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Pomaison

Pomme. Fruit du pommier.
- Objet, partie d'objet ou ornement de forme arrondie : La pomme d'une canne.
- Partie centrale d'un légume (chou, laitue) dont les feuilles serrées sont disposées en boule.
- Familier. Tête, visage.
- Populaire. Individu stupide qui se laisse berner.


Le Vent passa sur l'herbe verte, les pissenlits jaunes, le  pommier aux fleurs blanches en un souffle. Il fit frémir les branches qui laissèrent tomber un cortège de pétales. Le Zéphyr joua avec elles, les fit tournoyer dans l'air un instant avant qu'elles finissent, danseuses fatiguées, par tomber.
Une à une vers le sol,
une à une vers l'homme,
une à une vers l'homme couché, emmitouflé dans l'herbe haute.
Paupières fermées, il bailla et gratta l'épaisse barbe noire qui avait poussé depuis son séjour à l'île de Dawn.
L'odeur vernale fit sourire Robb Lochon.
Il ouvrit ses yeux noisettes pour voir au-dessus de lui la canopée de branches fleuries et à travers elle, les tronçons bleus entrecoupés de lumière d'une matinée sans nuages.
Les yeux à moitié fermés, il se redressa, une main couvrant la lumière un peu trop crue et s'éloigna du pommier.
La position du soleil indiquait dix heures et quelques. Il s'était assoupi pendant deux heures. Le Pirate s'était réfugié là pour échapper aux tâches subalternes qu'ils lui avaient donné.
Ricanant gaiement, Robb se pencha, saisit son chapeau noir à larges bords, l'épousseta, et le mit tout en se retournant pour contempler le vert royaume de Goa. De l'herbe, des fleurs partout, au loin la silhouette bucolique des moulins à vents se déplaçant. Pour le Montagnard qu'il était, habitué aux hivers de Drum et à ses couleurs, l'île ressemblait à ces éternels printemps dont parlaient tant d'Au-delàs.
Lentement, sourire aux lèvres, il se mit en route par un chemin tracé dans la terre vers la communauté qui "l'accueillait" depuis plusieurs semaines. A la surprise de tous, les nouveaux habitants s'étaient installés sur l'île il y a peu avec l'accord de la royauté de Goa. La monarchie locale n'était pas connue pour sa tendresse envers les étrangers ou ceux qu'ils considéraient inférieurs, comme leur Histoire le montrait ou comme Robb l'avait remarqué à son arrivée.


*
**

Le pirate avait navigué toute la nuit pour atteindre l'île à potron-minet. Au petit jour, il s'était dit que personne ne remarquerait un étranger de plus au port. Ses bras fourbus de ramer commençaient à lui faire mal ; c'était une douleur, une fatigue musculaire qu'il finit par savourer, comme toute personne qui savait que la douleur d'hier se changerait en un corps plus vigoureux le lendemain. Enfin, la barque toucha terre.
Robb s'allongea dans celle-ci, le sourire intact malgré son long voyage, les mains derrière la tête : la Soleil se levait. La nuit de plus en plus claire laissa doucement place à un ciel d'oranges, de rouges, de roses et de jaunes, comme si le monde s'enflammait à chaque nouvelle journée. Une grande orbe rouge tel le cou coupé d'un ennemi se présenta au-dessus de l'horizon.  
L'éclat de l'astre saigna et rougit la mer bleue, rougit le visage de Robb qui savoura la chaleur naissante sur son corps. Il soupira de contentement, nostalgique à cette vue.

Le cycle des astres était expliqué de plusieurs façons chez les siens. Par la course de deux chevaux et leurs cavaliers, chargés de porter les corps célestes et fuyant les Loups Hati et Sköll, mangeurs de le Lune et la Soleil. Par le viol d'une sœur par son frère, de sa fuite à elle, de sa chasse à lui, de leur course si rapide qu'ils finirent dans le ciel.
Mais celle que Robb préférait, c'était l'histoire d'une de leurs lointaines ancêtres, d'une époque au-delà des époques.  
Quand les Montagnards étaient les rois-guerriers de l'île de Fjordheim où la nuit régnait sans partages et que son peuple était divisé en tribus.
Histoire de l'Edit de Kazimir:
Ainsi, c'est pour cela que chez les Montagnards, on dit la Soleil et le Lune et qu'on parle des cheveux roux comme des cheveux-de-feu ou des cheveux-de-soleil.

Nous nous souvenons. Les yeux de Robb posés un instant sur la soleil se détournèrent pour le chemin bleu des poissons.
La mer cessa d'être rougeoyante, pour s'habiller du panaché des couleurs de l'aube, puis un nuage qui passait finit par capturer la chaleur agréable sur le visage de Robb. Il se redressa pour voir au loin une figure noire sur l'eau.
Celle-ci semblait entourée d'un nuage de fumée qui tournoyait mollement autour d'elle. Robb la vit chalouper lentement sur les vagues comme un alcoolique entre deux bars. Lentement... lentement... la figure se rapprochait. La discernant plus précisément, Robb reconnut un mât (ou plus vraisemblablement ce qui aurait pu être un mât si le bois n'était pas vert, couvert d'étranges champignons géants et penché de plusieurs degrés de trop sur le côté) et il comprit que cette chose était un navire. "Chose" semblait plus juste, tant les détails que permettait d'entrevoir la rare brise parvenant à transpercer le nuage opaque étaient étranges. Les cordages avaient visiblement été utilisés pour créer des formes complexes comme des papillons, des attrape-rêves ou des nœuds savants. Les voiles avaient des pièces mises de toutes les couleurs les plus criardes possibles pour boucher les trous et semblaient mus par autre chose que le vent, se gonflant à leur propre rythme saccadé. Le poste de vigie était accroché sur la rambarde et retourné comme si c'était un siège ou peut être un tambour. Sur le pont, des figures à demi-allongées se laissaient glisser pour aller taper la discut' à d'autres personnes ; c'est d'elles que semblaient émaner la fumée verdâtre. Des algues ou des plantes grimpantes sortaient des caches de canon, des trous pour les grandes rames, de tout ce qui pouvait leur permettre d'atteindre l'air libre.
C'était une galère.
Finalement, l'ancre fut lâchée d'un geste nonchalant et un gros plouf fit clapoter l'eau, alors que l'embarcation s'échouait presque avec une lenteur et douceur calculée sur la plage.
Plusieurs personnes descendirent en observant les environs. L'un d'eux (que Robb identifia instinctivement comme le chef) fut le seul à le remarquer et il s'avança d'un pas irrégulier vers lui, sourire en coin. Il portait sa chevelure brune en ce que Robb identifiait comme d'épaisses cadenettes, bien que ces cheveux emmêlés s'entortillaient sur eux-mêmes et ressemblait plus à une drôle de crinière. D'autres auraient compris que c'était des dreadlocks.
Un énorme bandeau répétant 420 (ce que Robb assumait être la date de son anniversaire) sur toute sa surface barrait son front et empêchait sa chevelure de tomber sur son visage mât.
Des yeux gris vitreux aux paupières tombantes lui donnait un air constamment éteint et les lunettes rondes vertes qu'il portait au bout de son long nez les rendait encore plus étranges, parce que déformés selon l'angle de son visage.
Visage qui, à cause de ses grosses tâches de rousseurs sur le nez, sa moustache dont les pointes allaient dans des sens opposés et son épaisse barbe ramenée en plusieurs tresses sales qui pendaient sur son torse, le faisait ressembler à un adolescent resté trop longtemps sans supervision parentale. S'il commençait à insulter la viande ou sortait un didjeridoo, Robb s'enfuirait en nageant.


