À L’OMBRE DU GRAND ARBRE
I. Amnésie
C’est le vent qui réveilla Farros. Avant même qu’il n’ouvre les yeux, il remarqua une chose : il n’était pas dans son lit. Sous ses doigts, il pouvait ressentir l’herbe encore humide. Lorsque ses paupières s’ouvrirent enfin, le noir absolu laissa place à la lumière. Une aveuglante lumière. Heureusement pour lui, les branches d’un arbre contre lequel il s’était endormi lui offraient un peu d’ombre. En regardant autour de lui, il put observer une plaine verte qui s’allongeait jusqu’à l’horizon. Il ne put s’empêcher de sourire face au magnifique paysage auquel il faisait face.
Malgré cela, impossible pour lui de reconnaître cet endroit. Il ne savait ni où il était ni comment il était arrivé là. Il se souvenait de qui il était, du moins, il osait l’espérer. Étrangement, le jeune homme ne fut pas pris de panique. Comme si la quiétude de l’endroit dans lequel il se trouvait impactait de façon incroyable son état d’esprit. Il avait presque envie de rester là, et de ne pas chercher à savoir ce qui l’avait amené ici.
Peut-être que ce qui lui donnait ce sentiment, c’était cette impression de n’avoir à se soucier de rien. La seule chose qui le préoccupait sur le moment, c’était qu’il avait soif. Et faim. Il se leva donc péniblement, ignorant l’appel séduisant de la paresse. Il observa l’océan d’herbe qui l’entourait. Soudain, son regard se porta sur un animal, au loin. Aucun doute : c’était un chien ! Et s’il y avait un chien, il y avait certainement de la civilisation. S’il voulait trouver de quoi se nourrir, le suivre était sa meilleure option.
L’animal lui sauta dessus de joie quand il vint à sa rencontre. Très vite, il se mit à marcher dans une direction, veillant bien à ce que Farros lui emboîte le pas. Il le suivit sans trop se poser de question, sans doute allait-il le mener chez ses maîtres. Encore une fois, paradoxalement, aucune angoisse ne semblait atteindre le jeune homme, ni même le moindre stress. Les deux camarades de route marchèrent ainsi pendant longtemps, tellement longtemps qu’il parut impossible à Farros de savoir combien de temps.
Cette marche avait duré de nombreuses minutes, de nombreuses heures, de nombreux jours, peut-être. La seule chose qui lui faisait penser que ça n’avait pas été si long, c’était ses besoins. Il n’avait pas plus faim ou soif que quand il était parti. Il avait l’impression d’être emporté par un rythme incessant, ne ressentant jamais le besoin de s’arrêter. Il fût tiré de cet état d’hébétude par les aboiements de son ami vagabond.
Devant lui se dressait une petite bâtisse en pierre, couverte çà et là de végétaux grimpants et entourée de fleurs de toutes les couleurs. On aurait dit l’illustration d’un livre pour enfant. Un décor si innocent, si paisible. Alors qu’il s’apprêtait à toquer à la porte d’entrée, celle-ci s’ouvrit devant lui, ne lui dévoilant rien d’autre qu’un salon modeste mais néanmoins bien décoré. Un foyer baignait la pièce de sa lumière réconfortante. Farros se rendit alors compte que dehors, la nuit était tombée.
Il mit un pas à l’intérieur de la baraque. Personne n’était là pour l’accueillir et pourtant, il se sentait le bienvenu. Décidément, aucun mauvais sentiment ne semblait l’atteindre depuis son réveil. Une fois à l’intérieur, la porte se ferma derrière lui. Quand il se retourna, il tomba nez à nez avec un ombre qui s’étalait sur le mur. Une ombre qui n’était pas la sienne. Farros ne savait pas comment c’était possible, mais il avait l’impression que cette ombre… lui souriait.