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Savoir ce qu'on veut

« Arf…
 
Je…
 
Tout ça…
 
C’était un rêve ?
 
Ça peut être que ça… »
 
Farros ouvrit les yeux, difficilement, allongé dans le canapé qui se trouvait dans le petit salon qui avait été aménagé dans leur coque de noix améliorée. Un hublot ouvert grinçait au rythme du vent, amplifiant le mal de crâne que le jeune homme subissait. A son chevet, il trouva Obelon, assis par terre en train de feuilleter une sorte de journal. Ce dernier mit un moment à se rendre compte que le Cabot, Farros, avait repris connaissance :

- Ah, t’es réveillé ? Et merde, moi qui espérais encore un peu de sursis…

- Très drôle, Ob, comme d’habitude…

- Ah non, pour le coup, je parle pas de toi.

- De quoi est-ce que…

BOUM.

« Voilà ta réponse.».

Farros n’eut même pas le temps de terminer sa phrase. La porte venait de s’ouvrir dans un grand fracas, laissant apparaître la silhouette élégante et pourtant terrifiante de leur compagnonne de route, Mogla. Elle referma la porte derrière elle non sans faire moins de bruit que lorsqu’elle l’avait ouverte. Elle avait l’air furieuse, c’est le moins qu’on pouvait dire. Peut-être que tout ça n’avait pas été qu’un simple rêve, après tout :
 
- AH ! Je me disais bien que j’avais entendu ta voix !

- Qu-…

- Maintenant que vous êtes tous les deux en l’état de m’écouter, j’ai deux trois choses à vous dire !

- Arf…

- MAIS QU’EST-CE QUI VOUS EST PASSÉ PAR LA TÊTE ?!

- On s’est dit qu’on allait faire une petite escale à Sirup…

Et depuis quand l’un de vous deux sait manœuvrer un bateau ?! Vous auriez pu l’endommager ! Farros, t’as oublié à quel point on s’est fait chier pour rassembler les Berries pour nous le procurer ?

-

- Si j’peux me permettre, une fois sur l’île, on a voulu y trouver un trésor pour te le ramener. On a même failli se faire dévorer vivants par un monstre.

- Et vous l’avez ramené, ce trésor ?

- Non.

Et il s’est avéré qu’au final, c’était pas vraiment un monstre…

- Quoi ?!

- Ben, en fait…

- FERMEZ-LA ! Et si j’avais pas été là pour te sauver de la noyade, hein Farros ? Trop bourré pour pouvoir nager… Même moi, j’avais encore jamais vu ça…

- Justement… j’ai pas l’impression que ce soit à cause de l’alcool.

- Et qu’est-ce que ce serait, alors, tête de nœud ?

- Ce type qu’on a pris pour un monstre… Fink Berrick, si je me souviens bien… Maintenant que j’y pense, je sais peut-être pourquoi il avait cette apparence.

- Ah ouais ?

- Je me demande s’il n’a pas mangé un fruit du démon par le passé. Je me souviens avoir appris que ceux dont c’était le cas étaient capables de ce genre de choses, et que ça se caractérisait souvent par des transformations physiques.

- Et tu penses que c’est son cas ?

- Ouaif.

- Je m’y connais un peu en fruit du démon. Je crois que je vois où tu veux en venir.

-

- Tu veux dire que si tu pouvais pas nager, c’était parce que…

- Oh bordel, le fruit qu’on a trouvé dans sa réserve ?!

- Oui… En plus, il s’est passé des trucs bizarres quand je me suis battu, là-bas… C’était comme si, tout à coup, j’étais devenu beaucoup plus petit. Aucune idée, de comment c’est arrivé, en revanche. C’était comme… instinctif. Si ça ne m’était pas arrivé, je me serais pris le poing plein de pics de Fink en pleine poire.

- Bah putain.

- Tu trouveras toujours un moyen de te faire remarquer, toi.

- Oh toi, Obelon, la ferme. T’es pas en position de l’ouvrir, là.

-

- Et du coup ? C’est quoi, tes pouvoirs ? Tu peux tirer des lasers avec tes yeux, un truc du genre ?

- J’en ai aucune idée. Comme je t’ai dit, la seule chose dont je me souvienne, c’est d’avoir pu réguler ma taille.

- Ben je suppose qu’il te reste qu’à essayer de recommencer.
 
Farros observa ses deux amis, approuvant d’un hochement de tête. A présent, il lui fallait se concentrer. Il n’avait aucune idée de la façon dont il devait procéder. Il avait toujours aimé les histoires sur les fruits du démon, mais n’avait jamais rencontré quelqu’un qui en avait mangé un jusque-là, et se serait encore moins douté que ce serait son cas un jour.

Le Cabot fit ce qu’il avait toujours fait pour se concentrer, notamment lorsqu’il travaillait en cuisine. Il ferma les yeux, respirant profondément, sensible à ce qui l’entourait, le bruit des vagues, leur odeur iodée. Toutes ces sensations lui paraissaient tellement distinctes. Sa respiration se faisait plus marquée, moins discrète. Il se sentait presque… Bestial. Il rouvrit les yeux en entendant les esclaffements d’Obelon :

- Ç-ça alors…

- BAHAHAHAHAH ! Un p'tit clébard ! J’en peux plus !


Dernière édition par Farros le Sam 14 Déc 2019, 15:41, édité 1 fois
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Comment ça, un clébard ? Farros se précipita, courant à quatre pattes en direction du miroir le plus proche. Il eut du mal à en croire ses yeux lorsqu’il s’arrêta en face de la glace, observant son reflet bestial. Encore que bestial était un bien grand mot pour une apparence si inoffensive. A bien y réfléchir, sous cette forme, le Cabot inspirait tout, sauf de la crainte. De l’amusement, de la tendresse, oui, pourquoi pas. Mais certainement pas de la crainte. Il s'y connaissait, et aucun doute possible : il s'était métamorphosé en corgi.

Intrigué, il pivota la tête légèrement sur le côté. Cela lui fit remarquer toute l’ironie de la situation. Lui qui avait grandi avec des chiens, avait été inspiré par eux jusque dans ses mimiques, et qui en partageait même les facultés olfactives, en était désormais un. Littéralement.

Il devait avouer qu’il comprenait le comique de la situation. C’était juste que, dans l’immédiat, il était trop sous le choc pour pouvoir en rire. Il avait beau avoir entendu des dizaines d’histoires sur les consommateurs de fruits du démon, en devenir un lui-même était totalement inattendu et lui foutait carrément la trouille.

Est-ce qu’il était seulement capable de changer de forme sur demande ? Alors qu’il se posait la question, il changea de forme aussitôt, reprenant apparence humaine. Fait assez intéressant pour le souligner, il semblait que ses vêtements s’adaptaient à sa forme eux aussi. Sans doute étaient-ils eux aussi sous l’influence des pouvoirs du fruit du démon d’une quelconque manière.

