse, il ordonna un changement de tactique.

          "Chargez les boulets à chaîne!"

          Une arme dévastatrice. Très utile pour abattre les mats. Mais l'artilleur avait une autre idée en tête. Ces engins de morts consistaient en deux boulets reliés par une chaîne solide, assez longue pour découper toute sorte de surface d'un coup net. La chair n'y résistait pas. William savait qu'il allait faire un nombre de victimes incroyable avec la tactique qu'il allait mettre en place. Il ne ressentait pas de culpabilité particulière. Les pirates chargèrent leurs armes et patientèrent pour mettre le feu aux poudres. Le jeune homme attendit quelques dizaines de secondes. Phénomène étrange, les échanges de tir s'interrompirent totalement.

          "Qu'est-ce que tu fous, diable de mer?!"

          Dante regardait le jeune homme avec une angoisse palpable. Il aurait envoyé ces boulets sans tarder, pour achever un adversaire déjà blessé. Mais là où il aurait visé la mâture sans tarder, William voulait mentir à la Marine. Leur faire croire que leur stock de munition était arrivé à son épuisement. La trajectoire du bâtiment adverse s'infléchit dans leur direction et il se plaça dans une diagonale parfaite.

          "Feu, tous ensembles!!!!"

          Tout les canons reculèrent et les boulets s'envolèrent avec une légèreté remarquable. S'il avait pu voir le visage des officiers qui commandaient les navires gouvernementaux, il aurait décelé un éclair de peur dans leur regard. Les projectiles entrèrent dans le pont d'artillerie adverse avec un angle de diffusion optimal. Aucun d'entre eux ne manqua sa cible. Ils fracassèrent le bois de toute la bordée adverse et certains ressortirent probablement de l'autre côté. Assez rapidement, William courut vers la poupe et chargea un canon avec un autre projectile. Il avisa le mécanisme du gouvernail adverse et fit tonner la foudre. Le bois éclata, privant le navire adverse de sa capacité de navigation. Un silence de mort s'était abattu sur le navire des flibustiers. Assez rapidement, la résignation adverse se caractérisa par l'apparition d'un fanion blanc au sommet de son mât. Des hourras éclatèrent dans le pont d'artillerie et les hommes se ruèrent vers l'intrus qui les avait guidé vers la victoire. William restait sérieux.

          "Ils vont jeter l'ancre et attendre que leurs camarades en finisse avec nous. Emmenez-moi voir votre capitaine."

          Dante acquiesça sans broncher et prit la direction du pont supérieur. Il n'y avait pas de place pour le doute dans ce genre de situation. Le jeune homme avait prouvé sa valeur et choisi son camp. Cela suffisait au vieux forban. Sariah prit la suite des deux hommes et ils émergèrent à l'air libre assez rapidement. La fête était de mise sur le pont, mais les trois compères remarquèrent vite une ombre au tableau. Les officiers de ponts étaient réunis sur le château et leur expression laissait présager le pire: ils ne savouraient pas la victoire comme pouvait le faire le reste de l'équipage. William arriva à leur niveau et Dante se chargea de faire les présentations.

          "Higgins, Perks. Où est le capitaine, faut que je lui présente cet enfoiré de beau diable!"

          Les deux hommes désignèrent un cadavre à leurs pieds et Dante adopta le même regard qu'ils arboraient. La tête du pauvre homme avait été arrachée par un boulet de canon. Il gisait là, tétanisé dans le dernier geste qu'il avait pu esquisser. Il avait essayé de se couvrir de ses bras. Il aurait mieux fait de se jeter à terre comme c'était la règle lors du passage d'une salve.

          "C'est qui ce type, Dante?"

          William se présenta de lui-même. Les deux hommes semblaient sceptiques à son égard. Il fallait briser la glace et plutôt rapidement de préférence.

          "Ferraille. Vous pouvez m'appeler comme ça. Je viens de fumer le navire adverse et on va devoir se bouger si on veut pas que leurs copains nous tombent sur le râble."

