Dura lex sed lex.
La cité se dressait face à lui, majestueuse et immaculée. Pourtant, une fois passé les murailles, les murs blancs s’alignaient en de crasseuses allées infestées par les mendiants et les nécessiteux. Quelques hommes se déplaçaient sur le dos d’animaux que l’assassin n’avait jamais vu auparavant, il se dégageait de cet endroit une atmosphère malsaine où la misère régnait en maîtresse. Au centre, cependant, un dôme entouré de quatre tours immenses surplombait l’endroit, laissant croire aux invités de la cité blanche que la richesse et la puissance de cette antique ville n’était pas amoindrie par le temps mais plus on s’avançait dans les rues, plus les contrastes étaient éloquents. Certains semblaient se répandre en bijoux et fioriture étalant de manière éhontée leurs biens tandis que la majorité réclamait pitié. Rafaelo resserra sa cape autour de lui, glissa sa bourse à l’intérieur de sa tunique puis il s’engouffra à l’aventure de cet endroit ésotérique, aussi magnifique de l’extérieur que repoussant dans son intimité. Il évitait sans sourciller les imposants pachydermes gris aux nez démesurés dont les pas faisaient trembler le sol, faisant fi des serviteurs à la peau noire qui servaient leur maître, enchaînés. Cette vue d’esclavage révulsa l’assassin mais il ne pouvait pour l’heure pas se préoccuper de cela. Il avait plus important à faire pour l’heure et quand bien même il voudrait s’attaquer à cet endroit, il lui faudrait en saisir les moindres mécanismes afin d’en devenir le grain de sable qui ferait sauter leur roue implacable de tyrannie hors de son ornière. De même, il marcha aux côtés de créatures velues semblables aux chevaux mais se déplaçant nonchalamment avec leurs bosses sur le dos, une ou deux, cela variait. Quelle faune extraordinaire. Il y avait en plus de cela de très nombreux étalages, maintenant qu’il s’enfonçait dans la cité, et les marchands vendaient les miracles de leur marchandise, dont Rafaelo ne faisait pas grand cas. Il s’agissait pour la plupart d’attrape-nigauds, mais les nourritures présentées paraissaient pour la plupart saines et différaient largement de ce qu’il avait pu apercevoir dans d’autres lieux. Là où ces denrées étaient rares, il se trouvait qu’ici, elles étaient abondantes, Grand Line était assurément un merveilleux endroit, mais il s’était attendu à trouver des populations indigènes ou fortement développées, non pas des cités aussi décadentes se repaissant dans leurs propres déchets. L’idée qu’une civilisation aussi différente et apparemment complexe se soit ainsi laissée aller lui fit l’effet d’un pincement au cœur. Il n’y avait là aucune autorité saine et réglementée. Il ne voyait que de minables règlements de compte et abus de pouvoir en tout genre. Un homme armé d’un énorme cimeterre venait de piller un étalage sous prétexte qu’il était de la garde. L’assassin détourna les yeux et serra les poings. Non, il n’était pas là pour cela. Mais cette vision lui raffermit sa volonté, il ne laisserait pas le monde sombrer ainsi. Il savait que Whisky Peaks était dirigée par de nombreuses organisations indépendantes et donc que cet endroit devait être sous la coupe d’un dirigeant malhonnête. De ce fait, il ne valait pas mieux que la majorité des Marines qui profitaient de leur position et asseyaient leur pouvoir à coup de corruption et de propagande pour mieux dominer les peuples. Celui-ci n’aurait besoin que d’une étincelle pour s’enflammer, mais il ne servait à rien de mettre le feu aux poudres s’il n’était pas là pour assurer leur survie après. Ils auraient besoin d’un leader et la Révolution pourrait peut être leur assurer cela, mais pas un assassin solitaire en recherche de justice.
Retrouver la trace du marchand ne fut pas aisé, tant les bonimenteurs étaient nombreux en cette cité, à tel point que Rafaelo se retrouva à les menacer pour la plupart afin d’obtenir ce qu’il cherchait. Bien évidemment, cet homme était passé dans cette ville il y avait quelques mois et il y avait accumulé tant de dettes et d’ennemis qu’il avait préféré faire profil bas pendant un bon moment. Cependant, contrairement à ce qu’il aurait pu pensé, les entrées et sorties de cette cité étaient passées au peigne fin et il était quasiment impossible de s’enfuir sans avoir affaire à la garde. De ce fait, il était très improbable qu’il se soit enfui avec sa cargaison, mais il restait encore à en être sûr car les descriptions servies pouvaient très bien ne pas correspondre à l’homme qu’il cherchait forcément. On lui avait suggéré de se rendre à Whisky Peaks à la recherche d’un marchand qui transportait des fruits bien étranges, et ce même pour des contrées similaires à celle-ci. C’était donc par là qu’il avait commencé ses recherches, et il était tombé sur un nombre incroyable de receleurs qui prétendaient vendre des fruits du démon. La plupart étaient maquillés comme tels et n’étaient que diverses denrées ésotériques venant de contrées lointaines. Ce n’étaient en rien les objets incroyables que l’assassin avait déjà pu voir passer entre ses mains, tel le fruit que Césare avait ingéré. Il se rabattit alors sur les informations qu’il avait réussi à obtenir en faisant preuve de violence. Dans le lot, il avait menacé un marchand de le jeter du haut d’un toit, le retenant par sa tunique avant que celui-ci ne finisse par avouer qu’il connaissait un véritable vendeur de fruits du démon mais qu’il ne l’avait pas aperçu depuis des lustres mais qu’il connaissait la dernière personne avec qui il avait affaire. Et ainsi, de fil en aiguille, Rafaelo avait fini par remonter la piste jusqu’à une pitoyable cabane où celui qu’il cherchait était supposé se trouver, en ayant accumulé une dizaine de menaces de mort à lui transmettre. Il s’était rapidement pris au jeu de la cité et avait compris qu’on obtenait les choses que de deux manières ici : la force ou la corruption. C’en était déplorable, mais la fin justifiait les moyens. Ainsi, il profita du couvert de la nuit pour aborder la cache de l’homme qu’il poursuivait, tout en s’assurant ne pas être suivi. Il avait mis pas moins de quatre jours pour retrouver sa trace et il commençait à être agacé de devoir supporter le sable et la chaleur, alors il espérait de tout cœur ne pas avoir fait tout cela pour rien, et ne trouver qu’un cadavre putrescent.