Au bout d’un moment, la crainte laissa place à la rigolade. Le jeune homme ne put s’empêcher de s’amuser avec sa nouvelle capacité fraîchement acquise, passant de sa forme humaine à sa forme canine et inversement à répétition, ce qui s’avéra d’ailleurs être relativement fatiguant à la longue. Mais peu importe, c’était bien trop drôle.

Soudain, alors qu’il allait changer de forme pour la énième fois, il se passa encore quelque chose à laquelle il ne s’attendait pas. Il n’avait pris ni sa forme humaine, ni celle d’un corgi, mais bien celle d’un hybride. Il se figea, contemplant son apparence à la fois étonnamment harmonieuse et ridicule. Il n’était pas monstrueux, non, mais il fallait avouer qu’encore une fois, la situation était des plus comiques.

C’est à ce moment là que Mogla le rejoint après être allée fouiller dans sa cabine, un livre à la main : « Je me disais bien que j’avais un bouquin sur les fruits du démon qui traînait quelque part. Tu sais que si tu l’avais pas englouti, on aurait pu se faire un sacré paquet de… ». Son regard se bloqua sur la forme hybride de Farros, et sa mâchoire se figea, béante. Elle secoua la tête avant de reporter son attention sur son livre : « Euh, ouais, donc… Visiblement, il vaudrait mieux qu’on se mette tout de suite à le feuilleter. ».

Ils tombèrent vite sur la partie qui les intéressait : les Zoans. Farros fut émerveillé par tout ce qu’il put y apprendre et passa le reste du voyage la tête plongée dans le bouquin, Mogla étant tout autant intéressée. Obelon, quant à lui, se contentait du comique de la situation.





Savoir ce qu'on veut N3jk


Dernière édition par Farros le Mar 31 Déc 2019, 16:59, édité 2 fois
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Pour une fois, c’est la pluie qui battait sur les pavés des rues de Shell Town au lieu des pas des nombreux habitants qui peuplaient l’île. Farros, quant à lui, n’était pas dérangé outre mesure par la pluie. Sa forme de corgi et sa forme hybride lui permettaient même de rester au chaud sous les froids pleurs des nuages. Comme quoi cette histoire de pouvoirs avait aussi du bon.

Le jeune homme savait bien qu’il ne pouvait pas retourner en arrière, qu’il allait devoir apprendre à faire de ses nouvelles facultés une véritable force. Après tout, ce n’était pas une mauvaise chose, si on oubliait que le simple contact de l’eau de mer suffisait désormais à puiser l’intégralité de ses forces.

Ainsi ne fut-il pas mécontent de poser le pied à terre, sa coque de noix n’étant pas la plus stable des embarcations par intempéries. La plupart des personnes qui côtoyaient le port ce jour là étaient soit des ouvriers occupés à réparer des dégâts récents – visiblement les sévices de boulets de canon, vu l’impact – soit des membres de la marine, certains étant occupés à regarder dans le vide, des sortes d’affiches enroulées sous le bras. L’un d’entre eux en laissa échapper une, que le vent fit voler en plein dans la face du Cabot.

Farros ne croyait pas vraiment au destin, mais il devait bien avouer que le hasard faisait parfois bien les choses. Lui qui envisageait depuis un moment déjà de rejoindre la marine, voilà qu’une séance de recrutement exceptionnelle allait avoir lieu, pile le lendemain. C’était l’occasion rêvée pour le Cabot. Seulement, lui qui pourtant n’avait jamais eu peur de partir à l’aventure la tête baissée, il doutait aujourd’hui. Ce changement drastique allait-il lui convenir ? Sans doute aurait-il les idées plus claires le lendemain. Du moins, il l’espérait. Obelon vint le tirer de ses pensées confuses :

- Hep, le clébard. J’aimerais en finir le plus vite possible avec ce que j’ai à faire ici. Du coup, je vais y aller tout de suite. Vous vous en sortirez sans moi ?

- Ouaif, ça devrait aller, t’inquiète. On va se diriger vers le resto familial de ma famille, histoire de saluer tout le monde et voir s’il y a de la place pour nous trois.

- Vous êtes tous… pareils ?

- Très drôle Ob’, vraiment.

Alors qu’Obelon s’éloignait dans une autre direction, Mogla et Farros se rendaient à la maison familiale du Cabot. Ils ne furent pas mécontents lorsque la grand-mère du Cabot, Nini, leur ouvrit la porte. Il s’agissait d’une petite femme à la coiffure bien soignée, mais qui savait faire preuve d’une grande force et dont on n’aurait jamais deviné l’âge. C’était simple, elle n’était que gentillesse. C’était une des personnes qui avait le plus inspiré le jeune homme.

Tout le monde était là, et tous étaient ravis de revoir Farros. Même Joan, qui passait habituellement ses journées à déambuler dans Shell Town à faire le tour des commerces, un sourire naïf aux lèvres, était rentré se mettre à l’abri. Et bien sûr, il y avait Moz. Comment rater cet énorme molosse ? Une boule de tendresse de plusieurs centaines de kilos. Et oui, car non content d’avoir la taille d’un bœuf, il en partageait également le poids. Autant dire qu’il revenait cher en croquettes. C’était d’ailleurs à lui que Farros devait les marques de griffures à ses avant-bras, alors que Moz n’était encore qu’un chiot un peu balourd de la taille d’un saint-bernard.

Sa mère pleurait de joie de le revoir en pleine forme et son père, lui, ne pouvait se retenir de lui lancer ses éternelles blagues. Farros leur expliqua son intention de participer à la séance de recrutement de la marine, ainsi que celle de ne plus faire de la cuisine sa profession. Ils prirent très bien la nouvelle, après tout le Cabot n’était pas le premier de la famille à rejoindre la marine.

Toute cette émotion lui avait presque sorti de la tête une information plus importante encore :

« Ah oui, j’oubliais ! T’aurais pu me le rappeler, Mogla, herf herf ! Tenez-vous bien…








TA-DAAA ! »



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Bon avec un peu de recul, peut-être bien que c’était pas la meilleure idée, le côté spectaculaire. Le père de Farros fut celui qui mit le plus de temps à se réveiller après être tombé dans les pommes. Son oncle Joan, lui, s’était contenté d’un rire nerveux.

Malgré tout, ils finirent eux aussi à accepter cet étrange changement, plus rapidement qu’on aurait pu le penser, encore une fois. Quant à Moz, il ne l’avait jamais vu aussi joyeux. Le molosse bondissait dans tous les sens, apportant tous ses jouets à Farros, jusqu’à l’ensevelir sous une montagne d’os en plastique couinant.