          "Ferraille? Mais tu sors d'où pour débarquer en plein combat sur notre navire, toi?"

          "Higgins, on a pas le temps pour ces conneries. Le type a pulvérisé les mouettes en deux temps trois mouvements, on peut lui faire confiance."

          "Mouais. Un type débarque de nulle part et on devrait lui faire confiance?"

          La réaction était légitime. Mais la discussion ne pouvait pas durer plus longtemps. Un frisson parcourut l'échine de William quand il entendit l'un des mousses alerter les autres du tir qui arrivait sur eux. Le jeune homme sauta sur le groupe en pleine réunion et plaqua les quatre personnes avec lui au sol. Perks trébucha et resta debout quelques secondes de trop. Les marins qui avaient hissé le drapeau blanc leur tiraient dessus avec leurs mousquets. Une balle lui arracha la carotide et il s'effondra en agonisant. Higgins avait la vie sauve et c'était grâce à Ferraille.
            Les forbans ne tardèrent pas à répliquer alors que le bâtiment adverse s'éloignait, incapable de dévier de sa trajectoire. Quelques mouettes furent fauchées par les balles et elles cessèrent le tir. William se releva et dévia la barre du navire alors qu'ils se rapprochaient furieusement de l'autre bâtiment. Le capitaine de ce dernier avait réussi à reprendre la direction du combat et fonçait droit vers eux, bien déterminé à en finir avec ces pirates une bonne fois pour toute. Le jeune homme se tourna vers Dante sans tarder.

            "On en est où des munitions, Dante?"

            "On va bientôt tomber à court, Ferraille."

            L'artilleur acquiesça et aida Higgins à se relever. Il était resté cloué au sol après tout ce temps. Le choc pouvait encore se lire sur son visage quand il se hissa sur ses deux pieds. Ils seraient tous morts si l'artificier ne les avait pas plaqués au sol. Il jeta un regard au corps de Perks et fixa le bateau qui s'éloignait à présent. Il leur aurait volontiers donné la chasse. Mais ce n'était pas la chose à faire à ce moment là. William commença à donner des ordres. Il tirait parti de la situation pour se hisser au sommet de la chaîne hiérarchique. Les flibustiers s'en remettaient complètement à lui. Il avisa rapidement le nombre d'hommes valides, de blessés et de morts. Alors que certains des marins allaient rapatrier les cadavres de leurs compagnons en soute, l'artilleur s'interposa.

            "Mettez les cadavres contre le bastingage. Ils auront plus de mal à rejoindre notre pont et on pourra s'en servir d'abris de fortune pour tirer."

            Higgins déglutit. Réserver ce sort aux hommes morts lui semblait impensable. C'était très rationnel, pragmatique, dénué de sentiments. Mais les sentiments avaient-ils leur place sur un champ de bataille? Le pirate n'en savait trop rien. Les hommes s'exécutèrent néanmoins, remettant leur sort entre les mains de William. Ce dernier ne s’enorgueillissait pas de la situation. Il gardait la tête froide, tout concentré qu'il était sur la suite du combat à venir.

            "Les blessés qui peuvent encore tirer vont rester sur le pont. Je veux la moitié des meilleurs bretteurs en haut, les autres près de la bordée d'artillerie. On va les laisser venir et on va les prendre au dépourvu."

            Dante acquiesça silencieusement. Sariah ne restait pas en retrait. Elle était déjà sur le pont en train de guider les hommes, les préparant pour l'assaut. Le vieux pirate comme son compagnon étaient médusés par l'assurance qu'avait pris les deux intrus. Ils avaient pris possession du navire et de son équipage comme s'ils leurs étaient dû. Mais ils prouvaient leur valeur à chaque instant. Higgins avait plus de mal à avaler la pilule mais il se contentait d'obéir aux ordres. Il n'avait pas vraiment d'autre choix. Ferraille s'était imposé comme nouveau maître à bord.