« Salut mec, tu saurais pas où on peut toucher ici ?
- C'que tu fais tout seul sous la couette n'me regarde pas, mon petit gars. On en parlera plus tard quand c'sera l'heure... d'avoir... la Discussion. Mais j'pense qu'ton bateau c'l'mieux pour ça.
- Non, mec, pas c'genre de toucher, toucher quoi, toucher.
- ...Toucher... toucher la chatte à la voisine ? Comme... comme la-la-la chanson là ?
- Non, meeec, t'sais ! T'sais, le thé vert quoi. La salsepareille.
- J'bois pas cette pisse, c'est de l'eau chaude avec des petits bouts d'trucs dedans, des p'tites plantes tout secs, c'est tout nul et très franchement quitte à faire des trucs avec de l'eau chaude, autant faire une soupe.
- Ouaaais, une bonne soupe, avec des senteurs là. Tu vois ce que je veux dire, naan ?
- Ah, bah voilà. Une bonne zurek, ça fait plaiz'.
- De la zurek, ouais, c'comme d'la teuteu, d'la teush, du kif quoi, on s'comprend, ça ressemble à quoi, c'es-
- C't'une soupe à la saucisse.

Les yeux à moitiés fermés s'ouvrirent lentement, le sourire avenant disparut. Le Pirate qui n'avait pas bougé jusque là se leva. Le visage en face de lui était redevenu serein, comme si rien ne s'était passé.

- De la weed, meeec. Tu sais pas ce que c'est ? C'comme une clope.
- Non. Mais j'ai des clopes par cont'. Quoiqu'j't'connais même pas mon p'tit bonhomme. J'donne pas des trucs comme ça à des inconnus. J'suis Robb Lochon, 'tit gars.
- Kingston.

Le Médecin fouilla dans son sac resté dans la barque et sortit une cigarette d'un paquet à peine entamé.

T'as que des indus ? Pas des roulés ?
- J'sais pas ce que c'est qu'des roulés.
- Ah. Bon, je prends la clope quand même merci. J'trouverai bien sur l'île je pense.
- Hmm-hmm, j'sais pas si y a des débits d'tabac, mais p't'êt' qu'y a des apothicaires ou des pharmaciens, 'chais pas. Tiens, j't'en donne encore deux du coup. Bon vent, Kingston.
- Bon vent, mec. Et bonne vie ! »

"Bonne vie". Il avait étudié bien des domaines avant de partir sur les mers, vis-à-vis du monde extérieur et de ses coutumes. Docteur avant tout, il avait naturellement commencé par tout ce qui touchait à sa profession... comme les drogues. Avant son voyage, il obtint des informations rapportées ou des compte-rendus, mais durant sa première année sur les mers, le Montagnard rencontra les Citadins, rencontra la criminalité des Blues. "Bonne vie..." La drogue dans ses livres était une donnée curieuse, les drogués qu'il croisa une réalité difficile à oublier. Des jeunes, orphelins du monde regardant le ciel comme des anges désarticulés en quête de revenir chez eux. Des gens trop vieux hors de la société roulant des yeux vers des temps qu'ils oubliaient peu à peu pour ne devenir que des coquilles vides. Des zombies zozotant incompréhensiblement, se traînant dans les rues sales, cherchant entre les pavés et dans leurs poches de quoi obtenir leurs doses. Bonne vie, hein ?
Même s'il fallait voler. Quémander. Même s'il fallait tuer. Se perdre.
Il savait pourtant le monde plus complexe : son propre peuple utilisait parfois des champignons hallucinogènes pour rentrer en transe quand la bataille ou la tradition le demandait. Certaines personnes coupaient leurs poisons pour qu'il soit moins nocif et le consommer devenait le choix de chacun. On lui avait dit que les choses avaient changé.
On pouvait maintenant être drogué et être heureux apparemment...
Le Médecin, sourcils froncés, observa la silhouette de Kingston s'éloignait de son pas irrégulier vers trois autres personnes semblant surveiller le navire et l'échange. Ils étaient deux hommes et une femme, portaient tous dreadlocks, lunettes et bandeaux comme leur chef.
Le plus grand des deux hommes affichait des dreadlocks courts rabattus sur le côté qui tombait sur un bandeau à fleurs, des lunettes déjantées rappelant la forme d'un nœud papillon, un sourire en coin d'où dépassait une fin de clope encadré par un bouc de poils frisés épais.
Le plus jeune du groupe possédait lui des cheveux mi-longs blonds sur un bandeau aux vaguelettes fades, des grands yeux endormis derrière un long nez pointu avec une version bon marché des lunettes colorées de Kingston, et un grand sourire. Il triturait sa barbe naissante d'un air faussement songeur en regardant la femme.
Celle-ci arborait de longs cheveux d'ébène ondulés retenus par un chignon, excepté une mèche tombant délicatement en torsades le long de son visage noir et qui barrait un bandeau aux couleurs et lignes froides régulières. Elle y cala ses lunettes aviator pour que son chef puisse voir ses sourcils épais froncés et son regard vert pâle désapprobateur.
Il les vit parler un petit moment avant que le plus jeune soit envoyé plus profondément dans l'île, tandis que l'autre homme et la femme repartaient dans le navire pour y donner des directives.
Le Pirate avait senti leurs regards sur lui et se demandait si Kingston faisait exprès de rester imperturbable, de ne lui offrir qu'un dos immobile ou si tout cela était dans sa tête.
'Pas de pavillon sur leur mât pourri, 'pas de moyen de savoir qui ils sont. Mais une galère... leurs apparences... Hmmm. On verra bien.
Le Montagnard mit son sac sur une épaule et souleva sa barque à bouts de bras pour continuer son périple.
       