Le jeune homme ne fut pas mécontent de retrouver son lit après le délicieux repas que sa grand-mère avait préparé. Les émotions de la journée l’avaient épuisé, mine de rien, et demain, il lui faudrait être en forme pour la séance de recrutement de la marine.

Il se réveilla tôt, le lendemain. Il se prépara en vitesse, engloutissant une tartine de confiture au passage. Le soleil ne s’était pas encore levé, et la pluie continuait de tomber. Le Cabot eu du mal à cacher sa surprise, quand, en ouvrant la porte d’entrée, il tomba face à face avec Mogla, déjà réveillée, elle aussi :

- Eh ben, la danseuse au clair de lune porte bien son nom, herf herf.

- Tu sais bien que y’a que toi qui m’appelle comme ça, idiot.

- Qu’est-ce que tu fais déjà réveillée ?

- J’aurai l’air maline, si j’arrive en retard au recrutement.

- T-Tu comptes y participer, toi aussi ?

- Tu pensais quand-même pas que j’allais te laisser t’engager tout seul. Tu représenterais plus un danger pour les citoyens qu’autre chose, vu le nombre de conneries que tu peux faire quand je suis pas là pour garder un œil sur toi.

- C’est génial, mais tu sais, j’ai vraiment pas besoin d’une baby-sitt…

Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase que son pied butta sur un caillou, provoquant une chute inévitable vers le sol pavé de Shell Town. Maudit karma. Qu’est-ce qu’il avait bien pu faire pour mériter ça, franchement ? Il se leva, mine de rien, essuyant discrètement ses mains sur ses vêtements trempés : « Bon, on se met en route ? ». Mogla ne manquerait pas de lui rabattre les oreilles avec cette histoire avant un moment, c’était certain.

Alors qu’ils se dirigeaient tous deux vers le QG de la marine qui se trouvait au centre de l’île. La dernière fois qu’ils s’étaient rendus là-bas, c’était pour demander l’aide d’Aleister dans leur recherche de Lokiri… Aleister serait sûrement super heureux d’apprendre que Farros s’apprêtait à rejoindre la marine. Quant à Lokiri… Farros se demandait comment ça se passait du côté d’Obelon.
 




~ Point de vue d’Obelon ~
 




« Ça fait toute la nuit que je poirote là, à attendre que vous acceptiez de me laisser rendre visite à un détenu. Vous allez vous bouger, bordel de merde ?! » râla une énième fois Obelon à l’un des soldats qui gérait les visites des prisonniers. Lui aussi commençait tout doucement à perdre patience :

- Monsieur, je vous le répète : les visites de Lokiri Gootey sont soumises à une liste particulière de personnes. Vous devez comprendre, c’est un dossier très particulier, et nous n’avons pas terminé d’étudier son cas.

- Laissez-moi le voir avant que vous vous décidiez à l’envoyer sur une île paumée pour être certain qu’il y moisisse tout seul sans personne pour le libérer ! C’est très important.

- Monsieur… Qu’est-ce qui vous fait dire que nous envisageons un changement de centre pénitencier pour Lokiri Gootey ? A quel point êtes-vous proche de lui ?

- Je…

En un éclair, un plan, certes peu fiable, vint à l’esprit d’Obelon pour le sortir de cette situation délicate :

- J’étais avec Farros Papriko et le commandant, hem, (c’était comment, déjà ?) Aleister, quand on a coffré ce salaud.

- Ah, je vois. Vous nous avez rendu un sacré service, ce jour-là, tous les trois. Dites-moi, c’est vrai ce qu’on dit sur le commandant ? Comme quoi il aurait pété un plomb pendant l’interrogatoire de la bonne femme de Lokiri ?

- Je vous donnerai tous les détails que vous voudrez une fois que vous m’aurez laissé voir cette crapule. P’t’être bien que j’ai assez d’info sur le commandant pour que vous le fassiez tomber… Qui sait, p’t’être même que ça vous vaudra une belle prime…

- Bon, allez, vous m’avez l’air clean, de toute façon. Mais faites vite, j’ai pas envie de me faire choper.

- Je serai rapide, vous en faites pas.

Le geôlier lui ouvrit la porte menant aux cellules, ouvrant vers un escalier sombre en colimaçons, éclairé çà et là par les petites fenêtres barreaudées qui donnaient sur le ciel gris de Shell-Town. « On peut difficilement faire plus cliché que ça. » grommela Obelon dans sa barbe inexistante.

Plus il s’enfonçait vers les étages inférieurs, plus les murs, d’abord impeccables, commençaient à se couvrir de moisissure. « C’est au bout du couloir. » lui indiqua le geôlier avant de tourner des talons. Le cœur d’Obelon, contre sa volonté, se mit à battre la chamade. Il était incapable de dire depuis combien de temps il n’avait pas vu son enfoiré de père.

Il s’avança doucement, ignorant les remarques désobligeantes des ordures qui peuplaient les cellules de l’étage. Il finit par s’arrêter devant une cellule, où une silhouette imposante lui tournait le dos, occupée à gratter le mur à l’aide d’une pierre :

- Ça pue la pourriture par ici. Et la pisse.

- C’est pas à moi que vous apprendrez ça…

Il se retourna, et son regard s’arrêta sur la mèche rose qui tombait sur le front d’Obelon :

- F-Fiston ? C’est bien toi ?

- Ne m’appelles pas comme ça.

- Tu as bien grandi. En revanche, je vois que ton caractère n’a pas changé.

- Ferme-la ! Je refuse de t’entendre parler comme si de rien n’était, comme si tu avais jamais été un père pour moi.

- Désolé.


Le temps sembla s’arrêter l’espace d’un instant. Tout se mélangeait dans la tête d’Obelon, ses oreilles se mirent à bourdonner furieusement avant de s’arrêter à leur tour. Il passa ses bras à travers les barreaux, attrapant Lokiri au col, sa tête venant se coller brusquement contre les barres de métal :

- Arrête de jouer.

- Quel courage, Obelon. Tu es tellement plus fort que ton vieux père, à présent. Malade et coincé dans une cage…

- La ferme ! N’espère pas créer chez moi une quelconque pitié pour toi.

- Oh, je sais bien que c’est impossible. Tu as toujours eu un cœur de pierre. Ça rendait ta mère si malheureuse…


- Ne t’avise pas de parler de maman.

- Ton frère, lui, c’était un bon garçon. Si gentil avec moi. Un peu naïf, certes. Heureusement que tu étais là pour le protéger et l’empêcher de faire des conneries. Tu n’es plus avec lui ?

- Il a pris la mer y’a un an, pour suivre tes traces.


- Tiens-donc. Comme c’est adorable. M’est avis qu’il fera jamais un centième de ce que j’ai accompli, mais pourquoi pas.

- C’est ça, sois fier des atrocités que tu as commises. Sache que Rihz vaut bien mieux que toi.

