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3 sesterces le poisson, moins cher qu'à Rome

Rappel du premier message :





Et bien, mon pauvre Alma, te voici dans de beaux draps maintenant. La seule chose à peu près positive, c’est que je suis aux côté de ma douce, que je pourrais séduire sans compter les jours. Comprenant rapidement que je suis avec des criminels, il se peut que les jours soient finalement comptés. Oui, parce qu’on vient de loin, là. Il y a quelques jours, nous étions dans une arène de laquelle on s’est échappé grâce à une foutue montgolfière.

Depuis ce jour, nous naviguons - ou disons plus précisément que nous suivons le courant marin, dans l’espoir t’atteindre une île. Nous n’avons ni navigateur, ni… que dalle en fait. Pas de cuisinier, pas de navigateur, que des types bons pour la vigie. Ah ! Il y a un formidable charpentier : moi. J’ai rapidement rafistolé le vieux radeau sur lequel nous sommes. Au-delà de ça, on pêche, on cuisine tant bien que mal. Léa et Eärendil sont celles qui se démènent le plus pour le pseudo équipage.

Le jeune Nicholas, à la vigie, prend son rôle très à coeur. Il en faut des jeunes motivés. Le pire de tous, c’est celui qui nous sert de capitaine. Vous voyez le genre, le grand tyran qui n’en fout pas une et qui laisse ses subordonnés agir pour lui. Si ça ne tenait qu’à moi, je lui foutrai quelques coups de pied au cul, mais je repense rapidement à son combat face à l’autre fou de l’arène. Aussi branleur soit-il, c’est un dur à cuir. Le genre que l’on préfère avoir de son côté.

- Oh ! Les gars ! Terre en vue ! dit le petit Nicholas.

Il est impressionnant de voir le soulagement de tous. En même temps, faut dire que l’on y croyait plus tellement. Le voyage paraissait interminable. J’ai même pensé faire ma déclaration ici, à ma douce, et ce avant de périr comme une grosse merde. Mais j’ai bien fait de me retenir, la terre ferme se rapproche au fil des minutes. Alors que j’étais constamment sur le quai vive, j’admets me sentir soulagé à présent. Un toit où dormir, bouffer quelque chose d’à peu près bon… Je bave.

Mais à l’odeur qui nous accueille, nous comprenons bien rapidement que c’est une ville pêcheur. Nous comprenons également que nos repas seront essentiellement constitués de poisson. Je songe réellement à me laisser mourir de faim. À peine arrivé, même pas le temps de jeter l’encre, que j’ai une envie folle de me tirer. Je prends sur moi et ne dis rien. On ne sait jamais ce qu’on peut trouver sur la terre ferme.

La ville semble assez sympathique et paisible. Exactement ce qu’il me fallait. Je souffle discrètement de soulagement. Pas de folles aventures, seulement du repos bien mérité. Je sursaute à la pose d’une main sur mon épaule. Je me retourne brusquement mais… ce n’est que la jolie blonde qui m’accompagne depuis Réthalia. Elle souhaite simplement prendre de mes nouvelles. Il est vrai que nous avons passé peu de temps ensemble. Puis elle s’est liée d’amitié avec Léa à force de bosser ensemble.

Mais un détail m’interpelle. Comment allons-nous vivre sans argent ? Partir à l’aventure c’est cool, sauf que sans thune, c’est compliqué. Ma réflexion faite, le temps que l’on amarra la navire, je me dirige aussitôt vers Riko qui ne semble définitivement pas se poser plus de questions que ça. D’un air déterminé, je me retrouve face à lui, tapant du pied en signe d’impatience. Pour sa défense, nous n’avions pas d’autre choix que de se tirer de Réthalia après le bordel provoqué. J’espérais néanmoins qu’il ait réfléchi à un plan entre temps.