*
**

Alors qu'il partait dans ses souvenirs découvrir l'île, Robb sortit de ses rêveries. La clameur calme du village de Jakob, avec ses jolies maisons angulaires à la peinture blanche et ses habitants l'avait réveillé. J'dois pas m'faire chopper ou ils vont m'engueuler, bwo ho ho. Rachel et Isaiah sont pas commodes.
Il se glissa parmi les nouveaux habitants de l'île de Dawn en ralentissant son allure, en redressant son dos bien droit et en transformant son visage très expressif en un masque fade, donc sérieux : les sourcils légèrement froncés, mais pas trop -selon eux, il fallait de la modération en toutes choses et à tout moment- les yeux ouverts sans ciller, une bouche inexpressive qui s'devait tout d'même d'être prompte à chanter les cantiques ou à demander pardon au Seigneur.

Robb Lochon faisait un parfait Amish.

Pomaison  Kg96
La carrure large du Pirate rejoignit celle des autres hommes qui s'appelaient Jed, John, Jebediah, Adam, Ismaël ou quelque chose comme ça. Il fallait le comprendre. Tous les hommes mariés avaient les mêmes traits fermes, la même barbe sans moustaches, la même veste noire sans boutons et le même chapeau à larges bords. Pour faire bonne figure, il suffisait d'ouvrir leur Fameux Livre Saint, de tourner les pages au hasard avant de laisser tomber son doigt pour avoir une pléthore de noms rigolos, en choisir un, le dire d'une voix claire et dix personnes vous regardaient avec austérité. Déjà qu'les Citadins se ressemblent tous, alors si en plus ils le font exprès maintenant.
Heureusement pour le Montagnard, on pouvait aussi faire un signe de tête, ce peuple robuste aimant autant les travailleurs silencieux que ceux qui psalmodiaient. Pendant que les autres continuaient de semer en fredonnant, Robb se mit à ralentir la cadence jusqu'à ce qu'il puisse enfin disparaître. Il trottina, passant devant quelques femmes aux coiffes blanches et robes aux teintes foncées, signes du mariage. A croire qu'cette cérémonie chez eux était plus un contrat aux alinéas étranges qu'une occasion de trouver le bonheur. P'is c'quoi c't'histoire de cacher les ch'veux des gens comme ça. Alors, certes, les cheveux c'est très joli-sexy-tout-ça, mais bon ! A croire qu'ils sont des fétichistes capillaires sans l'savoir. Robb avait bien tenté pour rigoler de mettre leurs couvre-chefs, mais apparemment il était très mal vu "qu'un homme s'habille en femme et une femme en homme". Le Montagnard s'était retenu d'évoquer Kamabaka.
Se cachant derrière un muret pour esquiver une foule d'enfants courant le plus calmement du monde pour aller à l'école du village, le Pirate se mit à ramper en ricanant intérieurement.
Encore quelques mètres et ce serait le réfectoire, leur merveilleuse nourriture bien calorique, puis il n'aurait qu'à travailler comme d'habitude et Isaiah et Rachel ne sauraient rien.
Il rejoignit l'ombre du bâtiment en roulant sur le côté, marcha jusqu'à la porte et l'ouvrit pour découvrir une femme de petite taille qui l'attendait les poings sur les hanches.
Le Montagnard se raidit. Elle avait les traits communs des femmes Amish, mais son teint d'albâtre associé à sa coiffe faisait ressortir ses yeux. D'un bleu très clair, aussi glaçants qu'un lac hivernal et furieusement dardés vers lui.
Et merde.


« Heeeeey... Rachel... ça va, bichonne ?
- Vous m'appellez encore bichonne et vous me retiendrez trois épîtres de plus.
- Héhé... ça rime... avec... huître.
- Et pitre. Cinq de plus.
-  NON PITIE ! J'aime pas Paul et ses conseils à des gens morts, moi j'm'en fiche d'eux, c'est plus intéressant les autres histo-
- Ce ne sont peut être que des histoires pour vous, Robb, mais c'est ma Foi. Un peu de respect, tout de même. »

Le Pirate se retint de rouler des yeux ; c'était ce genre de comportement qui l'avait conduit jusqu'ici. On tentait simplement d'expliquer à un garde qu'on voulait une pomme parce qu'on en avait entendu parler que dans les légendes. On s'énervait parce qu'il ne comprenait pas ce qu'on désirait et qu'il ne voulait pas nous laisser rentrer dans la ville haute. On s'introduisait alors par des moyens ingénieux qu'ils appelaient "criminels" juste parce qu'on avait cassé deux-trois trucs facilement réparables. On trouvait enfin le fruit, mais surtout, on trouvait du cidre, le véritable intérêt de cette quête culinaire. Après, c'était une histoire pleine de cris, de rires, de fureur d'un jeune homme qui dansait dans les rues d'un air guilleret en "obligeant" les nobles et bien-nés à l'accompagner. Alors, oui, peut être que Robb avait pulvérisé la chaussée avec des pas un peu trop endiablés, oui, peut être que Robb avait à un moment lancer son bras en l'air doigt brandi après un petit tour sur lui-même et qu'il avait éborgné un "homme important", mais il n'avait tué personne !