- Bah alors, pourquoi est-ce que c’est moi que tu es venu voir dans ce cas ?

- Je… C’est que…

- Le pauvre doit être complètement perdu sans son petit frère pour veiller sur lui…

Obelon tremblait de rage. Il lâcha le col de son père et, d’un mouvement vif, frappa le mur, manquant de peu de s’éclater les phalanges. Il se tint le visage, des larmes de frustration lui montant aux yeux. Il tendit le doigt vers Lokiri, les mains et le visage souillés de sang : « T-Tu sais quoi ? C’est vraiment plus la peine que je me pourrisse la vie à me soucier de ce qu’il t’arrive, maintenant que je sais que tu vas finir tes jours dans ce trou à rat. Quant à Rihz, je crois que t’as raison. Je ferais bien de le retrouver et lui faire comprendre une bonne fois pour toute que t’es pas un exemple à suivre. ».

Sur ces mots, il jeta un dernier regard à son père et se dirigea vers les escaliers, bien décidé à ne plus jamais voir ce visage de toute sa vie. Un écho résonna derrière lui :

« Content d’avoir pu t’aider ! Je suis sûr que ton grand-frère sera très heureux de te revoir ! ».
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Farros et Mogla furent accueillis par un groupe de soldats, qui leur indiquèrent où se rendre pour aller enfiler les uniformes qui allaient leur être prêtés. Mogla fut contrainte de se séparer du Cabot pour rejoindre les vestiaires des femmes, un peu plus loin, et ne manqua pas de faire une blague salace pour mettre le jeune homme mal à l’aise au passage.

Farros entra dans les vestiaires des hommes, accompagné par les esclaffements des marines. Il enfila les vêtements qui lui avaient été prêtés et dont l’odeur, à sa grande surprise, n’avait pas anéanti son odorat canin. Il s’agissait de la tenue classique d’un soldat de base. Casquette et chemise blanche, pantalon et bandana bleu – qu’il troqua à contrecœur avec son bandana ocre – et une paire de bonnes grosses chaussures noires.

Autour de lui, certains commençaient déjà à se faire remarquer. Deux en particulier, une grosse brute à l’air patibulaire, qui se prenait la tête avec un garçon nonchalant qui lui répondait par un regard noir.

Les deux candidats:

Farros, quant à lui, s’amusait de la situation, et se contentait de rire, tout en serrant les lacets de son énorme paire de bottes. Ce détail n’échappa pas au plus imposant des deux, qui s’approcha de lui :

- Hep, toi, là. On dirait que tu t’amuses bien.

- Ouaif, et comment ! J’suis super content d’avoir une chance d’entrer dans la marine, et voir que je suis pas le seul à avoir le sang qui bouillonne, ça me booste encore plus.

- Ah, tu veux de l’adrénaline ? Je peux t’en donner, si t’en as tellement envie.

Le Cabot n’eut pas le moindre mal à esquiver le coup de poing qui venait d’être lancé dans la direction de son visage. Il l’avait senti venir, et de loin. La main du balourd vint terminer son voyage dans le mur du vestiaire. Farros se contenta de lever les yeux vers lui, son sourire dévoilant ses canines : « J’adore me battre, moi aussi ! Je suis sûr qu’on en aura l’occasion un peu plus tard ! ». Ils furent coupés dans leur altercation par l’un des soldats : « Allez tout le monde, on se dépêche, venez récupérer des armes et allez vous positionner dans la cour, le lieutenant-colonel Paddington va superviser la séance de recrutement. Tâchez de vous montrer respectueux ! ».

Farros se leva, tapa sympathiquement sur l’épaule de sa nouvelle connaissance et s’empressa de faire comme le marine l’avait conseillé. On lui confia un fusil à longue portée, un pistolet à une main et un sabre. Les armes à feu étaient, évidemment, dépourvues de munitions pour l’instant.

Le jeune homme alla se placer avec le reste du groupe dans la cour, sous la pluie battante. Un homme d’âge mur, le crâne lisse et arborant une fière barbe noire, se tenait face à tout le monde, droit comme un piquet. Il devait s’agir là du lieutenant-colonel Paddington. Farros le connaissait de nom, il était plutôt connu sur l’île, et avait la réputation d’être un excellent soldat. Le Cabot prit place à côté d’un jeune homme du même âge, qu’il ne reconnut pas sur le coup :

- Bon, ils vont nous faire poireauter encore longtemps, ces imbéciles ? Ils voient pas qu’il pleut comme vache qui pisse ?

- Mmmhh ? Qu-

Farros eut un choc en réalisant de qui il s’agissait :

- Obelon ?! Mais qu’est-ce que tu fous ici ? T’es pas parti visiter les cellules ?

- Si, si. Et justement, ça m’a fait me rendre compte que la marine a bien besoin de nouvelles recrues. Parce que, crois-moi, ceux qui occupent les postes en ce moment, c’est pas des flèches.

- Eh ben, on sera trois, tant mieux ! Plus on est de fous plus on rit, herf herf.

- Attends, Mogla s’engage aussi ? Manquerait plus qu’on lui refile un grade supérieur au nôtre, ça lui donnerait une raison de plus de nous donner des ordres…

Ils furent interrompus dans leur discussion par l’arrivée de Mogla à leur côté et par le début du discours du lieutenant-colonel : « Bien ! Tout d’abord, je vous remercie d’être venus si nombreux à cette séance de recrutement exceptionnelle, malgré le temps. Comme vous le savez certainement, la marine a grandement besoin de nouvelles têtes, surtout les récents événements du port avec le passage du pirate Genkishi. Cependant, et que ça vous reste bien en tête, cela ne veut pas dire qu’il vous sera aisé de rejoindre nos rangs. Ce dont nous avons besoin, c’est de soldats disciplinés et prometteurs, prêts à perpétuer la renommée de la 153ème division et celle du colonel Pal Véhachez. Les épreuves commenceront donc d’ici dix minutes, vous serez notés sur cent pour chacune d’entre elles. Nous commencerons par l’épreuve de connaissances, ensuite l’épreuve de tir, puis celle de corps à corps, et enfin par celle de parcours. Bien, rompez, futures recrues, à dans dix minutes. ».


Dernière édition par Farros le Jeu 02 Jan 2020, 15:24, édité 2 fois
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Ils commencèrent donc par le test cognitif, qui s’avéra d’une facilité difficilement contestable. Il visait surtout à s’assurer que chacun des candidats était bien pourvu d’un cerveau en état de marche. « Même un débile fini serait capable d’avoir au moins la moyenne », comme n’avait pas manqué de le souligner Obelon. L’épreuve consistait en un enchaînement de questions du style « Quel est le premier réflexe à avoir face à un pirate armé ? », « Que choisiriez vous entre la gloire et la sécurité du gouvernement mondial ? » et autres banalités du genre. Le Cabot remarqua que son camarade la grosse brute s’arrachait les cheveux pour y répondre.

