« Moi je viens d’une belle ile de chaleur sans pareille,
Où les dugongs rêvent, sommeillent.
Où durant ta balade,
Tu bois l’eau par rasades.
Bizarre, dis-tu ?
Mais tu n’as rien vu !
Les parfums te caressent,
Puis les senteurs agressent,
Pour finir dans le vin sucré.
Ce moment enivrant,
Vie de conte pour enfant,
Toute la magie d’un continent !
Nuits d’Alabasta,
Rainbase, Nanohana !
Beauté chavirante,
Plus belle à minuit,
Qu’une sirène chantante !
Nuits d’Alabasta,
Syrdaha et Yuba.
Pour le fou qui navigue,
L’océan désertique,
Meurt seul de fatigue ! »
Assis en tailleur face à Myosotis, son frère Milan chantonnait sa mélopée d’une voix assurée tout en faisant glisser ses doigts sur la corde d’un oud qu’il avait chipé sur leur navire. Son dos appuyé contre le bastingage, le chanteur levait parfois la tête pour admirer les nuages au dessus de sa tête. Myo’, de son côté, lisait consciencieusement plusieurs dossiers qu’on lui avait confié concernant Alabasta et son historique politique depuis les cent dernières années. Le diplomate aux cheveux rosés avait alors pris connaissance de la lutte de la reine Vivi Nefertari contre une organisation criminelle de l’époque ayant réussi à prendre le contrôle du pays. Le jeune homme comprenait pourquoi les relations entre le gouvernement et le pays des sables étaient particulièrement délicates.
- Range donc ta mandoline, nous arrivons ! Fit remarquer Scarlett d’un air amusé.
Scarlett était l’équipière de longue date de Myosotis, une jeune femme à la beauté fatale et à la chevelure écarlate. La demoiselle était sa garde du corps officielle, et lieutenante personnelle, depuis sa promotion comme ambassadeur et stratège. Elle l’accompagnait de ce fait quasi partout où il devait se rendre. On pouvait dire qu’ils formaient ensemble le plus grand duo de choc. Elle avait raison, le navire Marine sur lequel ils transitaient arrivait au port de Nanohana, la ville dite « aux milles couleurs ». Myosotis et Scarlett connaissaient déjà cette ville. Ils y avaient déjà passé des vacances au cours desquelles ils avaient dû faire face à un vieillard fou… C’est durant ce premier séjour qu’ils avaient rencontré Ramsès, leur petit ami poulpe. Ce dernier dormait d’ailleurs au fond du sac de Myo’, nullement pressé de revenir au bercail.
- J’ignore ce qu’il y a de pire. La chaleur, ou l’ampleur de notre tâche. Fit Myo’ en rangeant ses documents.
- J’ai toujours rêvé de venir ici. C’est un pays qui regorge de légendes…
- J’étais sûr que ça t’enchanterait. A vrai dire ta connaissance mythologique nous sera d’une grande aide pour… la retrouver.
Il avait marqué une pause pour qu’aucun des marins s’affairant autour d’eux n’entendent. Si Myosotis était de retour à Alabasta ça n’était pas pour une escale estivale, pas le moins du monde. Il avait été envoyé ici sur ordre du porte-parole Nakamura pour retrouver un artefact très spécial : la Lampe Magique. En effet, le Gouvernement Mondial était avide de pouvoir resserrer un peu plus son étau sur le continent indépendant. Et pour ce faire, il comptait lancer plusieurs offensives secrètes pour pouvoir mieux planter ses griffes. L’une de ses offensives consistait à s’approprier un morceau de la culture alabastienne et s’en servir comme monnaie d’échange pour plusieurs avantages politiques futurs. La Lampe Magique n’avait rien d’enchanté, ça n’était qu’un nom, mais les diverses versions de l’histoire lui conféraient des capacités diverses. Tantôt elle renfermait un esprit exauçant les voeux, tantôt elle guérissait les maux, ou faisait devenir immensément riche… Un agent du Cipher Pol l’avait localisé dans une caverne merveilleuse, mais avait mystérieusement disparu après avoir confié la localisation à ses supérieurs. Il revenait donc à Myosotis de récupérer l’objet, et de faire le nécessaire en terme de diplomatie si jamais la Lampe venait à tomber entre de mauvaises mains ou si les Nefertari découvraient les activités du G.M sur leur territoire. Toujours à lui de faire ce que les autres étaient incapables de réaliser, en somme…
Se redressant, Milan déposa le oud qu’il avait chipé dans son sac en bandoulière tout en ajustant sa rapière accrochée à sa ceinture. Le trio se mit en marche pour descendre la passerelle. Ils passèrent devant le capitaine du navire, un petit lieutenant-colonel dodu qui n’avait pas arrêté de leur faire des ronds de jambe. Le pauvre s’adonna à une énième courbette avant qu’ils ne débarquent, en leur souhaitant un bon séjour. Myosotis ne porta nulle attention à ses égards et le salua d’un simple revers de la main avant de focaliser son attention sur le port de Nanohana. Ici, tout n’était que bruit. Entre les vendeurs du souk qui hurlaient pour attirer le client, les marins qui débarquaient leurs marchandises et les voyageurs qui affluaient, on peinait à concentrer.
