RUPTURE DE STOCK
I. Un malheur de plus pour le pauvre Beaumoulin !
Cette fois-ci, ce ne fût pas le cri des mouettes qui réveilla Farros, mais bien celui de M. Beaumoulin, le responsable de la croisière. « Il s’arrête jamais, celui-là ? » s’interrogea le jeune cuisinier, peinant à sortir du lit. Il se frotta les yeux et regarda autour de lui. En tant que chef, il avait sa propre chambre : ça lui changeait des dortoirs communs auxquels il avait été habitué pendant deux ans !
Il se leva et se dirigea vers la salle de bain pour se rafraîchir rapidement avant de voir ce qui se passait dehors. Il eut un choc quand il se rendit compte que tout au long des deux dernières années, il n’avait pas une seule fois pris le temps de se regarder dans un miroir. Il était toujours aussi mince mais avait pris un peu de muscle. C’était déjà ça. Il avait toujours les mêmes yeux, ça, ce n’était pas près de changer. Il n’avait pas vraiment changé en deux ans. Ah, si, il y avait bien une différence : fini le duvet et les quelques poils au menton, tout ça avait bien eu le temps de pousser, même si on était loin de la barbe de bucheron. Il décida de se servir du nécessaire de rasage qui se trouvait dans le placard pour se raser à blanc. Frais comme un gardon, il enfila sa tenue de travail et sa ceinture puis sortit de sa chambre.
A peine eut-il franchi le seuil de la porte qu’il tomba face au dramatique personnage. Malgré cela, en proie à la panique, le moustachu ne semblait pas l’avoir remarqué. Farros l’interpella :
- M’sieur Beaumoulin ? Vous allez bien ?
- Oh mon cher Monsieur Papriko ! C’est une catastrophe ! Une catastrophe ! Quand un problème est résolu, un autre apparaît aussitôt ! Qu’ai-je fait pour mériter pareille infâmie ?
- Calmez-vous, calmez-vous ! Qu’est-ce qui se passe à la fin ?
- On est en rupture de stock ! On est totalement à court de viande et certains de mes clients refusent de manger autre chose ! Je suis fichu… Fichu… Et dire qu’on allait atteindre le Baratie dès demain ! Le clou du spectacle…
- Arf, calmez-vous, je vais trouver une solution.
- V-Vraiment ?
- Ouaif, rien n’est impossible avec Farros Papriko ! répondit-il, son sourire dévoilant ses canines.
- Comment allez-vous procéder ?
- Vous inquiétez pas. J’ai déjà un plan en tête. Contentez vous de réunir les cuistots le plus vite possible. Je vais vers la cuisine.
Farros se hâta de rejoindre la cuisine du navire, son cerveau bouillonnant à l’approche du challenge à venir. Il vérifia que les plans de travail et ustensiles soient bien propre et attendit que l’équipe soit au complet. Il avait une idée en tête. Une idée risquée, certes, mais le jeune homme avait confiance en ses compétences. Il ferma les yeux une minute pour se concentrer. Quand il les rouvrit, tout le personnel de cuisine était prêt. Il exposa alors son plan :
Farros continua à exposer ses idées de la sorte pendant quinze minutes, enchaînant les phrases avec un débit de parole impressionnant. Comme il s’y attendait, les restes du petit déjeuner étaient bien trop insuffisants pour incorporer du bacon dans les plats : mais il avait prévu le coup.
Pendant que les légumes commençaient à mariner, Farros commença à préparer des galettes de soja. Il hacha l’ail et les oignons en morceaux si minuscules qu’ils semblaient intégrer le mélange presque parfaitement. Il ajouta de l’huile d’olive et des épices. Une douce odeur émanait déjà de la préparation : c’était bon signe pour ce qu’il adviendrait une fois la cuisson effectuée. Enfin, il ajouta du bouillon de viande à la préparation. Il mélangea une dernière fois le tout, cherchant à atteindre une parfaite consistance. Il s’attela ensuite à former les galettes : celles-ci devaient être suffisamment épaisses pour ce qu’il avait en tête. Il enfourna le tout avant de passer à la suite.