            "Préparez-vous à l'abordage."

            La trajectoire des deux navires ne trompaient pas. Les mouettes bouillaient d'impatience de se répandre sur le navire pirate pour faire couler leur sang. William observait calmement la distance se réduire entre les deux bateaux. Les premiers mousquets ne tarderaient pas à claquer. Il se hissa dans les filets qui grimpaient le long d'un des mâts du navire alors que les figures de proue commençaient à se croiser, dans une sorte de salut guerrier. Les armes à feu retentirent et les soldats essayèrent de sauter au dessus des cadavres qui entravaient leurs mouvements!

            Musique d'ambiance:

            "A L'ASSAUT!!!!"

            Le cri de William résonna sur tout le pont et les flibustiers lui répondirent d'un écho concerté. Les lames s'entrechoquèrent, le sang commença à se répandre sur le plancher lustré du pont principal. Le jeune artilleur sauta de sa position sur les filets adverses, prenant l'initiative de la contre-attaque. Il se laissa tomber au milieu de quelques mouettes qui l'avaient suivi du regard. Il rentra à son tour dans la mêlée. Les coups pleuvaient et il tranchait dans la chair comme si'il avait toujours fait ça. Petit à petit, la fatigue commença à le griser. L'adrénaline prenait le relais, lui insufflant une énergie nouvelle. Sariah l'avait rejoint et ils combattaient aux côtés de quelques pirates téméraires qui les avaient imité. Le combat prenait place sur les deux ponts qui ne faisaient plus qu'un. Le soleil était brûlant et les corps s'échauffaient avec une violence particulière. Sa lame recouverte d'un sang poisseux, William se dirigea vers le château du bâtiment adverse. Le capitaine se tenait-là. L'artilleur reconnut les galons qui paraient l'épaule de l'officier subalterne. Un commandant. Probablement une figure montante dans son secteur, à juger de son jeune âge. Les deux hommes croisèrent le fer à mi-chemin de l'escalier. Les épées s'entrechoquèrent à plusieurs reprises et l'officier commença à faire reculer le jeune homme. Alors qu'il se lançait dans un puissant coup d'estoc, William se plaqua contre la balustrade pour le déstabiliser. Il en profita pour grimper sur le château et avoir un pied d'égalité avec son adversaire.

            "Tu n'es pas Jim Crow. Qui es-tu?"

            L'officier était remonté sur le pont de commandement à la suite de son adversaire. Il n'avait pas l'air si déstabilisé que ça par le changement de hiérarchie. Mais il semblait curieux. William en profitait pour observer la posture de son ennemi. Il semblait être à l'aise avec le combat en mer. Sa garde ne laissait pas entrevoir d'ouverture flagrante. Mais le jeune homme pouvait s'en tirer, il était certain de ça.

            "Ferraille. Ça devrait te suffire pour partir dans la tombe."

            "Je vois."

            Les deux hommes n'attendirent pas plus pour reprendre leur combat. Les lames volaient en tout sens, s'entrecroisant, déviant leur trajectoire. Les combattants cherchaient à mordre la chair de l'autre de leur acier chauffé par les combats.
              Les combats commençaient à perdre en intensité sur les navires entremêlés. Les pertes étaient élevées dans les deux camps. Si la rage avait emmené les deux équipages à se jeter l'un sur l'autre pour en découdre, une sorte de lucidité guerrière commençait à s'installer. Les deux camps se regroupaient, s'organisaient pour prendre l'avantage décisif qui manquait au combat. William savait que couper la tête du serpent pouvait démoraliser définitivement les mouettes. Et ça lui assurerait une main de fer sur les pirates. Ils s'étaient montrés particulièrement dociles jusque là mais la situation pouvait changer du tout au tout une fois la bataille achevée. Il ne tenait pas à être jeté à la mer pieds et poings liés. Sariah, après être remontée sur le navire des forbans, avait pris l'initiative de ce côté-là, en collaboration étroite avec Dante. Higgins se trouvait sur le pont du navire de la Marine, en train de mener les boucaniers qui avaient accompagné le jeune artilleur dans son assaut. L'officier ne fléchissait pas. Tout deux jouaient leur vie dans leur combat. Les sabres ne volaient plus. Ils restaient fixe un court instant avant de s’abattre méthodiquement.