Le Pirate soupira, alors que Rachel continuait de l'engueuler.
Il se souvenait des marines, de Tommy Sauveur, de sa fuite à travers le royaume pendant plusieurs jours. A Fushia, il avait recroisé le garçon aux cheveux rouges.
Imprudent quand il l'avait quitté une seconde fois, Robb s'était fait intercepter. Il ne voulait pas combattre les Marines pour des broutilles. Sauveur ne voulait pas perdre des soldats pour rien. Finalement, n'étant pas considéré comme une menace parce que pirate inconnu, le lieutenant-colonel s'était dit qu'il était temps de répondre aux dernières excentricités de la royauté de Goa et avait remis le pirate entre les mains des Amish. A eux de lui montrer le droit chemin.  
Le peuple Amish était arrivé ici après avoir fui leur île natale, faute de pouvoir se défendre contre les invasions multiples des Pirates, faute de leurs règles strictes, faute de leur non-violence. Leur errance les avait mené à East Blue, réputée la plus calme des mers et à l'île de Dawn. Apprenant l'attaque de la caserne locale par Hayato Raito et Howard Prince, ils firent ce que personne ne fait normalement quand on vient de tout perdre : donner encore.
Ils vinrent leur demander s'ils pouvaient aider.
Isaiah et Rachel, même s'ils ne disaient rien, étaient les instigateurs de ce plan inhabituellement audacieux. Robb savait reconnaître le respect paisible dans les yeux des leurs. C'était le même regard qu'avaient les Montagnards quand ils évoquaient un Ancêtre. Seweryna et son sacrifice lui revint en mémoire. Une autre femme passa furtivement dans son esprit.
Robb sourit et Rachel se tut. Elle désigna de la tête quelqu'un derrière lui.
Un Amish de trois mètres se tenait sous la soleil éclatante. Son chapeau typique lançait une grande ombre sur son visage patibulaire. Il possédait une grande barbe rousse allant jusqu'aux clavicules, mais la sienne était si revêche que les perceptibles efforts dépensés pour la peigner ne s'étaient soldés que par de gigantesques épis si drus qu'ils semblaient prêts à vous éborgner.

« Hey Isaiah, mon p'tit pote... comment va ? »

Robb se mit nerveusement à peigner ses cheveux en une belle raie sur le côté. Il se sentait tout petit avec son propre mètre quatre-vingt-quinze. L'homme s'approcha pour le toiser. Le visage d'Isaiah rendait son âge indescriptible par les nombreuses cicatrices qui lézardaient sa peau. Ne parlant pas souvent de lui, ne parlant pas souvent tout court, Robb avait manifesté le peu de tact qu'il avait et n'avait rien demandé non plus à Rachel. Elle était sa femme et ce n'était pas le genre de souvenirs que des époux devraient partager. Ce monde était peut être si violent qu'il n'était pas prêt à assumer l'idée du pacifisme...  Et pourtant, ils étaient toujours là.
Une main colossale se posa sur lui pour le caler sur son épaule comme un paquet de linge sale. ça fait donc cet effet-là ? J'ai pas l'habitude d'm'retrouver d'l'aut' côté du ballottage parental ! Le mari fit un petit signe de la tête à sa femme qui lui rendit et d'une impulsion de la jambe, ils avaient disparu dans une petite explosion de poussière, de terre et de brins d'herbes.
Fusant à travers l'air, Isaiah n'eut enfin plus d'élan offert par son bond et atterrit. Robb retrouva le sol brutalement. Se frottant le derrière, il vit Isaiah marcher vers une troupe d'Amish qui s'affairaient à la construction d'une grange. Ils chantonnaient un drôle de refrain.


« C'EST ! C'EST ! C'EST DANS L'EFFOOOOOORT !~~♫ QUE JE TROUVE MON RECONFOOOOORT !~~♪

Ils bougeaient tel un seul homme, se passant des pièces de bois d'épaule musculeuse en épaule musculeuse sans discontinuer jusqu'à ce qu'un autre groupe d'hommes à barbes mettent des rangées de clous. Un troisième groupe d'un même mouvement se mettait alors à marteler toutes les têtes métalliques et d'un coup d'un seul les planches étaient prêtes.

JE CONSTRUIS DES TRUCS DEHORS ~~♫ JUSQU’À L'AURORE ~~♪

Le Montagnard se releva en s’époussetant, émettant un sifflement admiratif devant leur puissance.
Trente Amish étaient capables de construire une grange en seulement dix heures quand beaucoup d'autres peuples et ouvriers peinaient à le faire en plusieurs mois. Les hommes que le Médecin avaient devant lui, ayant connu la rigueur et la violence (et en étaient sortis plus forts) étaient capables de le faire en cinq.
Les planches prêtes, ils assemblèrent les structures des murs et se mirent à les lever. Isaiah ne faisait pas attention à lui. Robb se retourna et commença à courir. Pas question de construire des trucs pour eux. S'il le voyait déployer sa force physique, ça serait la fin de son incarcération à la cool. Il avait réussi à truander jusqu'ici en bâclant ses missions physiques et en montrant ses compétences à la couture et à la médecine pour profiter du bon air, ce n'était pas pour qu'il devienne un forçat pour des gens sans humours.


LES AUTRES ILS SE PENSENT RETORS ~~♫ MAIS ILS ONT TORTS ~~♪

Il entendit derrière lui des pas pesants par intermittence, puis, étant Pirate, le bruit caractéristique de quelqu'un très énervé qui se met à courir derrière vous. Dans sa course, il discerna un pommier qui l'attendait avec ses fruits bien juteux. Il accéléra...

C'EST MOI LE PLUS FORT ~~♫ CAR JE NE DONNE PAS LA MORT !~~♪»

... et s'arrêta juste devant l'arbre. Il regarda son écorce marron trancher sur l'horizon bienheureux et la beauté de l'île. Si différente de la sienne. Et ces arbres si différents des sapins qu'il connaissait.
Le vent fit frémir les branches qui laissèrent tomber une pomme qui roula jusqu'à lui. Le Médecin la ramassa, l'examina sous toutes les coutures en se tournant pour voir la silhouette gargantuesque d'Isaiah approcher. Derrière lui, les poutres pour le toit de la grange étaient entrain d'être montées.
Oh, allez, pourquoi pas.
Robb sourit et rangea la pomme dans une poche de sa veste amish. Il passa devant un Isaiah déconcerté.


« Pour tout à l'heure. 'Temps d'soulever des granges bwo ho ho ! Allez ! »

Robb marcha dans l'herbe verte, évita les pissenlits jaunes, ses cheveux d'un blanc laiteux s'agitant derrière lui sous son chapeau Amish.


Pomaison. En agriculture, moment où les légumes pomment, se développent en forme de boule.
- Modification dans la croissance des choux et des laitues entraînant l'agglomération des feuilles en forme de pomme`` (Fén. 1970).
- Le moment ou la saison favorable à cette évolution.
EX : −Déjà la corde au cou? Max, tu n'as pas vingt ans! −Dix-neuf à la pommaison (La Varende, Coeur pensif, 1957, p.57). 