- Dis-moi, canard-boiteux, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Nous sommes une dizaine de salopards, sans argent, sans navigateur, sans cuistot… J’ai quelques économies mais ça part relativement vite. On doit tous être dans ce cas de figure. Et tu sais quoi, j’accepte tous les plans foireux pour me remplir les poches.

Légalement, je construirai ou réparerai des navires. Je dois devenir riche le plus rapidement possible. Loin d’être le plus courageux, ni même le plus inconscient, mais je suis prêt à me salir les mains pour m’assurer un avenir joyeux. Néanmoins, mes pensées sont vite balayées par cette mauvaise impression que j’ai de cette ville. C’est trop calme. Pas mal de sans-abris, beaucoup de pêcheurs, un commerce qui semble être très fructueux… Je n’affirme absolument rien. Nous venons tout juste d’arriver et je n’ai absolument rien vu.  


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Tout entrepôt, même plus minable, possède au moins deux issus. Mais que sais-je ce que j’allais bien pouvoir y trouver. Avant même d’arriver à l’arrière, j’entendais du bruit qui venait justement de l’arrière. Ça craint un peu, non ? Quoi qu’il en soit, en prenant bien soin de retirer mon bob et de coiffer mes cheveux pour éviter tout dépassement, je passe légèrement la tête à l’angle pour voir de quoi il s’agit. Des charrettes contenant de grandes caisses, stationnées devant la grande porte, entourées de bandits qui les déchargent. Je ne vais certainement pas prendre le risque de me retrouver au milieu de tous ces sauvages alors que notre de puissance de frappe se trouve de l’autre côté. D’ailleurs, assez rapidement, les types sont appelés par d’autres types vers l’intérieur. Il s’agissait d’une alerte. Mes camarades passent enfin à l’action. Tous, passèrent de l’autre pour probablement en découdre, sauf un qui restait à faire la sale besogne. Évidemment, je compte bien l’aborder le plus gentiment possible. Il est tellement concentré dans sa tâche qu’il ne me voit même pas arriver. Et quand il m’aperçoit, c’est déjà trop tard.

- Hop là ! Mains en l’air, dis-je d'un air nonchalant en pointant le bout de ma canne sur sa tête.
- Si vous ne partez pas, je hurle et toute ma bande va débarquer, répond le jeune truand.
- Peut-être. Mais tu seras mort. Si tu ne dis rien, tu vivras encore longtemps. À toi d'voir, gamin.

Il semblait réfléchir quelques instants puis finalement par approuver.

- Que voulez-vous ?
- Simplement que tu m’indiques où est-ce que vous avez planqué une blonde avec une grande gueule.
- Qui ne s’arrête jamais de la ramener et qui hurle le nom d’un certain « Rik » ?
- On parle bien de la même personne.
- Je crois que le maître souhaitez la remettre en liberté. Trop chiante à son goût.
- Ça n’m’étonne qu’à moitié. Pour tout te dire, j’sais même pas pourquoi j’suis là à la récupérer.

Et réellement. On aurait la paix sans elle, mais non. Comment le justifier aux enfants et aux autres ? Bref. La question n’était pas là puisque le jeune homme, plus que moi encore, m’emmène sans trop opposer de résistance. Cela semble même être une libération. Nous descendons dans un espace de local souterrain, en empruntant des escaliers sombres, humides et assez froid. Plus on descend et plus on l’entend geindre de toutes ses forces. Je reconnais bien sa voix. Je pourrais la reconnaître parmi mille et une voix de femmes, et non parce que je l’aime, mais bien parce qu’elle me hante sans arrêt. Elle nous hante tous à bord. Même le jeune homme s’agaçait déjà à l’entendre. Je suis intimement convaincu qu’elle n’était pas confinée ici au départ mais qu’il n’eut d’autre choix que de la foutre dans ce trou à rats pour avoir la paix. Nous voici, après avoir descendu tout ces ces marches, en face de ce monstre qui n’est autre que Mélinda. Son visage s’apaise en me voyant.