              "William! Finis-en!"

              La jeune femme avait profité d'un temps de répit pour apostropher son compagnon. Celui-ci n'avait pas le temps de répondre. William essayait de faire le vide, de se concentrer sur l'affrontement qui prenait place. Ils avaient le même niveau de combat, seules leurs aptitudes différaient. Néanmoins, la fatigue commençait à sérieusement peser sur leurs corps respectifs. L'acide lactique commençait à se répandre dans leurs membres crispés sur la poignée de leur lames. Les coups décisifs ne se présentaient. C'était un concours d'endurance duquel le perdant ressortirait sans sa tête.

              "Ton nom, marin?"

              L'officier haussa un sourcil. Il ne s'était pas présenté à celui qu'il reconnaissait sous le nom de Ferraille. C'était une formalité absolument inutile. Mais cela permettait aux deux hommes de prendre un temps de répit avant de se lancer dans la mêlée à nouveau. Il en profita pour jeter un regard sur le reste du théâtre de guerre. William saisit l'opportunité pour détendre la tension dans ses bras. La coupure sur son poignet était superficielle, sans quoi il se serait vidé de son sang depuis le temps. La mouette finit par répondre.

              "Commandant Krent. Maxwell Krent."

              "Tu n'as pas reçu ces gallons pour rien, Krent."

              William accusait le contrecoup de la fatigue lui aussi. Il commençait sérieusement à manquer de souffle. Par chance, aucun autre combattant ne s'était immiscé dans leur combat. Le nombre de guerriers qui étaient morts en plein duel d'une balle dans la tête était faramineux. Le jeune homme ne tenait pas à rejoindre ces statistiques-là;

              "Comment est-ce que tu as pu passer au travers des radars avec cette maîtrise, Ferraille?"

              L'artilleur garda son sang-froid. Il n'était pas particulièrement doué pour le combat. Mais d'entre tous les combattants qui faisaient sonner leurs lames et claquer leurs mousquets sur les deux ponts, il faisait partie des rares capables d'affronter le commandant. Ses tactiques guerrières avaient permis de neutraliser un bâtiment adverse assez rapidement. Mais il ne se pensait pas plus remarquable qu'un autre. En fait, il s'en fichait totalement. Il choisit de rentrer dans le jeu de la mouette.

              "Parce qu'il n'y avait plus personne pour raconter mes aventures."

              "Ou pour te passer les fers."

              Krent s'élança à nouveau. Il remonta la lame de son sabre droit vers le ventre de l'artificier. William réagit en suivant son instinct et se positionna de profil. Il écrasa violemment le pied du marin de sa botte et lui asséna un coup de la garde de sa lame dans le visage. L'officier recula en se tenant le nez d'une main et Ferraille n'attendit pas. Il planta sa lame dans l'épaule de Maxwell. Au même moment, une sensation de froid intense envahit ses côtes. La mouette avait su garder la tête haute. Ce fut au tour de l'artilleur de reculer. Un frisson de peur parcourut subrepticement son dos. Il s'était habitué à risquer sa vie mais le tranchant de l'acier rappelait toujours au corps humain sa volonté profonde de survivre. Il faucha les jambes de l'officier et le força à se mettre à genoux. Ce dernier retira son sabre involontairement et une douleur fulgurante saisit de nouveau le jeune homme.

              "Crève, salopard!"