La betterave avait eu le temps de mariner toute la journée quand il décida d’aller la goûter. Première satisfaction : le couteau parvenait à trancher le légume avec facilité, comme dans du beurre. C’était un bon départ. Enfin, le moment fatidique : c’est là que tout le plan de Farros allait se jouer. Il prit une bouchée et un sourire se dessina sur son visage. La betterave avait le goût de tout sauf de betterave. Les herbes de la marinade avaient complètement pris le dessus : c’était parfait. Le jeune homme s’adressa alors à son équipe :
Il continua à donner des instructions pendant que tout le monde s’activait, lui y compris. Les odeurs qui parvenaient à son nez le satisfaisaient : comme il l’espérait, celles du bacon, des herbes et des épices prenaient totalement le dessus sur les autres. Après tout, c’était ce qu’il avait toujours dit : à force de se concentrer uniquement sur le goût ou encore l’apparence du plat, on délaisse trop souvent l’importance de la sensation olfactive qu’il peut procurer.
Il aida l’équipe à dresser les assiettes et couvrît les plats à l’aide de cloches afin de conserver la chaleur et les odeurs. A peine eurent-ils le temps de souffler que l’heure de servir les clients arriva déjà. Les clients allaient pouvoir déguster un délicieux Cordon bleu revisité à la Farros !
I. Un malheur de plus pour le pauvre Beaumoulin !
Cette fois-ci, ce ne fût pas le cri des mouettes qui réveilla Farros, mais bien celui de M. Beaumoulin, le responsable de la croisière. « Il s’arrête jamais, celui-là ? » s’interrogea le jeune cuisinier, peinant à sortir du lit. Il se frotta les yeux et regarda autour de lui. En tant que chef, il avait sa propre chambre : ça lui changeait des dortoirs communs auxquels il avait été habitué pendant deux ans !
Il se leva et se dirigea vers la salle de bain pour se rafraîchir rapidement avant de voir ce qui se passait dehors. Il eut un choc quand il se rendit compte que tout au long des deux dernières années, il n’avait pas une seule fois pris le temps de se regarder dans un miroir. Il était toujours aussi mince mais avait pris un peu de muscle. C’était déjà ça. Il avait toujours les mêmes yeux, ça, ce n’était pas près de changer. Il n’avait pas vraiment changé en deux ans. Ah, si, il y avait bien une différence : fini le duvet et les quelques poils au menton, tout ça avait bien eu le temps de pousser, même si on était loin de la barbe de bucheron. Il décida de se servir du nécessaire de rasage qui se trouvait dans le placard pour se raser à blanc. Frais comme un gardon, il enfila sa tenue de travail et sa ceinture puis sortit de sa chambre.
A peine eut-il franchi le seuil de la porte qu’il tomba face au dramatique personnage. Malgré cela, en proie à la panique, le moustachu ne semblait pas l’avoir remarqué. Farros l’interpella :
- M’sieur Beaumoulin ? Vous allez bien ?
- Oh mon cher Monsieur Papriko ! C’est une catastrophe ! Une catastrophe ! Quand un problème est résolu, un autre apparaît aussitôt ! Qu’ai-je fait pour mériter pareille infâmie ?
- Calmez-vous, calmez-vous ! Qu’est-ce qui se passe à la fin ?
- On est en rupture de stock ! On est totalement à court de viande et certains de mes clients refusent de manger autre chose ! Je suis fichu… Fichu… Et dire qu’on allait atteindre le Baratie dès demain ! Le clou du spectacle…
- Arf, calmez-vous, je vais trouver une solution.
- V-Vraiment ?
- Ouaif, rien n’est impossible avec Farros Papriko ! répondit-il, son sourire dévoilant ses canines.
- Comment allez-vous procéder ?
- Vous inquiétez pas. J’ai déjà un plan en tête. Contentez vous de réunir les cuistots le plus vite possible. Je vais vers la cuisine.
