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Le jour où tout a basculé

Le jour où tout a basculé

I.

A la rencontre de Van Horn.
Le commandant d'élite Mountbatten est demandé dans le bureau du commandant Kimblee.

Le réseau d'escargophones installés dans la base répétait cet ordre, dicté par une voix nasillarde. Les soldats s'affairaient dans tous les sens et ne réagissaient pas, continuant leur tâche. Seul le concerné fut interpellé. Une visite dans le bureau de son supérieur n'était jamais qu'une visite de courtoisie, d'autant plus que les deux hommes ne s'appréciaient guère. Alors, il traversa le camp, enjambant les flaques, essayant de ne pas trop s'enfoncer dans la boue. Une véritable base, faite de matériaux solides, étant en cours de construction. Jusque-là, les marins devaient se contenter d'un gigantesque campement abritant tout une division, avec des installations de fortune qui avaient du mal à tenir face à une telle pluie.

Mount parvint jusqu'à la tente de Kimblee. Le chef de la quarante-huitième occupait l'un des rares édifices solides que comptait la garnison. C'était une maison, qui n'avait pas non plus été épargnée par les marques de la guerre. Le toit s'effritait, des balles se logeaient encore dans les murs extérieurs. Mais au moins, c'était bien plus confortable que les tentes réglementaires de la Marine. Le Marijoan entra dans ce modeste bâtiment gris, se faisant saluer par les deux gardes à l'entrée. Il gravit les marches et arriva à l'étage, où se trouvait les parties personnelles de son chef.

TOC TOC TOC.

- Entrez !

Il active la poignée et se mit au garde à vous devant l'homme au chapeau blanc. Kimblee Fujimi était un grand pâle, qui affectionnait particulièrement les vêtements aux couleurs claires, même quand le temps ne s'y prêtait pas. Celui-ci balaya d'un revers de la main les manières du Fantôme, et l'invita à s'assoir, sans même prendre le temps de le regarder dans les yeux. Il écrivait un énième rapport. Le poste de chef de division s'apparentait aussi à celui de bureaucrate ; et c'est précisément pourquoi il souhaitait devenir colonel d'élite le plus vite possible. Moins d'obligations, plus de liberté d'action. Un poste en or pour un tel chient fou, qui méprisait les tracas administratifs et l'enfermement dans un bureau.

- Commandant Mountbatten, je vous informe de votre nouvelle affectation. Comme vous le savez, le duc Van Horn a récemment été placé sur le trône, succédant au roi Malzahar.

- Affirmatif.

- C'est vous et votre unité qui serez en charge de sa protection au palais royal d'Aldebaran. Avec plus ou moins trois cents hommes sous la main, j'imagine que vous saurez le défendre contre tous les risques qu'il encoure. N'est-ce pas ?

Kimblee leva pour la première fois les yeux vers son interlocuteur, marquant ainsi ses dernières paroles d'une solennité singulière. Son regard perçant, naturellement agressif, marqua Mountbatten. Il leva inconsciemment un sourcil vers le haut. Il avait l'impression qu'il ne lui disait pas tout.

- Bien sûr, mon commandant.

- Bien. Vous prendrez vos fonctions demain, le temps d'informer vos hommes de leur nouvelle mission.

- Combien de temps resteront nous en place ?

- Le temps que les choses se calment sur Vindex, le temps que nous supprimions les derniers ennemis du Gouvernement Mondial de l'île. Cela peut prendre… quelques semaines, à quelques mois.

- Autant de temps ?!

- Je comprends votre frustration. Je me suis plains à l'administration qu'on nous a envoyé, en leur martelant que ce n'était pas le rôle de la Marine d'élite que d'assumer de tels rôles. Mais bon, ça n'a rien changé.

- Et bien… De toute façon, je crois qu'on n'a pas le choix…

- Tout à fait. Mais ne prenez pas cette mission à la légère… Qui sait ce qui pourrait arriver au roi. Sur ce, vous pouvez disposer.

L'officier se leva et, saluant une dernière fois son supérieur, sortit de la pièce, l'air perplexe. Déjà qu'on lui infligeait une telle mission, il avait en plus l'intime conviction qu'on lui cachait quelque chose. Ce n'était pas clair, et l'attitude de Kimblee n'avait fait que renforcer son intuition. Quelque chose louchait. Mais quoi ? Il n'en avait pas la moindre idée.

----

Ce matin, à précisément huit heures, se tenait la relève de la garde. Des éléments de la quatre-vingtième division de la Marine assuraient, jusqu'à ce moment-là, la protection de Van Horn, nouvellement intronisé. La cérémonie était très codifiée, et de nombreux curieux étaient venus l'observer. Le ciel était encore une fois couvert, et les rares rayons du soleil se reflétaient sur les pavés de l'esplanade du palais. Les supérieurs de chaque contingent s'avancèrent l'un vers l'autre, et, dans un salut tout bonnement symbolique, marqua la relève de la garde du palais royal. Après quelques dizaines de minutes, les marins de la quarante-huitième se mirent en position autour de l'édifice.

Mountbatten vint se présenter auprès du roi Van Horn, qui l'attendait, confortablement installé sur son trône. A ses côtés, ses ministres scrutaient de la tête au pied le dernier venu. Il le salua, effectuant une révérence. Il avait été habitué à ce genre de posture, lui qui avait vécu au sein de la petite noblesse de Marijoa lors de son enfance. Alors, le geste était devenu si naturel qu'il impressionna la salle, la plupart des militaires se contentant d'un garde à vous rustre et maladroit.

- Altesse Van Horn, je me présente : commandant d'élite Alexander Mountbatten, pour vous servir.

- Enchanté commandant.

- Je serait donc en charge de la protection du palais entier, et en particulier de votre personne.

- Bien. Je souhaite que vous soyez à l'aise ici ; intendant! Faites-en sorte que ces braves soldats soient correctement traités par le personnel du palais.

- Cela va de soi, Altesse.

- Commandant, je vous propose de vous joindre à notre table ce soir, afin que nous fassions plus ample connaissance.

- J'accepte avec joie cette invitation. Bien, merci de votre accueil. Je retourne dès maintenant à mon poste. Ce fut un honneur de vous rencontrer, Altesse.

Des sourires protocolaires furent, comme à l'accoutumée, de mise. Après une dernière révérence, le Fantôme sortit de la grande salle, rejoignant ses fidèles hommes.
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II.