Dernière édition par Robb Lochon le Sam 8 Juil 2023 - 11:37, édité 3 fois
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Ces vieux et leur fameux « y’a toujours quelque chose à faire. » c’est d’un chiant… J’ai labouré le champ d’pépé et du voisin, coupé leur foutu bois, nourri leur p’tain de bestioles… En communauté on s’entraide, j’ai surtout l’impression que j’entraide tout seul cette foutue communauté… on doit pouvoir créer une loi qui interdit au vieux qui peuvent plus bosser d’avoir une exploitation, comme ça pas besoin de bosser pour eux.  Bah nan. Au lieu de ça, j’me retrouve une nouvelle fois à surveiller ces buffles tous aussi con les uns que les autres. Surtout lui là bas, avec sa corne cassé.
Posé sur une branche de mon pommier favoris, s’érigeant tel un mirador au milieu de la prairie servant d’enclos aux bovidés. J’sais pas si c’est la merde que ces mongoles de vaches déversent partout dans l’coin mais, y’a pas à dire, ça donne un putain d’engrais et les pommes du coin sont BIG. Mon seul réconfort pour ces heures d’ennuis … et là encore il fait beau. J’vous laisse imaginer la joie de traîner dans les alentours quand des tonnes de flotte te tombe sur le râble. Ah si l’aventure peut m’appeler… c’est le moment.

« Allez là ! Y’a pas un ours qu’a faim ? Et ses brigands qui veulent pas descendre de leur montagne. Tsss...
- Hey jeune délinquant !! Ça rêvasse encore ?
- Hey Tommy ! »


Je saute de mon perchoir et me réceptionne bien sur mes appuis. La classe. D’un signe de main je salue le marine. Le genre à plaire au femme ce Sauveur, les cheveux blancs comme les nuages et un p’tit bronzage des familles qui lui va bien au teint. Cet enflure ne veut pas donner son astuce, il dit c’est naturel. Foutaise, il sent la rose et tout. Ces yeux d’un bleu clair te laissent souvent perplexe, est-ce une branlée ou un compliment qu’on aperçois dans leur reflet ? Je ne sais pas, j’me suis souvent fait avoir. Ah et je donne tout ce que j’ai, là maintenant, pour avoir cette carrure ! Bon c’est gâché par le manteau marine qu’il porte mais, v’là l’athlète. T’sais le mec taillé à la Brousse Lit, le maître des arts martiaux qu’on voit dans les bouquins spécialisés du genre. Un jour je vais être comme lui, mais dans le camps du fun, un rate-pi.

« J’ai pas bougé d’ici, juré ! Ça peut pas être moi.
- Ahah. Je te crois pour cette fois… vu que c’est pour autre chose que je suis là.
- Ah ?!
- Tu n’aurais pas copiné avec un grand gaillard ces derniers temps ?
- Hm. Naaan. Ah si, ça va mieux entre Roger et moi.
- Je parlais pas de l’aubergiste Ad’.
- Bah, j’vois pas. En même temps vous êtes pas mal de grand gaillard ici. Surtout depuis l’arrivée des Amimiche là. »


Le sourire au lèvre, le gradé, s’assied adossé au tronc de mon arbre. C’est presque devenu un jeu, un rituel entre nous. De sa mémoire, il n’a jamais eu de gosse aussi incontrôlable à gérer à Fushia. La cla-sse.

« Bah justement, celui qu’on a envoyé en travaux forcés chez eux. On dit Amish d’ailleurs.
- Ah c’est là bas qu’il es… travaillent les mecs que vous attrapez ? Vous pourriez les envoyer faire le boulot des vieux là, la jeunesse meurt à petit feu !
- J’essaierai de voir ce qu’on peut faire. Enfin bon, si tu vois pas qui c’est. C’était juste à titre informatif.
- Et si, à titre informatif là, je savais de qui tu parles, c’pourquoi ?
- Je t’aurai conseillé de pas trop trainer près de se genre de lascar. D’ailleurs ta grand-mère et ta grande sœur te l’interdisent.
- Il a l’air cool pourtant. Enfin si je le connaissais c’est ce que je dirais.
- Adell. Les pirates ne sont pas comme dans tes livres ou dans ta tête. Leur  vie est généralement jonchée de plein d’histoire sombre. D’horreur…
- T’inquiètes je le connais pas j’te dis. Juste je l’ai croisé une fois.
- Hmm. On t’as vu.
- Ok, ok, ok. Promis.
- Restes à l’écart Ad’. S’il te plaît. Je ne serai pas toujours là pour te sauver les miches.
- Ahah pourtant tu…
- Oui je m’appelle Sauveur hehe. Bon j’ai du boulot. Je passais juste. »


L’homme se relève doucement, calmement et époussète son pantalon. Sans parents, élevés par les grands parents ma sœur et moi, l’officier est devenu comme mon grand frère et lui me considère comme un petit frère. Malgré les soucis que je peux causer.

« D’ailleurs Amel aimerait que tu rentre avant la nuit. Et elle a préparé ton plat préféré.
- Énorme ! Dans une heure j’ramène les buffles chez le vieux Aoste. T’inquiètes !
- Vas pas nous le rendre plus fou qu’il ne l’est déjà. À plus Ad’.
- Ahah. On peut pas le rendre plus taré de toute façon. À plus Tom ! »


J’fais mine de remonter sur mon perchoir, il va mettre du temps avant de plus m’avoir à portée de vue. J’m’assied en laissant pendre mes jambes de chaque côté de la branche, j’attrape d’une main la pomme la plus proche et l’emmène à ma bouche.

« Ch’est là qu’il est… pour cha qu’j’le vois plus. Ahah. Cha nous fait un point commun, les travaux… »

Grignotant tranquillement mon fruit divin, j’observe l’horizon et la tache noire qu’est Tommy Sauveur s’éloigner. Est-ce que j’attend ? J’ramène les bêtes ? J’fais juste un détour avant de les ramener ? Si je rentre après la nuit tombée tu peux être sûr que j’vais prendre un savon…
Je croque une nouvelle fois dans la pomme. Hm… quel dilemme…

« Mais ouais ! Mais c’est bien sûr ! »

Ma volonté attisée par ma brillante idée, je cueille une vingtaine de pomme que j’enfile dans ma sacoche. Plus pressé que tout à l’heure, j’me réceptionne sur le cul.

« Ouch… »

J’me relève en me frottant le popotin, regardant qu’aucunes pommes ne soient tombées au sol. Rassuré, j’commence à rassembler le troupeau. Ahah. Ce qu’ils sont cons. Tu tapes des mains par-ci, tu beugles « Oh » par là, ça les rassemble et les dirige héhé. J’prend la tête du convoi et on s’tire vers le portail de l’enclos.

« Ça coule de source quand on y pense. En plus, ça va leur changer de manger de l’herbe d’ailleurs. »

On arrive avec la clique près de l’entrée, j’ouvre en grand l’portail.