Farros se hâta de rejoindre la cuisine du navire, son cerveau bouillonnant à l’approche du challenge à venir. Il vérifia que les plans de travail et ustensiles soient bien propre et attendit que l’équipe soit au complet. Il avait une idée en tête. Une idée risquée, certes, mais le jeune homme avait confiance en ses compétences. Il ferma les yeux une minute pour se concentrer. Quand il les rouvrit, tout le personnel de cuisine était prêt. Il exposa alors son plan :
« Bon les gars, ça va être une sacrée journée pour nous. J’pense que M. Beaumoulin vous a exposé la situation. J’ai un plan, mais va falloir qu’on l’applique à la perfection. Alors voilà : j’ai besoin que vous me rameniez du fromage de chèvre, de la farine de soja, de l’ail, des oignons et quelques pommes de terre. Et faites-moi mariner des betteraves bouillies au préalable ! Dans cette marinade, vous allez mettre les épices que j’ai noté sur cette feuille. Est-ce qu’il reste un peu de bacon du petit déjeuner ? »
Farros continua à exposer ses idées de la sorte pendant quinze minutes, enchaînant les phrases avec un débit de parole impressionnant. Comme il s’y attendait, les restes du petit déjeuner étaient bien trop insuffisants pour incorporer du bacon dans les plats : mais il avait prévu le coup.
Pendant que les légumes commençaient à mariner, Farros commença à préparer des galettes de soja. Il hacha l’ail et les oignons en morceaux si minuscules qu’ils semblaient intégrer le mélange presque parfaitement. Il ajouta de l’huile d’olive et des épices. Une douce odeur émanait déjà de la préparation : c’était bon signe pour ce qu’il adviendrait une fois la cuisson effectuée. Enfin, il ajouta du bouillon de viande à la préparation. Il mélangea une dernière fois le tout, cherchant à atteindre une parfaite consistance. Il s’attela ensuite à former les galettes : celles-ci devaient être suffisamment épaisses pour ce qu’il avait en tête. Il enfourna le tout avant de passer à la suite.
La betterave avait eu le temps de mariner toute la journée quand il décida d’aller la goûter. Première satisfaction : le couteau parvenait à trancher le légume avec facilité, comme dans du beurre. C’était un bon départ. Enfin, le moment fatidique : c’est là que tout le plan de Farros allait se jouer. Il prit une bouchée et un sourire se dessina sur son visage. La betterave avait le goût de tout sauf de betterave. Les herbes de la marinade avaient complètement pris le dessus : c’était parfait. Le jeune homme s’adressa alors à son équipe :
« Bon les gars, on va pouvoir apporter la touche finale ! Faites moi griller tout ce qui nous reste de bacon dans une poêle en prenant garde de bien en tirer tout le jus ! », « Vous quatre, il faudrait que vous prépariez les pommes de terre en frites, s’il-vous-plaît. Vous émietterez le bacon cuit pour saupoudrer les frites avec. », « Maintenant, les gars coupez moi ces galettes en deux, incorporez y le fromage de chèvre et placez des tranches de betterave au centre. Enfin, faites les griller dans le gras du bacon pour que le goût imprègne la galette. ».
Il continua à donner des instructions pendant que tout le monde s’activait, lui y compris. Les odeurs qui parvenaient à son nez le satisfaisaient : comme il l’espérait, celles du bacon, des herbes et des épices prenaient totalement le dessus sur les autres. Après tout, c’était ce qu’il avait toujours dit : à force de se concentrer uniquement sur le goût ou encore l’apparence du plat, on délaisse trop souvent l’importance de la sensation olfactive qu’il peut procurer.
Il aida l’équipe à dresser les assiettes et couvrît les plats à l’aide de cloches afin de conserver la chaleur et les odeurs. A peine eurent-ils le temps de souffler que l’heure de servir les clients arriva déjà. Les clients allaient pouvoir déguster un délicieux Cordon bleu revisité à la Farros !