Rappel du premier message :
— Je t’ai trouvé ! Franchement, tu aurais au moins pu faire semblant de te cacher !
— Tu m’aurais trouvé encore plus vite, j’ai essayé d’innover.
_____Au milieu d’un capharnaüm produit par une bonne centaine de personnes toutes plus enthousiastes les unes que les autres, nous nous faufilons entre les chefs-d’œuvre et les tableaux pour rejoindre nos parents. Ils n’ont pas bougé ! Elle va durer combien de temps, comme ça, leur discussion ? Maman surprend mon regard et me fait une mimique compatissante, puis ses yeux bougent très vite : une fois vers la sortie, une fois vers son interlocuteur et une fois vers la grande horloge qui indique que ça va faire bientôt trois heures que nous sommes coincés dans ce salon prestigieux. Au début, c’était incroyablement intéressant. J’ai parcouru les différentes peintures et je peux dire que certaines sont vraiment magnifiques ! Il y en a qui jouent sur les couleurs, qui floutent légèrement les herbes pour donner l’impression qu’elles bougent, d’autres qui jouent sur les contrastes, le nombre, les émotions, la surprise, la superposition… Toutes les techniques sont représentées, dont au moins une dizaine que je ne connaissais pas. Curieuse, j’ai été parler aux différents artistes qui se sont fait une joie de m’exposer longuement leurs méthodes et leurs manifestes, puis ils m’ont irrémédiablement demandé de leur présenter mon père pour avoir une conversation plus fournie. Déçue, dédaignée et ayant fini par faire le tour de tout ce qu’il y avait à voir, j’ai décidé de passer le temps en jouant à cache-cache avec Liam.
_____Maman regarde de nouveau son interlocuteur puis, dès qu’elle en a l’occasion, elle me cherche du regard, je lui fais signe, elle me regarde droit dans les yeux, fixe de nouveau l’horloge, balaie le salon du regard puis porte discrètement la main à ses lèvres avant de reporter entièrement son attention à la conversation. Je guette une nouvelle manifestation de sa part mais elle ne semble plus remarquer ma présence, comme si je n’existais plus.
— Viens, Liam : on s’en va.
— Hein ? Mais on doit attendre les parents !
— Non, t’inquiète : ils en ont au moins pour deux heures. Maman m’a dit qu’on pouvait sortir, et puis de toute façon je suis grande tu sais ! Pas besoin d’attendre papa et maman.
_____À moins qu’elle m’ait donné rendez-vous au restaurant ? Hum, balayer le salon du regard, ça voulait dire quoi ? « Si vous ne nous retrouvez pas », j’imagine. Oui, ça doit être un truc comme ça. En tout cas elle vient de me dire de sortir, c’est sûr et certain ! Liam écoute mes explications avec attention et approuve mes déductions : nous sortons donc. Pfiou ! Comme ça fait du bien ! Dehors, les rues pavées de pierres rondelettes sont paisibles et doucement réchauffées par le Soleil du milieu d’après-midi. Les boutiques et les échoppes prospèrent, animées par des artisans qui rivalisent d’originalité et de virtuosité. Ici, un ébéniste, là un sculpteur de pierre, plus loin un tisseur, encore plus loin un souffleur de verre, sans parler de la grandiose et illustre école du regrettéMusashi 1. Il n’y a pas à dire : Honnoji, malgré sa petite taille et sa population réduite, peut très bien compter parmi les « villes de l’art », et ce n’est pas pour rien qu’elle a été choisie pour accueillir le quatre cent trente-huitième colloque de peintres des quatre mers. Nous continuons notre chemin jusqu’à sortir complètement de la ville. Passée la place centrale, les artisans qui ont pignon sur rue se font de plus en plus rares jusqu’à complètement disparaître. On voit encore quelques épiceries et des traiteurs de viande, des boulangeries, des restaurants et des hôtels puis uniquement des habitations. Arrivés en bordure de ville, les bâtiments se font moins nombreux, moins grands, moins bien entretenus. Certaines constructions en bois semblent dater du siècle dernier et font peine à voir.
