Hadoc coupe sa communication avec Yamamoto. Le soleil bat une terre si chaude qu'il est étonnant que le sable ne s'y change pas en verre. Il fait toujours torride à Myriapolis, mais aujourd'hui, même les insectes pourraient apprendre à transpirer. Gharr ne sue pas la moindre goutte, tout s'évapore avant même d'obtenir le droit de perler. Par cette atmosphère de feu, n'importe quel homme se dessécherait en une heure sans ses litres d'eau. La folie le gagnerait en quelques assauts du globe tapant sans relâche les crânes imprudents. Hadoc écourte ses quelques minutes de marche en dehors de la cité des abeilles, la peau marquée et l'oxygène pénible à absorber dans cet air étouffant. En une alcôve, la température chute d'une bonne dizaine de degrés. Plus il s'enfonce dans l'immense gueule de galeries qu'est la cité, plus la température se stabilise. Et le premier courant d'air frais, sonné entre deux alvéoles où circulent nombre de badauds, lui offre une inspiration franche et savoureuse, tandis que son épiderme continue de restituer la chaleur absorbée à la lumière vive.
Le Ruche est accueillante, le Colonel qui l'avait escorté jusqu'au port n'avait pas menti. Si la vue d'abeilles et nombreux autres insectes déambulant dans les rues étroites surprend au début, autant qu'un rêve où les chiens errants seraient des scarabées opportunistes, c'est précisément cette même suspension d'incrédulité inhérente au monde onirique qui opère. L'étonnement à la première seconde de voir une abeille de taille humaine marcher au plafond pour aller travailler devient un amusement à la trentième minute de surprendre une mante religieuse faire la circulation dans les quelques couloirs suffisamment larges pour être entièrement dédiés aux monteurs de bolides hexapèdes. Il ne fallut pas deux heures au marine pour tester son premier réhydratant lait de puceron au miel, vendu par un homme très jovial bardés de fourmis. Il parait que sans le miel, c'est très difficile à appréhender pour les touristes. Il testera la formule pure, mais chaque chose en son temps.
Des touristes, il y en a pléthore. Si l'île est un calvaire sur la quasi totalité de sa surface, c'est presqu'aussi vrai concernant les souterrains. Néanmoins, des trois villes bâties, la Ruche est la seule qui favorise le commerce extérieur. En plus de mélanger sans distinction touristes, commerçants itinérants et autochtones, le style vestimentaire pour le moins excentrique des locaux, souvent parés d'insectes vivants, a le don de désinhiber tout le monde. L'un se balade toute panse et tous poils dehors, fier comme un plagiste digne de sa semaine de bronzage sans marques de chemise, tandis que l'autre laisse apparaître ses tatouages d'esclave. L'autre encore affiche une panoplie baroque du parfait petit pirate de gravures, avec le cache-oeil, la gabardine rouge, le tricorne et la mouche à abdomen vert nichée sur l'épaule, en guise de perroquet. Le Commodore Hadoc, en le croisant avec son uniforme blanc de la Marine, ne l'a même pas fait sourciller. Tout le monde se comporte comme dans une soirée déguisée où personne n'est ce qu'il prétend être tant qu'il ne le formule pas. L'indépendantisme de la région est une réussite complète.
Une luciolampe mon Amiral ?
Commodore. Et non merci.
Vous êtes sûr ? Allez, je peux vous faire une confidence ? J'aime beaucoup les lois. Si vous en prenez trois, la quatrième est offerte.
Ne l'écoutez pas, ses luciolampes vous filent entre les pattes au bout d'une heure.
J'avais supposé une finauderie du genre, néanmoins merci du tuyau.
Alors que mes termipelles creusent des trous plus vite que la dynamite. Si vous m'en achetez deux, je vous offre la caisse en bois qui va avec.
Quel malheur, mon ami, je suis allergique à trois choses dans la vie; les caisses sont l'une d'elles.
