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La maman maudite

En rentrant du comptoir des chasseurs de primes, Robina demanda à Mandarina de pouvoir utiliser le denden de la maison. Elle accepta avec plaisir, elle venait de donner un coup de pouce à sa campagne, de plus, elle venait d’accepter de l’aider à plaider sa cause pour devenir maire de la ville de Cocoyashi, ça n’était pas rien. Même si la nouvelle chasseuse de primes ne savait pas que la prétendante au siège de maire de l’île était une révolutionnaire en mission.

La maîtresse de maison sortit du bureau où se trouvait l’escargophone. Elle voulait laisser un peu d’intimité à la Sanderrienne. L’escargot dormait sur le bureau. La cuisinière le prit dans la main et sortit dehors. La terrasse extérieure était agréable. Elle pourrait profiter du froid du vent. Il n’était pas aussi mordant que celui de Sanderr, mais ça lui rappelait un peu son pays. Elle avait un peu le mal du pays. Un sourire se dessina en repensant à son père et à sa mère autour du feu. Dans les bras l’un de l’autre.

Cela faisait plus d’un mois qu’elle était partie de la capitale et de son ancien travail. Elle avait promis de donner des nouvelles chaque semaine. Ses parents devaient se faire un sang d’encre. Mais surtout sa mère, elle pouvait être implacable, n’acceptant pas les erreurs, ni la faiblesse avec ses subordonnées, mais avec sa fille, c’était autre chose. Elle l’avait cajolé depuis qu’elle était petite. Mère poule, elle ne la lâchait pas quand elle revenait en permission à la maison. Surement aussi, car elle la voyait que pendant ces moments-là.

Robina tapa le numéro de Mile High Purgatory. Elle ne l’avait jamais fait avant. Pourquoi maintenant ? Parce que son parent maternel y travaillait. Vu qu’elle l’avait prévenu qu’elle partait pour voyager autour du monde et découvrir les différentes recettes des îles qu’elle accosterait, elle lui avait donné pour avoir de ses nouvelles et être tenu au courant de ce qu’elle faisait et où elle était. Mais avec ses mésaventures, elle n’avait pas eu le temps, ni l’esprit à l’appeler. Maintenant, elle pouvait et allait tous lui dire. Elle tapa sur l’escargophone les numéros pour appeler.

Elle put entendre la tonalité à l’autre bout du fil. Plusieurs sonneries, personne n’allait lui répondre ? Elle commençait à avoir un nœud dans le ventre quand quelqu’un décrocha.

Mile High Purgatory, je peux voir que vous n’êtes pas sur nos registres. Veuillez décliner votre identité ainsi que la raison de votre appel !

La surprise rendit muette Robina. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle s’était attendue à tomber directement sur sa mère plutôt qu’un membre de la prison. Elle déglutit avant de répondre à la question.

Robina Erwolf. J’appelle pour parler à ma mère.

Et puis-je savoir le nom de votre mère ?

Chiara Erwolf. Elle travaille depuis longtemps ici, je pense que vous devez la connaître.

Nous n’avons aucune Chiara Erwolf dans les registres de notre prison. Si cet appel est sensé être une blague, je vous préviens, elle est de très mauvais goût ! Et j’aimerais savoir qui vous a réellement donner ce numéro !

Mais je vous l’ai dit, c’est ma mère ! Mais ici, vous devez la connaître sous son nom de jeune fille. Chiara Lorn.

Vous êtes en train de me dire que vous êtes la fille de Chiara Lorn ? La vice-directrice de la prison de Mile High Purgatory ?! Non, mais vous vous moquez de moi ?

Mais pas du tout ! Si vous ne me croyez pas, vous n’avez qu’à l’appeler et lui dire que Robina Erwolf a essayé de la contacter. Où lui demander si elle a une fille sinon ?