_____Après avoir suivi le sentier sur quelques mètres, le pavage laisse place à de la simple terre qui continue jusqu’au port. Tout autour de nous, des champs à perte de vue qui ondulent paresseusement le long des collines, dessinant de subtiles nuances de vert et de jaune selon la nature, l’exposition au Soleil et le degré d’hydratation de ce qui y est cultivé. Parsemés de-ci de-là de minuscules cabanons qui sont en fait d’authentiques fermes voire des villages miniatures que la distance déforme et fait apparaître si petits, ces champs ne sont interrompus que par un semblant de montagne où l’agriculture est impossible à cause de la pente et de la trop forte présence de roches et de cailloux. Là, la nature a gardé ses droits et une forêt y verdoie tranquillement, à peine inquiétée par les quelques bûcherons, chasseurs et cueilleurs qui n’ont pas besoin de s’enfoncer bien loin pour trouver ce qu’ils veulent. C’est là que nous allons.
— Tout le monde était malade et on a été obligé de se vacciner, c’était horrible !
_____Liam et moi rattrapons le temps perdu. Depuis que je suis revenue sur Sirup il y a quelques semaines, je me suis bien ressourcée, j’ai pris des nouvelles de tout le monde, j’ai écouté les ragots et j’ai répété au moins cent-cinquante fois mes aventures, à chaque fois dans une version un peu plus courte. Liam a bien grandi : c’était à peine un gamin il y a deux ans mais maintenant c’est un homme, et en plus il est plus grand que moi ! C’est fou comme il a poussé vite. Il me raconte qu’il travaille chez l’oncle Osmont, en tant que conseiller politique s’il vous plait. J’avoue que je ne comprends pas trop comment quelqu’un d'aussi puissant pourrait avoir besoin d’un conseiller pour la politique, surtout quand ledit conseiller n’a que dix-sept ans : on n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans. Mais je suppose qu’il rend juste service à son neveu en lui dévoilant les arcanes de ce qui sera son métier plus tard.
_____J’ai beaucoup d’admiration pour mon petit frère. Je le connais depuis toujours, on a fait les quatre cent coups ensemble ! Toujours brillant, toujours génial, il a l’esprit vif et plein de compréhension. C’est le côté calme et réfléchi de maman, alors que moi je suis le côté impulsif et rêveur de papa. Il évolue dans un monde totalement différent du mien, dans un monde de manoirs et de bureaucratie, où la procédure règne et où le papier gouverne. Franchement, ça me rend folle rien que d’y penser et je lui suis reconnaissante de ne pas rentrer dans les détails. Lui, ça le passionne et ça lui fait de la peine de ne pas tout dire à sa sœur alors je l’encourage, je lui pose des questions, j’essaie d’en savoir plus et j’essaie de comprendre. En parallèle, je lui raconte mes mésaventures et mon train de vie qui fait misérable à côté du sien, mais je n’insiste que sur les bons côtés : comment j’ai découvert le monde, parcouru les mers, secouru des réfugiés, rencontré des gens… Le temps passe et la nuit commence, nous rentrons. Où est-ce que maman a dit qu’il fallait la retrouver, déjà ?
_____Le lendemain, nous allons directement dans la forêt pendant que papa et maman continuent à faire littéralement la cour à la société des artistes. Tant de gens à rencontrer, de contrats à signer, de choses à échanger. Papa va prendre un disciple si j’ai bien compris, et en échange son père lui a donné un peu d’argent et un contact intéressant… mais ce n’est que le millionième de ce qu’il s’est décidé hier ! Oh là là, heureusement que maman n’a pas épousé un noble sinon elle devrait faire ça tous les jours. Quoi que, ce serait plutôt les artistes qui devraient lui faire la cour, et en soi ce n'est pas du tout la même chose !
_____Tout à coup, nous entendons du bruit, tchouip, tchouip ! Curieux, nous nous rapprochons de la source pour apercevoir un homme occupé à cueillir des baies qui ont poussé en hauteur, largement hors de portée malgré sa taille. Pour compenser, il saute. Oui, il saute, il bondit même. Il fléchit ses genoux, prend une courte inspiration et d’une impulsion parcourt les quelques mètres qui le séparent de ces fruits tant convoités.