La vie de château.
L'intérieur du palais royal était parfaitement remarquable. Plusieurs semaines s'étaient déjà écoulées depuis la fin de la campagne menée par la Marine. Les murs, emplis d'un blanc immaculé, étaient richement ornés de peintures, sculptures et dorures à la feuille d'or. Le style était raffiné ; les ornements contrastaient encore avec la désolation qui régnait au-dehors. C'était le siège d'une classe particulièrement privilégiée, chouchoutée par le Gouvernement Mondial, tant que celle-ci lui obéissait. Un jeu de dupe, où tout le monde finissait par y trouver son compte.

Sauf peut-être le peuple.

Plusieurs fois dans la semaine, la haute noblesse vindexoise qui avait survécu à l'Insurrection festoyait outrageusement dans les grands salons de l'incroyable palais. Même les jardins intérieurs avaient été refaits : une demande spéciale de l'Etoile Vagner, qui n'avait pas pu supporter un paysage trop urbanisé lors de sa venue sur l'île. Une sorte de caprice de riche, qui était cependant du plus bel effet. La vie de cour au château était paisible.

C'est dans ce cadre-là que les marins de la compagnie Godwin vinrent se placer, pour assurer la protection des nobles et notamment du roi Van Horn. Leur rôle était peu gratifiant : pour des vétérans comme eux, rester planter comme un piquet des heures à côté d'une porte faisait l'office d'un outrage à leur honneur. Et puis, beaucoup se demandaient bien pourquoi avait-on envoyé la Marine d'élite effectuer une telle tâche. Certains soutenaient qu'ils étaient les plus capables en cas d'intrusion ; d'autres que cela avait valeur de garantie auprès du nouveau gouvernement vindexois, qui avait peur pour sa sécurité. Mais au final, la vraie raison était, comme bien souvent, plus inaccessible au commun des mortels.

Le soir du premier jour venu, le commandant d'élite Mountbatten se joignit à la table du monarque. Assis aux côtés de Van Horn, les deux hommes ne tardèrent pas à engager une conversation amicale. Lors de ce gigantesque buffet – presque indécent au regard des vivres distribuées au reste de la population -, les nobles dégustaient leurs plats, participant par-ci, par-là, aux diverses conversations qui animaient le dîner. Le Marijoan ne tarda pas à relater de son enfance, qui s'était déroulée dans un cadre similaire, ce qui entraîna immédiatement la sympathie de son interlocuteur. Cette réaction crispa quelque peu le marin, car il n'appréciait pas vraiment qu'on juge une personne à son milieu d'origine. C'était probablement dû à son contact constant avec ses hommes qui, pour la plupart, avaient des origines sociales modestes.

Au cours du repas, il put donc faire connaissance avec la personne qu'il allait devoir protéger. Il trouva que Van Horn était un homme tout à fait agréable, cultivé et intéressant. Un homme très au courant de la situation mondiale actuelle, et de l'état de son pays ; mais aussi de son potentiel. En parlant avec lui, il put ainsi comprendre ses ambitions : rendre la fierté à sa nation, et la développer économiquement afin qu'elle rayonne dans la quatrième voie de Grand Line. Bien sûr, il n'omit pas de mentionner le rôle du Gouvernement Mondial dans ses projets et dans l'aide qu'il prodiguait à son pays. Ses projets, il les accompagnait d'exemples concrets. Il listait également toutes les conséquences envisageables de chacune de ses actions, à différents niveaux, et pour toutes les strates de la société. L'avis final de Mountbatten fut qu'il s'agissait de quelqu'un de raisonné, tout à fait apte à reprendre les rennes d'un royaume en pleine reconstruction. Il s'en vit donc rassuré, craignant que la Vénérable Étoile ne se soit contentée que d'une simple marionnette à contrôler…

Les jours, puis les semaines passèrent. Progressivement, les soldats devenaient un élément du décor auquel les courtisans ne faisaient même plus attention. Si au début ils pouvaient s'inquiéter de leurs oreilles indiscrètes, ils furent rapidement rassurés. Les intrigues politiques n'intéressaient guère ces braves soldats, même si cela ne les empêchait pas moins d'avoir leur propre opinion sur les rumeurs qui circulaient dans le palais. D'ailleurs, ça leur permettait de crever l'ennui dont ils souffraient tant. Ils entendaient sporadiquement des nouvelles du reste du pays, où les derniers bastions révolutionnaires tombaient sous les coups des impitoyables bottes de leurs camarades.

En parallèle, leur chef n'oubliait pourtant pas de les maintenir en activité, craignant que l'immobilisme leur fasse perdre de leurs capacités opérationnelles. Les entraînements étaient réguliers ; pratiqués non loin du palais royal, si bien qu'ils devinrent une attraction des nobliaux, au grand dam des marins. Avec un peu de recul, la majorité de ceux-ci finirent par se plaire dans cette nouvelle routine. Après le traumatisme des sept mois de guerre, cette vie si douce et idyllique leur paraissait presque irréelle. Ils étaient extraordinairement bien nourris, recevaient un traitement bien meilleur que ce qu'ils avaient pu expérimenter au cours de leur carrière.

Van Horn, lui, enchaînait les réformes. Grâce à un gouvernement compétent, il put rétablir l’État de droit dans tous les endroits de son pays, rétablissant dans le même temps les institutions. Son action fut en grande partie bien acceptée par la population. Néanmoins, elle fut moins par les administrateurs envoyés par le Gouvernement Mondial, qui possédaient des prérogatives de moins en moins larges.

Mais ce n'était pas encore suffisant pour décider de sa chute. Il fallait une dernière goutte d'eau pour faire déborder le vase.
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III.

Commémorations.
Trois mois après son intronisation, le bilan du roi Van Horn était très largement positif. C'était un souverain dynamique et aimé par le peuple. Il avait su modeler la mémoire à son avantage, mettant en avant de meilleures perspectives de développement grâce aux investissements du Gouvernement Mondial. Il souligna également la suppression de toute sédition grâce à la campagne militaire menée par la Marine. En public, il se montrait comme un optimiste convaincu.

Mais en coulisse, la réalité était toute autre.

Son champ d'action était en grande partie obstruée par les administrateurs envoyés par Marijoa. Ils avaient envahi l'intégralité des institutions de Vindex. Cette main mise était devenue de plus en plus insupportable ; d'autant plus que les Vindexois s'étaient remis du conflit. La reconstruction avançait grandement, la vie reprenait son cours normal. Alors, ils comprenaient difficilement une telle assistance, perçue de plus en plus comme une ingérence étrangère mauvaise pour leur nation.