- Aaaaaah mon p’tit Alma ! Tu tombes bien ! Détaches-moi que je m’occupe de ce connard de Rik qui m’a abandonné !

Je sentais qu’il s’agissait d’une histoire de ce genre. Je me retourne vers le jeune homme qui attendait probablement que je le remercie, mais il se prend seulement un coup de canne en pleine tronche en guise de remerciement. KO sur le coup. Je coupe ensuite les liens qui tenaient Mélinda prisonnière et elle me saute immédiatement dessus.

- Allons, allons… J’ai compris que t’étais contente, dis-je en tentant de la repousser.
- Où est Rik ?!
- Allons, allons, Mélinda. Calme-toi. J’ai d’autres projets pour nous. Tu sais monter à cheval ?

Un léger sourire se dessine tout à coup sur mon visage.




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On se sépare. Blondin prend l'entrée des artistes pendant que la recrue et moi, on lance les festivités en mode frontal. Ça devrait pas être pour lui déplaire, quant à moi, je suis pas mécontent de le garder à l'œil pendant l'échauffourée. Je vais pouvoir vérifier si ses belles intentions de non violence seront relayées en actes. Autant dire que je vais pas me fouler. Déjà, j'ai des crampes d'estomac, quelque chose de solide, mais en plus là, j'ai une excuse en béton pour y aller molo.

Je ferai ma part du boulot, histoire notamment de me réserver quelques scènes classes. C'est toujours fun de casser du matos et de distribuer des parpaings. L'idée est de concentrer un maximum l'attention de nos ennemis sur nous, de faire un plein barouf pour occuper les gredins du repaire et dégager la voie à l'ami Alma qui avait si diligemment toqué un peu plus tôt avant de s'éclipser. Et être le centre de l'attention, je fais ça bien.

Ça ne prend pas vingt secondes aux malandrins pour réagir. Vu le contingent, il ne doit pas en rester des masses en repli. La science martiale des plus illustres maîtres de guerre. Bien sûr, y'en aura bien dans le lot des un peu moins maladroits, des un peu plus résistants que la moyenne. Mais quand on en est arrivé à mon niveau sur les Blues, on craint plus grand monde, en vérité. C'est pour ça aussi, que j'aime bien ces océans. C'est paisible, ça ressemble à une cour de récréation géante. On tombe jamais sur un Contre-Amiral ou un Schichibukai au détour d'une escapade friponne pour vous flanquer la tannée de votre vie. Oui, la vie de pirate, pour peu qu'on s'accorde à pas saucissonner à tour de bras, dans ces coins sans enjeu mondial, c'est du gâteau. Le tout, c'est de garder le statut de menu fretin aux yeux des puissants du monde et de tout faire pour cultiver leur désintérêt.


Allez en piste, votre Seigneurie! que je raille en cognant mes poings l'un contre l'autre.

Faudra qu'il m'explique cette histoire de Prince, d'ailleurs. Il m'a pas été donné de fréquenter beaucoup de gens de la haute, encore moins de lignée royale - y'aurait bien eu cette Princesse farouche qu'aimait se rouler dans la paille, une fois, mais je suis presque sûr que c'était du pipeau - et il a pas exactement la dégaine que je m'imagine d'un noble.

M'en vais pas lui servir tout le décorum, l'a pas l'air trop à cheval sur l'étiquette de toute façon.

En attendant, je commence à lancer mollement quelques crochets, de ci, de là, qui mettent les bougres sur le reculoir. De temps en temps, un salto à titre d'esquive tout en vista. Un bourre-pif qui me vise et que j'envoie dans les gencives de son voisin de droite. Un poignet que je tords et la matraque se retourne contre son propriétaire. J'y vais zen. Je lorgne du coin de l'œil sur mon binôme. Subtil, n'est-ce pas ?

Et rapidement, on met hors d'état de nuire une grosse moitié de ces balourds, suffisant pour calmer les ardeurs des derniers candidats valides à la baston.