              Un marin avait réussi à traverser la mêlée et s'était rué sur William pour le prendre par surprise. Un tir de mousquet claqua et percuta le soldat dans l'épaule. Il faillit chanceler mais continua sa course. Ce fut la seconde balle qui l'arrêta, explosant l'arrière de sa boîte crânienne. Maxwell en avait profité pour se relever et malgré le sang qui coulait abondamment de sa propre blessure, s'était jeté sur l'artilleur pour le plaquer au sol. Il lui lança quelques coup de poing de son bras valide alors que l'artificier cherchait à atteindre l'arme du marin qui était tombée non loin de lui. Il la touchait du bout des doigts. Il put l'attraper quand l'officier voulut lui même sortir son pistolet de sa ceinture pour en finir avec son adversaire. William aggripa solidement le sabre d'abordage et le ramena rapidement vers le marin. Une détonation vrilla l'audition du jeune homme. Le temps qu'il se rende compte qu'il était toujours vivant, il remarqua qu'il avait plongé la lame au travers de la poitrine de Krent, perforant plusieurs de ses organes par le côté de sa cage thoracique. Il avait légèrement dévié le bras du soldat de la sorte, le faisant involontairement manquer sa cible. Il dégagea le cadavre et se releva péniblement, agrippant le col du commandant au passage. Se tenant la blessure ouverte sur son flanc, il marcha péniblement jusqu'à la rambarde qui cerclait le château du navire. Les affrontements s'étaient interrompus quand le coup de feu avait claqué. Tout le monde avait compris qu'il était parti là où les chefs combattaient. William parvint à faire basculer le corps par dessus la balustrade et les marins observèrent leur supérieur tomber avec un effroi mêlé de lassitude.

              "Lâchez vos armes. Vous avez perdu la bataille."

              L'effet psychologique ne se fit pas attendre. Les mouettes laissèrent tomber sabres et mousquets et se laissèrent attraper par les forbans. Des hurlements de joie crevèrent le ciel alors que les deux navires prenaient le large côte à côte. Sariah rejoignit William et l'aida à se retirer dans la cabine de feu le commandant Krent.
                Une trentaine seulement de pirate s'étaient répartis entre les deux navires. Ils avaient enfermé les marins dans les deux soutes pour éviter les soulèvements et avaient mis les voiles aussi vite qu'ils l'avaient pu. Il y avait beaucoup de morts, dans les deux camps. Ils voguaient aussi rapidement qu'ils le pouvaient vers une crique dont les forbans avaient le secret. Ils pourraient aviser plus tranquillement de la suite une fois qu'ils auraient mis le pied à terre. William se reposait dans la cabine du navire gouvernemental. Sariah s'était occupée de refermer la plaie béante et de bander sa blessure. Elle restait à son chevet, pour s'assurer de son état de santé. Le jeune homme restait là, les yeux ouverts, à fixer le plafond de la cabine. Il s'était ouvertement opposé à la Marine cette fois-ci. Il ne savait pas réellement où ça le mènerait. Dans un coin de son esprit, il se sentait capable de tellement plus que ce qu'il avait montré jusqu'à présent. Il voulait écumer les mers en recherche d'un sens à donner à sa vie. Il écraserait tout ceux qui voudraient l'écraser à son tour. Pour cela, il fallait que son simple nom résonne avant même que ses pas ne puissent être entendus. Il regarda sa compagne qui restait près de lui.

                "On va faire route à part, Will?"

                Elle savait très bien que prendre les rennes d'un équipage se révélerait risqué. D'autant qu'un navire encore chargé de soldats leur avait glissé entre les doigts. Ils allaient certainement rallier une base, revenir avec des renforts, tirer des conclusions. Les forbans seraient recherchés avec plus d'ardeur sur cette mer-là. Mais même si le jeune homme avait conscience de tout cela, il en avait assez de courir en tout sens sans jamais prendre le temps de temporiser.

                "Non, on va rester avec eux pour un petit morceau de route. Je crois qu'on a gagné leur confiance."

                "Tu en es sûr?"