Cette grosse brute, c’était Wattu, son prénom. Il l’avait clamé après une petite période d’hésitation durant l’appel qui avait eu lieu dans la cour. Il était le fils d’un pêcheur de Shell Town, où il avait grandi depuis sa tendre enfance. Curieusement, Farros ne se rappelait pas l’avoir jamais croisé à l’école. Le second, plus frêle, avec son regard sombre, s’appelait Sappo. Lui était resté assez vague sur son passé, mais avait expliqué venir de South Blue, où il avait vécu jusque-là de petits boulots.

De tous, c’est Mogla qui obtint la meilleure note, suivie de près par Obelon, Farros et Sappo. Ils enchaînèrent avec la deuxième épreuve, à savoir les compétences en maniement des armes à feu. Alors que Mogla brillait une fois de plus, particulièrement avec les pistolets à courte portée, Farros et Obelon, quant à eux, se montraient étonnamment mauvais dans cet exercice. Le Cabot manqua de peu l’arrière-train de l’un des concurrents en visant un mannequin de paille, et son acolyte fut si frustré de ne pas atteindre sa cible qu’il finit par détruire l’arme qui lui avait été confiée. Même Wattu s’en était mieux sorti. Néanmoins, celle qui avait battu tous les records était une grande fille élancée et à la chevelure bleue, qui maniait l’arme comme si elle le faisait depuis sa naissance. C’est donc sans surprise qu’elle se retrouva en tête du classement, suivie par Mogla, et bien devant les deux tireurs du dimanche.

La tireuse hors-pair:

Le déroulement de l’épreuve de corps à corps fut tout autre. Chacun eut le choix de son arme, la plupart optant pour le sabre qui leur avait été confié initialement. Farros troqua le sien contre un bâton de combat, provoquant quelques haussements de sourcils intrigués. Il se retrouva d’abord, comme prévu, face à Wattu, rouge de rage, se frottant le poing. L’occasion rêvée de tester de nouvelles techniques. Après avoir fait quelques moulinets d’échauffement avec ses bras, Farros se lança à l’assaut de son adversaire, tenant son bâton de combat horizontalement, dans sa direction. En pleine course, le Cabot prit sa forme hybride pour être le plus léger possible tout en gardant une accroche sur son arme et se propulsa dans les airs, comme un athlète faisant du saut à la perche. Quand il se trouva au-dessus de son opposant, il reprit sa forme humaine, son poids l’attirant inévitablement plus rapidement vers le sol ou plutôt, dans le cas présent, dans la face de Wattu.

Intrigué, le lieutenant-colonel Paddington s’approcha de Farros : « Un détenteur des pouvoirs d’un fruit du démon, hein ? Je dois avouer que je ne m’attendais pas à en rencontrer un aujourd’hui. Dites, je commence à rouiller, avec l’âge. Vous accepteriez de vous mesurer à moi, que je me fasse une idée du niveau de la nouvelle génération ? Ne vous en faites pas, je serai indulgent… Ou peut-être pas. ».

Farros, d’un coup de manche, essuya la bave qui avait commencé à couler de sa bouche – l’un des désavantages du pouvoir du fruit du canidé – et se tourna vers son interlocuteur : « Avec plaisir, monsieur. Je le sens bien, ce combat, herf herf. ».


Dernière édition par Farros le Jeu 02 Jan 2020, 16:43, édité 1 fois
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Paddington se tenait face à Farros, a posture fière et droite. Chacun se déplaçait, formant des arcs de cercle en attendant que l’un d’entre eux se décide à se lancer dans le combat. De prime abord, le Cabot avait du respect pour cet homme. Il semblait prendre sa tâche très au sérieux et donner une réelle importance à la protection des citoyens de Shell Town.

Au bout d’un moment, le lieutenant-colonel se décida à se lancer : il fonça avec une vitesse étonnante pour son âge respectable et tenta un crochet, qui fut stoppé par le bâton de Farros. Le combat continua ainsi un moment, Paddington enchaînant les coups alors que le jeune homme se contentait de les contrer ou de les éviter.

Alors que sa respiration commençait à s’accélérer, le marine marqua un temps de pause et le fixa droit dans les yeux :

- Dis-moi, pourquoi te retenir face à moi ? Tu as peur que je te mène la vie dure si jamais tu réussis à placer un coup ?

-

- Tu… Tu as pitié, c’est ça ? Je reconnais ce regard ! BAHAHAHA, voilà une sacrée insolence, gamin ! Allez, donne-toi à fond, que je te montre qui est le…

Farros ne l’obligea pas à continuer sa tirade bien longtemps. Sous sa forme hybride, il s’élança en sa direction et, d’un seul coup de pied bien placé, lui coupa le souffle : « Est-ce qu’on peut continuer la sélection maintenant, m’sieur ? ». Plié en deux, allongé sur le sol, le lieutenant-colonel Paddington posa son regard sur lui. Il avait les larmes aux yeux, ce qui aurait certes pu être de l’émotion, bien que cela fut difficile à déterminer puisque celui-ci toussait de manière incontrôlable : « Oui, oui. Je pense que vous avez prouvé ce dont vous étiez capable en matière de combat. ».

Sans surprise, Farros domina le classement de l’épreuve de corps-à-corps, suivi par Mogla. Obelon, qui avait choisi de se battre avec un marteau, s’était plutôt bien débrouillé lui aussi, et arrivait en quatrième position, devant Wattu.

Tous furent soulagés lorsque midi sonna et qu’une pause bien méritée les attendait à l’intérieur de la cantine militaire, à l’abri de la pluie battante qui n’avait cessé de tomber jusque-là. Sur une décision de Paddington, l’épreuve de parcours était reportée au début d’après-midi, histoire de laisser à chacun le temps de se remettre de ses émotions.

Une fois s’être servi du ragoût auprès des membres du personnel cuisinier de la cent-cinquante-troisième division, Farros s’installa avec Mogla et Obelon, assis à la table de la jeune femme aux cheveux bleus qui avait brillé lors de l’épreuve de tir. Mogla et elle s’esclaffaient bruyamment alors que Obelon grommelait des noms d’oiseau :

- Tiens, voilà notre deuxième tireur d’élite ! lança Mogla.

- Très drôle, Mogla. On verra si tu fais autant la maline pendant le parcours, herf herf.

- C’est vrai qu’avec ton fruit, ça devrait être facile pour toi, à condition de pas avoir un mur à escalader, s’amusa la jeune femme à la chevelure bleue. Moi c’est Jay, au passage.

- Salut, Jay. Je m’appelle Farros, répondit le jeune homme en se grattant la tête.

- En attendant, au corps-à-corps, il t’éclate la gueule, intervint Obelon.