Bon, c'est pas qu'on s'ennuie, mais presque ? Ils sont où les costauds ?

Pour faire écho à mes propos, trois drôles de loustics hauts comme deux hommes, vêtus tels des mousquetaires, apparaissent sur le pas de la porte. Sauf que, à y regarder de plus près. Les trois loustics ne sont qu'un! Trois têtes. Deux bras. Un torse. En voilà une drôle de machine.

Spoiler:

C'est le moment de montrer ce que tu vaux amigo !


    Nous montons les escaliers, commençant enfin à revoir quelques lueurs du jour, pour le plus grand bien de Mélinda qui en avait plus que marre. Mais sur notre chemin, voilà deux types qui croisent notre chemin. Rik et Moka sont si nazes que ça ? Pour les avoir tous deux vus à l’oeuvre, je n’y crois pas une seconde. Alors que font ces types ici ?

    - T’es qui toi ? Rends-nous la fille ! On doit impérativement la ramener aux types énervés !

    C’est bien ce qu’il me semblait. Mes compères sont si effrayants que leur seule chance de survie et de nous rendre Mélinda.

    - Ah ? C’est justement ce que j’allais faire, dis-je en continuant d’avancer en tenant Mélinda par la main.

    Je crois percevoir des soupirs de soulagement. À tel point qu’ils me tournent le dos pour reprendre la marche vers la sortie.

    - Messieurs, désolé, mais j’ai d’autres projets en tête.

    Je fauche le premier en le laissant glisser dans les marches, Mélinda se charge de lui faire descendre le reste en « tout délicatesse ». Le second, surprit, se retourne sans réellement comprendre ce qu’il se passe. C’est malheureux pour lui car je le balaye à son tour avec ma tête, sa tête frappe violemment une marche et le rend inconscient. J’ai vachement mal pour lui mais ça fait parti du métier. Une fois remontés, nous entendons des hurlements, des fracas, en bref, des tas de sonorités qui me rappellent de douces festivités. J’attrape la main de la blonde et la traine à toute vitesse vers la sortie où les chevaux sont encore présents avec les cargaisons.

    - Très simple, ma jolie, on prend une charrette chacun et on se dirige vers le bateau. On y va d’une seule traite, et surtout, surtout, on se suit de près. Capiche ?

    La voici qu’elle me regarde d’un air saoulé.

    - Tu m’prends vraiment pour une demeurée, connard.
    - Eh… Non, non. Calme-toi, Mél’.

    En réalité, si.

    - J’ai juste tendance à m’exciter quand je suis stressé.. Héhé... C'est tout.

    Mes talents d'acteur sont épouvantables. Je m’en sors malgré tout tant bien que mal. Je ne suis pas totalement sûr qu’elle soit entièrement convaincue par ma réponse, mais je me contenterai de sa simple approbation. Allez, hop ! On démarre à toute vitesse. Les cheveux tiennent le rythme pour l’instant. Le but est de quitter cette zone le plus rapidement possible. Nous ralentirons la cadence une fois hors de portée. D’autant plus que la marine pourrait nous voir comme des suspects à débouler en trombe dans la ville. En passant l’arrière et en contournant le hangar, nous passons non loin de la bande de Rik, encore en train de s’amuser. Je ne daigne même pas leur adresser, cette situation me désespère. Je garde néanmoins un regard attentif sur l’ex-otage qui serait capable de ruer sur celui qu’elle estime coupable de sa capture. Elle me regarde à son tour et comprit qu’elle aurait droit de lui faire sa fête un peu plus tard. Après tout, comme je le pensais après m’être battu aux côtés de notre capitaine, il y a vraiment peu de choses qui peuvent l’atteindre dans ces mers bleues. D’autant plus que notre frappe a relativement augmenté avec l’apparition d’un Moka affamé.