« Allez hop hop. On remue son popotin les bovins. On va faire une promenade. On va voir ce que l’vieux pirate il fait ! »

Et oui, si j’fais un détour avec les buffles, j’ai pas a revenir les chercher… zéro perte de temps…
Mais je vous ai dit que celui à la corne cassé est super débile ?

« P’tain tu vas où tête de bique ! C’est de l’autre côté qu’on va bordel ! »

J’y tape sur le cul pour le faire changer de direction mais voilà, effet papillon, ça le surprend. Sa corne valide pique le cul d’une autre bête, qui panique et en bouscule une autre. V’là pas que maintenant j’ai la moitié du troupeau qui fonce vers le village Amish, un tiers vers chez le vieux Aoste et le dernier groupe part bille en tête sur le village de Fushia.

« Ahah. Je l’avais pas vu venir celle là… Mais ça me laisse une bonne raison héhé. »

Avec la même débilité impulsive, je me lance à la poursuite du bétail partant vers les Amish de mon Amish. Ah ah.[/color]
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[Pomaison  Jhua]

Par deux et par trois vont les choses. Nos deux pieds avancent, notre cœur bat et bat, et nous espérons toujours que comme dans les histoires, un évènement débute, continue et finira dans la joie. Les Montagnards définissaient un évènement comme plusieurs situations, qui, transformées par l'Aventure restaient dans l'Histoire. Ceux qui dans ce vaste monde se rencontraient dans la poursuite effrénée de leurs rêves, pensaient-ils, étaient connectés par quelque chose de semblable au Destin.

Trois bruits détournèrent l’attention de Robb de la grange qu’il aidait à finir avec ses nouveaux gardiens. Deux s’éloignaient et un se rapprochait des travailleurs aux chapeaux noirs. Le sol tremblait. Les figures hautes et besogneuses des Amish s'arrêtèrent ou posèrent les planches qu'ils transportaient, ou essuyèrent d'un revers de main calleuse la sueur qui tombait dans leurs yeux. Certains du groupe se pressaient déjà autour de Robb qui refermaient ses doigts comme des cylindres pour imiter des jumelles.
Le Pirate sourit devant le nuage de poussière et les nombreuses formes massives qui le dégageaient.
Il se baissa en position de pompe avant de relever son derrière comme un coureur sur le départ. Il banda les muscles de ses jambes, les ombres immenses d'Isaïah et d'autres personnes soudain sur lui ; ses oreilles entendirent les murmures d'autres Amishs dans leur langue en retrait. Bien qu'Isaïah ne parlait pas de son passé, la promptitude avec laquelle lui et plusieurs autres non-violents s'étaient approchés pour affronter la menace révélaient qu'ils n'avaient pas toujours été des pacifistes.
Le Montagnard et l’Amish balafré s’élancèrent, tous les deux laissant des empreintes fumantes dans le sol.
Robb sentit les animaux touffus avant qu'il ne les atteignent et leur trouva un air de ressemblance avec les bovidés de Drum. Son talon botté percuta la terre, accélérant. Il devait les arrêter le plus loin possible de leur grange. Cette fois-ci l'ombre d'Isaïah ne le suivait plus : derrière lui, il entendit le bruit caractéristique de quelqu'un qui s'arrête et d'autres booms retentissants d'une série de bottes.
Il jeta un coup d’oeil pour voir Isaïah et les rares qui l'avaient suivi en ligne :  leurs corps rompus à l'exercice proches de craquer les coutures de leurs habits, leurs jambes fléchies ancrées dans le sol, et sur le point de détruire leurs chemises, leurs bras qu'ils ouvraient dans un même mouvement pour accueillir les bêtes sans haine ni violence.
Le Mur des Amishs:
Les masses touffus de la première vague du troupeau déferlèrent devant le Pirate et ses propres bras musculeux s'ouvrirent pour faucher les bêtes beuglantes. Daddy double LARIAT !  pensa-t-il alors que du point de vue des Amishs en retrait, le petit obstacle qu'il était faisait voler dans les airs des bestiaux glapissants à mesure qu'il traversait leur première vague sans freiner.
D'autres bêtes paniquées l'esquivèrent pour continuer leur route, mais les Amish les attendaient de pieds fermes. Il vit et entendit Isaïah exiger comme un capitaine de ses troupes un AMISH VAND ! et les individus à ses côtés se collèrent les uns à côté des autres pour former un mur de chair, de muscles et de foi inébranlables. Les buffles foncèrent, les Amish fléchirent leurs jambes, les buffles firent trembler le monde, les Amish ne cillèrent même pas. Les animaux furent stoppés nets par leurs grand corps dans un concert de mugissements, certains tombant à la renverse, certains les pattes s'agitant dans l'air, certains tentant de se redresser, mais n'y arrivant pas, sonnés.
Le Pirate eut un sifflement d'admiration pendant qu'il moulinait des bras et faucher d'autres animaux en revenant vers eux à grande vitesse.
Du coin de l’oeil, il capta un flash de cheveux rouges qui lui réchauffa le coeur et le fit éclater d'un grand rire. Robb Lochon bifurqua vers l’adolescent qu'il avait déjà croisé deux fois.

« Hé ! Encore toi, gamin ! Ça boume ? Tu saurais pas d’où tous ces bestiaux viennent ? T’as pas fait une bêtise, mon p’tit pote ? Bwo ho ho ! T’inquiètes, comme tu l’sais déjà, j’ai tendance à en faire pleins, bwéhé. Ah, aufaite, moi c’est Robb ! Et toi ?

Toujours entrain de courir, le nouveau Amish aux cheveux blancs arrêta distraitement d’une main la masse énorme d’un buffle qui tentait de le faucher et se retrouva légèrement emporté par l’animal tenace, créant des sillons à mesure que ses bottes s’enfonçaient et se déplaçaient dans la terre meuble ; tout du long, son sourire s’élargissait en fixant le jeune homme aux cheveux-de-feu.