Farros se retourna vers son camarade, ahuri : c’était bien la première fois que celui-ci prenait sa défense. C’est fou ce qu’un ego blessé pouvait faire dire aux gens :

- Peut-être bien, ouais, je dois l’avouer. Mais bon, c’est pas très important puisque je l’aurai tiré comme un lapin avant qu’il ne m’atteigne, fit-elle avec un sourire moqueur en regardant Farros.

- Sale garce, vous vous êtes bien trouvées, Mogla et toi.

Le Cabot, quant à lui, ne réagit pas à la pique. Il se contenta de sourire et de s’attaquer à son ragoût silencieusement. Obelon le fixa en plissant les yeux : « Ça te ressemble pas, ce manque de répartie, gros naze. T’as intérêt à bien représenter notre équipage pendant la prochaine épreuve. Qu’elle ferme son clapet… Non mais quelle garce, j'te jure. ».

Se faire qualifier de gros naze rassura le jeune homme. Entendre un compliment de la part de son compagnon de route l'avait rendu très inquiet. Il devait être sacrément perturbé pour faire une chose pareille.
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Malheureusement pour eux, la pluie n’avait pas cessé de tomber. Elle semblait plutôt avoir doublé sa cadence infernale. Face à eux se dressait le parcours minutieusement pensé par la garnison de Shell Town. La terre transformée en boue n’était qu’une petite difficulté supplémentaire, un petit bonus qui ne manqua pas de provoquer des réactions enthousiastes de la part d’Obelon.

Paddington se positionna devant l’ensemble des participants, portant bien haut la voix : « Bien ! Nous voilà donc arrivés à la dernière épreuve de cette session exceptionnelle de recrutement. Comme je l’ai dit plus tôt, il s’agit d’un parcours parsemé d’obstacles. En ce qui concerne les points, c’est simple : le premier obtiendra la note maximale, le dernier la note minimale. Est-ce que c’est clair pour tout le monde ? ». Une acclamation affirmative vint répondre à cette dernière question tandis que chacun commençait à prendre position.

Farros commença à analyser ce qui l’attendait : le parcours commençait par un tapis de barbelé sous lequel il fallait ramper, suivi d’un mur d’au moins dix mètres, puis par une sorte de bassin où seuls quelques plateformes permettaient un passage qui ne nécessitait pas de plonger. Pour terminer, une ligne droite de terre battue d’environ cent mètres menait à la ligne d’arrivée. Le sifflement annonçant le début de l’épreuve le sortit de ses pensées, et le Cabot démarra avec une demi-seconde de retard.

Heureusement pour lui, le premier obstacle ne représentait aucun soucis pour lui : alors que les autres peinaient à ramper, la face dans la boue, Farros se contenta de prendre sa forme de corgi et de courir en baissant légèrement la tête. Wattu, qui avait forcé sur le ragoût, semblait avoir beaucoup de mal à se glisser et poussait des grognements de frustration intense, provoquant par la même occasion un bouchon pour ceux qui comptaient passer après lui.

Le deuxième obstacle, en revanche, constituait un plus grand problème. Cette fois, son fruit ne lui servirait à rien, il valait même mieux pour lui de reprendre sa forme humaine : il aurait plus de chance du haut de ses un mètre quatre-vingt-dix. Des galets dépassaient çà et là du mur, permettant de l’escalader.

Seulement, avec ce temps, ceux-ci étaient particulièrement glissants. Bien que difficilement, il parvenait à s’approcher du sommet et était sur le point d’en venir à bout. S’il se débrouillait relativement bien, il finit par se faire dépasser par l’agile et légère Mogla qui se hissa en haut du mur en un claquement de doigts.

La surprise fit lâcher prise à Farros, qui manqua d’agripper l’un des galets. Il se serait probablement écrasé par terre si son amie n’avait attrapé son bras à la dernière minute : « Ben alors ? Besoin d’un coup de main ? » fit-elle en arborant son sourire moqueur. « Merci. », fit Farros alors qu’il s’attelait à descendre de l’autre côté. Cet obstacle l’avait fait prendre du retard et les plus rapides de ses concurrents commençaient à rattraper leur retard. Obelon, Jay, Sappo et quelques autres ne tardèrent pas à passer le mur.

Tous couraient côte à côte, sautant de plateformes en plateformes pour éviter de finir plus trempés qu’ils ne l’étaient déjà. Un grand « PLOUF » derrière lui attira l’attention de Farros. En jetant un rapide coup d’œil, il vit la tête d’Obelon sortir de l’eau alors que Jay continuait de courir d’un air amusé. Après un bref moment d’hésitation, Farros se décida à faire demi-tour pour lui apporter son aide. Il lui tendit un bras salvateur qui reçut la réponse suivante : « T’approche pas de l’eau, imbécile ! C’est de l’eau de mer ! Si jamais tu tombais là-dedans je serais bien embêté pour t’en sortir. Tu ferais mieux de te bouger pour éviter que ces deux garces finissent avant toi. Surtout Jay… Mais pour qui elle se prend celle-là… ».

Le Cabot eut du mal à se retenir de rire mais prit compte du conseil d’Obelon et se concentra à nouveau sur l’épreuve. Il redoubla d’efforts pour prendre de la vitesse et ne mit pas longtemps à passer cet avant-dernier obstacle. Il avait pris un peu de retard, et Mogla, Jay et Sappo l’avaient rattrapé, s’afférant désormais à prendre de la vitesse dans la dernière ligne droite.

Farros se dit qu’il pouvait être adéquat de faire de même. Presque instinctivement, il prit une fois de plus sa forme canine et commença à prendre une vitesse folle qui lui permit de dépasser Sappo quasi-immédiatement. Il ne se serait jamais douté qu’un si petit chien puisse prendre autant de vitesse. Il dépassa Jay à mi-chemin, se trouvant désormais en deuxième position derrière Mogla. Seulement, celle-ci s’approchait dangereusement de la ligne d’arrivée.

Il laissa échapper un aboiement qui l’étonna lui-même. A son grand étonnement, l’adrénaline lui permit de rattraper Mogla qui lui jeta un regard en coin. L’arrivée n’était plus qu’à une dizaine de mètres désormais, et Farros ne parvenait pas à prendre plus de vitesse. Mogla non plus d’ailleurs. Ils passèrent en même temps la ligne d’arrivée, suivis directement par Jay et, au grand étonnement du Cabot, Obelon puis Sappo :

- Bien joué Ob’. Comment t’as fait pour rattraper ton retard ?

- C’est pas une flèche, Sappo. J’aurai même pu arriver juste après Mogla et toi si certaines personnes ici n’avaient pas saboté mon parcours.


- Roooh, c’est quand même pas de ma faute si tu te laisse distraire par le moindre clin d’œil, regarde où tu marches, la prochaine fois ! lui répondit Jay.