    - Encore un peu et tu seras de retour auprès des tiens, Mél’, dis-je en esquissant un sourire.


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    Ce monde est truffé d'individus singuliers. J'ai roulé ma bosse dans bien des coins et recoins, c'est la première fois que je vois un gaillard qui se conjugue au pluriel. Avec ses trois têtes, il trouve une place toute méritée dans la liste des asticots les plus étranges que j'ai rencontrés.

    Pour autant, trois têtes, est-ce vraiment un avantage ? Quand on n'a qu'un torse et deux bras malgré tout, la puissance de frappe ne s'en voit pas multipliée.


    Chargeez !
    Haalte !
    Que fait-on, mes amis ?
    C'est simple : on fonce.
    Laissons-les venir à nous pour mieux les contrer.
    J'hésite.


    Le triumvirat se déchire. Si le grand roux à la mâchoire saillante sur la droite est d'humeur belliqueuse, le brun bien pâle prône une stratégie plus défensive. Pris entre deux feux, le blond charismatique gamberge, un voile vaguement benêt ondoyant sur ses traits.

    En ce qui nous concerne, rien ne presserait, s'in n'y avait la nécessité de trouver un truc à manger pour les mômes. Ils peuvent être le jury le plus impitoyable qui soit, quand leur faim n'est pas assouvie. D'un signe de tête, j'invite mon binôme à nous séparer pour ouvrir le bal.

    Moka prend à droite, je suis à gauche. Les ordres du QG adverse sont de plus en plus contradictoires tandis que nous amorçons notre assaut. Quand nous arrivons enfin au contact, le bras droit lance un crochet vigoureux mais fort lent qu'évite sans mal mon acolyte; quant à moi, je suis contrait à une esquive peu académique pour éviter la lame silencieuse qui en avait après ma glotte.


    Viens te battre, fier-à-bras !
    N'a... n'approchez pas !


    De mieux en mieux. Les hostilités se déclenchent tout naturellement sur la droite où Moka, à deux bras contre un, épée sagement rangée dans son fourreau, met à mal la garde adverse. Pour autant, la tâche n'est pas aisée puisque le grand rouquin a un biscoto de la taille des cuisses du prince. Réunies. De son côté, l'aile gauche épouse les mouvements amorcés depuis l'opposée et balaye au champ large l'air entre elle et moi, ballotée comme un fétu de paille au gré du vent. Ses mouvements hasardeux m'incite à la vigilance. Je bascule vers l'arrière plus d'une fois, sans moyen de contrer l'allonge supérieure de mon adversaire. Quand je fais mine de contourner l'obstacle en jouant sur sa mobilité réduite, l'autre angle de combat s'oppose à mes desseins et je manque de me faire poinçonner.

    Pire, quatre ou cinq gredins, ragaillardis par la belle tenue de ligne de leur triple leader, se mettent en tête de nous prendre à revers.


    Hm, je te laisse le Boy's band.

    Mes pistolets tenus au canon, je me retourne et viens assommer dans le mouvement un premier ciboulot imprudent. Quand les machettes menacent de me raccourcir la nuque, je reste en garde défensive avec mes armes à feu reconverties de poing, sans plus attenter aux vies des propriétaires. Je ferais un bien piètre prêcheur si je réclamais de Moka une modération dont je ne faisais pas preuve.

    Il semble respecter les instructions, bon gré, mal gré. Le bestiau lui donne du fil à retordre. Il est parfois plus délicat de se contenir que de s'abandonner à la fureur dans la ferveur du combat. Surtout quand on n'y est pas habitué. Pour autant, j'apprécie l'effort.

    J'envoie un deuxième lascar bouffer le gazon d'un direct limpide dans les chicos. C'est le moment que choisit Alma pour surgir depuis l'arrière du hangar, fier sauveur de Blondie, sur un carrosse qui ne fait pas honneur à l'héroïsme victorieux qui le drape en cet instant. Oui, je vanne un peu. L'essentiel est acquis. J'accélère subitement la cadence et dans la rotation sur moi-même qui suit, la totalité de mes vis à vis mord la poussière. Oui, je suis pas le dernier des manchots non plus.