Le roi Van Horn prit progressivement ses distances avec ses "conseillers spéciaux", qui l'accompagnaient dans tous ses déplacements, dans toutes ses réunions. Des technocrates mandatés directement par le Conseil des Cinq. Des personnes hautement qualifiées qui aidaient le dirigeant dans ses décisions. Cependant, il percevait cette présence de tous les instants comme une surveillance malsaine. Et ça, il en avait plus que marre.

----

Quatre mois, jours pour jours, après la fin de la guerre, il décida de prononcer un discours devant son pays. La mise en place fut fastidieuse, mais cette allocution devait être visible par tous les citoyens vindexois. Son texte avait été minutieusement préparé par ses conseillers spéciaux. Ce devait être un discours d'apaisement, qui était censé répéter une fois de plus les succès effectués au cours de ces derniers mois.

Alors, le roi s'avança sur l'estrade, ce matin-là. Quelques nuages couvraient l'horizon, mais des rayons de soleil parvenaient malgré tout à illuminer l'esplanade royale. Devant un parterre de journalistes et plusieurs escargocaméras, cet homme d'une quarantaine d'année paraissait plus rayonnant que jamais.

- Vindexois !

Il y a quatre mois était actée la fin de la guerre sur notre île. Le bilan fut très lourd. Nous avons tous perdu un ou des proches dans ces violences. Les conséquences, désastreuses, mirent notre pays à genou. Mais nous avons su nous relever, fièrement ! D'une défaite, nous devons en tirer les leçons. Et cela fait quatre mois que nous nous efforçons, avec mon gouvernement, de le faire. Je ne pense pas me tromper en disant que nous avons réussi dans cette voie ; et nous comptons bel et bien continuer sur cette lancée. Néanmoins… Nous devons également penser au futur. Notre pays possède de nombreuses richesses, qui n'attendent que d'être exploitées. Le peuple vindexois est un peuple fort, honorable en tous points ; à qui le hasard n'a rien épargné. Si nous comprenons parfaitement l'attitude du Gouvernement Mondial, nous devons malgré tout pouvoir nous gouverner de manière autonome…


Devant de tels propos – bien éloignés de ce qui avait été prévu -, les représentants du pouvoir du Gouvernement Mondial ne pouvaient que s'indigner. Derrière la scène, les conseillers spéciaux bondirent de stupéfaction ; tandis que les journalistes se réjouissaient d'une telle annonce.

- C'est pourquoi j'officialise la création de la Force de Sécurité de Vindex. Il est impératif que notre nation puisse assurer sa sécurité seule contre les dangers que nous pouvons être amenés à affronter. Nous ne pouvons décemment pas reposer indéfiniment sur la Marine pour nous protéger. Cela relève de l'intérêt de tous. Dans une semaine précise, mon gouvernement statuera sur l'organisation  fonctionnelle de ce nouvel organe chargé de la sécurité des Vindexois.

Notre pays a sombré dans l'Insurrection pour de nombreuses raisons ; mais parmi elles se trouve l'incapacité de nos forces de sécurité d'alors d'endiguer la menace révolutionnaire. Ce dysfonctionnement ne sera plus reproduit, je vous en donne ma parole. Vindex a appris de ses erreurs : il est temps d'envisager un nouvel avenir, où son honneur et sa puissance seront retrouvés.

Vive Vindex !


Il finit son discours, saluant la foule amassée sur la place. Elle cria, en chœur, un "Vive le Roi" particulièrement enthousiaste. Sa nouvelle mesure phare était le signe d'une volonté de reconquête de la souveraineté du pays. La situation était toutefois délicate, et le Roi s'en limita à la création d'une simple Force de Sécurité, à vocation purement défensive et au rayon d'action limité au territoire national. Pourtant, les administrateurs du Gouvernement Mondial voyaient d'un très mauvais œil cette initiative prise de manière unilatérale par le monarque.

Le gouvernement vindexois fut aussi surpris par cette déclaration. Il n'en avait pas été mis au courant non plus, mais l'accueillit très positivement. Après tout, la présence de la Marine ne les enchantait pas plus que le reste de la population. C'était l'équivalent de quatre divisions qui stationnait de manière permanente sur l'île, même si elle avait été pacifiée. Le roi passa le reste de sa journée à assister à de nombreuses commémorations dans la capitale, Aldebaran.

En secret, les agents du gouvernement postés à Vindex – et plus précisément les membres de la cellule des Cipher Pol un, cinq et huit – envoyèrent une série d'escargofaxs vers Marijoa, attendant les ordres sur la réaction à adopter.
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IV.

Prélude.
Quelques jours passèrent depuis l'allocution du roi. Les choses, pour ainsi dire, avaient beaucoup changées entre temps. Si son gouvernement s'affairait à mettre en place cette Force de Sécurité vindexoise, l'attention au sein du palais se portait surtout sur les rapports de plus en plus tendus entre Van Horn et les administrateurs de Marijoa. Il suffoquait. Il ne pouvait plus tolérer qu'on lui lie les mains, alors même qu'il était chez lui. Sa colère, qu'il avait longtemps intériorisé, s'était exprimée en particulier le jour où il avait expulsé ses conseillers spéciaux. Il les avait personnellement remercié, pour ainsi dire, de leur rôle et de leur présence, en restant courtois en tout point. Pourtant, cette politesse de façade n'enlevait rien à sa détermination et à son aversion envers ces administrateurs qui, en plus d'être condescendants, décidaient à la place d'un peuple qu'ils ne comprenaient pas. Il savait que ses sujets le soutenaient dans sa démarche ; mais il était parfaitement au courant des enjeux.

Alors, l'ambiance était des plus étranges au sein de la résidence royale. La plupart des courtisans avaient été renvoyés chez eux ; seuls les plus fidèles au roi s'étaient vus octroyés la permission de rester dans les lieux. Les bureaucrates se faisaient plus rares dans les couloirs, évitant à tout prix d'attiser l'ire du souverain. Un climat de suspicion généralisée s'était installé.