Mouais…

Le standardiste n’était pas convaincu du tout par l’histoire de la cuisinière. Elle pouvait le sentir au ton de sa voix. Elle n’avait plus qu’à attendre. Les pieds dans l’herbe, les arbres des orangers, mandariniers et citronniers diffusant leurs parfums tout autour de la nouvelle chasseuse de primes. Elle ferma les yeux en attendant le retour de communication.

Pendant ce temps-là à la prison entourée d’éclairs :

Le standardiste tapa sur sa console, il repéra la vice-directrice sur son écran, un escarméra pouvait donc la voir en train de transférer un des prisonniers vers une cellule. Il revenait de la salle de torture avec le maître tortionnaire. En sang, le prisonnier fut jeté par la vice-directrice qui s’essuya les mains sur une serviette qu’on lui tendit. Il n’allait pas la déranger pour une blague téléphonique tout de même ? Mais il se rappela qu’elle semblait être un peu démoralisée en ce moment.

Et s’il la dérangeait pour rien ? Et si elle lui faisait comprendre le sens mot ridicule à coups de pied ? Il n’avait pas envie de l’ennuyer pour rien, mais si elle était vraiment sa fille, il ne pouvait pas, ne pas lui passer. Il prit donc son courage à deux mains et tapa le numéro sur sa console pour contacter la vice-directrice.

Il put la voir décrocher de son escargophone portable. Elle se tourna vers la caméra et il put entendre sa voix de l’autre côté.

Oui, quoi ?! Vous ne voyez pas que je suis occupée standardiste ?!

Si, bien sûr Madame Lorn ! Je suis désolé de vous déranger. EN fait, une jeune femme m’a fait une blague au téléphone, prétendant que vous êtes sa mère. Je suppose que c’est une simple farce, je vais raccrocher.

Quoi !!! Robina a appelé ?! Et vous ne me l’avez pas dit tout de suite ?! Mais vous êtes un véritable crétin ma parole ! J’avais laissé un mot pour vous mettre au courant qu’une certaine Robina Erwolf pouvait appeler ici. Vous ne l’avez pas lu ?!

Malheureusement non.

Bon, j’arrive, ne raccrochez pas, est-ce que c’est clair ?!

Très clair, madame la vice-directrice Lorn !

Ce qu’ils ne savaient pas tous les deux, c’est que le mot avait bien été affiché sur le tableau de salle du standard. Ce qu’ils ne savaient pas, c’est que dès que Chiara Lorn avait eu le dos tourné, le rappel pour les tenir au courant du futur appel de Robina était tombé derrière le meuble et n’avait jamais été vu par qui que se soit. Il se retrouvait sur le sol depuis ce moment. Il y avait maintenant de cela un mois à quelques jours près.

Pendant l’attente, Robina était en train de battre des jambes sur les lattes en bois de la terrasse. Ses pieds caressaient délicatement le haut de l’herbe, faisant comme les enfants sans qu’elle le sache. Elle entendit alors la sonnerie de rappel. Mile High la rappelait, elle espérait cette fois entendre la voix de sa mère. Cela faisait tellement longtemps qu’elle ne lui avait pas parlé. Et pour une fois, elle eut de la chance.

Robina, Robina c’est toi ?!

Oui, maman, c’est moi ! Ça me fait plaisir de t’entendre !

À moi aussi. Mais dis-donc jeune fille, tu devais nous appeler chaque semaine et ton père et moi, nous n’avons pas eu de tes nouvelles depuis ton départ. Tu n’as pas donné de signe de vie depuis plus d’un mois ! Tu as quelque chose pour ta défense ?!

Ben, il n’y avait pas d’escargophone là où j’étais maman…

Ah, oui ?! Et tu étais où ?! Sur une île déserte ?

Oui… Quand je suis partie de Sanderr, le bateau a chaviré, on s’est échoué sur une île déserte de North Blue. J’ai survécu en mangeant des insectes pendant presque un mois. J’ai quand même eu de la chance, un navire de la marine s’est arrêté en voyant mon feu de camp et m’a secouru.

Tu rigoles hein ? Ça ne t’est pas vraiment arrivé, c’est pour me faire peur ?