— Tchouip, fait-il sous le coup de l’effort.
_____
↑1. Dans l'univers de OPR, Musashi était l'héritier et le maître de l'école des trois sabres fondée par le très célèbre pirate Roronoa Zoro. Il décède dans un affrontement en 1625, laissant l'école des trois sabres sans maître. Lien vers la fiche d'île.
— Je t’ai trouvé ! Franchement, tu aurais au moins pu faire semblant de te cacher !
— Tu m’aurais trouvé encore plus vite, j’ai essayé d’innover.
_____Au milieu d’un capharnaüm produit par une bonne centaine de personnes toutes plus enthousiastes les unes que les autres, nous nous faufilons entre les chefs-d’œuvre et les tableaux pour rejoindre nos parents. Ils n’ont pas bougé ! Elle va durer combien de temps, comme ça, leur discussion ? Maman surprend mon regard et me fait une mimique compatissante, puis ses yeux bougent très vite : une fois vers la sortie, une fois vers son interlocuteur et une fois vers la grande horloge qui indique que ça va faire bientôt trois heures que nous sommes coincés dans ce salon prestigieux. Au début, c’était incroyablement intéressant. J’ai parcouru les différentes peintures et je peux dire que certaines sont vraiment magnifiques ! Il y en a qui jouent sur les couleurs, qui floutent légèrement les herbes pour donner l’impression qu’elles bougent, d’autres qui jouent sur les contrastes, le nombre, les émotions, la surprise, la superposition… Toutes les techniques sont représentées, dont au moins une dizaine que je ne connaissais pas. Curieuse, j’ai été parler aux différents artistes qui se sont fait une joie de m’exposer longuement leurs méthodes et leurs manifestes, puis ils m’ont irrémédiablement demandé de leur présenter mon père pour avoir une conversation plus fournie. Déçue, dédaignée et ayant fini par faire le tour de tout ce qu’il y avait à voir, j’ai décidé de passer le temps en jouant à cache-cache avec Liam.
_____Maman regarde de nouveau son interlocuteur puis, dès qu’elle en a l’occasion, elle me cherche du regard, je lui fais signe, elle me regarde droit dans les yeux, fixe de nouveau l’horloge, balaie le salon du regard puis porte discrètement la main à ses lèvres avant de reporter entièrement son attention à la conversation. Je guette une nouvelle manifestation de sa part mais elle ne semble plus remarquer ma présence, comme si je n’existais plus.
— Viens, Liam : on s’en va.
— Hein ? Mais on doit attendre les parents !
— Non, t’inquiète : ils en ont au moins pour deux heures. Maman m’a dit qu’on pouvait sortir, et puis de toute façon je suis grande tu sais ! Pas besoin d’attendre papa et maman.
_____À moins qu’elle m’ait donné rendez-vous au restaurant ? Hum, balayer le salon du regard, ça voulait dire quoi ? « Si vous ne nous retrouvez pas », j’imagine. Oui, ça doit être un truc comme ça. En tout cas elle vient de me dire de sortir, c’est sûr et certain ! Liam écoute mes explications avec attention et approuve mes déductions : nous sortons donc. Pfiou ! Comme ça fait du bien ! Dehors, les rues pavées de pierres rondelettes sont paisibles et doucement réchauffées par le Soleil du milieu d’après-midi. Les boutiques et les échoppes prospèrent, animées par des artisans qui rivalisent d’originalité et de virtuosité. Ici, un ébéniste, là un sculpteur de pierre, plus loin un tisseur, encore plus loin un souffleur de verre, sans parler de la grandiose et illustre école du regretté
_____Après avoir suivi le sentier sur quelques mètres, le pavage laisse place à de la simple terre qui continue jusqu’au port. Tout autour de nous, des champs à perte de vue qui ondulent paresseusement le long des collines, dessinant de subtiles nuances de vert et de jaune selon la nature, l’exposition au Soleil et le degré d’hydratation de ce qui y est cultivé. Parsemés de-ci de-là de minuscules cabanons qui sont en fait d’authentiques fermes voire des villages miniatures que la distance déforme et fait apparaître si petits, ces champs ne sont interrompus que par un semblant de montagne où l’agriculture est impossible à cause de la pente et de la trop forte présence de roches et de cailloux. Là, la nature a gardé ses droits et une forêt y verdoie tranquillement, à peine inquiétée par les quelques bûcherons, chasseurs et cueilleurs qui n’ont pas besoin de s’enfoncer bien loin pour trouver ce qu’ils veulent. C’est là que nous allons.