De leur côté, les gardes du commandant Mountbatten occupaient une position difficile. Ils devaient remplir leur mission, mais ils étaient de la Marine... Ils devaient se montrer neutre dans les intrigues politiques, ce qui était bien évidemment très difficile. Devant le nombre croissant de disputes entre les nobles locaux et le personnel du Gouvernement Mondial, ils pouvaient difficilement intervenir. Se placer du côté vindexois serait trahir leur camp ; tandis que se positionner en faveur des administrateurs de Marijoa enverrait un message hostile à Van Horn, alors que le chef de la garde souhaitait apaiser les tensions.

----

PULU PULU PULU PULU. PULU PULU PULU PULU. GOTCHA.

- Antenne centralisée du Cipher Pol pour Vindex, j'écoute.

- Ici le Pachyderme.

- Bien. Nous attendions votre appel.

- Nous arrivons ce soir vers huit heures. Assurez-vous que tout soit en place à notre arrivée. Nous devons rester le moins de temps possible... M'enfin, vous le savez déjà.

- Affirmatif. Nous vous laisserons le champ libre.

- J'apprécie. Pour les détails, voyez avec mon adjointe.

- Ce sera fait.

GOTCHA.

Le crépuscule tombait sur les eaux environnantes de l'île. Le paysage était magnifique. Les particularités climatiques du pays étaient visibles à l’œil nu. En face du navire, la région arctique de Mekiel côtoyait les jungles luxuriantes d'Eminar et les champs décimés d'Ypres. L'embarcation s'apprêtait à emprunter le Cataracte, pour atteindre la capitale vindexoise, Aldebaran. Le bateau était de petite taille, sans prétentions. Il était tout juste assez grand pour accueillir une petite équipe d'une dizaine de personnes. Ils revêtaient de longs manteaux de couleur noire. Dessous, les costards habituels caractéristiques des agents du Cipher Pol. Ils accompagnaient Hans Muller, un des chefs d'équipe du CP9. Le Gouvernement Mondial avait mis les moyens pour faire taire ce roi dissident. Et pour assurer la réussite de sa chute, ils avaient placé leurs espoirs dans ce vétéran, habitué des opérations si controversées de son service.

- Alors, en une nuit, tout ça se finira.

- J'en ai bien l'impression, Stucy.

Son adjointe, bien plus jeune que lui, regardait elle aussi l'horizon de manière nonchalante. Pour cette mission, elle allait observer le professionnel. Elle devait se former avant de pouvoir commencer pleinement sa carrière. Elle semblait si fragile, si innocente. Pourtant, elle appartenait bien au service de renseignement le plus craint du monde. Ses yeux verts reflétaient une douceur traîtresse. A ses côtés, Muller alluma une cigarette et aspira la fumée, avant de la souffler devant lui. Ce rituel lui permettait de réduire son stress. Paradoxalement, fumer le faisait respirer ; l'éloignait un court instant de toutes les responsabilités qui lui incombaient. Si la mission était une réussite, elle ne constituerait qu'une ligne de plus dans son dossier déjà bien rempli. Par contre, si échec il y avait... Non, il ne voulait pas y penser.

- Qui portera le chapeau ?

- Un marine. J'ai lu son dossier. Ce sera facile de convaincre l'opinion publique qu'il est le coupable.

- Pourquoi ?

- N'as-tu pas vu ? Il a mangé un fruit du démon qui lui permet d'être invisible. Quoi de mieux pour perpétrer un assassinat. Du reste, on pourra toujours romancer sur la forme.

- C'est sûr qu'il est mal tombé. Et... si on n'arrive pas à l'attraper ?

- Ça n'a pas vraiment d'importance. L'essentiel, c'est d'éliminer la cible pour légitimer la suite.

- Je vois...

- Tiens, va donc peaufiner les détails. L'exécution ne peut être parfaite que si tout est minutieusement préparé.

- C'est noté chef.
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V.

Une mystérieuse venue.
La nuit tomba sur Vindex, levant un voile étoilé et lumineux, grâce à la pleine lune. Celle-ci illuminait les rues d'Aldebaran, si bien qu'aucun éclairage artificiel n'était nécessaire. Le ciel était clair, et les astres qui ornaient la voûte céleste constituaient un magnifique décor. Là, au milieu de la capitale, le palais royal se tenait fièrement, reflétant la lumière par le biais de ses nombreux grillages ; mais aussi par ses grandes fenêtres.

A l'intérieur, c'était l'heure du coucher du roi. Le dîner venait de se finir, et les courtisans rentraient peu à peu dans leurs appartements. Le commandant d'élite Mountbatten accompagna personnellement le monarque jusqu'à la suite royale, où il dormait seul. Autour d'eux, une petite escorte assurait sa protection. La prudence était de mise, en ces temps de troubles. Les deux hommes échangeaient des banalités. Ils s'appréciaient, mais leur statuts respectifs les empêchaient d'aller plus loin qu'une simple entente cordiale. Ils marchaient dans ces longs et larges couloirs de l'édifice, jusqu'à atteindre une grande porte en bois, décorée d'un riche ornement en feuille d'or. Le roi Van Horn salua son escorte et s'enferma dans sa chambre. Ce soir-là, il était particulièrement fatigué. Les nombreux conflits des jours précédents l'avaient vidé de son énergie. La pièce était en réalité d'une taille modeste, avec un mobilier discret et une grande vitre qui donnait sur le jardin intérieur du palais.

Les gardes se replacèrent à leur poste habituel. Mountbatten, lui, gardait comme à son habitude la chambre royale les premières heures de la nuit. L'autre partie était assurée par l'un de ses plus fidèles subordonnés, le sergent d'élite Pacific. Tout ce qu'ils faisaient pendant plusieurs heures, c'était se tenir devant la grande porte, en silence. Une section accompagnait l'officier. Ceux-ci effectuaient des rondes dans les couloirs alentours par petits groupes, généralement par trois ou quatre. C'était une tâche ingrate et exténuante. Quatre mois que cela durait, et malgré tout, les marins d'élite continuaient à donner du meilleur d'eux-mêmes. Que ce soit en combat ou dans ce genre de missions, la mentalité des marins d'élite était de se surpasser et de tout donner, afin de garantir l'excellence du corps auquel ils appartenaient. Mobiliser la Marine d'élite devait être gage de professionnalisme, d'expérience et de sérieux.

Quelques minutes après le coucher du roi, un groupe de cinq personnes vint se présenter devant le chef de la garde. Ils étaient habillés comme les administrateurs du Gouvernement Mondial, mais dégageaient une attitude bien différentes des simples gratte-papiers. Le supérieur du groupe était un homme d'une cinquantaine d'année, portant des lunettes et arborant une barbe et une chevelure grisonnante.