    Fini de jouer, il faut y aller.

    Moka ainsi avisé qu'il peut écourter l'échange, je pénètre dans le hangar en quête de nourriture ou matériel utile. Je ne m'inquiète pas vraiment de sa faculté à mettre hors-combat le valeureux mais limité énergumène. Et le savoir ainsi occupé m'offre tout le loisir de fouiller attentivement et à ma guise les locaux. Qui sait, avec un peu de chance, je mettrai le grappin sur un joli pactole, qui viendrait à point nommé pour transformer cette opération de sauvetage et rachat de ma bévue en triomphe pour le capitaine émérite que je ne suis pas.


      - Tout doux, tout doux…

      De peur t’attirer l’attention des soldats et de blesser, nous ralentissons la cadence à l’approche du port. Je n’ai qu’une seule, Mélinda plus que moi encore, c’est de quitter cette île de malheur et voguer vers une destination plus sûre. Plus sûre ? Y’a comme un problème dans ma phrase. Comment envisager un voyage en toute sûreté quand ton capitaine est un type complètement irresponsable, que les gamins sont plus pervers qu’une bande de malfrats, que Mélinda ne cesse d’attirer l’attention, et si l’on rajoute l’autre tueur… Je ne parle même pas de la famille fisher, Nicholas et sa daronne, surtout sa daronne, un véritable enfer cette bonne dame. La seule certitude que j’ai, c’est que je ne mourrai pas vieux avec eux, c’est certain.

      Bref.

      Nous approchons tranquillement du navire. Je l’aperçois déjà au loin et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il m’a l’air bien animé. Les mômes semblent avoir encore de l’énergie à revendre. Quelle plaie. Ils m’aideront à décharger le butin, ça leur fera les bras. D’ailleurs, à l’odeur que l’on traîne, je dirai que le butin est constitué essentiellement de poisson. Pas étonnant étant donné la production et l’économie de cette île qui ne marche qu’avec les poissons. Ça reste quand même un aliment riche en protéine que l’on obtient gratuitement. Ma foi, nous voilà arrivés, on arrête nos montures et jette un petit coup d’oeil sur ce qu’il y a dans les charrettes. Sans surprise, évidemment du poisson, mais il y avait également de nombreux fruits et légumes pour accompagner le tout. Ça vient certainement du coeur de cette forêt qui, contrairement à son pourtour, est constituée du végétation très abondante.

      - Les gamins ! En file indienne en face de moi !

      Assez rapidement, heureux de revoir Mélinda - et surtout les chevaux - , ils s’exécutent. La jolie blonde et moi-même passons les différentes cagettes, que les gamins se passent les uns après les autres, comme on le voit dans certaines usines. Un joli travail à la chaîne en somme. C’est tout aussi rapidement que le déchargement et le chargement s’effectuent. Les adultes présents à bord s’occupent du rangement des provisions. C’est vraiment une affaire qui roule. Il ne nous reste plus qu’à attendre l’arrivée de notre capitaine et… nouveau camarade ? N’est-ce pas précipité ? Je veux dire par là que le type est arrivé et à tuer les premiers qui se sont interposés. Sans la présence des enfants, Nicholas, Léa, Eärendil et moi-même serions probablement morts. Oui, morts, car je ne rivalise absolument face à ce gars. D’autant plus que, selon moi, ce type reste avec nous uniquement parce qu’il espèce manger à souhait, et ce, malgré que Rik lui ait dit que nous sommes fauchés. Bien trop tôt. Un taré supplémentaire à bord risque de nous mener en taule.