Le soldat le salue de son cigare éteint. Dans les couloirs, en dehors des bars et zones stipulées autorisées, fumer était mal vu. La Ruche n'aime pas. Le tabac roulé s'était éteint en fin de sortie, pendant l'appel à son ancien homme d'équipage Kogaku. Il aurait voulu le finir avant de rentrer, mais la fournaise avait dicté sa volonté. Qu'à cela ne tienne, les opportunités de terminer Lora Kavin Deluxe ne manqueraient pas. Hadoc s'était inscrit sur le registre des audiences auprès de la Reine Maya dès son arrivée, alors plutôt que mourir d'ennui, autant tuer le temps. Il n'était pas perdu vainement dans ce réseau commercial. Après quelques camelots et vendeurs à la sauvette esquivés, Gharr croise la route d'une échoppe où la pancarte de soie brodait "Tisseuse de bonne aventure" d'une police très élégante. Comme l'entrée est gratuite, il pénètre dans l'alvéole scellée d'un rideau et découvre un long tube éclairé de lucioles figées çà et là avec une toile aussi résistante que collante du sol au plafond, à l'exception d'un fin trait vierge de piège englué pour que le quidam l'emprunte. Aucun squelette humain dans la toile, seulement une chaussure et quelques déchets. La mise en scène est purement là pour instaurer un sentiment de danger. Ce peut être une façon de déconnecter le rationnel, Hadoc reste sceptique quant à la décoration pour le moins hostile des lieux.
Ah, je t'en parlais. Entrez, entrez donc ! Nous vous attendions.
La voix provient du fond de la pièce où un vieil homme très grand, et si pâle que sa peau épouse le coloris des lucioles environnantes, lui décrit de grands gestes de sa main malingre aux longs doigts calleux pour le convier à leur séance. En effet, un des deux tabourets de consultation est déjà occupé par ce qui est probablement une jeune femme. Blonde. Entre "la tisseuse" et la jeune dame, une araignée à l'abdomen luisant et poli comme du cristal tisse en continu un fil de soie qui s'emmêle dans l'autre main du mystique. Il semble lire la soie comme si elle était gravée d'écritures, tandis que les yeux de la bête ne cesse de fixer la cliente du moment avec la même perfection de ses billes en miroirs. Gharr rejoint la table, sans prendre place. Malgré la luminosité particulière de l'endroit, il reconnait la cliente et pour cause, son avis de recherche est encore chaud dans les imprimeries internationales. Kardelya Koshin, primée d'un montant qu'il n'avait pas retenu et révolutionnaire active ayant directement participé à la chute récente de Jotunheim est là, à moins de deux mètres de lui.
Voici celui avec qui ton destin est lié, jeune enfant. Le fil du destin vous a déjà rassemblés.
Le Ruche est accueillante, le Colonel qui l'avait escorté jusqu'au port n'avait pas menti. Si la vue d'abeilles et nombreux autres insectes déambulant dans les rues étroites surprend au début, autant qu'un rêve où les chiens errants seraient des scarabées opportunistes, c'est précisément cette même suspension d'incrédulité inhérente au monde onirique qui opère. L'étonnement à la première seconde de voir une abeille de taille humaine marcher au plafond pour aller travailler devient un amusement à la trentième minute de surprendre une mante religieuse faire la circulation dans les quelques couloirs suffisamment larges pour être entièrement dédiés aux monteurs de bolides hexapèdes. Il ne fallut pas deux heures au marine pour tester son premier réhydratant lait de puceron au miel, vendu par un homme très jovial bardés de fourmis. Il parait que sans le miel, c'est très difficile à appréhender pour les touristes. Il testera la formule pure, mais chaque chose en son temps.
Des touristes, il y en a pléthore. Si l'île est un calvaire sur la quasi totalité de sa surface, c'est presqu'aussi vrai concernant les souterrains. Néanmoins, des trois villes bâties, la Ruche est la seule qui favorise le commerce extérieur. En plus de mélanger sans distinction touristes, commerçants itinérants et autochtones, le style vestimentaire pour le moins excentrique des locaux, souvent parés d'insectes vivants, a le don de désinhiber tout le monde. L'un se balade toute panse et tous poils dehors, fier comme un plagiste digne de sa semaine de bronzage sans marques de chemise, tandis que l'autre laisse apparaître ses tatouages d'esclave. L'autre encore affiche une panoplie baroque du parfait petit pirate de gravures, avec le cache-oeil, la gabardine rouge, le tricorne et la mouche à abdomen vert nichée sur l'épaule, en guise de perroquet. Le Commodore Hadoc, en le croisant avec son uniforme blanc de la Marine, ne l'a même pas fait sourciller. Tout le monde se comporte comme dans une soirée déguisée où personne n'est ce qu'il prétend être tant qu'il ne le formule pas. L'indépendantisme de la région est une réussite complète.