- Commandant d'élite Mountbatten, je présume.

- A qui ai-je l'honneur ?

- Conseiller spécial Stravinsky. Je suis mandaté par Marijoa pour m'entretenir avec le roi Van Horn, afin de régler des questions urgentes.

- Et vous n'arrivez qu'à cette heure ?

- J'ai eu du retard à cause des conditions en mer... Et cette entrevue ne peut attendre.

- Vous avez une attestation, quelque chose ?

- Bien sûr. Regardez... J'en ai une de votre supérieur, le commandant d'élite Kimblee.

Stravinsky tendit au Fantôme un laisser-passer officiel, signé par Kimblee en personne. Mount, qui connaissait bien la signature de son supérieur, ne pouvait remettre en cause le papier. Mais il ne savait pas vraiment si cela pouvait suffire.

- Je vois... Avez-vous autre chose ?

- Cela devrait faire l'affaire, commandant.

- Je crains fort que ce papier ne soit pas suffisant pour réveiller le roi en plein dans son sommeil.

- Ah, je comprends parfaitement. Dans ce cas, voyez plutôt ceci.

Alors, le conseiller tendit une autre attestation. Le marin fut surpris. Cette fois-ci, c'était l’Étoile Vagner qui l'avait signée. Il mentionnait une mission urgente, qui autorisait dès lors le conseiller spécial Stravinsky de déranger le roi, quelle que soit son occupation. Le militaire soupira et remit le papier à son propriétaire.

- Bien... Par contre, je dois vous accompagner à l'intérieur.

- Je ne pense pas que ce soit nécessaire.

- J'insiste.

- Ah... Commandant... J'ai bien peur que ce que je dois dire au roi Van Horn soit strictement confidentiel ; et qu'en vous imposant de la sorte, vous outrepassiez votre fonction. N'oubliez pas, vous n'êtes qu'un marin parmi d'autres... Et je ne tolérerai pas d'autres écarts.

- Bien reçu... Dans ce cas...

Mountbatten ouvrit la grande porte et laissa Stravinsky s'engouffrer dans la chambre royale, puis la ferma pour assurer la confidentialité de leur discussion. Les quatre autres membres de la délégation patientèrent devant, avec des airs flegmatiques qui intriguaient le vétéran. Qu'est-ce qui pouvait bien être aussi important pour que ça pour nécessite un laisser-passer de Kimblee et une attestation d'une Vénérable Étoile ? Tout ceci dépassait bien entendu le commandant, qui ne devait pas s'immiscer dans les affaires politiques du Gouvernement Mondial. Néanmoins, cela avait attisé sa curiosité.

Une dizaine de minutes plus tard, l'homme ressortit de la pièce. Il salua le chef de la garde et repartit par là où il était venu, suivi par ses subordonnés. Avant de sortir du champ de vision de Mount, le conseiller spécial se retourna, laissant le reste du groupe avancer. Il se tourna vers le Marijoan. Derrière ses verres, il le fixa de ses yeux gris, sans changer d'expression du visage. Puis, il continua sa route, ne laissant que des interrogations derrière lui.
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VI.

Un mythe brisé.
Les heures passèrent. Désormais, la nuit était définitivement tombée, et les activités humaines avaient cessé pour reprendre de plus belle dès l'aube. Au palais, c'était le moment de la relève de la garde. Il n'y avait guère de cérémonies ; les relevés étaient fatigués, tandis que les nouveaux venus souhaitaient économiser leur énergie et ne pas perdre de temps dans de telles futilités. Un salut amical entre les supérieurs des deux groupes suffisait.

- Quelle est la situation commandant ?

- Pas d'agitation, sauf au début du service.

- Que s'est-il passé ?

- Rien de grave... Des bureaucrates sont venus régler une mission urgente en s'entretenant avec le roi. M'enfin, ils ne sont pas restés bien longtemps.

- Bien reçu. Bon, je vais voir si tout va bien dans la chambre.

- Bah attends, je viens avec toi.

Les deux hommes ouvrirent doucement la grande porte, afin de faire le moins de bruit possible. La lumière lunaire éclairait la pièce, si bien qu'ils n'eurent aucun problème pour distinguer les couleurs. Le sergent s'approcha progressivement du lit du souverain. Ce dernier était dos à la porte, si bien que le marin dût se pencher pour apercevoir sa tête.

- Attends, y'a un truc qui cloche...

- Qu'est-ce qu'il y a ?!

Pacific sursauta de stupeur. Il venait de découvrir la gorge du monarque ensanglantée. Son visage, figé, lui donna des sueurs froides. Ses yeux fixaient le mur, vidés de l'âme qui habitait ce corps. Sa bouche était entrouverte, mais plus aucun mouvement respiratoire n'en émanait. Avant de prononcer d'autres mots, le sous-officier voulut être sûr. Il approcha sa main et tenta de prendre son pouls. Mais il ne sentait rien. Un silence glacial s'installa. Mountbatten avait compris, mais ne voulait pas y croire. Il recula de quelques pas, affolé par ce qui venait de se passer. Non, il ne voulait pas. Alors, il fixa le sol, incapable de comprendre. Sa mission était un échec. Il avait échoué.

Float se retourna, et, la gorge nouée, expulsa quelques mots, l'air hagard.

- Le roi... Le roi Van Horn... est mort ? Que... Comment...

Entendant ces paroles, les soldats les plus proches de la porte se ruèrent à l’intérieur, eux-aussi surpris. Ils répandirent la nouvelle à leurs camarades, qui furent tous stupéfaits.

- Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

- Il faut alerter le commandant Kimblee !

- Non, attendons les ordres du chef !

Au fond du couloir, des bruits de pas résonnèrent. C'était un petit groupe de personnes, qui courrait en direction de la suite royale. Mis en alerte par le récent assassinat du roi, les marins se mirent en position immédiatement, pointant leur fusil vers cette potentielle menace qui se rapprochait de plus en plus.

Il s'agissait en fait de membres du CP8, arborant leur traditionnelle tenue de costard noir. L'agent qui commandait la troupe déclina son identité aux marins, qui baissèrent dès lors leurs armes. Lorsqu'ils arrivèrent à portée du commandant d'élite Mountbatten, ils le mirent en joue sans hésiter, ce qui provoqua une grande confusion au sein des marins.

- Qu'est-ce que vous faites ?!