                Non, pas réellement. C'était trop simple que de débarquer à l'improviste et de remporter une bataille. Certes, ils avaient fait leurs preuves. Mais le monde de la piraterie était cruel et plein de poignards plantés dans le dos des malheureux qui avaient cru bon se fier à leurs camarades. William attrapa la main de Sariah et lui fit un sourire.

                "Tant qu'on se protège l'un et l'autre, ça ira."

                La jeune femme esquissa un léger sourire à son tour. Les deux amants restèrent seuls un moment avant que Dante ne pousse la porte de la cabine. Le vieil homme arborait de nouvelles blessures qui viendraient rajouter aux nombreuses cicatrices sur son corps. Il s'arrêta quelques secondes en voyant les deux compagnons dans une sorte de communion et se racla la gorge pour s'annoncer.

                "Dante?"

                "J'ai parlé avec Higgins, William."

                Le jeune homme eut un tic en entendant son véritable nom sortir de la bouche du pirate. Tout le monde avait pu entendre Sariah le crier pendant l'affrontement. La jeune femme sembla aussi étonnée que lui, avant de se rappeler sa mégarde. L'artilleur haussa les épaules en s'asseyant sur le bord de son lit.

                "Tu nous as sorti du pétrin mais on plus de capitaine. Perks c'était le second, il est mort aussi. Higgins pourrait reprendre le flambeau mais il a pas ça dans le sang, c'est lui-même qui le dit. Et moi, ça ne m'intéresse pas. Alors on va faire une escale dans notre repaire et quand on repartira, on se séparera une bonne fois pour toutes."

                "Pas la peine, Dante."

                Le jeune homme s'était redressé en grimaçant et se dirigea vers le vieil homme, posant une main sur son épaule. Il lui jeta un regard plein de détermination et jeta un coup de tête vers une table où ils pourraient s'asseoir tout les trois. Ils n'attendirent pas plus longtemps.

                "Laisse moi te raconter d'où je viens et tu pourras me dire si tu me veux comme capitaine. Je ne te demande pas ta confian.."

                "Pour ce qui est de moi, tu l'as Ferraille. Mais je peux pas parler pour les autres."

                "Alors laisse moi tout te raconter."

                Ils passèrent une bonne heure à écouter le récit de William. Celui-ci n’omit aucune partie des évènements qui s'étaient enchaînés. La capture par Copa, le naufrage du navire de la Marine, la dérive sur l'océan, l'égarement dans les tunnels de la Flaque, le soulèvement contre les Rats... Autant d’événements qui avaient forgé le caractère du jeune homme pour l'emmener jusqu'à cet instant précis. Dante avait entendu de nombreuses histoires mais celle de l'artificier le laissait pantois. Il se releva et s'appuya contre sa chaise de ses deux mains.

                "Bah putain.."

                "Comme tu dis, Dante. J'en ai marre de me faire ballotter d'un côté et de l'autre de l'océan, au gré de la moindre crasse qui me tombera dessus. Si je reprends cet équipage en main, on en fera de grandes choses. Même avec trente va-nu-pieds amochés."

                Dante acquiesça sans hésiter. Il commença à se diriger vers la porte, un léger sourire flottant sur les lèvres. Il se retourna avant de sortir de la cabine, lançant quelques mots à l'adresse du jeune homme avant de sortir pour de bon.

                "Je vais rencarder Higgins et on va réunir les hommes sur le pont."

                Il laissa les deux amants seuls à nouveau. William fouilla rapidement dans les placards du commandant. Au milieu des affaires, il tomba sur une trouvaille intéressante. Une espèce d'armure, de bonne facture. Sariah l'examina avant de tirer ses conclusions.

                "J'en ai déjà vu des pareilles sur Alba. Krent devait venir de là-bas. Ce genre de choses, ça se transmet dans la famille."