Il faudrait peut être que tu nous aides à gérer ses bestiaux, si tu veux bien ! Mont’ c’qu’tu sais faire ! »

Plus loin, le Mur des Amish continuaient de stopper net charge après charge une partie des animaux qui glissaient sur le sol fleuri.
Plusieurs choisirent de rester sur le sol, s’avouant enfin vaincus, d’autres parvinrent à se redresser sur des jambes tremblotantes, et décontenancés par leurs propres faiblesses, le sommet de leurs crânes recouverts de fleurs et d’herbes arrachées, ils commencèrent de les mâchouiller avec de grands yeux humides. Plus loin, les bêtes continuaient de venir.
Malgré leur résistance, les membres du Rempart, eux aussi, tressaillaient étrangement. Un éclair ancien avait surgi dans leurs yeux et les différences de leurs visages avec les autres Croyants semblaient s’accentuer. Leurs poings s’étaient resserrés par moments, prêts à frapper par réflexes. Seul un autre éclair assez puissant pour les soumettre, venant du visage parcouru de cicatrices d’Isaïah les fustigeait et leurs mains puissantes s’étaient rouvertes pour accueillir, non détruire.
Ils repoussaient et arrêter les bêtes, encore et encore ; les vrais Amishs aux traits et manières similaires restés en arrière, eux, dardaient sur tous ces nouveaux venus un regard d’une même sévérité.

Parmi eux, son visage ne trahissant aucune expression comme on lui avait inculqué face aux cruautés du monde extérieur, mais les yeux voilés, Rachel regardait celui qu’elle avait choisi comme mari lutter avec lui-même. Ces dos alignés lui rappelait un matin où Isaïah se tenait pensif au bout du lit, son dos nu couturé de cicatrices. Ce dos marqué par la brutalité était large, puissant, et terriblement triste. Elle n'avança pas sa main vers lui pour le toucher. Ce n'était pas leur façon d'être, même dans l'intimité. Il était l'homme, le mari, bientôt le père si Dieu était généreux. Ce n'était pas sa place de le questionner ; et s'il voulait lui parler, il le ferait : ils avaient trop de respect l’un pour l’autre pour parler de choses auquel le second ne pouvait offrir aucune solution.
Ses yeux se brouillèrent davantage, la vision disparut, et ce même dos, qu’elle voyait à travers des larmes roulant sur sa joue était habillé de leur costume noir traditionnel. Se détournant des siens pour ne pas qu’ils remarquent son expression, elle était fière de lui. Il luttait pour rester digne et, plus encore, pour préserver la dignité des autres.
Chacun de ceux qui constituaient le Amish-Vand étaient tous des étrangers qui leur étaient venus par la grâce du Tout-Puissant, qui s’étaient fondus dans leur peuple, avaient adopté leur coutumes. Mais la tâche du péché était indélébile ; le monde extérieur, mauvais et violent. Il corrompait par ses plaisirs et ses conforts les âmes les plus innocentes et les teintaient. Ceux qui en étaient imprégnés ne pouvaient que tenir leur noirceur en servitude pour un temps. Seule la prière régulière et une vie simple pourrait définitivement les sauver. Pourtant, les siens ne le comprenaient pas. Ne pas se mêler des choses du monde extérieur, ne pas accepter les nouveautés technologiques tentatrices, ne pas faire acte de violence, même pour se défendre, tous ces principes étaient durs à apprendre à quiconque avait connu ces choses-là.

Robb ne vit pas ce conflit, tout occupé qu’il était à observer les prouesses de la graine de pirate. Les buffles se calmaient enfin, et le problème immédiat aussi, mais la différence fondamentale entre un Pirate et une personne normale, c'était que là où le quidam percevait un problème, le Pirate y trouvait une opportunité.
Peut être que ces buffles pouvaient lui être utile… ils avaient tous entendu plusieurs bruits et c’était peut être l’occasion pour lui de retourner en ville et de quitter un peu ses travaux d’intérêts généraux… pour le bien commun bien entendu.
Par deux et par trois vont les choses. Ceux qui dans la poursuite effrénée de leurs rêves se rencontrent sont connectés par quelque chose de semblable au Destin.
Et Adell et Robb allaient bientôt apprendre que quand on est un Pirate, trois choses se passent toujours : soit on crée des problèmes partout où l'on va, soit les problèmes vous foncent dessus plus ou moins littéralement, soit, règle du jamais-deux-sans-trois oblige, vous évitez les problèmes uniquement pour en avoir sous le coude plus tard.


*
**


L'a...ah...l’aaaaaa...l’ascension du Mont Corvo s'avérait plus longue que le Capitaine du Mary-Jeanne Riante ne l'avait envisagé. La drogue avait cet effet dilatoire sur la perception de l’espace et du temps. Plusieurs problèmes avaient émergé lentement (vu leur lenteur et leur synapses à tous, leurs problèmes ne pouvaient pas jaillir ou se présenter).
Le problème du déplacement : chacun d'entre eux marchait de manière chaloupée et/ou trébucher sur une racine et/ou à force de se casser la gueule, revenaient sur leurs pas dos.
Il y avait aussi le problème de l'orientation : tout le groupe repassait plusieurs fois devant un arbre, puis repasser encore devant un autre arbre pour finir par se rendre compte que c'était le même arbre qui ne cessait de les encercler depuis trois minutes, PUTAIN DE NATURE A LA CON!
L'un deux... il ne savait plus qui... mais (parce qu'il lui semblait avoir entendu sa propre voix dire des choses intelligentes et ricaner comme s'il était très fier de lui, signe évident d'une idée géniale comme il en avait seul le secret) le Capitaine allait assumer que c'était lui, avait trouvé comme réponse à leurs problèmes qu'il fallait que tout le monde s'attache avec une corde. Ainsi, l’équipage pourrait mieux progresser dans cet endroit pleines de racines et pleines d’arbres. On avait pas idée d'en mettre autant comme ça partout, comme si sur le flanc du mont, quelqu'un avait jugé bon pour les emmerder de mettre une forêt.
C'était sans doute la société moderne ou pire, des capitalistes qui n'étaient pas de leur bord politique et qui ne donnaient pas leurs argents à des gens moins privilégiés, c'est à dire à eux.
Enfin, depuis que son équipage s'était acoquiné avec les différents milieux de la Pègre des Blues et de GrandLine, ce n'était pas tellement leur richesse matérielle qui les tenaillait, mais plutôt leur richesse spirituelle. C'était la faute à Babylone-MarieJoa de leur offrir tant de plaisirs et de conforts illusoires pour les détourner de leur âme éternelle et de JaH. La protection des puissants et le goût du pouvoir laissaient un goût amer dans la bouche de Kingston, mais c’était peut être à cause de toutes les clopes qu’il fumait sur leurs « cigarettes maisons ». Ce monde trop dur existait pour la Défonce. A travers les vapeurs de l'alcool et de la jajatte, les dépossédés pouvaient se libérer du carcan conformiste de la réalité et de ses règles idiotes. Elle atténuait les souffrances et les échecs. Son équipage ne gagnait pas de batailles navales ? Pète. Leur ascension de reverse mountain avait failli les tuer et ils avaient dû rebrousser chemin ? Gros pète. Un équipage pirate ennemi les avait battu et ils avaient dû donner leur trésor pour payer leur vie ? Atténuation de la culpabilité par de la drogue aussi dure que ce que leurs coeurs étaient devenus. Le Monde réclamait de la main d'oeuvre et c'est avec une main tendue vers la gorge d’autrui que l'équipage répondait aux suppliques des crétins assez pacifistes pour penser qu'une aide leur serait offerte gratuitement. Les rêves ou l’espoir n’avaient plus d’importances sur une galère.
Babylone-Mariejoa contrôlait de son Château Pangée tout et les Dragons Célestes taxaient l’univers entier contre la protection de soldats corrompus ou retardataires ou inefficaces, alors depuis quand le fait de se ranger des puissants était-il mauvais ? Il en avait assez de perdre. Il voulait gagner ! Et s’ils ne pouvaient pas… Alors ils riraient en détruisant les chances de gagner des autres. C'était ceux qui croyaient changer les choses en étant des éléments libres et sauvages qui ne comprenaient rien à rien. Ils n'accompliraient pas leurs objectifs en affrontant les vagues qui allaient engloutir le monde. Il fallait faire comme eux pour avoir la tête hors de l'eau : surfer sur la vague, envers et contre tout, et tout faire pour franchir le rouleau compresseur de tonnes d'eau métaphorique en un seul morceau.
Aucun de son équipage n’était mort ou disparu en mer depuis ses nouvelles résolutions.
Kingston repoussa une branche feuillu et une de ses dreadlocks en se baissant et aperçut leur destination : entre de grands arbres laissant filtrer la lumière, une petite cabane en bois, un tapis rouge tâché déroulé et déformé par le sol rocailleux et herbu devant, les attendaient. Il ne vit pas la branche fouetter l'air derrière lui et frapper le visage de ses compagnons un par un alors qu'il les trainait attaché à sa corde.
Une série de grognements et un code de tocs-tocs chaloupé choisi d'un commun accord entre les deux groupes plus tard, la porte s'ouvrit. A l'intérieur d'une pièce où plusieurs divans en mauvais état prenaient la poussière, une bande de six énergumènes se trouvait pris dans une grande conversation qu'ils ne daignaient pas interrompre pour leurs invités.