- Commandant d'élite Alexander Mountbatten, vous êtes en état d'arrestation, ne bougez plus !

Le Fantôme fronça les sourcils. Lui qui était sous le choc comprenait mal pourquoi était-il en arrestation. Néanmoins, il garda son calme et tenta d'en savoir plus.

- Pourquoi m'arrêtez-vous ?

- Nous avons intercepté des documents qui prouvent que vous êtes impliqué dans un complot visant à tuer le roi Van Horn ! Rendez-vous sur-le-champ !

- Mais c'est grotesque ! …

- Nous avons en notre possession des enregistrements audios, où vous acceptez une offre d’assassinat contre une grosse somme d'argent. Ne niez plus ! Nous savons tout !

- Bordel mais c'est n'importe quoi !! Je vais vous le montrer sur-le-champ. Voyez-vous, le roi vient de mourir ce soir.

- Comment ?!

- Sa gorge a été tranchée, et nous venions de nous en apercevoir. Maintenant, ce meurtre a dû être perpétré pendant mon service. Service pendant lequel j'étais avec mes hommes devant cette foutue porte à rien faire. Je ne sais pas à quoi vous jouez, mais je n'apprécie absolument pas cette mascarade...

- Il a raison, nous étions avec lui.

- Vous, soldat. Répondez-moi honnêtement : a-t-il été pendant toute la durée de son service avec vous ou en compagnie d'autres marins ?

- Bien sûr ! 'Fin y'a juste eu... Euh... Oui... Oui, toujours.

- J'ai comme l'impression que vous nous cachez quelque chose, soldat. Répondez maintenant, ou c'est la cour martiale.

- Hum... Euh... A un moment, le commandant est parti aux toilettes... Mais ils sont à l'autre bout du palais, et on l'a vu partir ! Impossible que ça soit...

BANG BANG.

L'agent exécuta sommairement le soldat de deux balles de pistolet sans attendre plus d'explications. Il avait eu ce qu'il voulait. Il se retourna vers le Marijoan, l'air narquois. L'homme était piégé, et il venait juste de s'en rendre compte. C'était tout un monde qui s'écroulait autour de lui. Depuis sa plus tendre enfance, il avait été élevé en s'étant fait une image idéalisée du Gouvernement Mondial. Avec la guerre sur Vindex, ce mythe avait été brisé, mais il était resté optimiste, pensant naïvement pouvoir faire changer les choses depuis l'intérieur. Il avait été au service des Vénérables Etoiles en rentrant dans la Marine et en gravissant les échelons, un à un, jusqu'à devenir commandant d'élite. C'était un honneur, un aboutissement qui présageait une grande carrière, durant laquelle il espérait faire évoluer les méthodes de l'organisation.

Mais il n'eut même pas cette chance-là.

Cette nuit, la réalité le rattrapa. Le Gouvernement Mondial n'avait pas changé, et ne changera pas. Il en était à présent convaincu.

- A présent messieurs, j'espère que vous ne doutez plus quant à la culpabilité de votre ancien supérieur.

C'était une situation extrêmement difficile pour ses hommes. Certains étaient sous ses ordres depuis la campagne militaire, et l'avaient suivi sur le front. Frère d'arme, c'était un lien très fort. Ils avaient vu de leurs propres yeux le dévouement de ce jeune officier, ambitieux, stratège mais aussi humain. Un homme avec qui ils avaient partagé leurs peines, leurs désillusions ; mais aussi l'exaltation de la victoire. Pour d'autres, ils avaient eu l'image d'un commandant dédié à sa tâche, une sorte de parangon de droiture que rien ne pouvait dévier de sa mission. Alors ce qu'ils avaient vu en lui n'était que de la poudre aux yeux ? Ils doutaient tous. Certains moins que d'autres, il est vrai. Mais tous rechignaient à croire entièrement à cette réalité. Une réalité pourtant soutenue par le Cipher Pol, et donc par le Gouvernement Mondial.

- Aller, attrapez-le !

L'heure était manifestement aux choix difficiles.
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Le jour où tout a basculé

VII.

Fuir ses crimes.
- Non... Non... Ça ne peut pas être réel...

Mount n'en revenait toujours pas. Il fit quelques pas en arrière. Face à lui, ses propres hommes semblaient ne plus le soutenir. Même Pacific restait terriblement silencieux. Il évitait même de croiser le regard de son supérieur. De son ami. Face à la décision du Gouvernement Mondial, les considérations de chacun n'avaient que peu de poids. Lutter paraissait impossible. C'était comme nager à contre-courant : au bout d'un moment arrive la fatigue et, ultimement, la mort. Il était question de la survie de chacun, de leur avenir au sein de la Marine d'élite. Et même si cette arrestation était injustifiée à leur sens, ne pas suivre les ordres ne pouvait que les pénaliser.

Le sergent d'élite leva les yeux vers son ancien chef. Lorsque leur regard se croisa, le Fantôme comprit instantanément. Il était au bord des larmes, mais ne pouvait pas résister. Il commença à secouer très légèrement la tête de gauche à droite, l'air profondément désolé. Mais Mountbatten avait compris, et se résigna. Pacific avait fait un choix, et il le comprenait.

- Alex... C'est fini... Rends-toi.

Au loin, des bruits de bottes résonnaient dans les couloirs. D'autres renforts avaient été dépêchés et n'allaient pas tarder à arriver sur les lieux. Il fallait faire un choix, et vite.

L'ancien marin ne savait pas s'il avait encore la force de s'échapper, et de résister au Gouvernement Mondial. Il avait vu par lui-même la force prodigieuse de l'organisation et de son bras armé, la Marine. Un pays tout entier, Vindex, avait tenté de s'opposer à lui. Et il savait pertinemment que cet État comptait de brillants tacticiens et de puissants combattants. Pourtant, il était tombé. Dans ce cas, que pouvait-il espérer, lui ? Il n'était qu'un simple homme parmi d'autres, à présent livré à lui-même dans Grand Line.

D'un autre côté, cela n'avait fait que renforcer son envie de changer l'ordre établi et d'en fonder un, plus juste, plus honnête. L'envie de se confronter à une hydre titanesque, corrompue jusqu'à ses entrailles. Une gigantesque créature pourrie jusqu'à la moelle, qui défendait un modèle détestable en tous points. Les valeurs et les convictions intimes de l'ancien commandant ne pouvaient que le pousser à dénoncer ce système. Et il savait très bien qu'être accusé d'avoir tué un roi pouvait le condamner à la prison à perpétuité, ou même lui coûter sa vie.