Non, non… Je n’ai vraiment pas eu de chance sur ce coup-là. En plus, j’ai perdu toutes mes économies dans le naufrage, il ne me reste plus que mon matériel de cuisine. Je n’ai même plus mes livres de recettes.

Ce n’est pas grave ça. Le plus important, c’est que tu sois en vie. Et là, tu m’appelles d’où ma gazelle en miel ?

Robina put entendre un petit rire moqueur interrompu par un cou sec.

Je t’appelle de Cocoyashi. Une candidate à la mairie m’a laissé utiliser son téléphone pour te contacter.

Une candidate à la mairie de Cocoyashi ? Je ne savais pas que quelqu’un se présentait contre le maire actuel.

Bah si ! Elle est gentille et puis je l’ai aidé pour sa campagne aussi, même si son garde du corps m’a sauvé la vie.

Sauver la vie ? Comment ça ? Robina Erwolf explique moi tout et maintenant si tu ne veux pas avoir de problèmes !

Penaude, la cuisinière triture un peu sa robe avant de répondre.

Eh bien, je n’arrivais pas à trouver de travail à Cocoyashi. La mentalité n’est pas très évoluée. On m’a dit de revenir plus tard, ou carrément claquer la porte au nez. Ensuite, j’ai pensé ramasser des mandarines et des oranges pour la Belmer Corp, mais le travail trop dur et pas assez bien payé pour pouvoir acheter un voyage assez rapidement. Je suis tombé sur une affiche des chasseurs de primes, disant qu’ils recrutaient. Je suis allé voir.

Et quel rapport ça a à voir avec la candidate au poste de maire de Cocoyashi ?

Robina souffla intérieurement, elle avait réussi à lui faire oublier qu'elle s'était faite sauver la vie par quelqu'un. Elle ne voulait pas créer trop de problèmes à sa mère.

J’y viens maman. Alors, j’y suis allé, mais la licence pour devenir chasseuse de primes ça coûte un million maman ! J’avais pas ça sur moi, ni en partant de la maison, ni après le naufrage. Donc j’ai passé un marché, si j’attrapais quelqu’un de primer assez gros, ils me donnaient ma licence.

Et donc tu l’as attrapé ton primé ?

Oui ! Il valait quatre millions de berries maman ! J’ai dû faire une enquête sur toute l’île. Poursuivre des membres de son gang. Retrouver quelqu’un d’enlever. Interroger quelqu’un qui était corrompu et qui trempait dans l’affaire et puis j’ai piégé mon primé. Et je l’ai amené au bureau des Chasseurs de Primes où on m’a remis ma licence.

Donc tu es chasseuse de primes maintenant ?

Euh, oui pourquoi ?

Rien… J’espérais juste pouvoir travailler avec toi un jour, quand tu aurais réalisé ton rêve de devenir la meilleure cuisinière du monde.

Mais c’est encore possible maman !

Oui… Bon, alors tu as pu voir des plats de Cocoyashi ?

Oui ! J’ai pris des notes et j’ai vu pleins de produits qu’on n’avait pas sur Sanderr ! C’est fou comme c’est super ! J’adorerais que tu sois là !

Moi aussi ma gazelle en miel, mais j’ai du travail ici et je ne suis pas en permission. Mais je te fais confiance pour t’en sortir. Et maintenant que tu es chasseuse de primes, arrêtes quelques méchants et envoie les ici pour donner du travail à ta vieille mère d’accord ?

Promis maman !

Bon, ma chérie, je suis désolée, mais je dois te laisser, j’ai encore plein de travail. Je te laisse.

D’accord maman. Des bisous.

Je t’embrasse aussi ma chérie.

Elle raccrocha l’escargophone. Elle savait déjà que sa mère rappelait son père pour lui donner de ses nouvelles, ils se racontaient tous, ces deux-là. Un sourire sur le visage après la discussion avec sa mère, elle se leva pour reposer le téléphone sur le bureau. Elle avait fait ce qu’elle devait faire. Maintenant, elle devait s’améliorer.
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