« Amaury, en voulant te vexer, t'as des goûts aussi rares que ta chevelure. Je dis ça parce que t'es quasi-chauve.
Les bandits - AMEDEE:
- Amédée, ferme ta gueule, y a que toi qui veut du poisson ici !
Les bandits - AMAURY:
- C'est vachement bon pour la santé, bordel.
- Il me faudrait mes très chers amis de la chair fraîche et tendre, un filet mignon ne serait pas de refus.
Les bandits - GILD "GILDERAI" ERAI:
- On a pas les thunes d'aller à Hippopopopotamus à chaque fois, Gilderai !  Si tu veux d'la viande, ce sera un CroqPirate comme tout le monde !
Les bandits - BOSSA-NOVA dit "BOSS":
- Palsambleu, cher Boss, c'est indigne de mon palais. D'ailleurs, si vous daignez bien vous y transporter céans pour aller me chercher un met raffiné, le problème trouverait sa solution.
-  Boss, mentez pas, c'est parce que vous voulez le jouet du Jolly Meal que vous nous saoulez avec CroqPirate, n'est-ce pas ?
- Non... je, je, je vois pas ce que tu veux dire. Je suis un type super mature et je ne voudrais absolument pas kiffer ma race avec un bon gros burger des familles et un p'tit jouet sympatoche... Je rougis là, non ?
- Nous, avec mon frère, on vote plus pour un p'tit combo sandwich saucisse et bière. N'est-ce pas, Grim' ?
- Pour sûr, Al' ! Moi, tu sais que j'adore tout ce qui se marie bien avec la bière.
Les bandits - LES FRERES GEM:

Les six énergumènes remarquèrent enfin la présence de leurs invités et ce fut la voix aïgué de Bossa-Nova qui interrogea les nouveaux venus.

- Et vous, les Galériens, vous prendrez quoi ?
- Nous, si on pouvait avoir un bon gros burger. Un truc qui cale bien, on a la foncedal.
- Ah moi j'me taperais bien des sushis, capitaine.
– Tais-toi Jammy, t'as pas voix au chapitre après avoir pas fait passer.
- Passer quoi ?
- Ma main dans ta gueule, spèce de naze. LE OINJ. T'AS PAUME LE OINJ ! Comment on va tenir le retour sans oinj ! J'te rappelle que notre bateau est une galère et que y a plus personne à part nous pour le faire tourner, spèce de nul !
- Ah putain toi aussi t'as des gros relous dans ton équipe qui ont des goûts trop chiants quand il s'agit de chopper à bouffer ?!
- Nan, enfin si, mais moi, ils sont toujours chiants. Enfin chiants. Lents à la détente. »

Entre Jammy Belair, Orley Tubbs et Thalassa Baton-Rouge de l’équipage des Galériens, un roulement d’yeux puis un haussement d’épaules vint accueillir la remarque de leur Capitaine. Ils savaient ce qui adoucirait son attitude et déjà, Jammy sortait des feuilles, Orley un briquet, et Thalassa un sachet de « thé » qu’elle commençait d’émietter.

Quelques taffs plus tard, et après qu’ils aient tirés à la courte cicatrice celui ou celle qui irait chercher la nourriture au CroqPirate du coin, après qu’ils aient tous finis leur repas, l’heure de voir surgir leur dernier invité afin d’avancer leurs plans était venue.
Le code sonore fut donné et un visage énormément goguenard apparut dans l’entrée.
Filibernard de Hautecloque:
Énormément goguenard, mais surtout goguenard à tête énorme, car l’individu étant trop habitué au luxe pour se déplacer dans tous les endroits pauvres, il avait envoyé un de ces nouveaux portraits qui faisaient fureur chez les nobles de Goa pour effrayer les domestiques. Tenu par un majodorme patibulaire devant lui à bout de bras, le tableau était creux et on avait placé derrière la toile un escargophone pour simuler la présence de Filibernard de Hautecloque, propriétaire semi-légitime du Mont Corvo.

« Salutations misérables ! Êtes-vous prêts à devenir trois quarts moins riches que moi ? Cela vous dirait de vous en prendre à des gens que personne ne sauvera ? »

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DRAMATIS PERSONAE :
Spoiler:
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