Les secondes passèrent, les bruits se rapprochèrent. Que faire ? Que faire.

Non. Non, il ne pouvait pas avoir fait tout ça pour rien. Il ne pouvait pas être arrivé là où il était, avoir fait tout ça pour rien. Il savait comment le Gouvernement Mondial fonctionnait ; ce qui constituait un atout de taille pour le combattre. Non, il ne pouvait se résoudre à trahir ses idéaux, sa vision des choses. Le destin l'avait fait basculer de camp : ce n'était pas un coup du sort, mais bien une chance à saisir, pour faire changer les choses une bonne fois pour toute.

Ainsi soit-il ! Il devait continuer la lutte. Mount se tourna et s'élança vers la fenêtre de la suite royale, qui donnait sur les jardins intérieurs du palais. Les sbires du Cipher Pol ouvrirent le feu, ratant la plupart de leurs tirs. Une balle transperça l'avant-bras gauche de l'assassin présumé, mais il n'arrêta pas sa course pour autant. Il brisa la vitre et, utilisant une série de geppous, il sortit du périmètre en survolant la ville. La tranquillité d'Aldebaran fut troublée par l'alerte générale des forces de la Marine, qui sortirent de leur caserne et débutèrent la traque du fugitif. Mais lui s'était déjà mis en invisible, déterminé à aller jusqu'au bout. Sous l'effet de l'adrénaline, il ne sentait pas vraiment sa blessure. Néanmoins, il devait la prendre en charge au plus vite.

Il s'éloignait de plus en plus du centre et arriva au niveau des faubourgs du sud de la capitale. Là-bas, la Marine était peu présente et il pouvait donc poser un pied au sol. Il fallait trouver un docteur au plus vite pour s'occuper de la plaie, sinon le Marijoan risquait de perdre connaissance, ce qui signifiait la fin de sa fuite. Alors, il se souvint d'un médecin avec qui il avait discuté quelques jours après la fin de la guerre, lorsque ses hommes et lui patrouillaient en ville. Un certain docteur Osmanoglu, Miraculeusement, son cabinet avait été totalement épargné des bombardements, et il avait été remarqué pour le nombre d'opérations qu'il avait fait pour sauver à la fois des soldats vindexois, des civils et des marins. Un homme honorable d'une soixantaine d'année, qui vivait avec sa petite-fille dans une petite rue dont il se souvenait encore l'emplacement.

Mount se repérait facilement grâce à la lumière de la Lune, et repéra assez vite le bâtiment en question. Même s'il était deux heures du matin, il pensait fermement que le vieil homme lui ouvrirait. Il ne refusait jamais de soigner quiconque, quelle que soit l'heure ou l'identité de la personne. Il toqua fort à la porte. Mais personne. Il toqua à nouveau, et attendit quelques secondes de plus. Aucun bruit. Le temps pressait, et la douleur se faisait de plus en plus pressante.

Soudain, la porte s'ouvrit, et le vieil homme en chemise de nuit invita le Fantôme à entrer.

- Mais qu'est-ce que vous faites ici à une heure pareille ?!

- Écoutez docteur, je n'ai pas beaucoup de temps... Désolé de vous déranger en pleine nuit. J'ai été blessé par des bandits non loin d'ici... Et je me suis rendu au médecin le plus proche de ma position... Donc vous. Le temps presse.

- Bon... C'est pas grave, j'imagine que vous n'avez pas pu faire autrement. Faites-moi voir la plaie.

Mountbatten tendit son avant-bras au médecin, qui approcha la bougie qu'il utilisait pour voir à l'intérieur de la blessure. Du sang avait coulé jusqu'au bout des doigts.

- Bon... Installez-vous là-bas. Dit-il, en indiquant de son index un divan d'examen.

L'homme prépara son matériel, tandis que l'ex-officier suivit ses instructions. Avant que le docteur s'occupe de lui, il ausculta par lui-même sa plaie. Un détail le rassura : la balle était sortie, ce qui n'allait pas nécessiter d'une intervention chirurgicale. De plus, une balle qui restait dans le corps s'avérait plus dangereuse qu'une balle qui en était sortie, car cela voulait dire que l'énergie du tir avait été entièrement absorbée par les tissus. L'onde de choc ainsi provoquée dans le corps pouvait se révéler létale, ou du moins très handicapante. Et il en savait quelque chose... Au cours de la guerre, les soldats étaient tous mis au courant de ce petit détail technique, qui pouvait faire la différence entre une simple cicatrice et la mort.

- Grand-père, qu'est-ce qui se passe ?

- Rien ! Rendors-toi, Sayuri.

- Mais tu fais du bruit... Tiens, c'est qui ?

- Un marin qui est venu en urgence ici pour que je le soigne. Aller, va au lit maintenant.

- Mais j'ai pas envie... Et puis j'arrive pas à dormir.

- Roh... Bon aller, reste avec nous. Mais promets moi que tu iras directement au lit après.

- C'est promis !

Le vieil homme revint vers le divan d'examen, accompagné de sa petite-fille. Elle avait six ans et se présenta au marin, qui fut amusé par la nouvelle venue. Elle était si douce, si innocente... Le contraste était fort avec ce qu'il venait de connaître. Le médecin s'occupa de sa blessure en la désinfectant et en appliquant des bandages. Heureusement, aucune veine, ni même les os, n'avaient été touchés. Mountbatten avait eu beaucoup de chance, et vit cela comme un signe. L'intervention n'avait duré au final qu'une dizaine de minutes.

- Bien, je crois que nous avons fini monsieur... ?

- Mountbatten.

La seconde d'après, il se rendit compte de son erreur. Il venait de dévoiler son identité au médecin. Celui-ci souriait et lui proposa un café. Il déclina sèchement. Que faire ? La panique montait en lui. Pour la première fois de son histoire, il était considéré comme hors-la-loi. Il ne s'était pas rendu compte des conséquences. Le lendemain, lorsque la nouvelle de l'assassinat du roi sera connue de tous et que son nom sera divulgué, alors le docteur Osmanoglu pourra informer les autorités qu'il est passé chez lui en pleine nuit pour se faire soigner. En soit, cela ne changeait pas grand-chose, dans la mesure où le traître comptait partir de l'île la nuit-même. Il se calma, se disant que ce n'était rien.