      - Et les chevaux, hurle un gamin, on les ramène aussi !?
      - Non.
      - Mais… On s’en occupera !
      - Foutaises. Vous jouerez avec eux jusqu’à vous en lasser et les abandonner ensuite. De plus, ça demande un entretien qu’on ne peut leur fournir à bord de ce vieux navire. Ça a besoin de galoper tous les jours, ça ne peut rester sans rien faire, statique, sous peine de mourir. Et nous n’avons pas les rations suffisantes non plus.

      Les voilà qu'ils me font du boudin. Je m'en tape. On n'embarquera pas ces chevaux. On a déjà suffisamment d'emmerdes comme ça. Néanmoins, je ne serai pas contre l’idée de manger du cheval si nécessaire, mais ça fendrait le coeur des gamins. La meilleure option est encore de les laisser ici. Avec un peu de chance, ils pourront jouir d’une certaine liberté en allant dans la forêt, sinon leurs maîtres les récupéreront. Pour une raison que j’ignore, je demande à ce qu’on prépare le départ. Vous savez, j’ai comme un mauvais pressentiment, vraiment mauvais. En même temps, je ne crois pas avoir eu une seule fois un bon pressentiment depuis que je suis dans cet équipage. Les voiles sont prêtes à être déployées, l’encre n’attend qu’à être levé. J’attends patiemment près de la rampe, caressant les deux chevaux, afin de donner le signal aux autres dès que les aperçois.

      Purée.

      Ça n’a pas duré longtemps. En usant de ma longue-vue, je vois à environ 400 mètres Rik et Moka qui courent. Rik et courir dans la même phrase, j’avoue que c’est assez étonnant. Ils sont pressés de partir ? Pourquoi pas. Mais je crains encore une fois d’avoir bien fait de me fier à mon instinct. Juste derrière eux, à peu près une centaine de mètres derrière, j’aperçois un amas de soldats de la marine à leur trousse. Bonté divine. Qu’est-ce qu’ils ont bien pu faire pour attirer l’attention ? Ça ne devait être qu’une petite bagarre sans incidence. D’un geste du doigt et du poignet, tournoyant sur eux-même, j’ordonne la levée des voiles.

      - Allez, tout le monde, on dégage, dis-je d’une voix nonchalante.
      - Oh… Ça n'annonce rien de bon, Al’, je le sens à ton regard, s’interroge Eärendil sans réellement s’étonner de la situation.
      - Ils arrivent… accompagnés. Allez, on s’bouge, merde ! Il ne va pas bouger tout seul ce vieux rafiot !

      Effectivement. Je m'agace assez rapidement. Je n’ai jamais eu de problème avec la justice et ce n’est certainement pas aujourd’hui que ça va arriver. Le navire commence légèrement à avancer, tout doucement. À l’allure à laquelle courent les deux bonhommes, en sachant qu’ils vont accélérer sur les derniers en voyant le navire décamper, j’imagine qu’ils l’atteindront en effectuant un joli saut.





      Dernière édition par Alma Ora le Mar 07 Avr 2020, 18:32, édité 1 fois
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      La remise ne révèle aucun trésor caché particulièrement alléchant. A moins que cette caissette joliment sertie et vierge de poussière, à l'inverse du reste des locaux, ne renferme son lot de merveilles. Son allure dénote, et le petit cadenas qui en condamne l'ouverture intrigue autant qu'il attise la curiosité. Et si par un pur hasard... ? se dit-on toujours, dans pareil cas de figure.

      Parce que j'aime la magie qui se dégage de l'objet - et que mon goût pour les paris audacieux ne prend, lui, pas une ride - je l'embarque et regagne l'extérieur.

      Moka est là, un soupçon essoufflé sans plus. Son imposant adversaire repose à ses pieds, estourbi mais pas occis. Comme il semble attendre une forme de réponse à sa démonstration, je prends parole en calant une roulée au coin de mes lèvres.