                Sans attendre, le nouveau flibustier enfila la tenue guerrière. Une côte de maille plutôt légère, assortie d'un pantalon matelassé et de gantelets protégés de légères plaques de fer qui laissaient les doigts filer nus aux extrémités. Sariah le siffla en lui faisant un sourire. William sortit à son tour de la cabine, non sans peine. Les hommes commençaient déjà à se rassembler. Il décida de grimper sur le château alors que les navires ralentissaient, pour permettre une bonne communication entre les deux ponts. Dante et Higgins apparurent alors, chacun sur un des deux navires, et firent un signe de tête au jeune homme. L'artilleur s'éclaircit la voix d'un raclement de gorge.
                  "Votre capitaine est mort et personne ne semble vouloir prendre la relève par ici. Vous avez perdu beaucoup de camarades aujourd'hui. Le prix de la victoire a été coûteux."

                  William commença son discours par des phrases aussi convenues qu'il le pouvait. Certains hommes commençaient déjà à hocher la tête, tandis que les autres attendaient patiemment la suite. Tout le monde se doutait plus ou moins de la teneur du message qui viendrait.

                  "Moi, je prends la relève. Je vous ai vu vous battre. Il y a encore une semaine, j'avais des fers aux mains et je ne me voyais pas sorti de l'enfer. Mais j'en suis ressorti plus fort que je ne l'aurais cru. J'ai vaincu, hier comme aujourd'hui. L'armure que je porte, c'est celle que j'ai prise à notre ennemi. Ce n'est pas le hasard qui m'a emmené à me tenir sur ce pont."

                  Mensonge éhonté, mais il fallait vendre du rêve aux subalternes. Ils étaient d'autant plus réceptifs qu'ils avaient cruellement besoin de se rattacher à quelque chose dans le chaos qui s'était abbatu sur eux. William prit un petit temps de pause, jeta un regard sur le visage de nombre des bougres qui l'écoutaient. Il avait déjà capté leur attention.

                  "Vous ne me connaissez pas mais vous avez vu ce dont je suis capable."

                  Quelques hommes crièrent des affirmations, commençant à être réellement convaincus par l'idée qui n'avait pas encore été émise par le jeune homme. Dante et Higgins avaient dû lui mâcher le travail.

                  "Nous pourrions chacun faire route à part. Mais je sens qu'avec des diables comme vous, nous pourrions marcher ensemble vers un avenir de gloire et de richesses. Nous pourrions marquer l'histoire de notre nom."

                  D'autres cris, quelques sifflements. Sariah eut un sourire satisfait alors qu'elle se tenait en retrait vis-à-vis de son compagnon. Dante lui fit un hochement de tête et Higgins s'accouda au bastingage avec nonchalance, un sourire moqueur sur les lèvres. William haussa le ton de sa voix. Il n'avait aucune idée du nom qu'avait pu prendre l'équipage pirate auparavant. Mais il avait déjà sa propre idée sur le nom qu'il brandirait dorénavant.

                  "Nous sommes autant recouverts de poussière que de sang aujourd'hui. Alors, laissez-moi vous guider pour hisser le pavillon des Poudres Rouges. Et laissez moi, Ferraille, prendre la place de capitaine. Je serai le premier matelot de l'équipage, le premier à endurer vos souffrances, à prendre les risques pour paver notre voie de succès!"

                  Des cris d'enthousiasme sortirent de toutes les bouches. Assez rapidement, deux expressions commencèrent à se détacher des bouches des pirates:

                  "Ferraille! Ferraille!"

                  "Poudre Rouge! Poudre Rouge!"

                  William eut un sourire satisfait. Le travail ne faisait que commencer pour lui. L'euphorie commença à doucement retomber et les marins retournèrent à leur travaux. Le quatuor se forma de nouveau. Higgins fut le premier à prendre la parole.

                  "On fait quoi maintenant, Ferraille?"

                  "On envoie un message. Il nous faut de la visibilité là où on va."

                  "Et on va où exactement?"

                  "Grand Line."