- J-Je… Si tu crois qu-que… ! Alors là ! Non mais vous avez entendu ça ?

- En tout cas, Farros et Mogla, je dois m’avouer vaincue, sur ce coup-là. Comme quoi, ça a ses avantages de pouvoir se transformer en caniche.

- En corgi.

- A force de courir après ces deux têtes de nœud, j’ai pris l’habitude, tu sais, conclut Mogla en riant.

C’est Wattu qui boucla l’épreuve en dernier, le dos ensanglanté et parcouru par la trace des barbelés. Décidément, la finesse n’était pas son point fort, il avait probablement conclu que le passage en force était la meilleure solution, comme le témoignaient les quelques morceaux de barbelés qui étaient restés attachés à ses vêtements.

Le lieutenant-colonel s’approcha pour prendre la parole une fois de plus : « Bien, bien. Félicitations à tous d’avoir passé les épreuves qui vous ont été proposées. Elles n’étaient pas simples, je les avais d’ailleurs pensées moi-même, ha, ha, ha… Enfin, finissons-en vite pour que vous puissiez rentrer chez vous, à l’abri de cette pluie démentielle. Vous serez tous contactés par courrier dans les jours qui viennent une fois que nous aurons étudié vos résultats. Nous avons cependant déjà déterminé les quatre premiers du classement général et aimerions les prendre à part un moment. Bien, laissez-moi consulter la liste rapidement… Je vais donc les énumérer, du premier au cinquième. J’aimerais que Kurasuno Mogla, Papriko Farros, Blau Jay, Appo Sappo et Gootey Obelon viennent me voir. ».
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On laissa un moment à Farros et aux autres pour se doucher et enfiler des vêtements propres, avant de les retrouver devant les vestiaires pour les guider vers le bureau du colonel. Paddington paraissait assez nerveux, ce que ne manqua pas de relever le Cabot, qui avait le nez pour ça. Il ignorait pourquoi, cela dit. A priori, la situation n’était pas prompte à créer le moindre stress chez lui : il n’y avait aucune raison apparente. Peut-être le colonel était-il du genre autoritaire ?

Il revit très vite son analyse lorsqu’il mit les pieds dans le bureau. Le colonel, en revanche, avait quant à lui les pieds sur son bureau, les paupières fermées. C’était un homme de taille moyenne, au teint mat et aux cheveux bouclés et dont Farros reconnut immédiatement l’odeur caractéristique. La dernière fois qu’il avait senti un parfum aussi fleuri, c’était lors de son passage au Sultanat de Pétales, qui avait d’ailleurs bien mis son odorat à l’épreuve. Paddington toussa pour signaler leur présence au colonel, et son léger accent pétaliscain confirma les soupçons de Farros :

- Ah ! Bonjour, messieurs dames ! Je faisais une petite pause dans mon travail. C’est véritablement éreintant, ces derniers temps. Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?

- Arf…

- C’est que…

- Monsieur, il s’agit des cinq majors de la session de recrutement extraordinaire.

- Ah, oui, bien sûr. Je me présente, colonel Pal Véhachez. Eh bien, vous me voyez ravi de vous rencontrer. Bon, euh. Oui. Bien, bien, bien.

- Les entretiens, monsieur.

- Oui, bien sûr ! Les entretiens. J’aimerais parler à chacun d’entre vous tour à tour de ce qui vous motive à intégrer la marine. Mais avant ça, je dois échanger rapidement avec Paddington au sujet de vos résultats aux épreuves.

Il serra rapidement les mains de chacun d’entre eux, tout en paraissant avoir la tête ailleurs, les guidant vers la porte par la même occasion. Tous se toisèrent avec un regard abasourdi :

- Eh ben, sacré personnage, commenta Mogla.

- Il a des troubles de l’attention ou quoi, ce type ? renchérit Obelon.

- J’aimerais bien savoir ce qu’ils sont en train de se dire là-dedans.

- C’est clair.

Il y eu un petit silence, puis Sappo, dont on n’avait pas entendu la voix jusque-là, ajouta : « Y’a bien un moyen. Il me semble que les chiens ont une meilleure ouïe que les humains, non ? ». Tous tournèrent la tête vers Farros, les coins de leurs lèvres s’étirant machinalement vers le haut dans une terrifiante synchronicité. Le Cabot recula d’un pas :

- S-Sérieusement ? Pour une fois qu’on entend ta voix, c’est pour me proposer d’espionner notre futur potentiel supérieur ?

- Qui a parlé de proposition ? intervint Mogla.

- Allez, Farros, j’suis curieux de voir ce que le vieux a à dire. Est-ce qu’il va parler de la raclée que tu lui as flanquée, à ton avis ?

Le jeune homme devait bien avouer qu’il était tenté. Et puis, visiblement, ce n’était pas comme s’il avait le choix, de toute façon. En plus, c’était l’occasion parfaite de tester ses nouvelles facultés. Il s’installa, assis en tailleur sous sa forme hybride, et se concentra, faisant signe à ses camarades de se taire. Le son qui lui parvenait était relativement difficile à percevoir, mais il parvint à entendre des bribes de dialogue :

« Paddington, j’ai bien peur que nous nous trouvions dans une situation de plus en plus délicate. »

« Colonel, justement, concernant le pro-… »

« … ces deux agents… ajoutons à cela les habitants de Shell Town qui sont sur les nerfs depuis le passage de ce foutu pirate par le port… Voilà que je dois encore m’occuper des recru-… »

« On risque gros… »

« Bon, que je puisse plier ça rapidement… Des profils intéressants ? »

« …- du démon, et s’en sert plutôt très bien. »

« … excellente tireuse… »

« … sabreuse impressionnante… »

« … sale caractère, mais très bon élément… »

« une capacité de concentration hors du commun »

« … compris. Finissons-en rapid-… ».

Farros reprit sa forme humaine pile à temps pour ne pas se faire prendre en plein vice par les deux gradés. Véhachez ouvrit la porte, arborant un sourire de façade : « Bien, Appo Sappo, je vais commencer par vous, si vous voulez bien. Entrez, je vous prie. ». Aussitôt la porte refermée, tous les regards se portèrent à nouveau sur le Cabot :

- Alors ? T’as réussi à entendre quelque chose ? l’interrogea Jay.

- Pas grand-chose. J’ai seulement réussi à percevoir quelques mots. On dirait qu’il parlait très bas. J’ai bien entendu quelques mots nous concernant à la fin, mais la plupart de ce que j’ai réussi à percevoir n’avait ni queue ni tête. Ils avaient l’air… inquiets.

- Tant qu’ils sont pas inquiets concernant nos compétences, moi, ça me va, lança Jay.

- Va falloir que tu bosses sur les capacités de ton fruit si tu veux que ce soit d’une quelconque utilité un jour, Farros.

- Arf, la ferme, Ob’.