Il ouvrit discrètement la porte avec la pointe de sa dague, relevant le battant d’un geste sec. Jetant un œil en l’air, il aperçu une corde tendue, probablement un piège. L’assassin suivit le tracé de celui-ci puis avisa un système de contrepoids non loin de lui. D’un geste précis, il sectionna un des contre poids et la corde se relâcha. Un léger cliquetis lui apprit que le piège était certainement désamorcé à présent. Une version simpliste qui devait très certainement éjecter quelques flèches empoisonnées ou des flèches acérées en guise d’intrusion. Cet homme craignait pour sa vie, apparemment. Ceci gonfla le cœur de l’assassin d’espoir, peut être était-ce le bon, du coup ! Il se glissa par l’ouverture, enjambant une nouvelle corde et se propulsa au centre de la pièce d’un bond. Il se réceptionna sans bruit et fit glisser une lame dans ses mains. Une odeur acre emplissait la pièce. Il se retourna et vit un bocal rempli d’un étrange liquide vert au dessus de la porte, d’où une légère fumée verdâtre sortaient. À en voir les marques laissées sur l’encadrement, il s’agissait là d’un puissant acide. La légère lumière qui filtrait à travers la porte lui permis d’observer un ensemble complexe de câbles et fioles en tout genre, ainsi que de nombreuses fléchettes. Il fallait être un acrobate hors pair pour esquiver tout cela sans y laisser la vie ! Heureusement pour lui, il faisait partie de cette catégorie. La pièce était emplie de pièges en tout genre, et Rafaelo supposait qu’il ne s’agissait là que de la face visible de la chose. De nombreuses rainures dans les plafonds et les murs, des caches potentielles … et cinq portes. Toutes piégées, à l’évidence. À première vue, il était impossible de désamorcer tous ces pièges à la main, et il la plupart étaient certainement prévus comme tels. Ainsi, il n’y avait qu’une seule logique à la chose : l’homme s’était dégagé un chemin particulier dans la pièce afin d’aller et venir sans danger. Certains de ces pièges ne devaient être que des artifices destinés à tromper l’œil, assurément. Le piège de la porte était désamorçable, à l’inverse des autres, ce qui justifiait son hypothèse : pourquoi se maintenir cloitré dans une telle demeure ? Ce marchand était certainement bien tracassé pour se protéger ainsi. De plus, à en voir par les diverses traces de sang et autres, Rafaelo n’était pas le premier à entrer en ces lieux. Il fit glisser ses deux lames secrètes hors de leur gaine puis se prépara à se frotter aux mortels mécanismes lorsqu’un étrange bruit se fit entendre, provenant de la troisième porte apparemment piégée. L’assassin avait été particulièrement discret dans son entrée, donc il se pouvait que sa cible ne se doute pas de son arrivée … sauf si elle se préparait à sa visite. Il se ramassa sur lui-même puis observa attentivement la porte. Il était à présent sûr que quelqu’un avait bougé derrière celle-ci, quelqu’un qui s’était à présent arrêté. Cerné par les pièges comme il l’était il ne pouvait en aucun cas se laisser dépasser, ni même déborder. Il n’avait aucune marge de manœuvre, il lui faudrait donc jouer de finesse et se débrouiller dans cette difficile situation. Il inspira longuement avant de rengainer ses deux lames dans un chuintement imperceptible. Il écarta les deux mains, dans un geste pacifique et se risqua à prendre la parole, tentant le tout pour le tout.
« Je ne vous veux aucun mal. Je suis venu des blues pour vous rencontrer, soyez clément et laissez moi au moins une chance de vous expliquer la raison de ma venue. » tenta-t-il, d’un ton assuré qui cachait à merveille son évidente détresse.
Dernière édition par Rafaelo Di Auditore le Lun 19 Sep 2011 - 22:58, édité 1 fois