                  Le mot percuta les oreilles des forbans aussi sourdement que l'aurais fait une masse. Grand Line c'était la cour des grands, la "Route de tout les Périls." Mais c'était aussi là-bas qu'ils auraient le plus de chance de tirer profit de leurs activités. William visait grand, peu importe les risques que cela impliquait pour le moment. Il n'était pas vraiment sûr de savoir pourquoi, mais s'il devait trouver un sens à donner à ses actions, il aurait certainement plus de chances de le trouve là-bas. Dante prit la parole à son tour.

                  "J'imagine que tu ne comptes pas foncer directement là-bas. Tu as un plan en tête?"

                  "On va restaurer nos ressources. J'ai réussi à voler une sacrée quantité d'argent dans les tunnels de la Flaque. On va retaper le navire ou même s'en racheter un neuf et ensuite on pourra y aller. Mais on va commencer par quelque chose de beaucoup plus simple. Amenez les soldats en captivité sur le pont."

                  Les deux hommes acquiescèrent et allèrent chercher les soldats dans leurs cellules. Ils les amassèrent sur le pont, sous bonne garde des flibustiers; Presque tous avaient un air résigné, empreint d'une certaine colère, latente. Ils étaient vingt-sept au total. Sariah présagea ce qui allait se passer quand William s'inclina devant le premier d'entre-eux.

                  "Celui-là, il va nous servir d'appât."

                  Le jeune homme attrapa le soldat, pas beaucoup plus vieux que lui, et le plaça en face de ses camarades. Puis il lui tourna le dos et avisa ses camarades. Il interrogea le premier, dégainant sa lame.

                  "La trahison ou la mort?"

                  La mouette ne se démonta pas et ne donna pas de réponse. Même si son cœur se cramponnait à sa poitrine, William se devait bien d'être pragmatique. C'était comme ça que les choses fonctionnaient. Il ne pouvait garder des captifs qui essayeraient de leur mettre à l'envers à la première occasion. Il plongea sa lame dans le corps du malheureux. Sariah ne détourna pas le regard. Elle était bien consciente de l'importance de la chose. Le suivant décida d'imiter son camarade. Néanmoins, à mesure que les hommes tombaient les uns après les autres, leurs compagnons revoyaient leurs positions. Au cinquième mort, certains commencèrent à choisir la trahison. Ils subissaient immédiatement l'opprobre de ceux qui ne trahiraient pas. Treize nouvelles recrues rejoignirent ainsi les Poudres Rouges. Le jeune homme se tourna alors vers celui qu'il avait mis de côté et se pencha à son oreille.

                  "Raconte leur tout sur Ferraille et la manière dont il a assassiné un officier et exécuté ses hommes. Raconte leur comment il a vaincu deux navires avec les Poudres Rouges. Fais résonner notre nom entre les murs de ta base."

                  William avait reconnu la position dans la hiérarchie du marin qu'il avait isolé. C'était le dernier supérieur hiérarchique en vie. Et il avait le regard d'un fanatique possédé. Le jeune homme ne douta pas qu'il allait faire exactement ce qu'il lui avait dit, sans qu'il ait besoin de le menacer. Le bougre l'aurait même fait spontanément. On l'embarqua sur une barque avec des vivres suffisantes pour deux hommes et on le laissa s'éloigner du navire. William termina sa journée et se coucha avec sa compagne, un pincement au cœur. Il restait humain malgré tout cela. Il pouvait écraser ses ennemis sans remords, mais tuer des innocents restait quelque chose d'éprouvant. C'était dorénavant une des choses qui paverait son chemin néanmoins. Il se jura de limiter ces actions-là. De ne nuire qu'à ceux qui le méritaient vraiment. Sariah l'observa avec une sorte de pitié. Elle avait noué des sentiments forts pour William. Mais sa descente dans les affres de la souffrance était triste à voir. Ça la distrayait au moins de la mort de sa fille. Ils s'endormirent tout les deux, se portant un réconfort mutuel.