Au bout de quelques minutes, Obelon fut appelé à son tour par le colonel Véhachez. Se fut ensuite le tour de Jay, etc. Pour une raison qu’il ignorait, Mogla fut appelée avant lui. Sans s’en rendre compte, il s’était assoupi, aussi se réveilla-t-il en sursaut lorsque son tour fut enfin arrivé : « Monsieur Papriko, si vous voulez bien entrer. ».
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Le colonel Pal Véhachez se réinstalla à son bureau, fixant le plafond d’un air détaché. Farros, quant à lui, s’approcha, ne sachant pas vraiment comment réagir. De plus, les bribes de conversations qu’il avait pu percevoir l’avait quelque peu déstabilisé. Le colonel se mit alors à sourire avec une légère insolence :

- Asseyez-vous, je vous en prie.

- Merci.

- Vous avez certainement dû vous demander pourquoi je vous ai appelé en dernier alors que je m’étais jusque-là entretenu avec vos camarades par ordre croissant en fonction de vos résultats, vous m’en voyez navré.

- Pas de soucis, monsieur.


- Bien, bien. À vrai dire, j’ai décidé de vous garder pour la fin, car je me suis dit que j’allais peut-être prendre plus de temps avec vous. Que cela reste entre nous, hein, mais vous êtes le seul avec qui j’avais réellement envie de converser. On est forcément quelqu'un de spécial, quand on a mangé un fruit du démon, me trompe-je ?

- Ah ?

Véhachez se leva, regardant par la fenêtre, suivant des yeux les gouttes de pluie qui venaient s’écraser contre la vitre. Il semblait toujours avoir l’esprit ailleurs :

- Dites-moi, monsieur Papriko, qu’est-ce qui vous a donné envie de rejoindre la marine ? Vous pouvez être honnête avec moi.

- Eh bien… ça peut paraître bête, mais, j’ai réalisé récemment que je n’ai jamais pu m’empêcher d’aider ceux qui m’entourent, ce qui m’a parfois mené à des situations plutôt délicates. Et, en fait… Je crois que j’ai envie d’en faire mon métier.

- Des situations délicates, on peut dire ça, oui. C’est vous qui aviez contribué à l’arrestation du capitaine Lokiri Gootey n’est-ce pas ? Le commandant Volkof n’a pas manqué de me faire part de moulte éloges à votre sujet.

- C’est vrai ? Vous avez des nouvelles de lui ?

- Il est en mer, en ce moment. Toute information complémentaire est confidentielle, évidemment.  Revenons-en à vous. Certains de vos camarades ont affirmé faire partie de votre équipage, est-ce exact ?

- Mogla et Obelon ? Euh…

- C’était donc vrai ! Vous êtes un leader dans l’âme, hein ?

- Arf, je sais pas si…

- Qu’est-ce qui vous a poussé à poursuivre Gootey ?

Le colonel avait balancé cette question si soudainement, comme s’il cherchait volontairement à déstabiliser Farros :

- L’injustice m’insupporte. Et pour être honnête, un pourriture pareille, ça me débecte.

- Ah ?

Pour la première fois depuis le début de l’entretien, Véhachez posa son regard sur lui, et son sourire sembla s’étendre un peu plus :

- C’est amusant, vous me rappelez d’anciens collègues. Cette haine sans borne de l’injustice, cette envie de sauver la veuve et l’orphelin… Ce que c’est poétique, ha, ha.

- Je…

- Ne vous en faites pas, je ne suis pas en train de me moquer de vous. Au contraire, je suis assez jaloux. Ce sens de l’honneur, cette bienveillance, je n’ai jamais vraiment réussi à y porter un très grand intérêt. C’est assez embêtant, dans ce corps de métier. Dites-moi simplement…

Passant les bras derrière la tête, les pieds sur la table, il continua d’un ton nonchalant :

- Si vous détestez à ce point Lokiri Gootey, pourquoi avoir choisi de faire équipe avec son fils ?

-

- Vous avez l’air étonné ! Vous vous doutez bien que c’est le genre de choses qui n’échappent pas à un haut-gradé de la marine ! Ne vous en faites pas, cependant. Vous êtes bien tombé. Je crois de tout mon cœur en la rédemption. D’ailleurs, il n’y a pas de raison que quelqu’un paye pour les crimes de ses ancêtres, n’est-ce pas ?

- En effet.

- Bien sûr, on peut se dire que ça paraît louche toute cette affaire. Le fils qui rejoint la marine peut de temps après l’arrestation de son père… Évitons de l’assigner au service pénitencier de Shell Town !

- Obelon n’est pas comme vous le pensez.

- Oh, mais je n’en doute pas ! La vraie question est, est-ce que vous, vous en doutez ? Seriez vous prêt à vous porter garant par écrit de sa bonne conduite, quitte à risquer vos éventuelles perspectives d’avenir au sein de la marine ?

- Oui.

Véhachez se redressa et l’observa d’un air étonné, sans jamais quitter son sourire narquois :
« Voilà une réponse bien rapide. Soit, je pense que nous pouvons nous arrêter là. Au vu des entretiens, je crois bien que vous avez le profil le plus intéressant que j’ai pu voir aujourd’hui. Que j’ai pu voir depuis un moment d’ailleurs. Dommage que vous partagiez la naïveté héroïque de certains de mes collègues… Je vous taquine, ha, ha, ha. »

Le marine fit de la place sur son bureau et commença à gribouiller quelques notes sur un papier avant de se lever et de se diriger vers Farros :

- Une dernière question : par quelle branche de la marine seriez-vous intéressé ?

- Je me suis un peu informé, et je pense que c’est la marine régulière qui m’intéresse.

- Je vois… C’est noté. Vous m’excuserez, mais je suis très occupé en ce moment, et je risque bien de mettre un peu de temps avant de statuer sur votre éventuelle intégration à la marine. Vous serez prévenu par courrier durant les jours ou semaines qui viennent à ce sujet, ainsi que concernant l’éventuel grade qui pourrait vous être attribué. Je compte sur vous pour en informer vos camarades.

- Je n’y manquerai pas, monsieur. Aurevoir.

- Aurevoir, monsieur Papriko.



Le Cabot se dirigea vers la porte, perturbé par l’entretien. Il devait bien avouer que ses compagnons avaient raison sur un point : c’était un sacré personnage. Il y avait quelque chose de louche, c’était certain, mais il était incapable de savoir de quoi il pouvait bien s’agir. Alors que sa main se posait sur la poignée, le colonel Véhachez l’interpella une fois de plus : « Vous seriez prêt à aller loin pour vos acolytes, n’est-ce pas ? ».

Encore une question louche qui arrivait comme un cheveu sur la soupe. Farros ne se retourna pas, fronçant les sourcils, puis entreprit de sortir de la pièce :

« Je serais prêt à tout pour eux. ».
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