- Il nous faut un guide pour traverser le désert, la caverne se trouve entre Nanohana et Alubarna… Plus près d’Alubarna que Nanohana ceci dit.
- On devrait remonter un peu en ville. Les étals du port n’ont l’air de ne vendre que du poisson, ou du matériel de pêche.
- Les guides et caravanes doivent se trouver à la sortie de la ville, là où le désert commence. On va devoir traverser Nanohana !
Scarlett devait avoir raison. Milan se réjouissait d’avance de flâner dans les rues et déguster quelques spécialités locales pour les touristes. A peine engagés dans une des allées qu’une odeur de brochette au saté se mit à flotter dans l’air et à chatouiller délicatement leurs narines. De quoi donner l’eau à la bouche. L’ambassadeur dû attraper son frère par le bras pour ne pas que ce dernier s’arrête à tous les stands de nourriture et dépense son pécule en un battement de cil. Il était nécessaire de se dépêcher, qui sait combien de personnes étaient à la poursuite de la Lampe à l’heure qu’il était ? Si jamais il y en avait… Un tintamarre constant animait les rues de la ville aux milles couleurs, un concert permanent qui ne s’arrêtait que partiellement une fois la nuit tombée. Même une fois la lune haute dans le ciel, la ville ne dormait pas. Pour l’heure, le soleil luisait et frappait fort.
Les trois émissaires arrivaient au niveau du centre ville, le coin de la ville où grouillait certainement le plus de monde. Par là, il y avait moult hôtels, commerces et lieux de plaisir. Des enseignes aux couleurs plus criardes les unes que les autres qui se battaient, immobiles, pour attirer le tout venant avec des devantures reluisantes. Une effluve grasse et parfumée provenait de chaque restaurant. Sur les terrasses bondées, des serveurs s’activaient les bras pleins de victuailles pour servir leurs clients pressés et avides de se sustenter. Milan était comme une puce face aux gâteaux de miel, aux sorbets de citron, aux tasses de thé à la menthe et autres viandes en brochettes. Même Ramsès en venait à sortir sa tête de sa cachette pour tenter de subtiliser un quelconque goûter à un passant négligent, sans succès.
- Qu’est ce que vous feriez comme vœu s’il y avait vraiment un génie dans la Lampe ? S’enquit Scarlett, pour passer le temps.
- Polop ! Fit le poulpe en pointant du mouton grillée fourré dans un pain moelleux.
- Continuer à voyager ! Et des trésors ! Peut être une corne d’abondance pour avoir la meilleure nourriture… Et toi Myo’ ?
- De pouvoir claquer des doigts, et effacer toute la racaille des mers. Snap !
- Et qu’est-ce qu’on ferait après s’il n’y a plus personne à chasser ? Huhu !
- Rien de très constructif j’en ai peur. Mais pressons. Si l’agent qui a découvert l’emplacement de la Lampe a disparu, alors ça veut dire que nous ne sommes pas les seuls à sa poursuite. Hâtons-nous darling.