North Blue, XXXXX, 1628.
Dans un sous-sol crasseux.
Dans un sous-sol crasseux.
- Sortez le de là, il a eu son compte.
L’homme qui officie à la fois en tant que gérant, combattant et arbitre sonne la petite cloche qu’il porte toujours à la ceinture. A sa suite, ce sont deux types du public qui portent le perdant du combat en dehors du Cercle. Il a perdu une dent, a très probablement une côté fêlée, et son visage ressemble plus à une tomate éclatée qu’à autre chose. Pourtant, la nuit suivante, il sera de retour. L’arbitre se replace au centre de la pièce, et admire la petite foule qui l’entoure. Une jolie troupe hétéroclite, composée de dockers, de gérants, de riches, de pauvres, de grands, de petits. Un point commun les lie cependant tous ; ils ont tous la gueule cassée. Tous ont le visage couvert d’hématomes et de cicatrices, dans des formes et des dispositions infinies. Ça en deviendrait presque une œuvre d’art.
L’arbitre désigne les prochains. Son regard se porte tout d’abord sur l’un des gros gaillards du premier rang. Et puis, il distingue dans le fond de la pièce, une silhouette svelte et presque ridicule par rapport aux autres personnes présentes. Klara s’avance en même temps que son adversaire désigné. Elle aussi, elle porte les stigmates de la violence. Les deux combattants se placent, à distance raisonnable l’un de l’autre, au beau milieu du sous-sol crade et mal éclairé. Ça rappelle à la jeune femme son passage sur Dead End, et sa tristement célèbre arène. Il y a pourtant quelques différences essentielles entre les deux. Ici, personne n’est forcé. Ici, tout le monde combat.
Ici, personne ne meurt.
On ne se bat pas pour amuser un public assoiffé de sang, mais trop couard pour faire autre chose que de regarder depuis les tribunes. On se bat pour soi. Peu importe la raison. Tout le monde en a une. Même le gros tas de gras qui s’apprête à éclater la mâchoire d’une jeune femme menue a très probablement une raison tout à fait acceptable d’être ici.
La cloche retentit. Son adversaire ne perd pas de temps, et s’élance vers elle. Ses premiers adversaires ont fait l’erreur de ne pas trop oser la cogner. Lui est visiblement moins tendre. Klara bondit sur le côté pour échapper à sa charge, et le repousse de la paume de la main. Elle se remet en garde derrière lui, prête à parer son prochain coup. Il tend son bras droit et tente d’envoyer une volée à la jeune femme qui la dévie du coude, avant de contre-attaquer. Le type semble ne rien sentir et la repousse au centre du Cercle. S’en suit alors une myriade de coup, de parade, d’esquive. Elle est fine et rapide, lui est gros et résistant. Il n’essaie pas de se battre dans les règles de l’art. Ses mouvements sont désordonnés, lents, mais puissants.
Et destructeurs. Le coup de poing qu’elle vient de recevoir en plein visage l’envoie directement par terre, et une giclée de sang tâche le sol déjà peu reluisant de l’endroit. Elle voit trouble, et les réactions de la foule sont écrasées par le sifflement aigu qui lui perce les tympans. Elle sent une vive douleur au niveau du crâne, puis sur tout le corps ; son adversaire la soulève et la serre de toutes ses forces, si bien qu’on entendrait presque les os de la jeune femme craquer. Quelques secondes passent, qui semblent durer une éternité, avant qu’elle ne reprenne ses esprits. Elle envoie son crâne en arrière, pile au niveau du nez de son adversaire. Puis son coude. Finalement, alors que l’étreinte se desserre, Klara s’échappe et achève le pif de son concurrent d’une droite bien placée. Il titube, l’insulte. Elle essuie le sang qui lui coule sur l’œil.
Il reprend sa charge. Cette fois, cependant, Klara parvient à retourner sa force contre lui, et le renverse sans mal. Et tandis qu’il va pour se relever, elle se jette sur lui, et agrippe son crâne. Se battre lui fait un bien fou. Elle a perdu famille, amis, coéquipiers, et toute attache qu’elle a pu cultiver au fil des années. Mais elle ne va certainement pas perdre ce combat, aussi futile soit-il.
Le bruit du crâne qu’elle écrase contre le béton est ignoble. La seconde fois, son adversaire ne cri même plus. Il tape frénétiquement le sol froid de sa main, mais elle n’y prête pas attention.
La cloche retentit.
Elle aurait bien voulu continuer, mais les deux gorilles qui l’attrapent par derrière la coupent dans son élan, et l’entraînent en dehors du Cercle.
- Putain de tarée, soupire l’arbitre.
Dernière édition par Klara Eilhart le Mar 30 Juil 2019 - 19:07, édité 3 fois