      Bien! Alma a mis le grappin sur notre furieuse Amazone blonde. Cap sur le navire. Tu pourras profiter du trajet pour m'en dire plus de ton histoire de Prince.
      Cette poussière... commence Moka sans me répondre.
      Hm ?

      Depuis le flan de coteau voisin, un drôle de nuage sable balaye la verdure. Un nuage qui se déplace, rapidement. Je reste là à essayer d'en déterminer la nature le temps de tirer une taffe ou deux. En soi, je connais déjà la réponse mais fumer dans l'urgence gâche tout le plaisir.

      Le vent nous porte déjà l'écho d'un grondement. Ça ne peut rien augurer de bon.


      La marine ?
      Ce serait bien leur genre.
      Pourtant, votre amie est sauve.
      Hm, c'est donc après toi ou moi qu'ils en ont. Et j'ai pas bien envie de les attendre pour en débattre.

      Commence la cavalcade jusqu'au navire. Fort heureusement, nous disposons d'une honnête avance sur nos poursuivants, qui en outre, sont probablement des bons hommes mal entraînés et par conséquent lents, comme tous les marines qui végètent sur les îles des Blues. Le tout, c'est donc de prendre une cadence régulière et de la conserver, pour contenir le retour des Mouettes.

      Dix minutes de fuite plus tard, un point sur le côté me rattrape. Presque autant que les vilains uniformes bleus qui grossissent derrière nous. Je fais halte. Il me faut de l'air. En contrebas, nous pouvons déjà apercevoir le navire.


      Ahff'... Ahff'... C'est bien notre veine, on est tombés sur des soldats d'élite! J'en ai côtoyé quelques-uns dans le temps... ahff'... de vrais chiens de chasse...
      On les affronte ? propose Moka non sans flegme.

      Comment peut-il ne pas être essoufflé ?


      Non... ils auraient l'avantage du terrain. Et on ne peut pas laisser le navire sans protection. Ahff'... Stratégie, tout ça...

      Et je suis en hyperventilation de la mort, en plus. Comment ils font, tous ces minots ? Comme seul indicateur de fatigue, trois perles de sueur marquent Moka au front. Et c'est tout! Cette fois-ci, la horde de marines déboule au sommet du versent que l'on dévale. On a pas cent mètre d'avance. En première ligne, je discerne un visage juvénile et familier. Micky ! Le misérable putois ! Sans doute aura t-il reconnu ma trogne sur un avis de recherche. Son avidité est sans limite! J'ai bien fait de ne pas le rémunérer.

      Pâle victoire. Pas le temps de se reposer. Déjà, il faut repartir.

      Ultime prouesse sportive. Un exploit retentissant, la manière dont le grand Rik Achilia aura déjoué les plans de la sinistre Marine pour partir battre le vent et l'aventure au grand large! Je m'accroche à cette lueur d'héroïsme. Une première salve de balles vient siffler à nos oreilles. Ils se rapprochent encore!

      Alma a sagement levé l'ancre et amorcé l'appareillage. Moka me sème, je lui rends une longueur, puis une autre. Ça n'en finit pas. J'ai la sensation qu'après chaque foulée, un esprit farceur vient rajouter un nouveau mètre de sable sur la berge. Ça va être serré et les hurlements dans mon dos me le confirment. Moka s'envole et atterrit sur le pont. Enfin, la jetée. A mon tour, j'amorce l'envol majestueux de la Moue... du flamand rose. C'est gracieux, un flamand rose.


      BLAAM

      Je me rèche sur le pont. J'ai jamais été aussi heureux de me râper la tronche sur du bois dur et bourré d'échardes. Pendant que je me relève, je devine Alma et Earendil repousser à la mer les premiers de nos assaillants. Les seuls.  La mer déjà, vient attirer à elle notre navire. On l'a échappée belle, mais c'est passé. Je me relève, triomphant, les moustaches remplies de poussière de bois, le teint rougeaud, le souffle court. Mon mystérieus coffret en trophée.

      À l'aventure, compagnons !
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