Sauf qu'il oublia un détail. Plus loin, en ville, les fouilles avaient commencé ; et les marins allaient bientôt arriver aux faubourgs sud. A ce moment-là, le vieil homme pourra les informer de l'état du fugitif. Très mauvaise chose. Dès lors, Mount paniqua. Il fallait empêcher le docteur de parler. Avec le stress, la fatigue et les récents bouleversements émotionnels, il n'y voyait pas très clair. En soit, il aurait pu les ligoter. Ils auraient été libérés le lendemain, lorsqu'il serait parti. Mais la paranoïa envahit l'esprit du Marijoan.

Sans un mot, il s'approcha d'Osmanoglu et, d'un revers du bras, il lui trancha la gorge à l'aide de ses lames fantômes. L'homme écarquilla les yeux d'effroi et d'incompréhension. Il essaya de prononcer quelques mots mais, à cause de l'entaille, ne put exprimer quoi que ce soit. Il s'écroula devant les yeux de sa petite-fille, terrifiée. L'ancien marin l'avait oublié et, sous la panique, fit de même avec la petite-fille, qui ne tenta même pas résister. Elle tomba également sur le plancher, sans un mot. D'un seul coup, la pièce était silencieuse, morte.

Le commandant d'élite déchu se rendit compte, trop tard, de son crime effroyable. Il ne pouvait pas y croire. Il était devenu un monstre. Tuer n'était pas la seule option possible. Mais il l'avait choisi, il devait l'assumer, qu'importe ce que ça lui coûtait. Non, il ne pouvait pas, cette fois-ci, reporter la responsabilité sur ses ennemis. C'était bien lui qui venait de tuer deux innocents. Il en eut le souffle coupé. Il n'avait pas la carrure d'un meurtrier sanguinaire, d'un sociopathe dénué de remords. Il s'assit sur une chaise et plongea son visage dans ses mains, ensanglantées. Secouant sa tête frénétiquement, il pria pour que cela ne soit qu'un mauvais rêve.

Se rendant compte de la vanité de ses prières, il releva les yeux pour faire face à son crime. Il voulut que cela n'ait jamais eu lieu, qu'il puisse revenir en arrière. Mais la mort a ce caractère irrévocable qui la rend si terrifiante. Une larme, suivie de plusieurs autres, coula sur ses joues. Il ne pouvait plus se contrôler, tant sa peine était grande. On l'accusait d'être un assassin ; voilà qu'il l'était devenu.
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Le jour où tout a basculé

VIII.

Epilogue.
Les soldats passèrent au crible tout Aldebaran à la recherche du fuyard, sans succès. Mountbatten avait volé une petite chaloupe et avait emprunté le fleuve Cataracte pour sortir de Vindex. A bord, il avait pris juste de quoi survivre, et avait mobilisé ses dernières forces pour rendre son embarcation et lui invisibles, grâce à son fruit du démon. Il n'avait pas encore de plan précis en tête, mais était profondément résolu à mener à combattre le Gouvernement Mondial et à la renverser. Une fois sorti des eaux territoriales de l'île, il désactiva son fruit et s’allongea dans son bateau, contemplant les étoiles.

- Alors finalement, c'est comme ça que tu quittes Vindex.

Mount tressaillit et regarda dans toutes les directions. Personne. Entendait-il des voix ou y avait-il quelqu'un ? Mais où ? Il n'en avait aucune idée.

- Qui parle ?!

Aucune réponse. L'océan était redevenu aussi calme. Le clapotis des vagues qui soulevaient légèrement le petit navire constituait, pour ainsi dire, le seul bruit perceptible par l'ancien marin. Malgré tout, il était convaincu que quelqu'un avait parlé. Il redoutait d'être devenu fou, notamment après ce qu'il avait fait. Il ne voulait pas y penser, mais tout le ramenait à cet ignoble crime.

- C'est moi.

Il sursauta à nouveau, cherchant désespérément quelqu'un, quelque chose. Une preuve que ce qu'il entendait était bien réel, et non uniquement issu de son imagination. Mais quelque chose le troublait terriblement. Cette voix... Il l'avait déjà entendu quelque part. Une voix féminine, douce mais sans naïveté. Une tendresse qui avait déjà réchauffé son cœur lorsque les temps étaient durs. Oui, il s'en rappelait maintenant. C'était la voix de Louise, sa fiancée.

- Je te croyais morte.

Il n'espérait pas vraiment de réponse. A vrai dire, il trouvait ça ridicule de répondre à son esprit. Elle était morte pendant la guerre, et rien ne pouvait la ramener à lui. Il se faisait des illusions.

- Je ne le suis que si tu penses que je le suis.

Cette fois-ci, il ne chercha pas à trouver une source réelle de cette douce voix. Qu'importe s'il délirait, imaginer sa présence à ses côtés le rassurait. Voilà plusieurs mois qu'elle avait disparue. Son corps n'avait même pas été retrouvé. Il avait difficilement fait son deuil ; cependant, l'entendre à nouveau l'emplissait de chagrin, car il savait qu'il ne la reverrait jamais. Son souvenir devenait encore plus vif qu'avant.

- Pourquoi... Pourquoi a-t-il fallut que tu disparaisses ?

Soudain, une étoile filante passa devant les yeux larmoyants de Mount. Ce fut la seule réponse qu'il eut. Il détacha de son collier un pendentif. C'était une moitié de cœur en or. L'autre, il lui avait offert lors de sa demande en fiançailles. Il le fixa plusieurs minutes, pour se commémorer les bons moments qu'il avait passé avec elle, avant de le remettre à son cou. Ainsi, elle serait toujours avec lui. Étant vidé de son énergie, il tomba dans un sommeil profond, rythmé au gré des vagues et des météores qui passaient au-dessus de lui.

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Ce matin-là, le royaume de Vindex fut secoué par la nouvelle : le roi Van Horn avait été assassiné dans la nuit, par un traître qui l'aurait fait pour une somme d'argent importante. Les commanditaires sont toujours recherchés, mais certaines spéculations disent qu'il s'agit des derniers soutiens de la Révolution sur l'île. Le Gouvernement Mondial a condamné ce meurtre et a décidé de prendre l'île directement sous sa protection pour faire rétablir l'ordre et en assurer la prospérité. Un nouveau gouverneur arriva quelques jours après, mandatés par Marijoa pour diriger le pays.

Ainsi prit fin le royaume de Vindex, deux cents cinquante-trois ans après sa fondation.
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