Une luciolampe mon Amiral ?
Commodore. Et non merci.
Vous êtes sûr ? Allez, je peux vous faire une confidence ? J'aime beaucoup les lois. Si vous en prenez trois, la quatrième est offerte.
Ne l'écoutez pas, ses luciolampes vous filent entre les pattes au bout d'une heure.
J'avais supposé une finauderie du genre, néanmoins merci du tuyau.
Alors que mes termipelles creusent des trous plus vite que la dynamite. Si vous m'en achetez deux, je vous offre la caisse en bois qui va avec.
Quel malheur, mon ami, je suis allergique à trois choses dans la vie; les caisses sont l'une d'elles.
Le soldat le salue de son cigare éteint. Dans les couloirs, en dehors des bars et zones stipulées autorisées, fumer était mal vu. La Ruche n'aime pas. Le tabac roulé s'était éteint en fin de sortie, pendant l'appel à son ancien homme d'équipage Kogaku. Il aurait voulu le finir avant de rentrer, mais la fournaise avait dicté sa volonté. Qu'à cela ne tienne, les opportunités de terminer Lora Kavin Deluxe ne manqueraient pas. Hadoc s'était inscrit sur le registre des audiences auprès de la Reine Maya dès son arrivée, alors plutôt que mourir d'ennui, autant tuer le temps. Il n'était pas perdu vainement dans ce réseau commercial. Après quelques camelots et vendeurs à la sauvette esquivés, Gharr croise la route d'une échoppe où la pancarte de soie brodait "Tisseuse de bonne aventure" d'une police très élégante. Comme l'entrée est gratuite, il pénètre dans l'alvéole scellée d'un rideau et découvre un long tube éclairé de lucioles figées çà et là avec une toile aussi résistante que collante du sol au plafond, à l'exception d'un fin trait vierge de piège englué pour que le quidam l'emprunte. Aucun squelette humain dans la toile, seulement une chaussure et quelques déchets. La mise en scène est purement là pour instaurer un sentiment de danger. Ce peut être une façon de déconnecter le rationnel, Hadoc reste sceptique quant à la décoration pour le moins hostile des lieux.
Ah, je t'en parlais. Entrez, entrez donc ! Nous vous attendions.
La voix provient du fond de la pièce où un vieil homme très grand, et si pâle que sa peau épouse le coloris des lucioles environnantes, lui décrit de grands gestes de sa main malingre aux longs doigts calleux pour le convier à leur séance. En effet, un des deux tabourets de consultation est déjà occupé par ce qui est probablement une jeune femme. Blonde. Entre "la tisseuse" et la jeune dame, une araignée à l'abdomen luisant et poli comme du cristal tisse en continu un fil de soie qui s'emmêle dans l'autre main du mystique. Il semble lire la soie comme si elle était gravée d'écritures, tandis que les yeux de la bête ne cesse de fixer la cliente du moment avec la même perfection de ses billes en miroirs. Gharr rejoint la table, sans prendre place. Malgré la luminosité particulière de l'endroit, il reconnait la cliente et pour cause, son avis de recherche est encore chaud dans les imprimeries internationales. Kardelya Koshin, primée d'un montant qu'il n'avait pas retenu et révolutionnaire active ayant directement participé à la chute récente de Jotunheim est là, à moins de deux mètres de lui.
Voici celui avec qui ton destin est lié, jeune enfant. Le fil du destin vous a déjà rassemblés.
Dernière édition par Gharr Hadoc le Sam 15 Mai 2021 - 0:43, édité 1 fois