— Tout le monde était malade et on a été obligé de se vacciner, c’était horrible !
_____Liam et moi rattrapons le temps perdu. Depuis que je suis revenue sur Sirup il y a quelques semaines, je me suis bien ressourcée, j’ai pris des nouvelles de tout le monde, j’ai écouté les ragots et j’ai répété au moins cent-cinquante fois mes aventures, à chaque fois dans une version un peu plus courte. Liam a bien grandi : c’était à peine un gamin il y a deux ans mais maintenant c’est un homme, et en plus il est plus grand que moi ! C’est fou comme il a poussé vite. Il me raconte qu’il travaille chez l’oncle Osmont, en tant que conseiller politique s’il vous plait. J’avoue que je ne comprends pas trop comment quelqu’un d'aussi puissant pourrait avoir besoin d’un conseiller pour la politique, surtout quand ledit conseiller n’a que dix-sept ans : on n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans. Mais je suppose qu’il rend juste service à son neveu en lui dévoilant les arcanes de ce qui sera son métier plus tard.
_____J’ai beaucoup d’admiration pour mon petit frère. Je le connais depuis toujours, on a fait les quatre cent coups ensemble ! Toujours brillant, toujours génial, il a l’esprit vif et plein de compréhension. C’est le côté calme et réfléchi de maman, alors que moi je suis le côté impulsif et rêveur de papa. Il évolue dans un monde totalement différent du mien, dans un monde de manoirs et de bureaucratie, où la procédure règne et où le papier gouverne. Franchement, ça me rend folle rien que d’y penser et je lui suis reconnaissante de ne pas rentrer dans les détails. Lui, ça le passionne et ça lui fait de la peine de ne pas tout dire à sa sœur alors je l’encourage, je lui pose des questions, j’essaie d’en savoir plus et j’essaie de comprendre. En parallèle, je lui raconte mes mésaventures et mon train de vie qui fait misérable à côté du sien, mais je n’insiste que sur les bons côtés : comment j’ai découvert le monde, parcouru les mers, secouru des réfugiés, rencontré des gens… Le temps passe et la nuit commence, nous rentrons. Où est-ce que maman a dit qu’il fallait la retrouver, déjà ?
_____Le lendemain, nous allons directement dans la forêt pendant que papa et maman continuent à faire littéralement la cour à la société des artistes. Tant de gens à rencontrer, de contrats à signer, de choses à échanger. Papa va prendre un disciple si j’ai bien compris, et en échange son père lui a donné un peu d’argent et un contact intéressant… mais ce n’est que le millionième de ce qu’il s’est décidé hier ! Oh là là, heureusement que maman n’a pas épousé un noble sinon elle devrait faire ça tous les jours. Quoi que, ce serait plutôt les artistes qui devraient lui faire la cour, et en soi ce n'est pas du tout la même chose !
_____Tout à coup, nous entendons du bruit, tchouip, tchouip ! Curieux, nous nous rapprochons de la source pour apercevoir un homme occupé à cueillir des baies qui ont poussé en hauteur, largement hors de portée malgré sa taille. Pour compenser, il saute. Oui, il saute, il bondit même. Il fléchit ses genoux, prend une courte inspiration et d’une impulsion parcourt les quelques mètres qui le séparent de ces fruits tant convoités.
— Tchouip, fait-il sous le coup de l’effort.
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Dernière édition par Anatara le Mer 8 Avr 2020 - 10:57, édité 2 fois